Équilibre
Sur le pont du croiseur Venator, Anakin se tenait devant le projecteur holographique central. Son armure était encore poussiéreuse, son visage marqué par le combat, mais son regard était déterminé.
-Maîtres, nous avons capturé une combattante Sith, annonça-t-il d’une voix ferme.
Autour de lui, les silhouettes bleutées des membres du Conseil Jedi apparurent dans la lumière.
Mace Windu fronça les sourcils.
-Une Sith ? Tu en es sûr, Skywalker ?
-Elle portait un sabre rouge, utilisait la Force et menait les droïdes de front. Mais… elle n’était pas comme les autres. Elle était jeune.
Trop jeune, pensa-t-il.
Obi-Wan apparut à son tour, les bras croisés.
-À quel point jeune ?
Anakin hésita, croisant le regard d’Ahsoka, restée en retrait.
-Quatorze, quinze… peut-être seize ans. Et elle se battait comme si elle avait été formée pendant dix ans… peut-être moins.
Un silence pesa dans la salle holographique.
-Nous devons interroger cette fille, dit Ki-Adi-Mundi. Savoir qui l’a formée. Il est peut-être encore temps de la ramener du bon côté.
Yoda, pensif, tapota sa canne.
-Jeune… mais puissante, elle est. Dangereux, ce mélange peut devenir.
Mace Windu ajouta :
-Skywalker, ramène-la sur Coruscant. Nous l’interrogerons au Temple. Et nous interrogerons aussi ta padawan. Ahsoka, tu l’as affrontée, toi aussi ?
Ahsoka s’approcha lentement de l’image.
-Oui, Maître. Et… je crois qu’elle a hésité. Elle aurait pu me blesser gravement. Elle m’a repoussée, mais pas pour me tuer. Il y a… quelque chose chez elle. Comme si elle ne voulait pas être là, comme si on l’avait poussée à se battre.
Le Conseil échangea des regards. Quelque chose n’allait pas.
-Nous en reparlerons. Mais restez sur vos gardes, conclut Mace Windu.
À peine la communication coupée, un autre hologramme apparut. Plus petit, mais tout aussi solennel. Une silhouette en grande toge, aux traits graves.
-Chancelier Palpatine, salua Anakin, cette fois plus raide.
Le Chancelier afficha un air surpris et préoccupé.
-Une Sith, capturée ? C’est une grande nouvelle, mon jeune ami. Et… inquiétante à la fois.
-Elle est jeune, Chancelier. Trop jeune pour avoir été formée dans l’ombre sans que nous le sachions.
-Peut-être… une orpheline, séduite par Dooku ou par quelque autre agent de la trahison, dit Palpatine avec un soupir. Triste destin, en vérité.
Puis son ton changea subtilement, plus insinuant.
-Mais vous avez bien fait, Anakin.
Très bien. La capturer sans la tuer… une décision rare, sage. Il y a peut-être encore une étincelle à rallumer dans cette âme perdue.
Il marqua une pause, le regard un peu lointain, presque mélancolique.
- Malheureusement, ce genre de choix délicats… revient aux innombrables rouages politiques de la République. Trop souvent, les voix discordantes noient la raison.
Son regard revint vers Anakin, plus perçant.
-Il serait parfois plus simple… plus juste, même… qu’un seul esprit lucide puisse trancher. Pour le bien commun, naturellement.
Il laissa planer un silence. Son regard s’attarda un peu plus longtemps sur Anakin.
-Je serais très curieux d’assister à son interrogatoire. Cela pourrait peut-être la sauver. Tenez-moi informé, voulez-vous ?
-Bien sûr, Chancelier.
L’hologramme s’éteignit. Mais même sans lumière, l’ombre de Palpatine semblait rester là, tapie dans les coins du croiseur.
La cellule était froide et vide. À l’intérieur, Doremi flottait immobile, retenue dans un dispositif anti-apesanteur, avec des bracelets qui l’empêchaient de faire appel à la Force. Les murs étaient durs, gris, et l’atmosphère pesante, comme si même la lumière artificielle doutait de sa place ici.
