Une Dernière Bataille
Chapitre 36 : Lorsque les Dieux se Rassemblent
10510 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 05/12/2024 08:50
27 avril 1997
Grèce, Sanctuaire
- Comment est-ce arrivé ? demanda Jabu.
En dépit de la profonde empreinte laissée par le soleil africain sur sa peau, il était aisément visible qu'il avait blêmi à l'annonce du décès de son ancien élève. C'était comme si une pierre venait de se loger dans son estomac et il s'affala sur la chaise.
Arion lui relata les circonstances qui avaient mené au funeste destin de Fares.
- Son geste a permis de sauver de très nombreuses vies, conclut le Tibétain. Tu aurais été fier de lui.
- Je le suis, déclara la Licorne d'une voix soudainement rauque.
Il ne versait pas de larmes, non, mais intérieurement il était clairement atteint.
- Je craignais qu'il ne réussisse pas à surmonter son traumatisme d'enfance, reprit le Japonais. Néanmoins, d'après ce que tu m'as dit, je me suis peut-être un peu trop inquiété.
- Nous l'avons tous vu grandir. Je crois que malgré tous les différends que nous avons pu avoir dans notre groupe, chacun y voyait un peu le reflet d'une famille, que l'on soit un Chevalier, un Marina ou autre. Je crois que Nikolaï a été celui qui l'a le plus aidé à se redresser.
- Je lui en toucherais deux mots, promit Jabu.
Décidant de changer de sujet, Arion demanda :
- Avant que Saori vous envoie aux quatre coins du monde pour servir d'intermédiaires avec les autres dieux, vous aviez eu des contacts avec eux ?
- Pas que je sache, avoua le Chevalier de Bronze après un certain temps de réflexion qui suffit à lui donner la chair de poule, ravivant le souvenir du contact glacé du cosmos de Thanatos. Certains ont été contact avec des serviteurs de ces divinités en revanche, comme Geki.
- Geki ? s'étonna le Bélier.
- Quoi, Geki ? s'étonna à son tour la Licorne en fronçant les sourcils. Ah, je vois. Tu le vois comme un gars un peu bas du front.
- Non, ce n'est pas ce que …
- Hé bien, détrompe-toi, poursuivit Jabu sans plus prêter attention aux excuses bredouillées du Tibétain. Ses séjours chez différentes tribus amérindiennes lui ont offert une certaine spiritualité. C'est parmi elles qu'il a découvert son apprentie, qui s'est aussi avérée être l'arrière petite-fille d'une puissante chamane. Elle parle avec la voix de la Nature d'après ce qu'il m'a expliqué, quoi que cela veuille dire. (Il se tut quelques instants.) A présent, laisse-moi Arion. J'aimerais être un peu seul. Voyager avec un dieu incarné n'est pas de tout repos.
Subitement gêné et se sentant de trop dans la petite pièce servant de chambre au Chevalier de Bronze, le Bélier s'en alla en refermant doucement la porte.
- On en est à combien ?
- C'est le troisième en l'espace de deux heures.
Les deux hommes en train de discuter tout en jouant aux osselets, observaient à la dérobée le ballet des hélicoptères faisant la navette entre l'aéroport d'Athènes et le Temple d'Athéna.
Ils arboraient la tenue réglementaire de la garde du Sanctuaire : plastron lustré, brassards rutilants et cnémides impeccables. Leurs casques et leurs boucliers ronds reposaient contre le mur de la caserne. Des lances à la pointe effilées étaient à portée sur un râtelier non loin de là.
- Je me demande bien à quoi pense la déesse Athéna en invitant tous ces gens.
- Je ne sais pas, avoua l'autre. Moi, je me demande surtout comment on va loger toutes ces personnes. Il paraît qu'elles viennent toutes avec des guerriers de leurs ordres respectifs. Ça va en faire du monde.
- Tu parles d'elles comme si c'était juste quelques célébrités venues en vacances, plaisanta le premier. Ce sont des dieux, Mélanos, au même titre qu'Athéna. Habituellement, elle les affronte, elle ne les convie pas sur le Domaine Sacré. Imagine si l'un d'entre eux décide de se déchaîner.
- Arrête de toujours songer au pire, Astyax ! s'énerva Mélanos tandis qu'il frissonnait à cette seule idée. Allez, joue, c'est à toi. Hé, tu m'écoutes !
Son camarade venait brusquement de se lever. Mélanos se retourna et il lui fallut quelques secondes pour reproduire le mouvement de son ami, le temps que son cerveau analyse le pourquoi de sa réaction.
- Astyax a raison de penser au pire scénario, c'est la meilleure façon de s'y préparer. Et ainsi de l'éviter.
Celui qui venait de parler approchait dans le dos de Mélanos d'un pas nonchalant. Affichant la quarantaine bien entamée, le châtain clair de ses cheveux en bataille se disputant avec le gris, il arborait toutefois la silhouette athlétique du soldat vétéran.
- Capitaine Nereus ! s'exclamèrent les deux joueurs en chœur.
- Repos, leur intima-t-il. (Il les fixa de ses yeux vairons durant quelques instants.) Les jours à venir risquent d'être tendus, mais il ne faut que cela accapare toute votre attention. La décision de cette réunion a été mûrement réfléchie et avec le retour de l'équipe de Chevaliers partis dans le Nord, je demeure confiant quant au traitement d'éventuels problèmes. Et ne vous inquiétez pas, vous n'aurez pas à déménager de vos superbes logements.
