The drugs don't work
Le premier chapitre de cette fic participe au défi d'écriture du forum de fanfictions.fr de mars-avril 2025 : "l'omnibus des frangibus". Il sera suivi de 7 autres chapitres, qui devraient vous donner un aperçu assez large des relations entre les frères Holmes et surtout du palais mental de Sherlock, notion qui me fascine depuis que j'ai vu la saison 2 de la série et surtout la saison 3. Le rating est M car je traite dans cette histoire de thèmes que j'estime difficiles, à savoir la drogue, l'addiction, l'autodestruction, voire la dépression et les pensées suicidaires. Ce n'est pas du angst très lourd mais les thématiques peuvent être difficiles pour certain(e)s : je préfère prévenir. L'histoire se passe quelques années avant l'arrivée de John dans la vie de Sherlock. Le titre de la fic est tiré d'une chanson de The Verve (1997). Bonne lecture !
Chapitre 1 : L’obscur Ennemi [1]
– Mycroft...
Il sursauta comme si on venait de le frapper et redressa brusquement la tête, qu’il avait enfouie entre ses mains pour ne plus voir s’écouler les secondes sur sa montre, ni le visage mortellement pâle de son frère, ni ces traces au creux de son bras, pour ne plus rien voir du monde extérieur qu’il aurait volontiers réduit en miettes de ses mains nues, s’il avait pu laisser libre cours à sa colère et à sa douleur. Au lieu de cela, il était resté parfaitement calme lorsqu’il avait appris la nouvelle, avait prétexté auprès de ses collaborateurs une urgence professionnelle de la plus haute importance (que personne n’avait remise en cause) et s’était rendu en taxi à l’hôpital – toujours calme, toujours maître de lui, écoutant les explications, remerciant, souriant même poliment, jusqu’à ce que les médecins l’introduisent dans la chambre aseptisée et referment la porte derrière eux.
Et là, seulement, il s’était effondré.
Pourtant, il avait cru s’être suffisamment endurci pour pouvoir rester stoïque en toutes circonstances. Il avait passé les quinze dernières années de sa vie à s’entraîner – et il échouait lamentablement à la première épreuve. Il avait vu des horreurs, fait des choix douteux, et pouvait s’estimer raisonnablement responsable de la mort d’au moins douze hommes dont il avait ordonné l’exécution officieuse d’un ton calme et uni. Il avait vu mourir deux de ses plus proches collaborateurs, l’un d’entre eux après la lente agonie d’une maladie particulièrement douloureuse. A chacune de ces étapes, il était resté impassible, et s’il avait éprouvé de la compassion, de la tristesse, de la colère, il avait soigneusement gardé pour lui ces sentiments, qui s’étaient émoussés un peu plus à chaque mort, à chaque décision. Et malgré tout cela, il n'avait pu empêcher son cœur de se glacer d’horreur, son corps entier d’éprouver cette impression de vide et de froid lorsqu’à l’autre bout du fil, le médecin lui avait expliqué, avec quelques précautions oratoires inutiles, ce qui s’était passé. Pas plus qu’il n’avait pu empêcher ses mains de trembler, ses yeux de s’emplir de larmes et ses jambes se dérober sous lui lorsqu’il s’était retrouvé seul dans cette chambre, face au lit où reposait la silhouette bien trop maigre de son frère.
Jusqu’ici, Mycroft avait lutté contre des hommes qui s’évertuaient à semer dans leur sillage la mort et le chaos, contre des organisations qui cherchaient à écraser tout ce qu’il avait choisi de défendre, contre la douleur et la maladie qui s’abattent sur les hommes de manière imprévisible. A présent, il devait se battre contre son propre frère, contre les choix qu’il avait faits et qui l’avaient mené ici, dans cette chambre d’hôpital vide et froide qui sentait le désinfectant et le plastique neuf. Contre son propre frère qui, au cours de ces dernières semaines (mois ? années ?), s’était employé à se détruire lui-même. Aucune fatalité là-dedans, aucun ennemi extérieur malveillant à qui Mycroft aurait pu imputer l’état de Sherlock. Rien que la volonté du principal intéressé d’en finir avec la vie.
