Where no man has gone before

Chapitre 1 : Part 1

2474 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/09/2018 21:00

Cette incursion en zone neutre a été initialement rédigée pour le Défi Bienvenue à Nanarland mais ne se qualifie pas. Merci à Alienigena d'en avoir assuré la prélecture.

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WHERE NO MAN HAS GONE BEFORE


une fanfiction Star Trek TOS, par OldGirl | Fanfictions.fr

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Date stellaire 5122.4. Sur l'écran de visualisation, l'espace est noir et il y a des tas de petites étoiles dont certaines sont même en couleur. La passerelle est en plastique et carton-pâte et là aussi, on a bien investi dans la diode colorée pour figurer des commandes informatiques sophistiquées. Des myriades de boutons purement décoratifs clignotent en désynchronisation au son d'un brouhaha ténu de petits bips…

Au centre de la pièce, avachi dans le plus gros fauteuil du périmètre (et sans doute aussi le moins confortable), un homme blond à la bouille de Cadum malgré sa trentaine fringante, a la joue posée dans sa main et le coude sur l'accoudoir piqueté de boutons. Seuls les commandants ont des fauteuils comme le sien. Et il ne le prête pas souvent – seulement à des potes et encore, pas pour longtemps. Il fait semblant de méditer les yeux fermés sur l'espace frontière de l'infini, mais tout l'équipage présent sur la passerelle sait qu'il roupille à moitié. Personne ne lui jette la pierre car leur épuisement est réglé sur "assommer".

Une voix grave aux accents râpeux ébouriffants rompt la monotonie des bruitages familiers de la passerelle.

– Nous arrivons en vue de Ma-Zeta Minor, Capitaine.

L'interpellé est réveillé en sursaut. Sa manche glisse et il manque de se fracasser la mâchoire sur l'accoudoir. Traître. Ce serait moche de finir à l'infirmerie avec tout un nouveau jeu de boutons sur la joue. D'autant qu'il a largement dépassé l'âge de l'acné…

Histoire de montrer l'exemple du dépassement de soi, le capitaine James T. Kirk se lève aussitôt d'un bond sportif. Il a une silhouette apollinienne classique dont le point fort est surtout une très jolie paire de fesses toujours moulée dans un pantacourt noir en élasthanne lycra, porté sur des bottines à petit talon, qui font une cheville des plus élégantes. Pour la tunique, c'est simple il en a deux. La jaune et la verte. Aujourd'hui, il a la verte parce qu'elle lui dégage un peu le col et c'est toujours celle qu'il met pour montrer qu'il s'épile. Les vrais hommes du futur font ça. C'est important de soigner les détails quand il jogge torse nu, tous les matins dans les couloirs de son vaisseau, en retard de son check up médical. Rappelez-vous. Exemplarité.

– Merci monsieur Spock. Que disent les relevés ?

– C'est une planète de classe M. Atmosphère : semblable à la Terre. Les continents ne sont pas exactement répartis de la même façon mais le ratio terre/eau est parfaitement respecté…

– Je vois. Lieutenant Uhura, est-ce que vous avez une localisation plus précise de ce signal de détresse ?

– Pas encore, capitaine.

– Réessayez sur toutes les fréquences… J'aimerais qu'on s'en occupe au plus vite car si on ne se repose pas tous bientôt, mon médecin de bord va me coller aux arrêts...

Le reste de la phrase meurt dans ses cordes vocales car une jeune enseigne, à choucroute blonde et uniforme rouge au ras de la conscience, vient d'entrer dans son champ de vision, avec un padd à signer. Pendant trois secondes, il va penser que la bureaucratie est la plus belle invention du monde… et qu'elle égaye vraiment sa journée. Plus vite que les senseurs de son vaisseau sur les infrastructures de la planète, il scanne la demoiselle de haut en bas en s'exécutant avec bonne volonté. Nombre de jeunes recrues lui sont hélas inconnues, car vous pensez bien qu'avec quatre cent trente personnes à bord, il a arrêté d'essayer de retenir les noms de tous les plantons...

La jeune biche aux yeux de godiche (ou l'inverse) sourit en se tortillant parce que le Capitaine l'a regardée avec les deux jades fumées qui lui servent ordinairement d'iris et un sourire rêveur. Elle tremble en baissant la tête pour cacher sa joie. Elle a parié gros avec l'infirmière Chapel et le lieutenant Uhura que le Capitaine mettrait moins de vingt-quatre heures à trouver une excuse pour qu'elle fasse partie du prochain détachement en mission.

La pauvrette s'est bien fait avoir. Car le capitaine James T. Kirk, s'il est un dieu vivant à bord de l'Enterprise, et contrairement à tous les dieux vivants que le vaisseau a pu croiser auparavant, s'interdit de coucher avec quiconque sous ses ordres. Les jalousies, ça mettrait une mauvaise ambiance. Aussi se voit-il contraint de se rattraper comme il peut avec toutes les bombasses aliènes aux tenues minimalistes qui se jettent en travers de sa route pour se pendre à son cou. Car voyez-vous, l'Univers compatissant a conscience de son problème et lui en envoie régulièrement. Non, pas une par mission, ça finirait par se voir. Mais pendant que je bavarde, notre Adonis s'impatiente.