Ses hommes saisirent le trait d'humour, mais hésitèrent pour autant à sourire.
- Dans une heure, je veux que vous alliez relever le binôme de la tour Sud. (Tandis qu'ils le saluaient, Nereus remarqua les osselets éparpillés.) Et pas de mises excessives. Je ne tolérerai pas que mes hommes s'amusent à parier toute leur solde pour venir se plaindre ensuite.
- Bien, capitaine ! répondirent-ils à l'unisson.
Une Urne Sacrée posée à ses pieds, le colosse barbu de deux mètres, les lanières d'un sac en toile jeté sur une épaule massive dans une main, adressait de l'autre un signe au pilote de l'hélicoptère stabilisé cinq mètres plus haut. Ce dernier répondit d'un hochement de tête depuis le cockpit. Il tira sur le manche de l'engin et reprit davantage d'altitude, les turbulences engendrées par le souffle des pales envoyant du sable voleter de partout, avant de s'éloigner.
- Salut Geki ! lança une voix depuis les degrés de pierre de la plus grande arène du Sanctuaire.
Le Japonais plissa les yeux et vit approcher un jeune homme à peine entré dans l'âge adulte, aux cheveux d'un roux flamboyant parcourus de plusieurs tresses. Ce dernier s'arrêta juste devant les ultimes marches menant au vaste espace couvert de sable.
- Gearóid ! reconnut-il. Il paraît que vous deviez bientôt réapparaître, mais je ne pensais pas que ce serait si tôt.
Il nota à peine la manche vide de la chemise portée par l'Irlandais. Peut-être l'avait-il vraiment manquée ? Ou bien n'en faisait-il pas cas exprès. Soit parce qu'il jugeait inutile de mentionner ce qui avait été perdu, soit parce qu'il voulait éviter d'être la énième personne à remuer le couteau dans la plaie.
Le Chevalier d'Orion descendit d'un pas souple dans l'arène pour venir s'arrêter face à celui de la Grande Ourse.
Raul était grand et doté d'une puissante musculature qui ne se départissait pas d'une bonne souplesse. A côté, Geki était encore plus grand, mais plus épais, et si un léger épaississement au niveau abdominal se devinait, ses bras et ses jambes, épaisses comme des troncs d'arbres, complétaient un tableau plus qu'impressionnant. Même s'il était certain de le battre à la course, Gearóid n'aurait pas aimé être sur la même ligne de départ que le Japonais. A cette idée, le souvenir du Fléau de Jörmungand s'invita et un frisson glacé parcourut son échine.
- Tu ne voulais pas rester là-haut ? se dépêcha-t-il de lancer pour alimenter la discussion et penser à autre chose.
- Oulà, non ! s'esclaffa Geki. Trop grande concentration de gens dans un petit espace. J'ai demandé au pilote s'il ne pouvait pas nous déposer ici en repartant. Les baraquements d'une caserne conviendront parfaitement.
Sacré gars, pensa Gearóid. Vu les dimensions du Palais du Grand Pope, j'ai l'impression qu'il faudrait une carte pour s'y repérer et lui il trouve ça trop petit.
- Nous ? répéta l'Irlandais.
Il dut se décaler légèrement pour parvenir à apercevoir une fine silhouette cachée par l'imposante carrure du Chevalier de la Grande Ourse. Il découvrit alors une jeune fille d'environ quinze ans, au teint cuivré et aux longs cheveux noirs rassemblés en une unique et épaisse tresse reposant par-dessus son épaule droite.
Geki s'écarta pour que l'un comme l'autre puisse se voir sans difficultés.
- C'est ton élève ?
- C'était, corrigea le Japonais. Elle a été sacrée pendant votre absence à toi et aux autres, Chevalier de Bronze du Petit Renard. Je te présente Aponi.
L'Irlandais la salua avec enthousiasme.
- J'ai cru comprendre que de nombreux Chevaliers devaient rentrer au Sanctuaire accompagnés par des invités. D'où est-ce que vous arrivez ?
- Du Canada. On a laissé l'arrière-grand-mère d'Aponi avec Marin.
- C'est elle, l'hôte divin ?
- Non, lui répondit Aponi. Ma nokomis communique avec les voix de la Nature. C'est une très grande chamane de notre peuple.
- Qu'est-ce que tu entends par Nature ? la questionna le Chevalier d'Argent.
- Les éléments comme le vent ou le feu, les animaux, les végétaux. Tout ce qui possède une étincelle de vie.
- Mais un arbre ou une montagne n'est pas vivant, ricana Gearóid. Bon, d’accord, une plante ça pousse, je peux comprendre. Une pierre en revanche … . Hé !s'exclama-t-il, tandis qu'un caillou venait lui heurter la poitrine.
- Les Orientaux sont vraiment étroits d'esprit, soupira Aponi en se baissant pour ramasser un autre projectile.
C'est moi qu'elle traite d'Oriental ? s'interrogea intérieurement l'Irlandais.
- Qu'est-ce que tu fiches ? riposta-t-il tandis qu'il parait de la main un second caillou.
- Ces pierres se sont senties insultées par ta remarque et m'ont demandé si je pouvais les aider à te détromper.
- Tu plaisantes ? fit Gearóid, éberlué par son comportement.
