A Star Wars Story - L'Appel de la Force

Chapitre 2 : Un étranger

1846 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 01/09/2022 21:40

       « Je t’avais bien dit que ce n’était pas lui ».

            Le wookie acquiesça avec un court feulement. Il ne regrettait pas la mort de cet usurpateur d’arme sacrée. Elle avait été rapide, et plutôt répugnante. Un doashim, ça ne faisait pas dans la dentelle. « Du coup, on n’est pas plus avancés » conclut-elle en finissant son verre.

            Ils étaient rapidement sortis de l’arène, et avaient gagné un bar à l’aspect et à la clientèle peu engageants -le typique repaire de bandits, chasseurs de prime et autres contrebandiers. Un endroit parfait pour discuter discrètement. Il n’était de toute façon pas difficile de passer inaperçu. Le premier niveau d’Ord Mantell City, capitale de la planète Ord Mantell, était celui de la vermine, l’épicentre des crapules de bas-étage. Si on réussissait à rester en vie, personne ne venait poser de questions mal venues. Au contraire, les véritables ennuis venaient à mesure que l’on progressait dans les niveaux supérieurs. Construite sur une immense et unique colline, Ord Mantell City était organisée par paliers, qui aboutissaient au dernier sur une haute tour édifiée en flèche. Plus on grimpait, plus le pouvoir agissant dans l’ombre menaçait de refermer ses longues griffes acérées et d’engloutir tout élément intrusif dans les abysses de l’oubli. Le premier niveau de la cité n’était donc pas le pire. Et cela en disait long.

            La jeune femme soupira, et baissa les yeux vers le fond de son verre vide. Elle se fit la réflexion que ce brandy avait été bien médiocre. Comme s’il avait deviné ses pensées, le wookie lui proposa de partager sa boga noga. « Non merci. Ça ressemble plus à de l’huile de moteur qu’à de la bière ton machin ». La créature poilue émit un grognement qu’elle savait être un rire. Les wookies aimaient se moquer du peu de résistance des humains face à l’alcool. Elle eut un pâle sourire, et balaya la salle de ses yeux ambre.

            Le bar était bondé. Une lumière jaunâtre se diffusait dans le large espace ovale. Trois comptoirs l’agrémentaient, un au centre, un à l’extrémité ouest, et un autre près de la porte, là où ils étaient installés. L’habitude de qui travaille depuis longtemps dans l’ombre : il fallait pouvoir fuir rapidement et facilement. Le sol collait aux bottes en cuir noir de la jeune femme, l’air était lourd. Cela sentait la bière vieillie, la sueur ; une légère brume causée par les cigarettes corelliennes et autres cigares bons marché lui piquait les narines. Il y avait là, comme de coutume dans ce genre d’établissement à travers la galaxie, des espèces et des créatures en tout genre. Elle repéra des Noghris, des Ongrees, un Mirialan, trois dugs à l’air belliqueux et un groupe de Quarrens qui se balançaient en se tenant par les épaules, entonnant ce qui semblait être une chanson, mais qui s’apparentait plus à une imitation de cochons qu’on égorgeait.

            Le wookie feula. « Nous faire quoi alors ? » La jeune femme soupira. La rumeur d’un chevalier Jedi caché depuis des années sur Ord Mantell et resté dans l’anonymat les avait menés à Ord Mantell City, dans une mission classée confidentielle par les Renseignements de l’Alliance Rebelle. Mais cela faisait une semaine maintenant qu’ils étaient là, et elle croyait de moins en moins en ces on-dit. Ils avaient pensé enfin toucher au but avec le guerrier de l’arène de combats clandestins, mais il fallait bien constater que la piste s’était refroidie. « Écoute » répondit-elle en s’accoudant à la table crasseuse et en baissant la voix, « pour être honnête, je crois que la rumeur parlait juste de ce combattant. À mon avis, il y a autant de Jedi ici que d’empathie dans l’esprit de Palpatine. Moi, je dis qu’on contacte Cracken, on lui fait notre rapport, et on se barre vite d’ici. J’en ai marre d’être au milieu de ce ramassis de... »

            Elle n’eût pas le loisir de poursuivre sa phrase. À cet instant précis, un corps sorti d’on ne sait où alla s’écraser sur leur table avec fracas, envoyant valser les verres qui répandirent leur contenu à peu près partout, y compris sur une surface non-négligeable de leur propre corps.

            Le wookie resta quelques secondes à observer en silence ses longs poils bruns où perlaient les gouttes de sa bière, avant de pousser un rugissement de colère. Il saisit par le col l’inconnu qui avait ruiné sa boisson et le souleva. Il s’agissait d’un humain, la quarantaine bien tassée ; de longs cheveux sales, poivre et sel, encadraient son visage barbu et rougeaud. Ses yeux à la surprenante couleur gris sombre montraient des pupilles dilatées, un regard vague. Il paraissait considérablement éméché.