Doremi avait toujours une lueur de défi dans les yeux, mais quelque part derrière cette façade, il y avait aussi de la peur. Elle n’avait que quatorze ans, et même si elle avait été entraînée depuis quatre ans pour devenir une arme, elle n’était encore qu’une adolescente. La guerre qu’elle avait choisi de mener semblait de plus en plus insensée à mesure que les heures passaient dans cette cellule. Elle entendait les pas des gardes à l’extérieur, leurs murmures dans les couloirs. Mais surtout, elle était seule. Si seule.
Ahsoka Tano se tenait discrètement dans l’ombre d’un corridor, observant la jeune Sith par un petit hublot de la porte. Depuis leur rencontre dans le vaisseau, elle ne pouvait s’empêcher de se poser des questions sur elle. Quelque chose chez cette jeune fille la perturbait.
Peut-être était-ce sa posture, ou son regard intense… mais ce qui frappait le plus Ahsoka, c’était la douceur que Doremi cachait derrière son apparence rude. Ahsoka le sentait.
Le bruit d’une berceuse s’éleva soudainement, faiblement, provenant de la cellule. C’était doux, presque chanté de manière fragile, comme une prière silencieuse. La voix de Doremi semblait enroulée dans une mélancolie qui contrastait tellement avec l’image de la Sith guerrière qu’on lui avait donnée.
Ahsoka tendit l’oreille, fascinée, par les mots d’une langue qu’elle ne reconnaissait pas.
La berceuse semblait apaiser la jeune fille, la maintenir calme malgré les circonstances. Elle n’avait jamais entendu une telle chanson auparavant, mais elle savait qu’elle venait de loin, de sa culture, de sa maison.
Doremi chantait lentement, sa voix claire résonnant contre les murs froids de la cellule :
Minato ga yume o misete kureta
(Le vent montre des rêves)
Furimuita toki ni wa
(Quand je me retourne)
Kokoro wa kaze ni yudane
(Mon cœur est livré au vent)
Yume ga saka o tooru
(Les rêves traversent la colline)
Hoshi ga kagayaku
(Les étoiles brillent)
Unmei ni yudane
(Je me remets à la destinée)
Minato ga yume o misete kureta
(Le vent montre des rêves)
Furimuita toki ni wa
(Quand je me retourne)
Kokoro wa kaze ni yudane
(Mon cœur est livré au vent)
La mélodie était douce, presque envoûtante, remplie de tristesse et de beauté. Ahsoka sentit une vague de chaleur l’envahir. Elle n’avait pas prévu de se laisser attendrir, pas après tout ce que cette jeune fille représentait. Mais quelque chose dans cette chanson la touchait profondément. Peut-être était-ce l’expression d’une jeunesse perdue, ou le son d’une âme brisée essayant de se raccrocher à ce qui lui restait de l’autre côté de la guerre.
Elle ne pouvait s’empêcher de se demander si, sous la froideur et la brutalité de cette guerre, il n’y avait pas encore un petit peu de lumière. Peut-être que cette lumière était là, dans le cœur de la jeune fille qu’elle observait — une lumière qu’Ahsoka avait parfois vue en elle-même, avant que la guerre ne vienne tout emportés.
Doremi s’arrêta soudainement de chanter. Ses yeux se fermèrent légèrement, un souffle apaisé passant entre ses lèvres. Un petit instant de paix dans un océan de chaos.
Ahsoka détourna les yeux, sentant une étrange chaleur se diffuser en elle. Elle avait des doutes. Des doutes sur la façon de gérer cette situation. Mais quelque chose lui disait qu’il y avait encore du bien en Doremi. Et peut-être… juste peut-être, elle pouvait être sauvée.
Elle attendit encore quelques secondes, repensant au duel qu’elle avait vu entre son maître et la jeune Sith, repensant à la brutalité d’Anakin.
Et la Togruta se posa cette question :
Le guerrier Sith était-il vraiment celui qui possédait une lame rouge ?