Amiral. M
« Au plus profond de l’espace. Il y avait la longueur, la largeur et la hauteur. Puis les trois dimensions se replièrent sur elles-mêmes en un arc inimaginable de noirceur, mesurable au seul scintillement des étoiles s’engouffrant dans l’abîme avant de s’empiler à l’infini.
À la couleur, à la taille, à l’activité de ses astres, l’univers mesurait le temps. Il y eut l’orangé des étoiles vieillissantes, le bleu des naines, le jaune des géantes doubles. Il y eut l’écroulement des étoiles à neutrons, la fureur des supernovas sifflant dans le vide glacé. Il y eut des étoiles qui naissaient, des étoiles qui respiraient, des étoiles qui palpitaient, des étoiles qui mouraient. Et il y eut l’Étoile Noire. »
Le capitaine Meinhard Musel continuait de lire l’histoire de l’étoile noire sans se préoccuper des autres passagers qui voyageaient à ses côtés. Il était le plus gradé de la navette à demi pleine, ce qui lui avait valu la place la plus proche du sas. Il s'agissait là d'une tradition aussi pratique que courtoise, car l'officier commandant était toujours le dernier à monter à bord et le premier à descendre.
La navette frissonna doucement lorsque ses faisceaux tracteurs touchèrent la masse de soixante-dix kilomètres de diamètre de la station spatiale Yaga Minor principal chantier naval de la Flotte Impérial du commandement de la Bannière d'Emeraude, la 20ème armée du secteur qui avait pour charge de protéger le Secteur Tapani et notamment sa capitale, Tallaan, les chantiers navals de Fondor et la Route Commerciale de Rimma, de même que le centre de production de Bacta, Thyferra.
Meinhard déposa son livre et s’adossa contre son siège, son voyage avait duré quatre heures depuis Bastion, la capitale des Vestiges de l’Empire, et sa patience fut récompensé, il allait enfin commander son premier croiseur.
Il réprima un petit rire, savoura le sentiment inaccoutumé de joie simple et sans partage qu'il éprouvait, et porta la main sur le devant de sa veste. L'anachronique feuille de papier plié crissa sous sa paume — un bruit curieusement sensuel, excitant — et il ferma les yeux pour mieux le goûter, tout comme il goûtait cet instant qu'il s'était donné tant de mal pour atteindre.
Quinze années s'étaient écoulées depuis sa première journée, à la fois exaltante et terrifiante, au campus d’Eriadu. Deux ans et demi de classes à l'Académie, à courir jusqu'à tomber d'épuisement, quatre années à gravir les échelons d'enseigne à lieutenant, sans piston ni parrainage d’un haut gradé, onze mois à bord de la frégate l'Aigle-Tueur en tant que maître de yacht, et puis son premier commandement, une mignonne petite Corvette de classe Raider. Elle jaugeait à peine dix mille tonnes et, même pas digne d'un nom de baptême, n'était désigné que par un numéro, mais dieu qu'il l'avait aimé, ce tout petit bâtiment !
Ensuite, il avait servi comme officier en second, puis comme officier tactique sur un grand super destroyer. Et enfin — enfin ! — le tant attendu programme d'instruction d'officier commandant, au bout d'onze années éreintantes. Il avait cru se trouver au paradis quand on lui avait confié l'Aile-de-Faucon, car le Destroyer Stellaire Impérial Mk.II en milieu de carrière représentait son tout premier commandement hypercapable, et les trente-trois mois qu'il avait passés à son bord avaient été un pur plaisir, avec, pour couronner le tout, le rêve de beaucoup : la distinction « Thrawn » de la Flotte pour excellence tactique lors des simulations de guerre de l'année précédente. Mais alors, ce qui l'attendait maintenant... !
