Sanctuary's songs

Chapitre 9 : La Coladeira

1850 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a environ 2 mois

Aldébaran était assis sur les marches de pierre menant à son temple. L’après-midi commençait à peine et le soleil estival était encore bien haut dans le ciel. Les entraînements quotidiens avaient pris fin depuis quelques heures déjà et seuls les chants entremêlés des cigales et des grillons parvenaient aux oreilles du chevalier du Taureau. Tout paraissait paisible, calme… Trop calme justement ! Depuis l’achèvement de la dernière guerre sainte, le sanctuaire de la déesse Athéna avait peu à peu sombré dans l’oisiveté, la paresse et l’ennui.

Le deuxième gardien du zodiaque rentra chez lui, la trop grande tranquillité du Domaine Sacré le rendait morose. C’est à peine si les chevaliers se retrouvaient encore pour discuter. Chacun préférait vaquer à ses occupations dans son coin, ne se mêlant aux autres que lors des entraînements obligatoires. Il fallait faire quelque chose pour sortir les habitants du Sanctuaire de leur torpeur… Mais quoi ? Aldébaran n’en avait pas la moindre idée. Le brésilien farfouilla dans sa collection de cd histoire de penser à autre chose.


  • Tiens ça fait longtemps que je n’ai pas écouté Carlos ! se dit-il en allumant la minichaîne stéréo. Les premières notes de « La coladeira » retentirent dans le temple du chevalier d’or.


Amis, c’est la coladeira

Cola cola cola coladeira

Cola cola cola coladeira

Collé à toi ma coladeira


  • Il n’y a rien de tel pour vous remonter le moral ! songea Aldébaran en se trémoussant devant sa radio.


Et puis il s’arrêta net. Une idée venait de lui traverser l’esprit. Ce fut comme une révélation, le deuxième gardien du zodiaque venait de découvrir le moyen de sortir le sanctuaire d’Athéna de son apathie.


Aldébaran demanda en urgence une audience auprès du Grand Pope et d’Athéna. Il ne voulait pas perdre une seconde dans la mise en place de son projet. Il resta une heure en leur compagnie puis rejoignit son temple où il s’enferma pendant trois jours. Les autres chevaliers d’or commencèrent à s’inquiéter de ne plus voir le géant brésilien aux entraînements et Mû, qui rendait visite régulièrement à son voisin du haut, eu droit à la porte de bois lorsqu’il voulut prendre de ses nouvelles.

Seuls quelques messagers furent dépêchés pour porter des commandes au village de Rodorio, mais ils refusèrent catégoriquement de parler même sous la menace des tortures lentes et raffinées du chevalier du Scorpion. Le Grand Pope fit également interdire l’accès à la petite plage bordant le Domaine Sacré, ce qui eut pour effet d’attiser la curiosité des habitants de celui-ci. Tous s’interrogeaient sur les mystérieux préparatifs dont s’occupait le chevalier du Taureau et Kanon en profita pour prendre les paris sous le regard désapprobateur de son frère.


Dans les jours qui suivirent la fermeture de la plage, chacun reçu une invitation et un paquet contenant, pour ces messieurs : un short et une chemise hawaïenne, alors que ces dames se voyaient offrir une robe légère aux couleurs exotiques.

Un lieu et une date venaient d’être fixés. Le mystère allait enfin être dévoilé et chaque invité attendait avec impatience l’arrivée du jour « j ».


*****


  • Dois-je vraiment porter cette chemise ridicule ?! grogna Camus en fixant sur son reflet un regard assassin.


  • Ça fait partie du jeu ! lui répondit une voix féminine dans son dos.


Le jeune homme se retourna pour admirer sa femme. Vêtue d’une robe turquoise, imprimée de tiarés blancs, qui lui arrivait aux chevilles, Morwen était magnifique.


  • Cesse de t’en prendre à ce miroir et dépêche-toi, nous allons être en retard ! lança la jeune femme en lui agrippant le bras. Milo et Niënor doivent déjà nous attendre.


Les deux couples avaient décidé de se rendre ensemble au lieu de rendez-vous indiqué sur leurs invitations. Quand ils arrivèrent aux abords de la plage, ils virent qu’une grande partie de celle-ci était entourée d’une clôture en bambou cachant au regard des curieux ce qui se trouvait derrière. Aldébaran les accueillit avec un chaleureux sourire tout en leur passant autour du cou un collier de fleurs des îles. Il les fit ensuite passer sous un rideau de perles de verre qui donnait sur une sorte de sas en bambou et feuilles de bananiers. Le brésilien les invita à traverser, leur souhaitant de passer une agréable soirée, puis les abandonna pour rejoindre son poste et accueillir ses autres invités.

Passant le second rideau de perles, Niënor resta sans voix devant le paysage qui s’offrait à ses yeux ébahis.


Quand tu danses sur le sable

Dans les pas brûlants du diable

Les volcans de l’île brune

Se réveillent, se rallument

Et le rhum qui se promène

Et qui cogne dans mes veines

Près des côtes de l’Afrique

Met le feu à ta musique


La plage ne ressemblait plus à ce qu’elle était quelques jours auparavant. On se serait cru sur une île paradisiaque perdue dans le Pacifique ou dans la mer des Antilles. Cabanes en bois au toit de feuilles, coquillages des mers chaudes et jeunes plants de cocotier formaient le décor de la soirée. L’extravagance de leurs tenues vestimentaires prenait désormais tout son sens même si certains invités semblaient mal-à-l’aise dans ces costumes bariolés.

