Ghostbusters Underneath

CHAPITRE 10

Big wheel keep on turning

Proud Mary keep on burning

New York, Manhattan, Station Warren

3 juillet 1990, soirée.

           Yanosh était à demi inconscient. Il était là depuis des jours, des semaines peut être et il le savait, sans boire ni manger, sans réellement dormir. Il était engonçait dans un cocon rosâtre qui semblait subvenir à tous ses besoins vitaux. Il ne sentait que les coups de son propre cœur derrière ses tempes, derrière ses yeux, et cette colère sourde et lancinante contre les gars de Sos Fantômes, comme une braise sur laquelle le vent viendrait souffler, pour l’empêcher de s’éteindre. Il ne savait pas depuis combien de temps, mais à côté de lui se trouvait désormais quelqu’un d’autre, tout aussi hagard. Un rouquin barbu, lui aussi débout, également prisonnier d’une coque transparente rose. Son regard embrumé était fasciné par un aquarium aux volutes art-déco dans laquelle barbotait un genre de poulpe mauve dans une soupe bubble-gum, à quelques mètre d’une grande rotonde aux barreaux rouillés. Les deux prisonniers étaient sur un quai de métro le long duquel coulé une épaisse boue rosâtre. Un grondement sourd comme le tonnerre résonna par la gueule sombre d’où s’écoulait les flots terrifiant. Le tunnel cracha une énorme vague, comme une langue qui vint lécher le quai et s’éclater aux pieds des pauvres captifs, laissant derrière elle une masse gélatineuse de la taille d’une camionnette. Le barbu ne semblait pas réagir, mais le pauvre Yanosh tremblait de tout son corps. La boule rose était agité de soubresaut, comme un cœur qui bat, frappant crescendo, grossissant au fur et à mesure un peu plus. Prisonnier dans son propre corps, Yanosh s’entendait hurler a plein poumon, mais sa gorge ne laissa filer qu’un faible cri strident, semblable au sifflement d’une cocotte-minute…

New York, quelque part sous Manhattan

3 juillet 1990, soirée.

           Agglutinés sous leur bulle invisible, les gars avançaient au milieu des reflux pourpres et blanchâtre, protégé par la « cane » d’Egon. Eclairés par les faibles ampoules de leurs casques, le tunnel leur semblait bien bas, mais le moral était bon. Mené par la voix grave de Venkman, les quatre compères chantaient à tue-tête :

« -Rolling, rolling, rolling on the river!”

Ils avançaient à contre-courant depuis quelques heures, et avaient déjà dépassé une autre station. Le niveau de slime remontait doucement, mais dangereusement, et le pack modifié d’Egon qui alimentait commençait à donner des signes de faiblesses. Ils allaient devoir réitérer la manœuvre de la station Von Horne au prochain arrêt. Une pause allait également devenir nécessaire afin d’apaiser les fatigues de chacun tout comme celle de la mécanique. Le tunnel finit par s’ouvrir sur une immense salle : l’entrée du tunnel suivant semblait a des dizaines de mètre, du plafond toutes en voute pendait deux lustres de cristal massifs dans lesquels se reflétaient les lueurs roses ambiantes, une rotonde métallique reposait au pied d’un large escalier de marbre bouché à son sommet par de la roche, des briques et des gravats. Au pied de cet escalier gisait un wagon. Les traces sur les sols semblaient indiquer qu’il avait été trainé hors de la rame et abandonné là. C’était un gigantesque tube épousant la forme des tunnels arrondis et dont les uniques fenêtres étaient aux extrémités, encadrant à l’arrière la porte dont l’accès se situés sur une petite passerelle, comme les wagons de queue des trains de l’époque. Les gars se hissèrent tant bien que mal sur le quai, et commencèrent à inspecter les lieux. Peter disparu derrière la rotonde, Egon faisait le tour du wagon au PKE. Winston était émerveillé par les mosaïques représentant une verdure luxuriante au-dessus de laquelle il était indiqué :

« -Reservoir Park… C’est où ça, Reservoir Park ? Demanda-t-il à Ray, perplexe.