- Ce n'est pas parce que tu n'arrives pas à communiquer avec elles, ou qu'elle est immobile qu'une chose ne vit pas. Lorsque la terre gronde, pourquoi ne serait-ce pas pour s'exprimer ? En tant que professeur, Geki m'a expliqué que tout était constitué d'atomes et que chacun d'entre nous renfermait un éclat d'univers. Que c'était l'origine de notre cosmos. Alors pourquoi tout ce qui vit sur cette planète n'en posséderait-il pas un ?
Le Chevalier d'Argent resta interdit l'espace d'un instant.
- On est vraiment en train d'avoir une discussion philosophique ? s'adressa-t-il à Geki.
- Ma foi, ça m'en a tout l'air, fit celui-ci en haussant les épaules, puis il éclata de rire.
- C'est déroutant, je te comprends, reprit-il. Mais je m'y suis fait avec le temps tout au long de mes séjours dans différentes tribus amérindiennes. J'ai même découvert qu'il y avait un culte animiste similaire au Japon à ses tous débuts, avant que le bouddhisme s'installe.
Il souleva la boîte de métal et dit :
- Trêve de bavardage théologique, on va aller prendre possession de nos quartiers.
Aponi ajusta les sangles de son sac-à-dos et suivit le sillage de son ancien maître. C'est dans l'instant où il se mit en mouvement que Gearóid nota un léger boitillement de la part de Geki. Impression qui se confirma lorsqu'il passa près de lui.
- Un problème avec ta jambe ?
- Tu l'as remarqué ? D'habitude, ça passe suffisamment inaperçu.
Le Japonais retroussa le bas de la jambe gauche de son pantalon, dévoilant un membre de couleur noire jusque sous l'articulation du genou.
- Est-ce …
- Une prothèse oui. Fabriquée par la fondation Graad. Ça fait un peu plus d'un an qu'un wendigo m'a arraché cette partie-là.
- Un quoi ?
- Je laisserais Aponi te répondre à ce sujet, elle saura mieux t'expliquer.
Le jeune amérindienne lui renvoya un regard qui indiquait qu'elle n'était pas plus disposée que ça à faire cette grâce au Chevalier d'Argent.
- Et elle te manque ? Ta jambe, je veux dire.
- Parfois. Ça fait bizarre quand je sens des fourmillements là où il n'y a plus rien. Tu dois savoir ce que c'est.
L'Irlandais hocha la tête.
- Et si ta prothèse se casse en plein combat ?
- Là, je serais en pleine galère, c'est clair ! s'amusa Geki, en dépit du sérieux d'une telle situation.
- Autant que j'essaie de te faire profiter de ça, alors.
Devant la mine perplexe de la Grande Ourse, Gearóid invoqua son cosmos de manière diffuse en levant sa manche vide. Celle-ci sembla se gonfler, puis se tendre, tandis qu'un bras de pure énergie se manifestait de manière bien visible. L'Irlandais fit jouer ses doigts fantomatiques sous les regards étonnés des deux Chevaliers de Bronze.
- Hé, Shaina ! l'interpella un grand gaillard depuis l'abri d'un porche. Shaina !
Dans un premier temps, l'Italienne ne lui accorda pas la moindre once d'attention, trop affairée à finir d'accompagner les trois personnes la précédant. Elles s'arrêtèrent devant Marin que salua Shaina d'un geste plein de déférence, avant de s'effacer pour présenter les invités et laisser cette dernière prendre le relais. Marin s'inclina et invita le trio à la suivre à l'intérieur du Palais, tandis que l'hélicoptère redécollait dans un bruit de pales assourdissant.
Shaina finit par reporter son regard sur son élève, auquel elle avait visiblement échoué à inculquer la discrétion et soupira derrière son masque aux motifs serpentins. D'une démarche souple, elle s'approcha du Mexicain et vit qu'il n'était pas seul. Un jeune homme aux cheveux noirs et aux yeux bleu nuit se tenait légèrement en retrait du Taureau, sa solide paire de bras croisés sur son torse.
Sans crier gare, elle s'empara fermement du menton de Raul d'une main et le fit pivoter pour exposer le côté gauche marqué de plusieurs lignes de tissu cicatriciel.
- J'imagine que tu l'avais mérité, lâcha-t-elle.
- Hein ? Quoi ? Non, mais attends, ce n'est pas …
- Créature pleine de griffes ou femme énervée, tu as baissé ta garde. (Elle secoua la tête, dépitée.) Tu as toujours eu du mal avec les bases.
- Ouais, moi aussi, je suis content de te revoir, grommela Raul.
Bien que cela soit fugace, elle capta comme une fragrance marine qui la ramena des années en arrière. Elle émanait de …
- Qui est ton ami ?
- Nikolaï. C'est …
- Nikolaï du Cheval des Mers, compléta ce dernier.
- Un Marina ? s'étonna le Chevalier d'Ophiuchus, basculant sur la défensive malgré elle. (Elle sonda un instant l'allure du Russe, avant de se décrisper.) Voir des personnes autre que des Chevaliers évoluer dans le Sanctuaire va être monnaie courante d'ici peu, autant m'y habituer rapidement.
- Qui accompagnais-tu ? l'interrogea le Marina d'un ton immédiatement familier. J'ai bien senti que c'était un dieu, ça fait toujours bizarre d'ailleurs d'en côtoyer subitement autant. C'en est presque étouffant.
- Il s'agit de Lug, l'un des plus si ce n'est le plus important dieu du panthéon celtique. On prétend qu'il excelle en tout.