Le pont frémit sous ses pieds, au-dessus de la porte une lumière ambrée se mit à clignoter — la navette se posait sur les amortisseurs d'amarrage de de la station, puis elle vira au vert permanent quand la pression s'égalisa dans le boyau de transbordement. Le panneau coulissa de côté et Meinhard franchit le sas d'un pas vif. Le technicien naval posté au sas à l'autre bout du tube aperçut le béret blanc d'un capitaine de vaisseau stellaire et les trois galons dorés d'un commandant sur le fond noir d'espace d'une manche; la rapidité avec laquelle il se mit au garde-à-vous fut un peu gâchée par une infime hésitation lorsqu'il vit que le nouveau venu était trop jeune pour être un commandant. Il rougit et détourna les yeux, mais Meinhard était habitué à cette réaction. Extérieurement il avait tout du jeune aspirant à peine débarqué de l’académie, mais ce que tout le monde ignorait, c’est qu’il avait gagné ce grade par le travail, qu’il avait dépassé sa jeunesse et ses incertitudes et avait acquis une bonne expérience sur le terrain, ses instructeurs chantaient ses louanges et même ses anciens commandants l’avaient recommandé après l’avoir vu à l’œuvre.
Tout à ses pensées, Meinhard avait franchi la porte d'arrivée et pénétré dans le hall ; il promena son regard alentour et finit par repérer la bande de guidage colorée qui menait aux navettes de transport du personnel militaire.
Il la suivit, les mains vides, car il n'avait aucun bagage : des commis du Centre de cours de perfectionnement tactique avaient embarqué ses maigres possessions le matin même en lui laissant à peine le temps de les empaqueter.
Il fronça les sourcils en appelant une capsule : tout ce remue-ménage pour l'envoyer ici ne ressemblait pas du tout à la Flotte, qui préférait agir avec ordre et discipline.
Quand on lui avait confié l'Aigle-Tueur, il avait été prévenu deux mois à l'avance; cette fois-ci, sans le moindre avertissement, on l'avait littéralement enlevé à la cérémonie de remise des diplômes pour la conduire sans ménagement au bureau de l'amiral Zevulon.
La navette arriva et il s’y installa, Mais pourquoi était-il donc si certain, se demanda-t-il, que Zevulon avait fait exprès de l'éjecter de son bureau et de l'expédier à son nouveau poste sans lui laisser le temps de réfléchir ? L'amiral était un géant avec un visage affable de chérubin et un penchant pour l'invention de problèmes tactiques démoniaques ; ça avait été son instructeur de tactique en quatrième année d'Académie, et c'est lui qui, ayant perçu chez Meinhard un instinct inné dans ce domaine, l'avait affiné jusqu'à en faire un talent contrôlé, non plus un don qui fonctionnait par éclipses.
Pourtant, cette dernière fois, le comportement de Zevulon avait eu quelque chose de presque évasif. Ses félicitations et sa fierté n'avaient rien de feint, Meinhard le savait, mais il ne pouvait se défaire d'une impression de dissimulation. Selon lui, on avait un besoin urgent de lui à bord de Yaga Minor afin de veiller à ce que son nouveau vaisseau soit réarmé à temps pour le prochain exercice de la Flotte ; oui, mais, en fin de compte, le Brunhilde n'était qu'une Corvette de classe Raider semblable à celle qu’il avait commandé au début de sa carrière, et il y avait peu de chances pour que son absence change quoi que ce soit à l'équilibre des manœuvres prévues pour la flotte tout entière !
Non, il y avait bel et bien anguille sous roche et Meinhard regretta amèrement de n'avoir pas eu le temps d'obtenir de renseignements complets avant d'attraper sa navette. Mais, au moins, la précipitation avait eu l'avantage de l'empêcher de se ronger les sangs comme avant de prendre le commandement de l'Aigle-Tueur, et le capitaine de corvette Zorn, son nouveau second, servait sur le Brunhilde depuis près de deux ans, d'abord en tant qu'officier tactique et plus récemment comme second. Il devrait pouvoir l'informer sur le réarmement dont Zevulon s'était montré si peu disposé à parler.
Pendant que la navette de le transportait, Meinhard étudia la carte du réseau de transport en s'efforçant de chasser de ses pensées l'attitude de l'amiral et autres énigmes, et de suivre le clignotement de la capsule sur son trajet. Sa main se porta encore une fois au papier crissant où étaient couchés ses ordres, puis il interrompit son geste, presque étonnée, lorsque son regard se détourna du plan pour se poser sur l'image que lui renvoyait la surface polie de la paroi de la navette.
