A Star Wars Story - L'Appel de la Force
« Quelque chose à rajouter, Capitaine Ors ? »
Airen Cracken avait parlé d’un ton égal. Aucune suspicion ne transpirait de son image bleutée, que faisaient tressauter les saturations du capteur d’hologramme. Mais Jan Ors savait qu’il était difficile de cacher quoi que ce soit au Chef de la Sécurité et du Contre-Espionnage de l’Alliance. Même si des années d’entraînement et d’infiltration au sein de l’Empire Galactique avaient permis à la jeune femme d’acquérir une parfaite maîtrise d’elle-même, son opacité s’amenuisait quelque peu face à une personne la connaissant aussi bien que Cracken.
« Ce n’est rien Général, répondit-elle avec dans la voix plus d’assurance qu’elle n’en ressentait vraiment.
- Quelque chose vous tracasse, Capitaine. Si vous avez le moindre doute, faites-le moi savoir, insista l’officier rebelle. Parlez librement.
- Rien de très important, mon Général. Une simple sensation… comme si nous avions manqué quelque chose. Mais nous avons vu tout ce qu’il y avait à voir à Ord Mantell. L’Alliance n’a rien à y trouver. »
Airen Cracken resta silencieux quelques instants. Ses long et épais sourcils se froncèrent légèrement, tandis qu’une moue plissa son menton paré d’une barbe claire. Jan se tortilla sur elle-même. Une sensation d’inconfort l’envahissait, mais cela n’avait rien à voir avec la dure chaise à moitié rouillée sur laquelle elle était assise. La chambre d’auberge que Lashishuk et elle partageaient était au-delà du miteux. Il semblait qu’un groupe de Gamorréens y avait vécu pendant des mois, et que le droïde de nettoyage n’avait pu masquer la crasse et l’odeur qui en avaient résulté. Deux couchettes escamotables en acier de Bandomeer, une table ronde, également de métal et dont un morceau semblait avoir été arraché à coup de mâchoire, sertie de deux tabourets : c’était tout ce qui meublait la pièce exigüe. Jan avait hâte de partir. Même si les quartiers de l’Alliance Rebelle sur Yavin étaient spartiates, ils avaient l’avantage d’être propres. Sans oublier la compagnie de ses camarades rebelles, bien plus appréciable que la faune d’Ord Mantell City.
« Je regrette que cette mission n’ait mené à rien, mais il n’apparaît pas utile de la prolonger, reprit Cracken en brisant le silence. Nous déterminerons plus tard pourquoi nos informations n’étaient pas fiables. Décollez dès que possible. Point de rendez-vous 3B. »
Lashishuk émit un feulement d’assentiment. Tout comme Jan, il en avait assez d’Ord Mantell. Un wookie attirait l’œil, même au milieu d’une ville à la truanderie si cosmopolite. Lui-même s’était senti accompagné par les regards avides des esclavagistes, des gladiateurs. Bien que personne, pas même la chair à bantha que l’on y trouvait, n’attaquerait un Wookie sans y songer à deux fois ; la planète et sa capitale souillée n’étaient pas l’endroit le plus sûr de la Bordure Médiane.
« Une dernière chose, Jan, reprit Airen Cracken. Soyez vigilants en partant. Nous avons détecté des mouvements anormaux de la part de la flotte impériale, et… devez bien… sur vos gardes… vaisseau… »
La communication s’était soudainement brouillée. Le son métallique de la voix du Général rebelle se troubla, et après quelques dernières coupures, il n’y eut plus que des grésillements. Troublée, Jan Ors se pencha sur le capteur d’hologramme, tenta de rétablir la communication. Rien n’y faisait. Lashishuk commença à trifouiller les réglages, à l’aide de la légendaire et controversée faculté de bricolage du peuple Wookie. Jan se leva d’un pas de lynx, colla son oreille contre la porte. Quelqu’un les aurait-il espionnés ? Elle activa la poignée et poussa brusquement le battant : le couloir était désert. Déconcertée, elle alla jusqu’à la fenêtre et espaça légèrement les volets. Chose rare, des rayons de soleil inondaient Ord Mantell City d’une lumière rendue jaunâtre par les vapeurs toxiques montant de la rue, en contrebas. Jan avait un mauvais pressentiment. Elle scruta le ciel, puis rejoignit son compagnon qui s’affairait encore sur l’émetteur :
« Tout ça ne me dit rien qui vaille. Prenons nos affaires et fichons le camp avant que… »
Sa phrase fut coupée par un bruit ressemblant à un coup de tonnerre, qui fit trembler les murs de leur chambre. Un frisson d’horreur parcourut l’échine de Jan Ors. Elle connaissait ce bruit, l’aurait reconnu entre mille : le son d’un croiseur interstellaire sortant de l’hyperespace. Elle se précipita à nouveau à la fenêtre. Ses pires craintes étaient fondées. Le croiseur impérial se dessinait clairement en orbite, juste au-dessus d’Ord Mantell City. Un autre coup de tonnerre retentit, qui la fit sursauter, puis un troisième, moins tonitruant : un deuxième croiseur, accompagné d’une corvette, était venu se joindre à la fête.
Jan se tourna vers Lashishuk. La tension se lisait sur son jeune visage.
« Barrons-nous. Tout de suite. »
Tout en courant vers le spatio-port, tandis que les rugissements stridents des chasseurs TIE emplissaient déjà l’atmosphère putride d’Ord Mantell City, Jan réfléchissait à toute vitesse. Était-il possible que l’Empire les ait repérés ? Mais si oui, pourquoi amener un escadron entier, avec deux croiseurs et une corvette, juste pour eux ? À moins que cela ait à voir avec le Soleil Noir. Elle savait que l’Empereur et ce réseau criminel avaient un accord de non-agression. Tant que l’un n’empiétait pas sur les plates-bandes de l’autre, ils pouvaient coexister. Seulement, cet ‘accord’ était en réalité plutôt une tolérance de Palpatine. Même si le Soleil Noir possédait les ressources pour être une grosse épine dans le pied impérial, il n'existait pas pareille puissance militaire dans la Galaxie. Les stormtroopers pouvaient, dès qu’ils en auraient le loisir, liquider les Falleens comme on écraserait un vulgaire insecte. Ces derniers le savaient, et, semblait-il, avaient toujours pris soin de ne pas importuner les plans de l’Empereur. S’étaient-ils aventurés plus loin qu’ils n’auraient dû ? Palpatine avait-il décidé de sonner la fin de la récréation et de prendre le contrôle d’Ord Mantell ?
À moins que… le cœur de Jan perdit un battement. Et si ces croiseurs transportaient des Inquisiteurs ? Et s’il y avait bien un Jedi sur Ord Mantell City, que les soldats de Vador avaient réussi à repérer, tandis qu’eux avaient échoué ?
La jeune espionne se ressaisit. Peu importait, maintenant. Un blocus-surprise de l’Armée impériale était le pire moment pour essayer d’analyser posément une situation. Désormais, l’heure était à l’action. Il fallait déguerpir, et vite.