Amiral. M

Chapitre 12 : Rencontre avec le gouverneur

2847 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a environ 5 ans

Shawnkyr Nuruodo, gouverneur résident affecté aux affaires planétaires de Praxlis au nom de l’Empire Galactique. Ancienne colonelle de l’escadron Ciel Rouge des forces navales Chiss, se leva de son bureau lorsque la porte de son cabinet coulissa. Le grand commandant de marine qui la franchit se déplaçait avec la grâce et la puissance que donne une musculature accoutumée à une gravité beaucoup plus forte que les 0,85g de Praxlis. Shawnkyr elle-même était une grande et musculeuse femelle de l’espèce Chiss, et ne pouvait qu’admirer l’aura de cet officier. Elle examina son visiteur avec une curiosité semblable mais discrète, tout en tendant la main.

« Commandant Musel...

— Madame... » L'accent sec, haché, de l'officier donnait une indication aussi évidente de son monde d'origine que sa manière de se déplacer, et sa poignée de main était ferme mais soigneusement contrôlée. Shawnkyr avait eu la même impression en serrant la main à d'autres Brentaaliens – et les rares qui avaient oublié de surveiller leur poigne lui avaient inspiré de la reconnaissance envers ceux qui y pensaient.

« Voulez-vous vous asseoir ? » fit Shawnkyr lorsque le commandant relâcha sa main; en même temps, elle prenait mentalement une foule de notes. Habitude qu’elle avait gardée lorsqu’elle avait servi dans la marine Chiss.

Meinhard Musel ne manquait pas d'assurance et Shawnkyr haussa l'estimation de son âge d'environ trente-trois ans; c'était un homme au visage frappant, pâle avec des traits puissants et de grands yeux vairons expressifs; sous le béret blanc, il portait les cheveux coupés courts et il émanait de lui une nette aura de compétence et de professionnalisme. On était loin, se dit le gouverneur, des officiers de seconde zone dont la Flotte se débarrassait chez elle, surtout depuis que Kaine dirigeait l'Amirauté.

« Je dois avouer, commandant, avoir été assez surprise par le départ soudain du capitaine Greejatus », dit-elle, et elle cilla presque devant la réaction de son visiteur. Elle n'avait fait cette remarque que dans le but d'engager la conversation, or l'effet qu'elle eut sur Musel fut profond : pas un seul de ses muscles ne bougea, mais c'était inutile : ses yeux parlèrent pour lui, et Shawnkyr se demanda ce qu'elle avait dit de mal.

Mais Musel lui gratifia d’un sourire qui aurait ravagé une séductrice Hapienne, et hocha la tête à l’adresse du gouverneur.

« J'ai moi-même été surpris, madame. » Il parlait d'une voix de ténor froide et sans inflexion, avec une absence de passion parfaitement maîtrisée qui fit se dresser les antennes mentales de Shawnkyr. « À ce que j'ai cependant compris, son bâtiment nécessitait un radoub plus urgent qu'on ne le pensait à Bastion quand mon navire s'est vu affecté ici. 

— Je n'en doute pas. » Shawnkyr ne parvint pas tout à fait à empêcher l'ironie de percer dans sa réponse, et Musel inclina légèrement la tête de côté. Puis se détendit un peu. Tiens, tiens; ainsi, sa réaction ne provenait pas de la remarque de Shawnkyr mais du sujet sur lequel elle portait. Eh bien, quelqu'un qui n'aimait pas Cyrus Greejatus ne pouvait pas être foncièrement mauvais.

« J'ai aussi été surprise – et ravie – d'apprendre que vous étiez prête à venir à mon bureau, commandant, reprit le gouverneur. Nous n'avons hélas jamais eu l'étroite collaboration que j'aurais espérée avec la Flotte, surtout ces trois dernières années. »

Meinhard ne réagit pas mais acquiesça mentalement lorsque Shawnkyr se tut comme pour inviter une remarque. « Ces trois dernières années », cela correspondait justement au laps de temps écoulé depuis qu’Ardus Kaine assumait les fonctions de commandant du Marteau de la Nuit, et la femme Chiss, au teint bleu et aux yeux de braise, assise derrière le bureau cherchait manifestement à savoir quelle importance Meinhard accordait à Praxlis pour les Vestiges Impériaux. Le droit d'un officier à critiquer ses supérieurs était limité, mais la relation de Meinhard avec Shwankyr pouvait s'avérer cruciale pour la réussite ou l'échec de sa mission.