Le visage qu'il vit aurait dû être différent, il aurait dû refléter son extraordinaire changement de statut, mais il n'en était rien. C'était toujours le même visage d’un jeune officier fraichement décoré, avec des yeux verrons, l’un marron et l’autre bleu, un nez droit patricien, une chevelure si noire qu’elle paraissait bleue. Un jeune et très bel officier qui pouvait faire du mannequinat au lieu de risquer sa vie dans les champs de bataille spatial. On avait dit une seul fois à Meinhard qu’il avait l’allure sévère, lui-même était incapable d'en juger, mais il préférait ce genre de réflexion à l'épouvantable « Mais que voici un jeune homme... euh... séduisant ! » Le terme n'était d'ailleurs pas inexact, tout déprimant qu'il fût : bien prit et bien découplé dans son uniforme noir et or, il devait son physique musclé à la gravité de 1,35 g de son monde natal et à un strict régime d'exercice, ce qui, songea-t-il aigrement, était à peu près le seul compliment qu'il pût s'adresser.
La navette s'arrêta sans un bruit ; Meinhard en descendit et se retrouva dans la vaste galerie du bassin de carénage. Et enfin ses yeux verrons parcoururent d'un regard avide sa nouvelle affectation. Le Brunhilde flottait sur ses amarres de l'autre côté de l'épaisse et solide paroi de plastoblinde.
Typiquement Kuati, les lignes de la corvette de classe Raider se situaient dans la droite lignée des Destroyers Stellaires de classe Impérial, Victoire et autres croiseurs de classe Vindicator encore en service : longue de 150 mètres, la classe Raider était un vaisseau robuste en forme de dague et dont la passerelle située à la poupe - pour des raisons évidentes d'échelle et de sécurité - dépassait à peine de sa carlingue.
Comparable jusqu'à un à certain point à la célèbre corvette CR-90, la Raider était en effet bien plus efficace que sa consœur : capable d'agir comme une véritable plateforme de commandement pour les forces alentours et très bien armée grâce à ces 6 canons laser lourds bitubes disposés à des endroits stratégiques qui, couplés avec les effets neutralisants de canons ioniques, étaient dévastateurs, parfaitement autonome et à l'aise dans l'exécution de raids éclairs ponctuels et coordonnés contre un ennemi quelconque.
Des mécas grouillaient tout autour du navire dans le vide du bassin, supervisés par des humains en combinaison spatiale, mais le plus gros du travail paraissait se concentrer sur les compartiments d'armement des flancs.
Immobile devant la baie de plastoblinde Meinhard haussa les sourcils : l'amiral Zevulon l'avait prévenu que l'on faisait subir un radoub de premier ordre au Brunhilde, mais ce qu'il avait sous les yeux lui paraissait d'un niveau encore supérieur à ce qu'il prévoyait. Ce qui, ajouté au vague des propos de son instructeur, laissait supposer qu'il se mijotait quelque chose de particulier, bien que Meinhard eût peine à imaginer ce qui pouvait avoir assez d'importance pour pousser l'amiral à jouer les mystérieux avec lui. Ce n'était d'ailleurs pas bien grave : il buvait des yeux son nouveau commandement
Son commandement à lui !
Il resta longtemps plantée là avant de parvenir à s'arracher an spectacle pour se diriger vers le tube d'accès de l'équipage. Les deux Stormtroopers en faction, en position de repos de parade, le regardèrent approcher puis se figèrent au garde-à-vous lorsqu'il arriva devant eux.
Il leur tendit sa datapuce et vit avec plaisir que le plus gradé, un caporal, l'examinait de près. Ils savaient qui il était, naturellement, et même s'ils l'ignoraient, un seul membre à bord d'un vaisseau avait le droit d'arborer le béret blanc tant convoité.
Mais aucun des deux soldats ne manifesta le moins du monde qu'il savait arrivée leur nouveau maître après Dieu. Avec un salut, le caporal lui rendit sa datapuce, il le rangea et s'engagea dans le boyau d'accès.
