Équilibre
La salle d’audience du Temple Jedi n’avait rien de commun avec les tribunaux de la République. Ni grandiloquence, ni estrades dorées. Juste une pièce circulaire, austère, silencieuse. Au centre, un fauteuil, isolé, éclairé par un projecteur froid.
Doremi y était assise.
Ses poignets n’étaient pas liés, mais ses épaules semblaient enchaînées par la tension. Elle portait une tunique simple, grise, un peu trop grande. Son regard oscillait entre défi et peur contenue.
Autour d’elle, les représentants de toute la République étaient réunis.
Maître Windu, impassible, debout en retrait, les bras croisés, représentait le Conseil Jedi — juge et conscience de l’Ordre.
Le Chancelier Palpatine, dans sa robe sombre, affichait un masque bienveillant, mais ses yeux brillaient d’un éclat presque carnassier. Il représentait la République, et sa voix portait l’autorité du Sénat.
Obi-Wan Kenobi s’était avancé comme défenseur. Sa posture était digne, son visage tendu mais déterminé. Il avait demandé à parler pour elle, à ses risques et périls.
Tarkin, en uniforme impeccable, représentait l’armée, l’ordre, la sécurité. Son regard froid passait sur Doremi comme un scalpel prêt à disséquer.
Padmé Amidala, sénatrice de Naboo, siégeait à une place à part, symbolisant la voix du peuple. Elle tenait un datapad serré contre sa poitrine, mais c’était son regard compatissant qui pesait le plus lourd.
Enfin, le juge Kar Talven, un Bothan âgé et impartial, dirigeait les débats.
Le silence fut rompu.
-L’audience est ouverte, dit le juge. Que le défenseur s’avance.
Obi-Wan s’inclina respectueusement.
-Honorable assemblée, je suis ici pour parler au nom de Doremi. Elle a été formée dans les ténèbres, conditionnée… et pourtant, elle a refusé de tuer. C’est un choix moral, un acte de résistance. Elle mérite qu’on l’entende, non qu’on la condamne à l’oubli.
Tarkin se leva à son tour, d’une voix tranchante :
-Elle a combattu des soldats de la République. Elle a blessé des clones, détruit des équipements militaires et utilisé la Force contre nos troupes. Qu’elle n’ait pas tué n’efface pas son allégeance. C’est une arme Sith. Un projet du Comte Dooku. Une bombe à retardement.
-Une bombe qui a choisi de ne pas exploser, rétorqua Obi-Wan. Le Conseil parle souvent de rédemption, mais la pratique en est une autre. Si Anakin Skywalker avait été jugé à dix ans, aurait-il été accepté ? Cette enfant mérite la même chance.
-Je demande qu’on entende l’accusée, intervint Padmé. Pas ses défenseurs. Elle. Peut-être cela faciliterait la décision.
Tous les regards convergèrent vers Doremi.
Elle se leva lentement. Le silence pesait.
-J’ai été enlevée. Emmenée sur Serenno. J’avais dix ans. Pendant quatre ans, j’ai été brisée, puis reconstruite. Ils m’ont appris à me battre, à haïr, à tuer si nécessaire. Mais… j’ai toujours refusé d’éteindre ma propre pensée. Et j’ai choisi de ne pas devenir ce qu’ils voulaient. J’ai eu peur, oui. Mais j’ai surtout eu honte.
Elle marqua une pause. Sa voix tremblait légèrement.
-Je ne sais pas si je suis une bonne personne. Je ne sais même pas si je peux le devenir. Mais… si vous me donnez une chance, je veux au moins essayer.
Mace Windu garda un long silence. Puis il se leva, imposant, tel une montagne de calme et de pouvoir.
-La Force est puissante en toi, Doremi. Et dangereuse. Le Conseil a longuement débattu. L’Ordre Jedi ne recueille pas les assassins des Sith. Nous formons des esprits libres. Tu n’es ni l’une, ni l’autre. Pas encore. Mais tu as montré une volonté… un potentiel.
Palpatine prit alors la parole, presque avec douceur.
-Une décision précipitée pourrait coûter cher à la République. Je propose un isolement surveillé. Un centre de détention spécial, peut-être au sein du Temple. Ou ailleurs.
Padmé leva la voix.
-C’est une enfant. Pas une arme. Si vous l’enfermez maintenant, elle deviendra ce que vous craignez. Offrez-lui un mentor. Quelqu’un de juste. De sévère, peut-être, mais avec du cœur.
Tarkin grimaça.
-Vous proposez de confier une élève Sith à un Jedi ? Et si elle le tue dans son sommeil ? Quel Jedi serait assez vigilant pour cela ?
Mace Windu intervint de nouveau. Sa voix portait cette fois l’autorité.
-C’est moi qui prendrai cette responsabilité.
Un silence brutal suivit.
-Je la formerai comme ma padawan, déclara-t-il. Il existe déjà des Jedi qui sont tombés du côté obscur et revenus à la lumière. Mais pour cela, il faut les observer. Les guider. Et si elle échoue… j’en prendrai l’entière responsabilité.
Doremi le regarda, surprise. Ce n’était pas de la compassion dans ses yeux, mais une forme de respect. Un lien étrange naissait.
Le juge Kar Talven hocha lentement la tête.
-Ainsi soit-il. Le Conseil entérine cette décision. Mademoiselle Doremi, vous ne serez pas condamnée. Vous serez confiée à la garde de Maître Mace Windu. Votre avenir dépendra de vos actes, non de votre passé.
Le marteau du juge tomba.
— L’audience est levée.
Après l’audience.
Doremi sortit de la salle escortée par Ahsoka. Elle tremblait légèrement.
-Alors… c’est ça, la justice galactique ? murmura-t-elle.
Ahsoka haussa les épaules avec un sourire doux.
-Oui. Et une chance de briller pour la galaxie.
Derrière elles, Mace Windu les suivait à pas lents, tel un gardien silencieux.
Obi-Wan s’approcha brièvement, posa une main sur l’épaule de Doremi.
-Tu as bien parlé. C’était ton premier pas.
-Et si je tombe ?
-On sera là pour t’aider à te relever.
Doremi serra les dents. Son regard croisa celui de Windu.
Elle ne savait pas encore si elle devait le craindre, le haïr… ou l’admirer.
Mais une chose était sûre : elle n’était plus seule dans l’obscurité.