« Je suis navrée de vous l'entendre dire, madame, répondit-il en pesant soigneusement ses termes, et je souhaite que nous parvenions à améliorer la situation. C'est un des motifs de ma présence ici; il s'agit naturellement d'une visite de courtoisie, mais les ordres initiaux qu'on m'avait donnés partaient du principe que le capitaine Greejatus demeurerait sur place en tant que commandant, si bien que l'exposé qu'on m'a fait sur les conditions actuelles de Praxlis était assez général. J'espérais que vous pourriez mieux éclairer ma lanterne et faire état d'éventuelles requêtes particulières. »

Shawnkyr inspira profondément et s'assit plus confortablement dans son fauteuil avec un soulagement manifeste – teinté, observa Meinhard, d'une bonne dose de surprise, surprise qui lui faisait plaisir et l'embarrassait à la fois. La réaction du gouverneur à son explication lui donnait le sentiment d'agir comme il le fallait, pourtant ce qu'il demandait constituait le strict minimum pour remplir ses obligations, et l'idée que la Flotte ait failli de façon si éclatante que le gouverneur s'étonne de voir un officier accomplir son devoir lui faisait honte.

« Je suis très heureuse de vous entendre parler ainsi, commandant », dit-elle au bout d'un moment. Elle inclina le dossier de son fauteuil en arrière, croisa les jambes, les mains sur le genou, et poursuivit d'un ton beaucoup moins circonspect : Je serai enchantée de vous apprendre ce que je sais, mais si vous commenciez par me raconter ce que vous savez déjà ? Ainsi, je pourrai combler vos lacunes sans vous ennuyer. »

— Je pense être tout à fait au niveau en ce qui concerne les opérations du trafic spatial, madame, qui ne sont de toute manière pas de votre ressort, j'en ai bien conscience. Mon souci va plutôt à mes devoirs d'assistance et de sécurité ici, sur la planète; mes données me semblent un peu dépassées, à en juger par le nombre de cargos en orbite. J'ignorais qu'il y avait tant d'échanges avec la surface planétaire.

— C'est un phénomène tout récent. » Shawnkyr fronça les sourcils, l'air songeur. « Savez-vous ce que sont les enclaves ?

— De manière vague seulement. Ce sont des comptoirs commerciaux, grosso modo, n'est-ce pas ?

— Oui et non. Aux termes de la colonisation, l’Empire a pris possession du système dans son ensemble et établi un protectorat sur les Praxiliens, tout en renonçant explicitement à toute souveraineté sur leur planète. En conséquence, ce monde tout entier constitue une immense réserve pour les locaux, mis à part quelques sites bien précis retenus comme enclaves extraplanétaires.

— Si je comprends bien, Praxlis est un territoire non revendiqué et vous n’avez nulle autorité pour donner des ordres aux extraplanétaires à sa surface.

— Vous avez tout compris, commandant. L’époque ou nous contrôlions tout est belle et bien révolue. Surtout après le traité de Caamas entre l’Empire et la Nouvelle République, et je ne parle pas non plus de la guerre contre Les Vong. Les clauses de l'Acte d'annexion délimitent précisément mes pouvoirs. Aux termes de mon mandat, je dispose de l'autorité pour prendre toute mesure nécessaire afin de "prévenir l'exploitation de l'espèce indigène" entre deux guillemets, mais pas pour interdire ou autoriser la création d'enclaves par d'autres nations sur la planète. Je l'ai requise et je crois que le gouvernement voudrait bien me l'accorder, mais il n'a pas réussi à faire accepter les amendements indispensables a la chambre des Moffs. Ainsi, je puis fixer les emplacements des enclaves, réglementer leurs échanges avec les Praxiliens, bref, jouer les agents de police une fois qu'elles sont constituées, mais je ne puis leur interdire de se créer.

Meinhard hocha la tête, mais une question lui brulait les lèvres :

— Avez-vous remarqué une augmentation du volume du trafic qui passe par le terminus ?

— Oui, c’était inévitable, répondit Shawnkyr vivement. De même que l’apparition d'un réseau de stockage et de distribution orbital, étant donné qu'ici on peut transborder les cargaisons à moindre coût de main-d’œuvre et de frais de douane qu'à Bastion.

— Et je devine que bon nombre de boites commerciales ont commencé à établir des bureaux locaux côté planète pour gérer leur part du réseau.