Meinhard ne regarda pas derrière lui, mais le miroir placé au premier tournant du tube et destiné à rendre visible le trafic de la section au-delà lui permit de voir le caporal taper sur le com à son poignet pour prévenir la passerelle de commandement que le nouveau capitaine arrivait.
Le capitaine de corvette Sheva Zorn, plantée près du sabord d'entrée, rajusta sa veste et réprima une bouffée d'agacement. Elle se trouvait dans les entrailles d'une station de surveillance d'incendie éventrée quand le message lui était parvenu. Pas le temps de prendre une douche ni de passer un uniforme propre, elle sentait la sueur maculer sa vareuse sous la veste enfilée à la hâte, mais au moins l'annonce du caporal Lévine lui avait donné le temps de réunir la haie d'honneur. Les marques formelles de courtoisie n'étaient pas strictement exigées à bord d'un vaisseau en bassin de radoub, mais Zorn ne tenait pas à risquer d'irriter un nouveau capitaine; en outre, le Brunhilde avait une réputation à entretenir et...
Elle se raidit soudain et sentit comme un spasme de souffrance le parcourir : le nouveau capitaine venait d'apparaître à l'angle du boyau. Son béret blanc était éblouissant sous les lumières et le visage de Zorn se figea lorsqu'elle constata qu’il avait l’âge de son petit frère laissé sur Bastion.
« Génial ! On m’envoie un gamin me donner des ordres. »
Zorn étouffa une nouvelle bouffée de rancœur et se mit au garde à vous lorsque le commandant Musel s’arrêta à deux pas de sa position. Impassible Sheva Zorn soutint son regard scrutateur, et s'efforça de repousser la rancune amère et confuse qu'elle ressentait. Elle salua d'un geste sec, la haie d'honneur se mit au garde-à-vous et le sifflet du bosco retentit. Toute activité cessa aux alentours du sabord d'entrée et le commandant rendit le salut. Il était grand et mince et d’une beauté désarmante ; Zorn vit que les femmes de l’équipage regardaient le nouveau venu longuement avant de détourner les yeux.
« Permission de monter à bord ? » Il s'exprimait d'une voix calme et profonde de ténor, étonnamment grave pour un homme de son âge qui ne rendait rien au mètre quatre-vingts dix de Zorn.
« Permission accordée », répondit-elle. C'était une formalité, mais qui recouvrait une réalité tout à fait palpable : tant qu'il n'avait pas officiellement pris le commandement, Musel n'était qu'un simple visiteur à bord du navire de Zorn.
« Merci », dit-il, et il pénétra dans le Brunhilde tandis que l'officier s'écartait du sabord.
Elle l'observa pendant qu'il parcourait de ses yeux verrons le sas d'entrée et la haie d'honneur, et elle se demanda ce qu'il pensait. Ses traits qu'on eût dits sculptés faisaient un masque parfait à ses émotions (en dehors de ces yeux qui brillaient toujours, songea-t-elle sombrement), et elle espéra que son visage à elle jouait le même rôle.
Il n'était pas très juste d'ainsi lui en vouloir : un capitaine de corvette n'avait pas sa place au poste de commande d'un croiseur léger, un point c'était tout; mais Musel avait presque dix ans de moins qu’elle. Non seulement il était commandant, non seulement le devant de sa veste arborait l'étoile d'or brodée qui indiquait un précédent commandement hypercapable, mais il paraissait assez jeune pour être son fils. Enfin, peut-être pas son fils, mais son neveu en tout cas.
Naturellement, c'était une classe de seconde génération : elle avait étudié la section accessible de son dossier d'assez près pour le savoir. D'autres passages de son dossier – comme son penchant pour les manœuvres tactiques peu orthodoxes et la Reconnaissance Impériale qu'il avait gagné en sauvant des vies quand la salle des moteurs avant de l’Aigle-Tueur avait explosé – lui avaient mis un peu de baume au cœur, mais ni cela ni le fait de savoir d'où il tenait cette allure juvénile ne parvenaient à réduire l'impact émotionnel de voir le poste auquel il aspirait contre tout espoir soudain occupé par un officier qui, non seulement irradiait le magnétisme inconscient qu'elle avait toujours envié chez d'autres, mais avait l'air sortie de l'Académie l'année précédente n'arrangeait rien.