-On est sous Bryant Park. Il a changeait de nom en 1884. »

Winston frissonna :

« -On est sous Bryant ? On est mieux sous la surface alors… »

Un claquement sourd se fit entendre derrière la rotonde, suivit d’un vrombissement dans toute la station, puis les lustres s’illuminèrent lentement, éclairant tout l’endroit, qui reprit alors un semblant de vie. Surgissant de derrière le wagon, Peter entonna un « tadaa » satisfait en coupant sa lampe et retira son casque, qu’il déposa avec son pack à proton aux pieds des marches.

« -Alors Egon, mon grand ? La zone est-elle sur ? »

Egon retira également son casque après avoir rangé son détecteur à sa ceinture.

« -Psychiquement, difficile à dire avec toutes ces interférences, mais pour ce qui est de nos intégrités physiques, je ne partirai pas un dollar là-dessus. Toutes les parties métallique de la pièce sont potentiellement vecteurs de maladie, le plafond et l’éclairage peut nous tomber dessus à tout moment et j’imagine que les fissures et les recoins sont parfait pour les rongeurs en tout genre. »

Pendant que Spengler faisait son exposé, Ray s’était approché du wagon, et en avait vérifié l’intérieur au travers les vitres ovales puis se tourna vers ses collègues avec un sourire béat :

« -On pourrait dormir ici quelques heures ? On y serait bien ! »

Egon désapprouva d’un rictus que Winston accompagna d’une négation de la tête. Peter s’approcha de l’une des vitres à l’avant. Des banquettes molletonnées aux broderies désuètes longeaient de part et d’autres l’intérieur du wagon. Il eut à peine le temps de peser le pour et le contre qu’un soufflement d’air comprimé accompagna l’ouverture des portes à l’extrémité du véhicule: Ray venait de trouver un levier. Voyant son ami entrer et se mettre à son aise, Egon compris qu’il n’aurait pas voix au chapitre. Il s’adressa à ses deux autres compagnons d’infortune :

« -Ne laissez rien à l’extérieur du wagon. Nous allons rester ici quelques heures. »

O

           Il avait beau faire de son mieux, Egon n’arrivait pas à fermer l’œil. L’endroit n’était pas sur mais ce qui mettait un sérieux frein à sa détente était le concert de ronflement nasale et guttural généreusement offert par Ray et Peter. Winston semblait s’en accommoder. Le wagon était suffisamment long pour coucher deux hommes sur chacune des longues banquettes, Winston et Ray sur celle de gauche, et sur celle de droite, Peter et Egon, proche de la sortie, leurs bardas et appareils en dessous. Pouvant se passer de sommeil, Egon sorti du wagon pour se dégourdir les jambes et l’esprit. Le soufflement de la porte réveilla Winston, qui mit quelques minutes à comprendre que son ami était sur le quai. Appuyé sur une rambarde métallique, Spengler observait les mouvements boueux de la rivière. Zeddemore s’approcha, et s’appuya également :

« -Ca carbure encore dans ta caboche?

-Je serai curieux de mener des tests sur chacun de nous lorsque nous en aurons terminé. Il sera intéressant de voir l’effet qu’une promiscuité prolongée à une telle quantité de slime peut avoir sur nos schémas cérébraux… 

-Tu t’arrêtes jamais, hein ? S’amuse Winston.

-Je suis donc je pense, » confirma Spengler avec un sourire amical. 

Au travers les clapotis du slime et les ronflements, les deux chasseurs de fantômes entendirent tinter les verreries des lustres. Ils levèrent la tête à l’unisson. Tournoyant sous les voutes, une boule verte et mauve était en orbite autour des luminaires, comme hypnotisé par les lumières, caressant les verreries du bout des griffes à chaque passages. Winston avait beaucoup de peine pour ce pauvre Bouffe-Tout qui ne semblait plus du tout lui-même. La créature n’était déjà pas spécialement belle à regarder avant cette transformation, mais sa bonhommie et gourmandise en avait fait un compagnon agréable et sincère au cours de ces dernières années. Cette nuit, il faisait froid dans le dos. Egon ne se laissa pas impressionner.