Raul haussa un sourcil.
- Sacré bagage ! Et les deux autres ?
- Des membres des ordres qui le servent : l'un de la Blanche Garde, l'autre de la Rouge Garde. J'ai eu affaire avec l'un d'entre eux lorsque je suis partie enquêter en Écosse avec Nachi. Ce sont de bons guerriers.
Pour qu'elle dise ça, ils doivent vraiment l'être, pensa Raul, un peu jaloux.
- Chacun arrive escorté par un Chevalier, j'ai l'impression, nota Nikolaï.
- En effet, confirma Shaina. Plusieurs d'entre nous ont eu à évoluer dans des sphères étrangères et devenir plus ou moins familiers avec les pouvoirs en présence au sein de ces pays. C'est ainsi que l'on est devenus des sortes d'émissaires. Ça été aussi l'occasion pour certains apprentis, non pas de confirmer leur valeur martiale, mais d'échanger avec des personnes non affiliées au Domaine Sacré, sans que cela se termine en rixe.
Au loin, un nouvel engin volant faisait entendre son bruyant moteur.
- Sommes-nous les premiers ?
- Non, vous êtes les troisièmes, décompta Raul. Il y a d'abord eu Jabu. Il est arrivé tôt accompagné de deux personnes au teint mat, un homme affublé d'un cache-oeil et une femme. Et à peu près deux heures plus tard, ça été le tour de Geki avec une femme âgée, même très âgée, et une seconde bien plus jeune. Elles se ressemblaient un peu maintenant que j'y repense. Le Grand Pope s'est occupé de la vieille, mais Geki et la fille sont repartis à bord de l'hélicoptère.
- La plus jeune devait être l'élève de Geki, Aponi, expliqua le Chevalier d'Ophiuchus, sans tancer le Mexicain pour son choix de mots. Savoir faire montre de respect était aussi un échec flagrant.
- Je ne la connais pas, dit le Taureau en faisant la moue.
- C'est normal, elle était encore à une bonne année de son sacre lorsque vous êtes partis à Asgard. Comme quelques autres. Et elle est trop jeune, Raul.
- Traite-moi de monstre tant que tu y es, s'insurgea le Mexicain, ce qui fit éclater de rire le Marina.
- Je te préviens simplement. (Elle dépassa les deux jeunes hommes pour se diriger vers les entrailles du Palais, tout en lançant :) Et, Raul, ça me fait plaisir de te revoir.
- Ah, quand même ! réagit celui-ci.
Étrangement, l'atmosphère du lieu était froide. Il avait traversé tous les autres Temples, mais c'était le seul qui concentrait cette température naturellement plus basse, la cristallisant presque. Était-ce les murs qui gardait dans leur structure même le souvenir des manipulateurs du froid qui s'y étaient succédé ? Des Chevaliers des Glaces comme on les surnommait.
Enfin, ce n'était qu'un environnement familier pour lui qui avait vécu toute sa vie dans une région polaire. Le séjour à Asgard ne l'avait pas vraiment dépaysé de ce point de vue là.
Il s'assit à même le sol au milieu du Temple, en tailleur, avec face à lui une boîte de métal dorée marquée d'un vase à anses légèrement en relief : l'Urne Sacrée de son Armure. Ses yeux marrons la contemplait avec au fond d'eux, une interrogation quasi fiévreuse.
Actuellement, elle était en sommeil, en train de se régénérer à l'intérieur. Mais à son réveil, lui laisserait-on la revêtir de nouveau ? Maintenant que son esprit avait été purgé de toute influence extérieure et qu'il n'était plus entouré de ses frères et sœurs d'armes, il pouvait réellement réfléchir.
Autant être franc, il craignait le jugement d'Athéna. Ce dernier avait été différé en raison du sommet entre les différentes divinités, cependant s'il réfléchissait un tant soit peu objectivement, cela ne se présentait pas bien pour lui. Il avait agressé et même "tué" Fares. Il était resté sourd aux appels à l'aide de Morgan. Concernant Oreste, il n'avait pas sa part de responsabilité dans l'affaire. Néanmoins, c'était celui-ci qui lui avait fait prendre conscience du sens de sa mission en tant que Chevalier. Il l'avait fait grandir en tant qu'individu, lui renvoyant en pleine face son étroitesse d'esprit passée. Il ne reniait pas ses origines et la fierté qu'elles lui inspiraient, mais il les avaient tempérées.
Avec un regard neuf, il observa les années écoulées et ne put constater qu'un étalage de vanité puérile et de caprices. Il se croyait dans son bon droit et dans une certaine mesure il l'était, non ? Il pouvait faire valoir son ascendance, sa puissance, son rang et son devoir, mais pas en faisant de démonstration tapageuse, bien au contraire. Il devait l'incarner/l'illustrer de façon silencieuse, que son aura parle pour lui, à défaut d'actions ou de mots.
Le jeune homme avait désormais trouvé une nouvelle manière de vivre, mais devrait-il le faire en tant que Chevalier d'Or du Verseau, ou en tant que simple prince de Blue Graad, déchu de son rang ?
Le vent soufflait en ce milieu d'après-midi, mais il ne poussait que de rares gros nuages blancs incapables de relâcher la moindre goutte d'eau. Et ces derniers n'étaient pas les seuls à se mouvoir sous l'action de cette force immatérielle. Au centre de l'arène, du sable voletait sous les assauts répétés des bourrasques.