Et l’aîné des Holmes, qui se targuait de posséder le sens de l’observation le plus aiguisé du monde, n’avait rien vu venir. Régulièrement, tous les mois à peu près, il rendait visite à son frère ou le priait de passer le voir, entre autres pour s’assurer que « tout allait bien ». Et malgré cela, malgré l’attention toute particulière qu’il avait porté ou cru porter à son cadet, il n’avait rien vu. Rien déduit. Rien compris. Comme d’habitude.
Peut-être était-il tout simplement incapable de comprendre la moindre chose concernant Sherlock.
Les larmes n’avaient pas coulé le long de ses joues, mais il s’était assis sans la moindre grâce sur la chaise réservée aux visites. Ses mains avaient continué leur tremblement intermittent et n’avaient pas cessé pendant ces longues heures d’attente, pas même lorsqu’un médecin était venu, à trois reprises, vérifier les constantes du jeune homme allongé dans ce lit qui semblait bien trop grand pour lui. Après avoir lamentablement échoué à regagner le contrôle de son propre corps, Mycroft s’était contenté de se lever et de se placer dans un coin de la pièce, mains derrière le dos, étroitement serrées, pendant que l’homme en blouse blanche effectuait ses contrôles.
– Mycroft… murmura de nouveau Sherlock.
Sa voix était faible, rauque, cassée, comme si le jeune homme avait hurlé pendant des heures d’affilée. Ce qui, songea amèrement Mycroft, était peut-être le cas. Il ignorait tout des circonstances de cet… accident. Il ignorait où se trouvait Sherlock avant d’être emmené à l’hôpital, il ignorait qui l’avait trouvé, il ignorait comment il était arrivé ici. Il n’avait pas posé une seule question, se contentant de demander à voir son frère et à être laissé seul avec lui si son état de santé le permettait, parce qu’il savait qu’il n’aurait pu supporter aucune réponse, quelle qu’elle soit.
Le cadet Holmes avait ouvert les yeux et regardait son frère avec une intensité difficilement supportable. Mycroft le scanna du regard. Maigreur effrayante à voir, teint d’un gris maladif, yeux immenses et injectés de sang, encadrés de larges cernes violets, hématome de la taille d’une pièce de deux livres sur la pommette gauche, large coupure enflammée sur le front, au-dessus de l’arcade sourcilière. Il tremblait légèrement.
– Combien de temps ? demanda Sherlock.
Mycroft avala douloureusement sa salive. Son petit frère était réveillé. Il se souvenait de son prénom. Il posait des questions cohérentes. S’il existait une divinité quelque part dans l’univers, il ne la remercierait jamais assez. Il pouvait lui répondre à présent – si seulement ses mains pouvaient cesser de trembler…
– Sept heures, vingt-deux minutes et quelques secondes. Ils m’ont laissé entrer il y a trois heures et six minutes.
Il avait parlé volontairement bas, ne pouvant faire totalement confiance à la fermeté de sa voix.
– Oh.
– Oh, comme tu dis.
Les yeux de Sherlock papillonnèrent un instant avant de se refermer. Sans réfléchir, Mycroft bondit au chevet de son frère et l’agrippa par les épaules pour le secouer, sans considération pour les tuyaux qui pourtant le reliaient à diverses machines salvatrices. Si Sherlock se rendormait, il en était certain, ce serait pour toujours.
Et une telle éventualité n’était pas envisageable.
– Pas question. Tu restes éveillé.
Les paupières du jeune homme se soulevèrent avec difficulté.
– Tout va bien. J’ai juste sommeil…
Une gifle le réveilla tout à fait. L’air hébété, il leva vers Mycroft un regard chargé d’incompréhension et de rancœur.
– Qu’est-ce qui te prend ?
– Ce qui me prend ? répéta Mycroft, incrédule. Trois heures et six minutes à attendre que tu te réveilles, tout en sachant qu’il y avait une probabilité sur deux pour que tu ne te réveilles pas du tout ! Je pense que tu mérites bien plus qu’une simple claque, Sherlock.
La voix lui manqua à la fin de la phrase, alors qu’il prononçait à voix haute le prénom de son frère. Était-ce bien lui qui avait manqué à ce point de sang-froid et de retenue ? Il avait bousculé et frappé celui qu’il s’était juré de protéger malgré lui, et il avait attendu pour cela le moment où Sherlock était le plus vulnérable et ne pouvait pas se défendre.