« -Réveil doucement les gars. Ordonna-t-il à Winston. Je vais mettre en place le dispositif... »

De l’entrée du wagon, Winston passa le lourd sac de sport noir à son collègue. La zone sous l’un des lustres était dégagée, Egon y posa son sac. Il en sortit tour à tour trois petites caisses blanches, qui, dans une autre vie, avaient été des micro-ondes. Désormais privé de leurs portes vitrées, elles étaient reliés entres elles par un câble de grosses sections, la première ayant sur le dessus un bouton coup-de-poing rouge. A l’intérieur de chacune de ces caissettes blanches se trouvait un pièges a fantômes, chacun également grand ouvert, dépourvue de volets. Egon disposa en un large triangle son dispositif qu’il avait baptisé « l’exorciseur ». Winston, Ray et Peter sortirent du wagon équipés, packs à proton allumés et canons en mains. D’un geste calme de la main droite, Egon les invita à la discrétion, et resta agenouillé à côté du bouton rouge pendant que ses trois collègues se positionnèrent de part et d’autres de son installation.

« -Surtout, évitez de nous faire tomber le lustre sur la tête. » Chuchota-t-il d’un air accusateur.

Venkman voyait bien que la vue de ce pauvre Bouffe-Tout chamboulait Ray. Pete ne comprenait pas le lien qui unissait son ami et la créature, mais il le savait sincère comme celui unissant un petit garçon et son chien. Il tenta de le rassurer du mieux qu’il put: 

« -On le choppe, on le secoue et tout ira pour le mieux. »

Les trois canon a proton vrombir en chœur. Stantz indiqua :

« -J’envoie une giclée a un mètre du lustre, ça devrait l’en éloigner. Après ça, Winston, tu le rabats vers Venkman. On devrait pouvoir de le capturer sans trop de casse. »

Et sans attendre, Ray envoya un flux de proton à bonne distance de l’éclairage. Le fantôme hurla de frayeur et, comme prévu, s’enfuit dans la direction opposé. Winston fit feu à son tour, mais la boule de slime esquiva rapidement, et l’éclaire orange et bleu frappa l’un des murs arrachant au passage briques et faïences. La créature s’arrêta en plein vol, fit demi-tour en chargea en direction de Zeddemore d’un air mauvais, avec un hurlement à glacer le sang. Venkman envoya à son tour un jet de proton, stoppant violement la créature dans son élan, manquant de faire glisser en arrière le chasseur.

« -Tiens le bien ! hurla Stantz.

-J’vais me casser la gueule. Chope le Winnie ! »

Zeddemore assura la prise d’un second jet de proton, resserrant l’étreinte autour du monstre vert et mauve. Tirant de toutes ses forces en arrière, le terrifiant glouton aurait presque emporté les deux chasseurs. Dans la cohue, Egon hurla :

« - Surtout ne croisez pas les effluves ! Ramenez-le au centre de « l’exorciseur » ! »

Ray envoya un troisième flux pour soulager ses collègues, attrapant sans mal la créature, désormais contenu par trois flux de proton. Les trois hommes poussèrent, tirèrent, criaient, soufflaient, et amenèrent la créature au-dessus du triangle de câble et de micro-onde. Egon écrasa sa paume sur le gros bouton et l’installation se mit à vibrer, les carcasses de pièges s’éclairant les uns après les autres, envoyant trois faisceaux de lumière sur le monstre. Les trois chasseurs coupèrent les canons. La créature ne bougeait plus, elle vibrait, elle hurlait. Derrière le hurlement guttural, Ray reconnaissait celui de Bouffe-Tout, souffrant le martyr. Au travers la surface de son corps vert s’écouler comme de la sueur le slime rose, tombant au sol en de fines gouttelettes, formant une petite flaque. La flaque glissa lentement jusqu’au rebord du quai et se laissa couler dans la large rivière. Les trois boites blanches tintèrent de trois « ding » simultanés, et l’installation se coupa d’elle-même. Désorienté, Bouffe-Tout rejoignit le sol dans une lente vrille incontrôlé, et s’attela sur le ventre, s’enfonçant légèrement dans le sol. Ray rengaina son arme et se précipita. Sous les yeux de ses amis silencieux, il s’agenouilla près du petit fantôme vert.