– Lieutenant Uhura, toujours pas de réponse ?

– Non capitaine.

En même temps, ça ne faisait que deux minutes à peine… Il s'en veut de harceler Uhura. Il ferme les yeux pour tromper son attente, fait rebondir ses poings sur le dossier de son fauteuil puis sent bientôt tout près de lui la présence fraîche du grand sac d'os sarcastique coupé au bol qui lui sert d'officier scientifique et… de réceptacle à vannes dès qu'il en a besoin. L'indispensable, l'inaltérable, l'insubmersible, commandeur Spock. Sans lui, il se demande ce qu'il ferait pour supporter la solitude herculéenne des chaînes du commandement. Se jeter sur les petites enseignes ?

– Tout va bien, capitaine ?

– Très bien, ment-il éhontément. Toutefois par précaution, je vais descendre me prendre un petit stimulant à l'infirmerie, le temps des manœuvres de mise en orbite. D'ailleurs pendant que j'y pense : manœuvres de mises en orbite, monsieur Sulu.

– Sulu n'est pas là mais je m'en suis occupé, cap'tin, enchaîne l'enseigne Chekov en manipulant des boutons d'un air professionnel et important.

– Merci monsieur Chekov. Monsieur Spock, je vous laisse une minute la passerelle…

– Bien capitaine.

La grande asperge brune cligne ses paupières fardées pour acquiescer et vient de s'installer d'autorité dans son fauteuil encore tout chaud. Il adore faire ça. Ou alors il en a juste plein les pieds d'être debout. On ne sait pas si le sang vert empêche une bonne circulation dans les jambes, finalement...

James T. Kirk se dirige alors vers les portes rouges de l'ascenseur sous les regards émerveillés de la passerelle. A peine est-il sorti que tout le monde arrête de rentrer le ventre et de se tenir droit, en s'affalant sur les consoles avec des gémissements bien peu protocolaires. Sauf Spock, bien sûr.

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A l'infirmerie, le Dr McCoy se plaint constamment d'être débordé mais il reste planté là comme un cèpe, à l'attendre avec des poches sous les yeux de la taille du Nevada. En réalité, il n'en rame pas une aujourd'hui ! Tirant sur sa jaquette bleue, le médecin fixe le capitaine de ses grands yeux bleus globuleux mi-réprobateurs mi-compatissants pour l'accueillir fraîchement :

– Vous êtes encore debout, Jim ? Depuis quand est-ce que je vous serine de prendre au moins six heures de sommeil ?

– Je sais, je sais, je viens juste pour un hypo...

Dépité de parler à un mur, le médecin chef fait la tête en faisant saillir sa lèvre inférieure. Il sort une seringue futuriste dépourvue de la moindre aiguille et la lui flanque sur le biceps sans même relever la manche. Si, parce qu'on est dans le futur et que l'infirmerie d'un vaisseau aussi à la pointe que l'USS Enterprise, ce n'est pas l'annexe de Redjac*, on ne charcute plus les gens.

– Allons. Vous savez ce que ça vous fait ces produits à la longue, commente-t-il en reposant la seringue vide sur un plateau. Vous devenez sec, mesquin et grincheux et vous foutez la trouille à tout l'équipage à force de leur hurler dessus !…

D'un beau mouvement de tête latéral face caméra pleine lumière, James T. Kirk déclenche son offensive de charme et lui décoche un de ces sourires ravageurs dont il a le secret et qui ferait fondre les carapaces géorgiennes boudeuses les mieux trempées.

– Vous pouvez parler… Ils ont encore plus peur de vous que de moi. Vous avez déréglé tous les menus des synthétiseurs depuis deux semaines pour les forcer à manger sain…

– Je ne plaisante pas, Jim. Les hommes n'en peuvent plus, mais je crains que l'équipage féminin ne se mette en grève très rapidement si on ne va pas en permission. Il y a des… hum… incidents inappropriés sur tous les ponts…

– Ne vous inquiétez pas, docteur ! On était en route mais il y a un petit signal de détresse de rien du tout qu'il fallait vérifier…

– Passerelle au capitaine, passerelle au capitaine… quelqu'un est en train d'activer les téléporteurs pour monter à bord !

Le capitaine James T. Kirk lui adresse un petit regard timide qui signifie très exactement « qu'est-ce que je vous disais ? », se relève et titube légèrement jusqu'au prochain communicateur mural qu'il active d'un coup de son petit poing préoccupé. Il fait toujours ça, c'est plus viril.

– Kirk à la Sécurité. Qu'une équipe me rejoigne immédiatement en salle de téléportation…

Le capitaine soupire, remercie son ami et court pour arriver avant le truc qui a l'intention d'entrer sans permission dans son vaisseau.