Les battements de son cœur s’accéléraient dans sa poitrine et la pièce dansait devant ses yeux et il ne pouvait plus respirer – parce que tout cela était juste trop, il n’était pas prêt, pas assez préparé, et il fallait qu’il se calme, vraiment, parce que s’il ne parvenait pas à stabiliser son rythme cardiaque maintenant, il risquait de perdre connaissance…
Lorsqu’il revint à lui, il était assis sur une chaise dans le couloir et une infirmière lui offrait gentiment un verre d’eau, qu’il saisit machinalement.
– Comment vous sentez-vous, Monsieur Holmes ?
Il mit quelques secondes à comprendre que la jeune femme s’adressait à lui, et non à son père ou à un autre M. Holmes inconnu qui serait venu voir Sherlock pour des raisons qui lui aurait échappé.
– Tout va bien, je vous remercie.
L’infirmière sourit.
– Votre frère est tiré d’affaire. Les analyses sont rassurantes. Le médecin est en train de l’examiner, et vous pourrez retourner lui parler si vous voulez, mais pas trop longtemps, pour ne pas le fatiguer. Vous avez eu votre compte d’émotions pour la journée aussi, je pense, conclut-elle en lui tapotant la main.
Mycroft acquiesça aussi dignement qu’il le pouvait. S’était-il vraiment évanoui devant Sherlock, devant toute l’équipe médicale qui entrait à ce moment dans la chambre ? Une telle chose lui semblait impossible : il devait s’agir en effet d’un autre « M. Holmes », d’un autre Mycroft, aussi éloigné de lui que pouvait l’être un grain de sable d’une planète… Il reprenait peu à peu le contrôle sur son corps, sur son esprit, sur ses émotions bien trop volatiles. Rajustant son costume, il se redressa sur sa chaise, attendit que les médecins fussent sortis de la chambre de son frère et se leva pour y retourner.
Cette fois, il ne se déroberait pas à sa tâche d’aîné : il parlerait à Sherlock, et même si le peu qui subsistait de leur relation devait être brisée dans le processus, il lui extorquerait des compromis, des promesses, des garanties. Il y avait peu de chance, étant donné sa propension à l’autodestruction, pour que son frère lui laisse une autre occasion de le sauver de lui-même.
Il entra dans la chambre dont il referma soigneusement la porte derrière lui, se raidissant mentalement pour le sarcasme qui ne pouvait manquer de retentir.
– Tu t’es évanoui.
L’ironie dans la voix de Sherlock, assaisonnée d’un mépris quelque peu étonné, était presque palpable. Mycroft haussa les épaules et reprit sa place sur la chaise, à côté du lit.
– Et toi, d’après ce que je me suis laissé dire, tu as frappé un médecin et deux infirmiers, cassé une fenêtre et détruit plusieurs appareils médicaux de valeur, répondit-il d’un ton glacial.
– Tu ne t’es pas « laissé dire » que j’avais aussi cassé la figure du type qui m’a trouvé, et que je lui ai craché dessus, et aussi que j’ai vomi sur son manteau ? Je crois bien que c’était un inspecteur de police, ajouta Sherlock avec un petit rire méchant.
Le jeune homme avait presque l’air de trouver tout cela très amusant, et un observateur extérieur s’y serait sans doute laissé prendre. Mycroft, pour sa part, voyait très bien le tremblement incessant qui agitait le corps de son frère, les regards furtifs et apeurés qu’il lançait à tout moment vers la porte, la respiration haletante qui trahissait son anxiété. S’il n’avait pas été aussi affaibli par la drogue, il y avait fort à parier qu’il se serait déjà enfui loin d’ici. Comme il en était incapable, il gérait son angoisse en la remplaçant par la désinvolture, le mépris, la colère – autant de sentiments beaucoup plus faciles à exprimer.
– Tu veux sortir d’ici ? demanda Mycroft. Je peux…
– Ce que tu peux ne m’intéresse pas, répondit Sherlock avec brusquerie. Fous le camp d’ici, je n’ai pas besoin de toi, ni de personne d’ailleurs. Ne t’inquiète pas pour moi, je survivrai.