— Exactement, dit Shawnkyr en souriant à Meinhard. De là sont nées la plupart des enclaves, et la plus grosse partie des moyens qui leur sont nécessaires leur sont livrées de l'extérieur, si bien qu'un pourcentage considérable des échanges espace-surface est consacré à ces livraisons. Dans le même temps, les marchands étant ce qu'ils sont, ils out exercé une pression croissante pour pouvoir instaurer des échanges avec les Praxiliens comme à-côté leur permettant de récupérer une part de leurs frais d'exploitation.

— Des marchands Corelliens, j’imagine !

— J’ai toujours détesté leurs arrogances, dit Shawnkyr en faisant une grimace. C’est peut-être la seule espèce humaine que je n’apprécie pas, appelez cela mon esprit Chiss qui tient en horreur des esprits trop rebelles.

Meinhard sourit amusé, mais adopta aussitôt un visage soucieux.

— Madame, en orbite j’ai croisé une corvette Corellienne CR90 !

— Il s’agit d’un vaisseau diplomatique de l’Alliance Galactique.

Meinhard fronça les sourcils.

— Depuis quand l’Alliance utilise des forceurs de blocus pour transporter leurs personnels vers leur ambassade ?

— Je n’en sais rien commandant, et je ne peux leur demander, étant donné leurs immunités diplomatiques, mais pas besoin d’être expert pour comprendre que leurs espions parcourent la surface.

— Mais espionner qui ? demanda Meinhard étonné. Nous, peut-être ?

— Franchement je n’en sais rien, mais vous qu’en pensez-vous ? ajoute-t-elle en le transperçant avec ses yeux rouges. 

— D’après les données que je possède, expliqua Meinhard en regardant le vide. Leur consulat dispose d'un personnel extraordinairement étendu, je trouve, qu'il n'a pas besoin, de tant d'attachés commerciaux"

—  Une grosse part de leur trafic passe par ici – l’Alliance Galactique est plus proche de Praxlis que les Vestiges de l’Empire. Dit-elle en secouant la tête.

— Je vous l’accorde, dit Meinhard vivement. Mais alors pourquoi demander davantage de liberté pour commercer avec les Praxiliens ? D'ailleurs, officiellement, leur consulat est accrédité auprès d'une des cités-États praxilienne de la région et non auprès du gouvernement Impérial. Mon sentiment est qu'ils cherchent à multiplier les contacts avec les indigènes, à jouer un rôle plus actif dans la direction que prendront les relations des Praxiliens avec les Républicains.

— Pour faire contrepoids à notre présence ? Dit Shawnkyr en ouvrant grand les yeux.

— Exactement, il suffirait d’une plainte d’un habitant de Praxlis, pour que l’Alliance intervienne et joue les sauveurs contre les méchants impériaux qui malmènent le pauvre peuple de Praxlis. Dieu sait que Cal Omas et les membres de son cabinet n'ont pas besoin d'autre motif que celui de s'emparer de cette route commerciale, mais ils aiment fournir des "justifications morales" à leur machine de propagande pour leur propre population et le sénat galactique. C'est pourquoi ils tiennent tant à leur position officielle selon laquelle les termes du traité de Caamas équivalent à une renonciation unilatérale de notre part à toute revendication légale. Si nous quittons un jour les lieux, ils veulent voir la planète leur tomber entre les mains comme une pomme bien mûre. 

Meinhard se tut un moment, puis poussa un soupir :

— Ce n’est que mon impression, madame. Je suis peut-être trop militaire, mais j’ai appris à faire confiances aux pires scénarios politiques possibles.

— L’amiral Zevulon avait raison à votre sujet, dit la Chiss en souriant.

— J’ignorais que vous connaissiez l’amiral ! dit Meinhard surpris.

— Nous étions pilotes de chasse dans la même unité durant la guerre des Vongs, un chouette gars qui m’a sauvé la vie plus d’une fois.

— L’amiral est quelqu’un de très singulier, avoua Reinhard avec un petit sourire. Surtout lorsqu’il nous encourageait à réfléchir de manière géométrique.