            L’inconnu grommela de vagues excuses :

            « Pardon m’sieur le wookie, j’ai juste glissé. Pas la peine de m’arracher les membres hein. »

            Le wookie approcha son visage de celui du poivrot, avec un feulement aussi doux que menaçant laissant apparaître ses crocs : cette solution lui paraissait au contraire fort attrayante.

            « Laisse-le, Lash’, tu vois bien que c’est juste un type complètement saoul. » La jeune femme était en train de s’essuyer avec une serviette, et avait parlé d’une voix égale. Le wookie toisa un instant de plus l’humain, qui ne bronchait pas. Il le repoussa avec brusquerie sur la chaise qui leur faisait face. Visiblement peu impressionné, comme s’il se désintéressait totalement de son propre sort, le bougre se leva en grognant. Ses yeux dans le vague évitèrent ceux de la jeune espionne lorsqu’il lui marmonna d’une bouche pâteuse un « ‘core désolé » inconsistant. Mais alors qu’elle l’observait s’éloigner, titubant et trébuchant, il se retourna pour lui jeter un regard qui éveilla son attention. Un regard qui, pendant une fraction de seconde, parût débarrassé de toute trace d’alcool. Un regard profond, d’acier, qui semblait parcourir jusqu’aux plus infimes recoins de son âme et jauger ce qui s’y trouvait. Un regard qui renfermait un passé aussi obscur qu’un puits sans fond. Le temps s’arrêta, et la jeune femme eût la désagréable impression que l’homme lisait en elle comme dans un livre ouvert. Puis, soudainement, il se détourna. Si rapidement qu’elle se demanda si elle n’avait pas rêvé. Pourtant, la sensation était encore là : celle d’avoir été comme passée au scanner. Analysée chirurgicalement. Elle jeta un coup d’œil à son compagnon : il n’avait rien remarqué.

            Troublée, elle pensa rattraper l’homme saoul, mais lorsqu’elle le chercha des yeux, elle s’aperçut qu’il avait disparu. Une autre pensée vint alors remplacer les précédentes, celle-ci beaucoup plus importante : et s’il les avait démasqués ? Et s’il s’était fait passer pour ivre, simplement pour les approcher, rendre compte de leur apparence, de leurs armes, de leur attitude ? Et s’il était un espion à la solde de l’Empire ?

            Sa propre formation d’espionne prit alors immédiatement le dessus. Son esprit froid et lucide mit ses pensées en ordre de manière automatique. Il fallait d’abord essayer de savoir qui était cet homme. Ensuite, prévenir leur supérieur, Airen Cracken, le Directeur des Opérations des Services de Renseignement de l’Alliance. Et enfin, déguerpir d’ici. Leur mission avait déjà trop duré, et même si ce mystérieux inconnu n’était au final personne d’autre qu’un poivrot de plus, ce n’était qu’une question de temps avant que quelqu’un ne découvre la raison de leur présence sur Ord Mantell.

            Elle se leva, comme toujours l’air impassible, et glissa simplement quelques mots à son compagnon wookie. « Sois vigilant. » Arrivée au bar, elle commanda deux shooters de rhum Corvani. En attendant d’être servie, elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Derrière elle, l’activité du bar ne faiblissait pas. Les Quarrens avaient cessé de chanter, mais les sons des diverses créatures et espèces créaient toujours un brouhaha continu. Un DJ Ortolan était en train de prendre place près de l’estrade habituellement réservée aux groupes. C’était parfait : la musique masquerait sa conversation avec le barman. Lorsque celui-ci claqua les deux petits verres sur le comptoir, elle prit une posture plus détendue et parla avec un brin de nonchalance dans la voix. Le serveur avait-il vu ce bougre qui s’était aplati sur leur table ? Qui était-il, que faisait-il dans la vie ? Il apparût que l’homme était un habitué du bar qui répondait au nom de Veili, et qu’il travaillait comme technicien de surface au spatio-port d’Ord Mantell City, quand il n’était pas occupé à écumer les bars du premier niveau. Somme toute, une existence banale… aux yeux de quiconque autre que la jeune espionne. Lorsque l’on travaillait dans un spatio-port, même en n’y faisant que le ménage, on voyait et entendait des choses. Beaucoup de choses. Il était cependant improbable qu’il soit à même de leur causer le moindre problème. Mais elle avait toujours cette sensation étrange en elle. Était-il possible que cet homme sache quelque chose à propos du Jedi qu’ils recherchaient ?

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