Ça faisait mal, bien plus que ce qu’il aurait voulu admettre. Au fil des années, Mycroft avait appris à faire avec ce genre de douleur, comme il avait appris à faire avec la culpabilité. Il avait pris l’habitude de répondre sarcasme pour sarcasme, méchanceté pour méchanceté, insulte pour insulte. C’était devenu comme une sorte de jeu entre eux. Un jeu pas très sain ni très amusant, mais après tout ce qui s’était passé – et par tout, Mycroft entendait tout ce que Sherlock savait et tout ce qu’il ne savait pas, ou avait inexplicablement oublié, Eurus, la mort de Victor, l’incendie de la maison familiale, son séjour à la clinique d’Ipswich, la première fois qu’il avait touché à la cocaïne, bref après tout ce qui avait définitivement brisé toute possibilité d’entretenir une relation fraternelle normale, c’était un miracle qu’ils puissent encore se parler. [2]
Cette fois, Mycroft se refusa d’entrer dans le jeu que lui proposait son frère.
– On dirait pourtant que tu as tout fait pour ne pas survivre, cette fois-ci, dit-il avec toute la douceur dont il était capable. Pourquoi ?
Le jeune homme ne répondit pas, mais ses mains tremblèrent un peu plus fort sur les draps blancs.
– Sherlock, insista Mycroft, je voudrais que tu essayes de m’expliquer. Si tu veux vraiment mourir, il y a des manières beaucoup plus propres de le faire. Pourquoi avoir choisi celle-là ?
– Tu ne comprendrais pas, répondit amèrement Sherlock. Toi, tu fais toujours ce qu’il faut quand il faut et comme il faut. Tu es toujours au bon endroit et au bon moment. Comment pourrais-tu comprendre ce qu’on ressent quand on n’est jamais à sa place nulle part ? Quand on fait toujours ce qu’il ne faut pas ?
– Peut-être que tu pourrais essayer de me l’expliquer, si c’est ce que tu penses.
Sherlock haussa les épaules.
– Il n’y a rien à expliquer. Peut-être que tu trouves un intérêt à ce que tu fais parce que tu as eu la chance de trouver un métier qui te convient et qui te permet d’utiliser tes capacités à cent pour cent. Tu arrives à faire croire aux autres que tu es à peu près normal, alors ils t’acceptent. Moi, je n’arrive pas à faire semblant, et ça ne m’intéresse pas d’ailleurs, alors je ne vois pas comment je pourrais trouver du travail.
– Et parce que tu es… désœuvré, tu t’es dit que l’unique autre option était de faire une overdose, pour en finir… ?
Mycroft ne parvint pas à achever sa phrase, mais Sherlock ne releva même pas.
– Je ne voulais pas mourir. Je n’ai pas fait ça dans ce but.
– Pourquoi, alors ? Tu t’es injecté volontairement une quantité bien trop élevée de cocaïne trafiquée par tes soins, et je ne peux pas croire que toi, l’expert en chimie et en anatomie, tu ignorais quel effet cela aurait sur toi…
La première fois que Sherlock avait touché à la drogue, il avait dix-sept ans. Ses parents avaient eu la merveilleuse idée de l’envoyer à une fête organisée par quelques lycéens pour célébrer la fin de leur calvaire scolaire et leur prochaine entrée à l’université. Le jeune homme avait râlé, ce genre de rassemblements sociaux ne l’intéressant pas le moins du monde, mais il avait fini par s’y rendre, sur l’insistance de sa mère. La soirée s’était achevée de façon catastrophique par quelques lignes de coke que de prétendus camarades de classe lui avaient généreusement « offerts ». Mycroft avait dû aller chercher son frère qui, complètement défoncé, avait failli lui casser le bras ; le ramener à la maison ; appeler d’urgence leurs parents qui étaient en train de fêter leur anniversaire de mariage…
Après cela, Mycroft avait gardé un œil sur son cadet, mais le cursus particulier qu’avait choisi Sherlock (physique-chimie, biologie et psychologie) l’avait tellement accaparé qu’il n’y avait pas eu, pendant les cinq années qu’avaient duré ses études, de place pour quoi que ce soit d’autre. Lorsque le jeune homme avait finalement quitté l’université sans avoir passé un seul examen final, sans diplôme en poche, il n’avait – du moins en apparence – fait aucune recherche active pour un quelconque travail. Il s’était trouvé un petit appartement, que lui payait Mycroft, et semblait s’occuper et s’en tirer assez bien tout seul. [3]
Etant donné les traces récentes et anciennes de piqûres au creux de ses coudes, ainsi que le résultat des analyses effectuées par les médecins, tout cela n’était qu’une façade et la cocaïne était devenue une habitude depuis au moins plusieurs mois, voire plusieurs années. Mycroft se demanda, pas pour la première fois depuis qu’il avait appris la nouvelle, comment il avait pu être aussi aveugle.