« -Hey, ça va mon petit pote ? »

Bouffe-Tout gargouilla quelque chose que Ray semblait avoir compris. Il fouilla dans ses poches et en sorti une barre chocolaté. Après en avoir retiré l’emballage, il la jeta dans la large gueule de la bestiole couché sur le coté, qui en ronronna de plaisir. Le gentil goinfre s’éleva d’un bon mètre et se mit à tourner au milieu des gars, reconnaissant.

« -Ouais, ouais, lui annonça Venkman, mais reste à distance, ok. »

Après un regard amusé, Bouffe-Tout tourna encore un peu autour de Ray, et monta vers les voutes pour disparaitre au travers le plafond dans un « splash » dégoulinant.

Egon avait déjà entrepris de remballer son installation.

« -Essayons de fermer un peu les yeux, » annonça t’il a ses camarades en rangeant une par une les parties de « l’exorciseur » dans le sac noir. « Demain matin il nous faudra relancer la soufflerie de cette station et dégager à nouveau la rivière de slime. D’après mes calculs nous devrions atteindre la station Warren dans l’après-midi. 

-On risque de rater le feu d’artifice.» Commenta Peter en aidant son ami à porter le lourd sac noir.

Laissant Venkman et Spengler retourner au wagon, Winston s’approcha de Ray. Il avait le nez en l’air et fixait la trace laissé au plafond.

« -Et c’est tout ? On le reverra tu penses ?

-Il nous aime bien. Affirma Ray. Il nous aime bien. »

New York, Manhattan, Station Warren

4 juillet 1990, fin de matinée.

           Avec un gout de vomi au fond de la gorge, et un étrange mal de mer, Walter Peck s’extirpa du sommeil. Il comprit rapidement qu’il ne pouvait pas bouger. Il avait longuement observé les lieux dans un état second, et l’endroit été comme changé. Le niveau de la marre de rose qui bordait le quai avait encore monté, et la masse gélatineuse avait encore pris du volume, cachant désormais son compagnon d’infortune, un petit blondinet a bouclette. Toute la logique dont disposé Walter Peck lui hurlait d’avoir peur, d’être effrayé. Il en été bien malgré lui incapable. Tout sentiment, toute notion de bon sens était remplacé par la colère, la haine et le ressenti. Quelque part au fond de lui, il le savait, il en été intimement convaincu, comme une réalité absolue, les Ghostbusters étaient derrière tout ça. Il s’agissait là d’un truc, d’une arnaque, d’une gigantesque farce. Un coup de Venkman a n’en pas douter. Dans les recoins de sa boite crânienne, il s’avait que ses pensées n’avait rien de logique ou de rationnel, mais « bon sang ! Le binoclard m’a drogué! Je l’ai pas rêvé ça ! » Se rassurait-il, conscient de ne pas pouvoir encaisser ce qu’il avait sous les yeux si il devait le prendre pour la réalité. Il senti quelque chose de poisseux dans ses chaussures, au travers ses chaussettes, entre ses orteils. Le niveau de la boue avait monté de tel sorte qu’une fine couche se rependait sur le quai. Pour son grand déplaisir, Walter Peck avait les pieds dedans. La boule tressauta. Cette gigantesque masse rosâtre remua. Elle semblait se nourrir du liquide qui recouvrait le sol. Et c’est alors que le bureaucrate embrumé compris: il avait sous les yeux un cocon colossal, et quelque chose allait s’en extirper. De larges griffes, comme des cornes de rhinocéros, déchirèrent la peau de l’enveloppe. De larges pates aux cuisses musclées, aux écailles mauves firent glisser le cocon le long d’une interminable épine dorsale, puis une large tête aux crocs acérés s’en extirpa à son tour. Peck ferma les yeux à s’en faire mal aux paupières, ses larmes de peur coulaient malgré tout en un fin filet le long de ses joues. Il entendit la créature avançait dans la boue rose, enfonçant ses griffes dans le carrelage du sol, puis dans la faïence des murs, entamant son ascension vers la surface. Walter Peck s’évanoui à nouveau dans son cocon, son urine chaude coulant le long de ses jambes jusqu’au slime froid dans ses chaussettes…