Équilibre
Le Conseil avait posé les yeux sur Doremi et Ahsoka. Leur mission d’observation sur Coruscant avait été un succès, certes, mais leur proximité croissante éveillait des soupçons. Et dans l’Ordre Jedi, l’attachement était une ligne rouge que nul n’était censé franchir.
Doremi, troublée, chercha des réponses auprès de Mace Windu. Ils se retrouvèrent dans la salle d’entraînement vide du Temple. Le Maître Jedi, les bras croisés, observait la jeune Padawan avec une attention glaciale.
-L’attachement mène à la jalousie. La jalousie est un chemin vers la souffrance, dit-il d’un ton ferme.
-Mais pourquoi ? demanda Doremi. Pourquoi est-ce que ressentir… de la tendresse pour quelqu’un devrait être un danger ? Et les Maîtres ? Ne ressentent-ils rien pour leurs apprentis ?
Windu s’approcha lentement.
-Parce que lorsque tu tiens à quelqu’un plus qu’à la mission, plus qu’à la Force elle-même, tu deviens vulnérable. Tu pourrais faire des choix… irrationnels. Dangereux. Le destin d’un Jedi est de servir tous les êtres vivants. Pas un seul.
Doremi baissa les yeux, les poings serrés. Elle ne voulait pas trahir l’Ordre, pas après que l’Ordre lui ait offert une vie nouvelle. Mais au fond d’elle, quelque chose résistait.
Pendant ce temps, Ahsoka cherchait elle aussi des réponses. Elle retrouva Anakin dans un hangar désert, alors qu’il réparait un module de son chasseur.
-Tu es silencieuse, dit-il en levant à peine les yeux. Ce n’est pas ton genre.
-Je pense. À Doremi.
Anakin s’interrompit, la fixa. Il posa sa clé à hydrospanner.
-Et ? Tu veux en parler ?
-Je crois que… je ressens quelque chose pour elle. Ce n’est pas une distraction. Ce n’est pas une faiblesse. C’est… quelque chose de vrai.
Anakin se redressa lentement. Un silence s’installa. Puis :
-Je ne vais pas te mentir, Ahsoka. Je comprends. Plus que tu ne le crois.
Elle haussa un sourcil, presque amusée.
-Tu comprends ? Ou tu fais semblant de comprendre ?
Un sourire amer passa sur le visage d’Anakin.
-J’en sais peut-être plus que je ne devrais. Mais tu connais les règles de l’Ordre. Ce qu’on a le droit de ressentir. Ce qu’on a le droit de dire. Et je pense que cacher tout ça… ça, c’est ce qui ouvre vraiment la voie au Côté Obscur.
-Et toi ? Tu l’as respecté, ce code ? Tu sais de quoi tu parles, ou c’est juste un conseil d’hypocrite ?
Il la regarda longuement. Puis haussa les épaules, le regard fuyant.
-J’ai appris que certains sentiments peuvent nous donner de la force. Et d’autres… nous faire tomber, s’ils nous dévorent. Ce n’est pas l’amour le problème. C’est la peur qu’il engendre.
Ahsoka soupira.
-Je n’ai pas peur d’elle. Je me sens… plus moi-même. Plus calme. Plus lucide.
Anakin hocha lentement la tête.
.
-Alors accroche-toi à ça. Mais sois prête à choisir. Pas entre elle et l’Ordre. Entre ce que tu es… et ce que tu veux devenir.
-Et toi, tu as choisi ?
Il détourna les yeux vers l’horizon, vers les appartements du Sénat.
-Pas encore, dit-il doucement.
Plus tard, Anakin rejoignit Obi-Wan dans un couloir désert du Temple.
-Elle t’a parlé ? demanda Kenobi.
-Oui. Elle ressent quelque chose. Pour Doremi.
Obi-Wan pinça les lèvres.
-Je m’en doutais. Et Doremi ?
-Je crois que c’est réciproque.
Ils marchèrent en silence. Puis Anakin ajouta :
-Ce que je crains, ce n’est pas leur lien. C’est ce que l’Ordre pourrait leur faire s’il le découvre.
Obi-Wan s’arrêta.
-Ou ce qu’il pourrait te forcer à faire.
-À nous forcer tous à faire, murmura Anakin.
Il retrouva Padmé en secret peu après, dans une pièce isolée de la Haute République. Elle l’accueillit en silence, devinant à son regard qu’il portait un fardeau invisible.
-Ahsoka ? demanda-t-elle doucement.
Il acquiesça.
-Elle est comme une petite sœur pour moi. Si l’Ordre découvre…
-… ils feront d’elle une paria, comme ils l’ont fait pour d’autres, acheva Padmé.
Anakin la prit dans ses bras, les yeux clos. Il avait voulu protéger Ahsoka. Mais il savait que dans cette guerre, le danger ne venait pas que de l’ennemi. Il venait aussi des règles inflexibles d’un Ordre incapable d’évoluer.
Et quelque part dans l’ombre, Palpatine écoutait.
Il se tenait dans son bureau, les mains jointes, un sourire glissant sur ses lèvres pâles.
-Ainsi donc… elle n’est pas si différente de lui, murmura-t-il dans le vide.
L’un de ses plans commençaient à prendre forme.