– Je voulais juste voir… murmura Sherlock.
Son regard s’était fait rêveur, et Mycroft comprit que la drogue n’avait pas été totalement éliminée de son organisme : il voulait repartir là-bas, dans ce monde qu’il préférait mille fois à la réalité, un monde où, probablement, il était accepté et compris, un monde où, peut-être, il n’y avait personne, et sûrement pas son frère.
– Voir quoi ?
– D’autres lieux. D’autres pièces.
Mycroft resta un instant interdit, se demandant si Sherlock planait encore ou si ses propres oreilles lui jouaient des tours. Il sentait que ces mots étaient importants, mais il ne les comprenait pas.
– Des pièces de quoi ? demanda-t-il prudemment.
– De mon palais, répliqua le jeune homme sur le ton de l’évidence. Tu n’as pas de palais mental, n’est-ce-pas ? ajouta-t-il avec un petit sourire – un sourire qui n’était ni mesquin, ni ironique, mais presque espiègle, et qui ramena Mycroft vingt ans en arrière.
– Tu veux parler des techniques mnémotechniques des orateurs romains ? [4]
Il se doutait bien qu’il y avait autre chose derrière ces deux mots, quelque chose de bien plus important, mais il ne comprenait toujours pas.
– J’ai perfectionné la technique, répondit Sherlock.
Il avait l’air à présent totalement euphorique. Qu’avait dit le médecin ? Les effets de la cocaïne ne se sont pas encore totalement dissipés. Il est fort possible qu’il tienne des propos incohérents. Laissez-le parler, ce n’est rien de grave.
Mais les propos de Sherlock n’étaient pas incohérents, et l’aîné des Holmes comprit brusquement que, pour la première fois, son frère allait lui ouvrir la porte de son esprit, qu’il avait jusqu’ici maintenue résolument close pour tout le monde. Qu’il allait, sous la pression conjuguée de la drogue et de l’angoisse, le laisser entrer, pour la première et probablement la dernière fois.
– Il n’y a que dans ce palais que je me sente vraiment chez moi. Est-ce que tu veux que je te montre ?
– Bien sûr, hasarda Mycroft, tout en se demandant comment son frère pourrait bien lui montrer quelque chose qui n’existait que dans son esprit.
Sherlock fit alors quelque chose de tout à fait extraordinaire – quelque chose qu’il n’avait jamais fait, de toute sa vie, car toucher les autres ne lui avait jamais été naturel : il tendit sa main gauche hors du lit, paume vers le ciel.
– Prends-la, dit-il doucement.
Et Mycroft s’exécuta.
[1] Tous les titres de cette fanfic seront des extraits de Baudelaire, en l’occurrence de la dernière strophe du poème « L’Ennemi » dont je vous reproduis ici la dernière strophe : « — Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie, / Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur / Du sang que nous perdons croît et se fortifie ! » Oui, c’est charmant. Bienvenue ! :-D
[2] Tout ce que mentionne Mycroft fait référence à la saison 4 de la série, sauf le « séjour de Sherlock à la clinique d’Ipswich », qui est une référence à la fic que je viens de poster, « Le détective agonisant » (dernier chapitre). Oui, je me fais toujours de la pub, sorry not sorry.
[3] Tout ce que je raconte dans cette fic à propos de Sherlock et Mycroft avant « Une étude en rose » n’est absolument pas canon et ne provient que de mon imagination.
[4] Une des mes obsessions dans la vie : la Rome antique et la rhétorique. Quintilien et Cicéron, notamment, ont théorisé la notion de « palais mental » (qui existait déjà dans des ouvrages plus anciens) qui permettait aux orateurs de mémoriser sans effort un discours de plusieurs dizaines de pages. Cette technique est toujours utilisés de nos jours par des « champions » de mémorisation.