- C'est donc ici que s'entraîne les aspirants Chevaliers ? s'émerveilla Ayame en balayant les gradins de pierre de son regard noisette.
- Pas vraiment, précisa Mei Ling. Le plus souvent, on s'en sert pour faire des annonces importantes ou des démonstrations. Et ça ne concerne que ceux s'entraînant en Grèce.
- Mais toi, tu as été en Chine, c'est ça ? se souvint Narya.
- Entre autre. Avec June, mon maître, il nous arrivait de changer régulièrement de lieu au gré de ses missions. Avant de partir pour Asgard, je n'avais mis les pieds au Sanctuaire que deux ou trois fois.
- Il te tarde de la revoir ? demanda la Selkie.
- Oui, mais je n'ai pas encore saisi l'occasion d'aller lui parler, avoua Mei Ling. J'ai préféré la laisser se reposer après son vol.
Narya acquiesça.
- Pour ma part, je n'ai bougé du Japon que pour quelques missions, majoritairement en Asie, répondit à son tour la Kunoichi Lunaire. Et toi ?
- Le Général de la Sirène, Sorrento, nous a aussi conduit en différents lieux plus ou moins sauvages pour nous enseigner la survie et à développer nos capacités hors de notre statut de Marinas. Parfois, il nous laissait seuls à différents endroits d'un même lieu et nous devions rejoindre un point de rassemblement. Heureusement que Einar était là, se rappela-t-elle avec un sourire nostalgique espiègle, il était bien plus dégourdi que nous pour tout ça. Les premiers temps en tout cas.
Alors qu'elles s'étaient toutes trois assisses sur les marches de pierre pour discuter, Ayame fixa le centre de l'arène. Se levant en s'étirant, elle dit :
- Ça vous dirait un randori ?
Ses deux interlocutrices la regardèrent sans visiblement comprendre.
- C'est une pratique d'entraînement où une personne en affronte plusieurs en même temps.
- Cosmos ? voulut savoir Mei Ling.
- Non. On va faire sans. A l'ancienne, si je puis dire.
- Vous êtes suffisamment remises toute les deux ?
- Tant que ce n'est rien de trop sérieux, ça devrait aller.
La Japonaise adressa la même question muette à Mei Ling.
- Sans cosmos, on ne prend pas trop de risques, confirma-t-elle.
Décidées, elles descendirent dans l'arène, leurs pas crissant sur le sable. Chacune fit quelques assouplissements et échauffements de son côté, avant de se tourner les unes vers les autres, plus ou moins selon un schéma en triangle. Elles se jaugèrent du regard un instant, puis à la surprise des deux autres, ce fut Narya qui initia le premier mouvement.
Elle qui paraissait la moins encline à se presser au corps-à-corps s'élança d'un pas léger, touchant à peine le sol, à la rencontre de la Chinoise. Cette dernière se remit bien vite de sa surprise et accueillit le pied de son adversaire en le détournant sur le côté d'un mouvement souple de la main. Toutefois, la Selkie s'y attendait et dès que son pied eut repris appui, elle lança un coup de poing.
Mei Ling décala sa tête à la dernière seconde et riposta, atteignant le bras qu'avait placé Narya en protection. Elles échangèrent encore quelques coups jusqu'à ce qu'Ayame s'immisce en portant un direct à la Grue, après s'être approchée subrepticement.
Cette dernière tenta de reprendre de l'espace, mais les deux partenaires de circonstance la collèrent. Ses mains volaient de l'une à l'autre, mais elle savait que ce n'était qu'une question de temps avant que l'une d'elles traversent sa garde. Ayame réalisa la première brèche à l'aide d'un coup de coude qui laissa des fourmillements dans le bras de Mei Lin et Narya enfonça le reste avec une volée de coups de poings. La Chinoise en encaissa plusieurs, reculant.
La sachant repoussée, la Japonaise se tourna immédiatement vers Narya, lui envoyant un coup de pied circulaire à hauteur des hanches. L'Islandaise amortit le choc en se courbant légèrement, contractant ses muscles, mais l'impact la marqua tout de même. Son adversaire lui asséna ensuite une combinaison rapide de frappes qu'elle subit majoritairement, dépassée par l'ardeur qu'elles recelaient. Un ultime coup de pied l'envoya à terre.
Sitôt qu'elle eut touché le sol, Mei Ling revint à la charge, procédant à divers enchaînements que la Kunoichi fut bien en peiner de parer. Cette fois, ce fut elle qui se retrouva à devoir battre en retraite.
Les échanges se succédèrent ainsi pendant de longues minutes, avant qu'elles ne se décident à faire une pause. Essoufflées, la peau granuleuse de sable collé par la sueur, elles prirent place sur le gradin le plus proche pour se reposer.
- Ha, ça fait du bien ! s'exclama Ayame en se laissant aller en arrière, bras tendus et cheveux pendants librement, pour s'offrir à la caresse du vent. Pas vrai ?
- C'était une bonne idée, confirma Narya. Même si j'aurais préféré passer plus de temps debout que par terre, ajouta-t-elle alors qu'elle commençait à réaliser une tresse avec ses cheveux.
- Je trouve que tu t'en es plutôt bien tirée, la rassura Mei Ling.
- Tu plaisantes ? s'étonna son amie, incrédule.