— Néanmoins je partage vos impressions commandant, reprit Shawnkyr sérieusement. En ce qui concerne les Praxiliens, mes agents sont trop peu nombreux et trop débordés de travail pour me fournir la couverture que je désirerais, mais nos relations avec eux restent remarquablement bonnes depuis notre arrivée, bien meilleures qu'elles ne le sont d'ordinaire, apparemment, entre deux cultures aussi éloignées. Certains chefs de clan voudraient qu'on lève les restrictions sur les importations technologiques, ce qui crée des tensions, mais dans l'ensemble tout se passe assez bien, surtout avec les cités-États de notre région du delta. Nous avons certes quelques problèmes dans des zones plus lointaines de l'intérieur, mais ce qui m'inquiète le plus en ce moment, ce sont les signes d'augmentation de l'usage de l’épice chez les Praxiliens au cours de l'année écoulée. 

Meinhard hocha la tête. L’épice était une drogue très connue très difficile à raffiner, et qui dit contrebande d’épice, dit contrebandier Corelliens.

 — Par conséquent, la mission principale que vous voudriez me confier serait de vous aider à gérer les allées et venues entre les enclaves et la circulation orbitale ? dit Musel.

— C'est tout à fait cela, acquiesça Shawnkyr. J’aimerais pouvoir compter sur vos troupes de Stormtroopers en cas d'urgence au sol, mais, comme je vous l'ai dit, nous avons relativement peu de problèmes pour l'instant. Si vous pouviez vous occuper de l'inspection des navettes orbite-surface et du contrôle général du trafic, cela déchargerait une bonne partie du personnel de FSI.   

— Très bien, gouverneur, je pense que nous pouvons nous en charger. Donnez-moi un jour ou deux pour mettre les détails au point et je placerai deux cargos en réserve permanente pour l'inspection des navettes. Si vous pouvez me prêter les agents qui s'en occupent de votre côté, cela me permettra de connaître leurs idées avant d'organiser notre travail.

— Accordé, répondit aussitôt la Chiss.

— J'aimerais aussi disposer d'une sorte d'officier de liaison permanent, poursuivit Meinhard, l'air méditatif. J'ai dû détacher presque dix pour cent de mon personnel pour fournir des équipes de douane et de sécurité au Centre de contrôle de Praxlis (il ne fit pas attention à l'expression surprise du gouverneur) et je me retrouve avec moins de monde que je n'aime à y penser ; et je suppose que cela empirera lorsque nous commencerons le filtrage et l'inspection du trafic des navettes. Auriez-vous quelqu'un que vous pourriez affecter chez moi pour établir la coordination avec votre bureau ?

— Non seulement je peux vous fournir un officier de liaison, commandant, mais je serai ravie de le faire ! Et je crois avoir l'homme qu'il vous faut : le lieutenant Jagged Fel est le doyen de mes agents du FSI sur le terrain, mais il était colonel chez dans la marine Chiss avant de démissionner et d'entrer dans mes services. Je ne voudrais pas le savoir hors planète trop longtemps, mais je peux tout à fait vous le prêter pour quelques jours. C'est un homme bien, c'est un spécialiste des affaires praxiliennes et il travaille avec nous à l'inspection des navettes. Qu'en pensez-vous ?

— Cela me paraît parfait, gouverneur, répondit Meinhard avec un sourire. Il se leva et tendit la main tandis. « Merci. Et merci aussi pour votre exposé de la situation. Je n'abuserai pas davantage de votre temps, mais n'ayez aucun scrupule à m'appeler si je puis faire quelque chose pour vous ou si vous pensez devoir m'informer de tel ou tel élément.

— Je n'y manquerai pas, commandant. » Shawnkyr se leva elle aussi pour lui serrer la main et ses yeux avaient une expression chaleureuse. « Et merci à vous. »

Elle ne précisa pas de quoi elle le remerciait et Meinhard réprima un sourire ironique.

Le gouverneur fit le tour de son bureau pour le raccompagner à la porte et lui serra une dernière fois la main. La porte se referma derrière Meinhard et Shawnkyr regagna son fauteuil, une expression troublée sur le visage.

Elle s'assit et enfonça un bouton sur son panneau de communication.

« Nyris, trouvez-moi Jagged Fel, voulez-vous ? J'ai un nouveau travail pour lui.

— Oui, répondit son assistante Twi’lek, laconique, puis, après un silence : Comment ça s'est passé, patronne ?

— Ça s'est bien passé, Nyris. Je trouve même que ça s'est très bien passé », fit Shawnkyr, et elle relâcha le bouton avec un sourire.

 


Laisser un commentaire ?