Tel était le cas des chevaliers de la Vierge et du Bélier que Camus, Morwen et Niënor rejoignirent après avoir salué Kanon et laissé Milo aux griffes de ce dernier. Lorsque le chevalier du Verseau et les deux jeunes femmes arrivèrent à leur hauteur, Mû et Shaka mirent un terme à leurs efforts infructueux consistant à trouver le meilleur moyen de se débarrasser de leurs « déguisements » sans vexer le colosse sud-américain.

Milo et Kanon eux n’avaient aucun problème avec les tenues qu’ils avaient l’obligation de porter. Les deux hommes étaient au bar, commandant pour leurs camarades un bel assortiment de cocktails souvent agrémentés d’une touche de rhum. Une fois les boissons servies, le petit groupe s’installa sur des chaises longues, discutant de tout et de rien dans la bonne humeur et profitant d’un magnifique coucher de soleil.

Bientôt des dizaines de lampions colorés furent allumés, une délicieuse odeur de viande grillée emplit l’atmosphère et les goûts vestimentaires douteux du Taureau tombèrent définitivement dans l’oubli.


Sur la terre des esclaves

Tu libères de leurs entraves

Tous les hommes qui te suivent

Tu leur donnes envie de vivre

Tu ondules comme une algue

Langoureuse sous les palmes

Le drapeau du Cabo Verde

Sur ta peau crie sa liberté.


Un cochon de lait à la broche tournait au-dessus de braises ardentes se trouvant dans une fosse creusée directement dans le sable de la plage. Les convives étaient assis un peu à l’écart, sur des paréos multicolores posés à même le sol, autour d’un immense feu de joie qui crépitait et lançait dans le ciel nocturne des gerbes d’étincelles. Les discussions animées finissaient régulièrement en éclat de rire incontrôlé. L’ambiance était bon enfant, détendue et festive. L’odeur de la nourriture insulaire avait ouvert les appétits et les différents buffets furent rapidement pris d’assaut. Un silence léger recouvrit un temps la petite plage pendant que les hôtes du chevalier du Taureau dégustaient avec un plaisir évident le contenu de leurs assiettes. Cochon grillé, crustacés, fruits frais et exotiques, tout était un régal pour les papilles. Puis quand les derniers vestiges du repas eurent disparu, les conversations reprirent de plus belle.

Aldébaran passait auprès des divers groupes qui s’étaient formés au cours de la soirée. Il discutait et riait avec les autres chevaliers qui ne tarissaient pas d’éloges au sujet de sa « petite » surprise. Le deuxième chevalier d’or souriait intérieurement en songeant que ses invités n’étaient pas au bout de leur étonnement.

En effet un groupe de musiciens polynésiens, armé entre autres de ukulélés, fit son apparition. Dès les premières notes le silence revint. Avec respect et émerveillement les habitants du Domaine Sacré écoutèrent cette musique venue d’ailleurs qui enchantait leurs oreilles.

Croquant son dernier morceau de noix de coco, Morwen se laissa bercer par la musique. Nichée au creux des bras protecteurs de son mari, elle ferma les yeux et son esprit s’envola vers des pays peuplés de vahinés, d’hommes aux tatouages étranges et d’oiseaux aux plumages colorés.


Viens,

Dans la nuit légère

Elle te tient

La coladeira

Viens,

Donne à ton voyage

Un parfum

De fleurs sauvages


Une fois leur représentation terminée, les musiciens furent acclamés et ce fut sous les applaudissements d’une standing ovation qu’ils quittèrent la scène. Une fois le groupe de folklore polynésien parti, des serviteurs apportèrent une chaîne stéréo qui fut bientôt branchée sur deux énormes baffles. Une musique rythmée retentit aussitôt, invitant les personnes présentes à la danse. Tous les styles se succédaient : musique cubaine, percussions africaines, salsa et même un peu de reggae.


Amis, c’est la coladeira

Venez danser avec elle

Venez, venez

Aie, aie, aie

Elle nous met le feu, le feu, le feu

Oh ! Danse, danse, danse, danse


Un peu à l’écart, une ombre observait les danseurs qui se déhanchaient sur le sable. Aldébaran souriait devant le spectacle qui s’offrait à lui. Sa fête était une vraie réussite. Plus de morosité sur les visages mais de franc sourires, plus de chacun pour soi mais des groupes riant gaiement. L’ennui avait déserté le Sanctuaire. Tout le monde semblait heureux. Le Grand Pope avait quelques instants plus tôt félicité le chevalier du Taureau, lui glissant à l’oreille que ce genre de petite soirée devrait devenir mensuel. D’abord surpris, le gardien du second temple avait accepté sans aucune hésitation la tâche qui venait de lui être officieusement confiée.

Un verre de cocktail à la main, le chevalier d’or rejoignit ses invités sur la piste de danse improvisée et tandis qu’il se laissait emporter par le rythme endiablé de la musique, il se demanda quel serait le thème de sa prochaine réception.


Quand le ciel au crépuscule

Met des ailes majuscules

Et que le désir des îles

Prend les hommes de la ville

Qui peut dire où va ta danse,

Avec qui tu recommences

Á cambrer ton corps rebelle

Conte les vagues éternelles.

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