- Non, elle a raison, renchérit Ayame. Tu te débrouilles suffisamment bien pour une personne peu habituée à être confrontée physiquement.
- D'accord, d'accord, mais j'ai quand même encore du travail, jugea l'Islandaise.
- Je n'ai jamais dit le contraire, fit la Japonaise, taquine.
Narya fit mine de se sentir offensée, avant de remarquer le silence de la jeune Chinoise, assise non loin d'elle.
Elle savait que Mei Ling avait des phases où elle était plus ou moins loquace, mais habituellement cela n'arrivait que rarement lorsqu'elles étaient ensemble.
- A quoi penses-tu ? lui demanda-t-elle, curieuse de connaître la raison derrière ce mutisme.
L'interrogée tourna la tête vers elle, prenant une inspiration, comme si elle avait été en apnée jusque-là, revenant au moment présent.
- Rien, répondit-elle un peu trop rapidement. Je … réfléchissais.
- Et peut-on savoir à quoi ? s'enquit Ayame.
La Chinoise sembla hésiter.
- Est-ce à propos de Tristan ? tenta Narya.
La surprise se peignit sur les traits de Mei Ling. En réponse, l'Islandaise explicita sa question :
- J'ai noté que vous étiez plus distants l'un envers l'autre depuis que nous sommes revenus d'Asgard.
- C'est … compliqué, essaya d'éluder la jeune femme.
- Non, c'est simple, rétorqua la Japonaise. Vous êtes ensemble ou vous ne l'êtes pas. Si c'est entre les deux, alors là, oui, c'est compliqué. (Face au délai de réponse anormalement long de la Chinoise, elle demanda :) Est-ce qu'il a voulu tenter quelque chose de … déplacé ?
- Bien sûr que non ! claqua la voix de Mei Ling tel un fouet, tandis qu'elle fusillait littéralement du regard son interlocutrice. Et je t'interdis d'en penser du mal.
- Hé, je posais une simple question ? opposa Ayame, heurtée par cette soudaine agressivité.
- Elle ne voulait pas te froisser, intervint Narya, la main posée sur le bras de la jeune femme pour la tempérer. Je crois que ça crève les yeux que tu as des sentiments pour lui. Qu'est-ce qui cloche donc ?
- Ce qui cloche, c'est que mes parents m'ont vendue à une maison de passe quand j'avais huit ans, lâcha-t-elle froidement. J'y suis restée presque trois ans. Et ça me pourrit la vie !
Un silence abasourdi suivit cette révélation, le temps que l'information soit assimilée par ses deux interlocutrices. Et avant qu'elles n'ouvrent la bouche pour exprimer une quelconque empathie ou révulsion, la Chinoise choisit de leur raconter l'histoire de ces années infernales. Celles que personne, hormis quelques individus connaissait. Comment cela avait construit, ou plutôt déconstruit, la personne qu'elle était aujourd'hui, avec toutes les conséquences qui en découlaient.
- Tu reviens de loin, lui dit Narya, tâchant de lui communiquer son soutien.
Elle n'osait pas l'enlacer.
- La résilience est un mot fait pour toi, commenta Ayame pour sa part.
L'une comme l'autre comprirent que la jeune femme en face d'elles ne possédait pas les mêmes codes sociaux ou du moins en avait une image dégradée. Et, si Mei Ling semblait ne pas en faire cas au début, cela avait évolué avec le temps au gré des situations vécues. Son passé gangrenait son présent.
- Mei Ling, j'ai saisi ce que tu nous as expliqué, dit l'Islandaise. Tu t'es créé une carapace pour survivre à tout ça et je crois que ton inconscient filtre ce qui pourrait nuire à ta stabilité. Tu as dû demeurer forte et ne pas montrer de faiblesse, te concentrant uniquement sur toi-même. Un traumatisme tel que le tien rend tout le reste accessoire d'un point de vue vital.
- En poussant à l'extrême, c'est tuer ou être tuée, compléta Ayame.
- Exactement, confirma Narya. Une pure logique de survie, c'est toi avant tout le reste. Mais, tu fais désormais partie d'une communauté qui ne te renvoie pas d'image négative. Tu t'es éveillée progressivement à de nouvelles sensations, as réintégré certaines émotions. Et c'est ça qui te perturbe, tu as toi-même mis le doigt dessus. Tu penses maintenant aux autres, tu éprouves de l'inquiétude pour eux, de l'amour. Ta carapace se fissure et elle n'aime pas ça, elle veut retenir tous les petits éclats qui se détachent. Elle veut faire machine arrière.
- J'ai peur de ne pas être à la hauteur, dit Mei Ling d'une voix rauque.
- Personne ne l'est, lui répondit la Marina.
- Comment faire alors ?
- Laisse-toi vivre, dit Ayame. Simplement. Autorise-toi à ressentir cette empathie pour les autres. Certains te la rendront et cela te fera du bien, d'autres pas, néanmoins c'est comme ça, ça s'appelle la vie. Laisse rentrer tout ça à l'intérieur de cette foutue carapace et la faire éclater. Révèle ce qu'il y a en-dessous. Aujourd'hui, tu es suffisamment forte pour ne pas te retrouver dans une situation identique et si j'ai bien compris, il y a quelqu'un d'autre qui ne laissera jamais ça se produire, conclut-elle.
Deux traînées humides laissaient leurs empreintes sur les joues tachées de poussière de la jeune Chinoise.
- Merci, lâcha-t-elle dans un léger sanglot.
