Équilibre
La lumière dorée de l’aube baignait le Temple Jedi. Les couloirs de marbre et de pierre polie résonnaient des pas feutrés des padawans en formation. Certains méditaient en silence, d’autres s’exerçaient au sabre d’entraînement, d’autres encore récitaient les anciens textes de la Force.
Doremi marchait, droite, silencieuse, vêtue d’une tunique beige un peu rigide, sous le regard de nombreux apprentis. Ses cheveux, désormais coiffés avec soin, arboraient une tresse unique, fine mais bien visible, sur le côté droit — celle des padawans.
Elle la sentait comme un fardeau autant qu’un honneur. Comme si chaque brin tressé liait son passé et son avenir dans un nœud qu’elle n’osait pas encore défaire.
Les autres padawans la regardaient avec curiosité. Certains murmuraient à son passage. Une fille aux yeux bleus haussa un sourcil, chuchotant à un Zabrak :
-C’est elle ? L’ex-Sith ?
-L’élève de Windu ? T’as vu sa tresse ? Il lui fait vraiment confiance ?
Un autre garçon, un Twi’lek, la regarda d’un œil mêlé d’admiration et de crainte. Doremi ne répondit pas, mais elle sentait leurs émotions. Le doute. L’envie. La peur.
Pas de moqueries. Pas encore.
Juste un isolement feutré.
L’entraînement avec Mace Windu ne ressemblait en rien à ce qu’elle avait connu sur Serenno.
Avec le Comte Dooku, l’accent avait toujours été mis sur la puissance. Combattre, désarmer, blesser, tuer. Il exigeait la perfection technique. Un pas de travers ? Une punition immédiate. Une hésitation ? Une sanction mentale, parfois physique. Chaque combat était un test.
Chaque mot, une arme.
Windu, lui, n’élevait jamais la voix. Mais sa présence imposait une pression plus lourde encore. Il ne l’entraînait pas à tuer, mais à penser. Et à ressentir.
-Tu as appris à manier un sabre, dit-il calmement, en lui tendant un simple manche en bois. Maintenant, tu vas apprendre à le poser, le seul entraînement physique que tu recevras sera celui que je t’enseigne.
Le matin, elle restait en silence pendant une heure. En tailleur. Les yeux fermés. Il ne parlait pas. Il attendait. Si elle ouvrait les yeux trop tôt, ne serait-ce que d’une secondes, il recommençait depuis le début. Ce n’était pas un entraînement du corps. C’était un combat contre soi-même.
-Tu respires trop vite, disait-il. Tu anticipes l’ennemi alors qu’il n’en a pas. Tu ressens la peur, mais tu la caches. Tu dois l’accepter avant de la dépasser.
Elle transpirait, haletait, parfois tremblait. Et pourtant, ce n’était que de la méditation. Mais cette lenteur, cette introspection… c’était là où résidait la vraie épreuve.
-Le pouvoir sans équilibre n’est qu’un poison, disait Windu. Dooku t’a nourrie à la peur et à la colère. Moi, je t’imposerai le silence et le calme.
Chaque après-midi, ils étudiaient les textes anciens. Doremi devait recopier des passages entiers à la main, les traduire, les commenter.
Elle n’en comprenait pas toujours le sens.
-« Il n’y a pas d’émotion, il y a la paix », lut-elle un jour à voix haute. Puis elle le regarda avec défi. — Je ressens l’émotion. Toujours. La galaxie ressent les émotions. Même les Jedi ressente les émotions. Est-ce que ça veut dire que la galaxie est condamnée aux côté obscur ?
Windu croisa les bras.
-Non. Ça veut dire qu’on es vivant. Mais la paix, c’est de ne pas être gouvernée par ses émotions. On es esclave de nos souvenirs. C’est là le vrai combat.
Le soir venu, Doremi rentrait dans sa petite chambre au cœur du Temple. Elle mangeait peu, dormait mal. Elle rêvait souvent de Dooku. De ses yeux froids. De ses leçons cruelles. De la voix qui disait : Tu n’es qu’un outil. Une arme forgée par la haine.
Mais parfois, elle rêvait aussi de la voix d’Obi-Wan. Ou de celle d’Ahsoka. Ou même du regard de Padmé.
Des lumières, dans l’obscurité.
Un jour, lors d’un exercice de méditation guidée, Windu lui posa une question inattendue.
-Qu’est-ce que tu veux ?
Elle hésita. La réponse jaillit malgré elle.
— Je veux… être libre.
Il hocha lentement la tête.
-Alors il va falloir commencer par te libérer de toi-même.
Et ainsi les jours passèrent.
La Force l’habitait toujours avec la même intensité. Mais Doremi ne cherchait plus à l’utiliser. Elle cherchait à l’écouter.
Et parfois, quand elle croisait un autre padawan dans les couloirs, les regards avaient changé.
Moins de peur.
Un peu plus de respect.