Musel acheva son inspection de la haie d'honneur sans le moindre commentaire, puis se retourna vers elle ; Sheva brida son ressentiment et s'apprêta à l'étape suivante du rituel.
— Puis-je vous escorter à la passerelle, commandant ? demanda-t-elle, et il hocha la tête.
— Merci, capitaine, murmura-t-il, et elle le conduisit vers la partie supérieure du bâtiment.
Meinhard sortit de l'ascenseur de la passerelle et promena son regard sur ce qui allait devenir son domaine personnel. Les signes d'un réarmement frénétique étaient visibles partout et la perplexité le saisit à nouveau en remarquant le fouillis d'outils et de pièces détachées qui jonchait la section tactique. Rien d'autre ne semblait avoir été touché. Bon Dieu, mais qu'est-ce que l'amiral Zevulon lui avait donc caché sur ce navire ?
Cependant, chaque chose en son temps; pour le moment, il avait d'autres devoirs, et il se dirigea vers le fauteuil du capitaine, enfoui dans son nid d'écrans et de cadrans de lecture au milieu de la passerelle. La plupart des instruments étaient rétractés en position d'attente et Meinhard posa un instant la main sur le panneau qui dissimulait l'écran du répéteur tactique. Il ne s'assit pas : de longue tradition, le siège était interdit au capitaine tant qu'il n'avait pas lu son ordre d'affectation à tout l'équipage; mais il prit place tout à côté, posa sa serviette, appuya sur un bouton de l'accoudoir et écouta les notes claires et musicales qui résonnèrent dans l'ensemble du navire.
Toute activité cessa dans le Brunhilde. Même les quelques tecks civils à bord s'extirpèrent de sous les consoles qu'ils recâblaient ou émergèrent des entrailles des salles des moteurs et des circuits de dérivation en entendant le signal d'attention générale. Sur les écrans muraux apparut le visage de Meinhard, et il sentit des centaines d'yeux examiner le béret blanc distinctif et s'affûter pour mieux observer le capitaine auquel les Moffs, dans leur infinie sagesse, avaient confié leurs vies.
Il passa la main sous sa veste et les haut-parleurs transmirent un bruit de papier froissé quand elle rompit les sceaux et déplia ses ordres.
« De l'amiral Lucian Zevulon, commandant en chef de la Bannière d'Emeraude, 20ème armée du secteur, lut-il de sa voix sèche et froide, au capitaine de frégate Reinhard Musel, Flotte Impériale, trente-cinquième jour, quatrième mois, quarante-deux années après la Chute. Capitaine : il vous est ordonné par la présente de vous rendre à bord du vaisseau stellaire impérial Brunhilde, CL-cinq-six, pour y assumer les devoirs et les responsabilités d'officier commandant au service de l’Empire. Ne faillissez pas à votre charge sous peine d'en supporter seule les conséquences. Par ordre de l'amiral en chef Gilad Pellaeon, chef suprême de l’Empire. »
Il se tut et replia le papier sans même un coup d'œil à l'intercom. Depuis l’avenement de l’Empire, ces formules rituelles marquaient le transfert du commandement sur les navires de la Flotte impériales. Elles étaient brèves et compassées, mais, par le simple fait de les lire à haute voix, il avait placé l'équipage sous son autorité et le contraignait à lui obéir sous peine de mort. L'immense majorité de ces hommes et de ces femmes ignoraient tout de lui, il n'en savait pas davantage sur eux, et cela n'avait aucune importance : ils formaient désormais son équipage. La conscience de sa position le traversa comme un trait de glace tandis qu'il achevait de replier l'épais papier et se tournait de nouveau vers le second.
« Madame Zorn, dit-il avec formalisme, je prends le commandement.
— Capitaine, répondit-elle sur le même ton, vous avez le commandement.
— Merci.