Ses deux aînées s'autorisèrent alors enfin à prendre leur cadette dans leurs bras.
Les rayons du soleil d'une fin d'après-midi tombaient obliquement depuis la verrière située au-dessus de l'imposante table ronde, gratifiant chacun des occupants d'un halo mordoré. Ils étaient dix.
Directement en face d'Athéna se trouvait la vieille chamane amérindienne. D'apparence frêle et dotée de longs cheveux alternant le gris cendreux et le blanc neigeux, ses yeux, pourtant voilés dégageaient une rare vigueur eût égard à son grand âge. Sa peau de la couleur du cuir tanné était pareil à un terrain raviné. Quelques colifichets faits d'os polis et de perles de verre coloré ornait son maigre cou, cliquetant faiblement au gré de ses mouvements.
Respectivement sur les sièges à la droite et à la gauche de la chamane se trouvait deux hommes. Le premier, autour de la cinquantaine avait le teint mat et offrait un profil d'oiseau de proie lorsqu'il se tenait de côté. Des cheveux poivre et sel courts et légèrement crépus accompagnaient un unique trait de barbe parfaitement rectiligne partant de sous la lèvre inférieure jusqu'au bas du menton. Ultime détail, un cache-oeil noir rehaussé de filigranes dorés dissimulait son œil gauche.
L'autre, à peine trente ans affichés, lui opposait une peau pâle et une chevelure auburn descendant un peu plus bas que la ligne de ses épaules. Suivant la luminosité, quelques minuscules taches de rousseur marquaient délicatement ses pommettes.
En poursuivant le tour de table, venait deux femmes. L'une aux magnifiques cheveux blonds et aux yeux bleus comme des saphirs, d'environ vingt-cinq ans. Elle portait un épais pull rouge et de lourds bracelets en or ceignaient ses poignets. La seconde portait un sari d'un blanc immaculé, contrastant nettement avec le noir lustré de sa longue chevelure et son teint cuivré. Lorsqu'elle bougeait son buste, des bandes de la longue étoffe voletaient, donnant l'illusion qu'elle possédait des bras surnuméraires. Un rosaire en bois poli enroulé autour d'une main et une paire de pendants d'oreilles rappelant "l’œil" présent sur les plumes d'un paon constituaient ses seuls et discrets accessoires.
Deux nouveaux personnages masculins occupaient les sièges suivants. Tous deux avaient les cheveux noirs et une peau foncée, mais tandis que l'un devait avoir dans les quarante ans et était pourvu d'une barbe somptueusement tressée, l'autre, moitié plus jeune, avait des joues glabres et des yeux très légèrement en amande. Faits à partir d'obsidienne, des chacanas ornaient ses oreilles. L'un dégageait une impression froide et tempétueuse, l'autre véhiculait une présence quasiment solaire.
Poséidon et Tsukuyomi parachevait ce cercle en encadrant Athéna.
La jeune déesse grecque nota qu'ils arboraient tous une forme incarnée – hormis Nokomis, la seule humaine parmi eux –, et non pas leur enveloppe physique originelle. Avaient-ils à ce point peur de ce qui pouvait advenir au cours de cette réunion ?
A tous ces invités, il fallait ajouter un voire deux accompagnateurs issus de différents ordres leur étant affilié. Tout comme ces derniers, Rikimaru et Sorrento se tenaient en retrait derrière les sièges des divinités qu'ils servaient. Au bas mot, la pièce comptait pas loin d'une vingtaine de personnes.
Athéna prit une profonde mais discrète inspiration et se jeta dans l'arène.
- Tout d'abord, je tiens à remercier chacune et chacun d'entre vous pour avoir fait le déplacement jusqu'ici en répondant à mon invitation.
Les diverses parties concernées alternèrent les hochements de tête, les assentiments silencieux, quelques bruits de gorge et inévitablement :
- Celle-ci était délibérément floue pour piquer notre curiosité, n'est-ce pas ? avança la porteuse du drapé blanc. Et trop tentante pour refuser. Après tout, cette réunion est quelque chose d'assez unique dans la très longue histoire du peuple divin.
- Oui, tout ça est très solennel, Sarasvati, la coupa l'individu à la barbe tressée, en posant ses coudes sur la table pour se pencher en avant. Toutefois, passons-nous des politesses et entrons dans le vif du sujet, je n'aime pas perdre mon temps.
- Toujours aussi direct à ce que je constate seigneur Enlil, commenta le quinquagénaire au bandeau. Et aussi prompt à prendre vos pairs de haut.
Un subit vent commença à agiter les vêtements des occupants de la salle et faire trembloter les tentures habillant les colonnades de la salle du Grand Pope.
- Seigneur Enlil, le rappela à l'ordre Athéna d'une voix calme mais ferme. Je ne m'offusque pas de vos paroles, soyez rassuré. En revanche, je ne tolérerai pas cette tempête sous-jacente qui menace d'exploser au cœur de mon domaine. Si vous ne la réprimez pas, je vous prierais de quitter ces lieux.
Les regards pers et noir se confrontèrent l'espace d'un instant, accroissant la tension qui s'était installée dès lors que le dieu sumérien avait invoqué son cosmos. S'agissait-il réellement de la même déesse dont il avait entendu vanter la tiédeur ? Elle avait tout de même détruit l'essence de son oncle ... son énergie finit par refluer d'elle-même et Athéna lui adressa un hochement de tête.