Là, vous commencez à piger pourquoi ses fesses sont en béton. Il passe son temps à ne jamais être où il faut, galopant de la passerelle à l'infirmerie, de l'infirmerie à l'ingénierie, de l'ingénierie aux téléporteurs, de la salle de réunion à ses quartiers… Il pense que s'il chope le concepteur du vaisseau un jour entre quatre yeux, il aura des suggestions pour rapprocher un peu tout ça…

Il déboule à la porte qui s'ouvre avec le chuintement couiné habituel et il trouve un Scotty raide derrière son pupitre, en train de regarder un paquet qui s'est matérialisé dans l'un des emplacements ronds où les trucs se matérialisent. Jamais à côté ou au milieu n'importe où. C'est bien fait.

– Mais qu'est-ce que c'est que ça ? demande le capitaine.

– Je n'en sais rien du tout ! se défend Scotty, outragé qu'on ose croire qu'il a des dons de divination.

Mais il est aussitôt interrompu par la voix d'Uhura.

– Passerelle au capitaine, une communication par ondes subspatiales en provenance de la planète. Elle dit que vous devez vous rendre de toute urgence aux coordonnées transmises, muni de la boîte. Capitaine, je ne sais pas de quelle boîte il s'agit…

– Merci lieutenant, elle a été envoyée par téléporteur. Répondez-leur qu'on arrive. Et envoyez-moi Spock.

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Le capitaine en grande tenue de parade trépigne pendant que l'officier scientifique tourne et retourne une petite boîte gravée qui s'est allumée au toucher.

– Alors, qu'est-ce que vous en dites, Spock ?

Au mépris du danger (et de tout protocole de sécurité), ils ont ouvert le paquet et découvert une petite boîte rectangulaire avec des dessins dessus qui s'est allumée faiblement quand le Vulcain l'a prise en main. Son visage ne trahit qu'une forme de curiosité scientifique : sourcils en V et lèvres droites et pincées en une moue indéchiffrable.

– Capitaine, il n'y a pas assez de données pour que je puisse extrapoler une analyse. Les dessins ne correspondent à aucune langue connue de la base lexicale de la Fédération.

– Spock, s'il vous plaît, donnez-moi votre opinion, une simple spéculation, mais quelque chose... Un détachement est attendu sur la planète mais j'aimerais bien savoir avant ce qu'ils espéraient en nous envoyant ce dispositif, quoi que ce soit… Imaginez, si c'était pour prendre le contrôle du vaisseau ?

Spock lève un sourcil dubitatif mais répond poliment :

– On ne peut ni l'exclure, ni le confirmer, capitaine.

Ce dernier lève les yeux au ciel et tend la main.

– Bon, tant pis, donnez-le-moi. Et virez-moi ces fringues, on a cinq minutes !

– Capitaine ?

Spock est habitué à certaines formules ambiguës de son supérieur quand ce dernier est en état de manque sexuel. Soit une grande partie du temps. La façon parfaitement neutre qu'il a de le lui faire remarquer est le meilleur garde-fou au monde. Le Vulcain pratique l'ironie froide comme un sport de combat et à grand coups de sourcils.

– Je veux juste que vous soyez… présentable. Uhura a dit que nous allons rencontrer une altesse… Alors vous allez me faire le plaisir de passer votre tenue d'apparat, de sortir vos galons et de bomber le torse… Ce peuple est inconnu de la Fédération et c'est l'occasion de nouer peut-être un précieux contact. Ils sont raisonnablement avancés, suffisamment pour avoir repéré notre vaisseau et nous envoyer un objet…

– Capitaine, la boîte brille davantage. Sur quoi avez-vous appuyé ?

– Euh… mais sur rien du tout… Dépêchez ! La délégation nous attend…

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Les téléporteurs viennent de démoléculariser le capitaine et son premier officier. Ils sont maintenant dans une grande salle de plafond haut, richement décorée, mais le capitaine ne voit rien du tout du décor en raison de la femme qui lui fait face. Son comité d'accueil le dépasse de deux têtes, elle porte une tiare de diamants et des boucles assorties. Sa robe de mousseline chatoyante très près du corps et très courte (ça il a l'habitude) est aussi très… transparente.

Il déglutit. Pas le moment, pas le moment, se répète-t-il. Elle est entourée d'une garde royale musclée portant bottes blanches, capes rouges et lances tranchantes, uniquement constituée d'amazones en bikini rectangulaire minuscule et argenté…

Désarçonné par la parcimonie de la mode locale, il cherche un peu de soutien moral auprès de son camarade en lui glissant un coup d'œil, et c'est là qu'il comprend qu'il y a un problème.

Et un gros.

Parce que quand il regarde vers Spock, ce n'est pas le grand échalas maigre au visage austère qu'il aperçoit, mais sa propre figure stupéfaite.

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* Nom trompeusement simplifié donné à Red Jack, soit Jack l'Eventreur. S2E7 – Wolf in the fold

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