- Comme vous avez très certainement dû le remarquer, de nombreux phénomènes agitent la planète depuis déjà un certain temps, reprit la déesse grecque. Que ce soit via la résurgence de certains maux, des problèmes météorologiques ou la réapparition de créatures de légende.
- En effet, confirma la vieille chamane avec un timbre étonnamment clair, des êtres maléfiques ayant soif de destruction et de sang humain multiplient leurs attaques. L'un de vos Chevaliers peut en témoigner.
- Deux, corrigea la déesse de la Guerre. Après tout, votre arrière petite-fille a été sacrée Chevalier.
- C'est vrai, c'est vrai, reconnut celle que l'on appelait Nokomis en chevrotant quelque peu cette fois, l'image d'Aponi lui rappelant son statut d'aïeule entichée de sa descendance. La destinée joue décidément de drôles de tours.
- Le voile entre les mondes s'affaiblit, ajouta le jeune dieu à la chevelure sanguine. Des êtres habitants le Sidh, tels les sluagh, s'aventurent dans le monde des humains de plus en plus souvent et avec davantage de facilité. Certains le font par erreur, mais d'autres parce qu'on les a invités. Dame Athéna, l'intervention de vos Chevaliers a été grandement appréciée lors de l'une de ces incursions. Je n'étais pas encore pleinement conscient à ce moment-là et les moyens d'action de mes Gardes demeuraient limités.
- Nul besoin de me remercier, seigneur Lug. Je n'ai …
- Je ne vois là que des problèmes inhérents aux humains, pas au peuple divin, les coupa l'homme aux ornements auriculaires.
- C'est un point que je vous concède, seigneur Inti, reconnut Athéna. Néanmoins, la suite des événements risque de nous concerner, car tout ceci n'est qu'un préambule à mes yeux. Vous avez certainement remarqué que de par le monde de nombreuses divinités, au nombre duquel vous faites peut-être partie, s'éveillent régulièrement. Cela ne vous semble-t-il pas étrange ? Il y a toujours eu comme des cycles d'éveil et de sommeil parmi le peuple divin. Or, à ce jour, je commence à croire que nous sommes plus nombreux à être dans le premier cas que dans le second. Et parmi eux, tous ne sont pas bienveillants, vous le savez pertinemment. Peut-être sont-ce là les prémices d'une catastrophe à une échelle exceptionnelle que nos essences divines devinent instinctivement, provoquant ainsi ces réveils en chaîne.
- A mes yeux, tout ceci ressemble plutôt à une vaste fumisterie, objecta derechef le dieu sud-américain du Soleil. En effet, comme vous l'évoquez, nous nous éveillons de façon cyclique pour nous incarner et moi-même je suis au nombre du lot en cette ère. Rien de bien nouveau, nous le faisons toutes et tous, même vous, bien que vous ayez choisi la réincarnation et tous les dangers que cela comporte. Pour autant, je ne vais pas vérifier sur chaque continent qui est en activité et qui ne l'est pas.
- Non, effectivement, car ceci est mon rôle, répondit Athéna.
- Est-il utile de s'alarmer parce que quelques dieux supplémentaires sont sortis de leur sommeil ? poursuivit Inti sans prendre note des mots de la déesse grecque. Non. (Il pointa un doigt sur Athéna, faisant se raidir Marin à ses côtés.) Moi, je vous soupçonne de vouloir nous alarmer inutilement, pour vous immiscer dans nos fiefs et en prendre le contrôle de l'intérieur sous prétexte de nous aider à contrer une menace hypothétique. Votre Chevalier du Phénix n'arpente-t-il pas toute l'Amérique du Sud, soi-disant afin d'éliminer certaines menaces. Au final, cela vous permettra de potentiellement nous sceller ou pire, atteindre nos corps originels et les détruire, comme vous l'avez fait avec votre oncle. (Il scruta le visage d'Athéna, sans rien y déceler.) Vous n'êtes pas étonnée que je le sache. En même temps, qui ne l'est pas ? Alors autant être honnête, parce que c'est ce qui vous manque parfois à vous autres, Olympiens, mais je ne vais pas me plaindre de la disparition de l'un d'entre vous. Par contre, j'y vois l'initiation d'un mouvement que vous ne pouvez, ou même ne voulez, pas arrêter.
- Le seigneur Inti parle d'or, jugea Enlil. Et si tous les problèmes dont vous nous parlez étaient dû au fait que vous avez éliminé Hadès. Ou aux meurtres d'autres divinités sans que nous le sachions cette fois.
Poséidon serra les dents face à cette attaque verbale visant le panthéon grec, mais alors qu'il s'apprêtait à taper du poing et tempêter, il eut la surprise d'entendre sa nièce répondre calmement et surtout … froidement, énonçant des faits bruts.
- J'ai confronté une menace pour l'humanité et tout ce qui vit en ce monde, vous y compris, et je l'ai vaincue. Effectivement, cette fois je ne l'ai pas scellée, lui laissant le temps de méditer sur les atrocités commises. J'ai répugné à abattre l'un de mes pairs, n'en doutez pas un instant, mais s'il le faut, pour protéger la Terre dont j'ai la charge selon le souhait de mon père, Zeus, je recommencerais sans davantage hésiter. Peut-être n'ai-je pas pris en considération les différentes conséquences qu'entraînerait la disparition d'Hadès, je vous l'accorde. Pour autant, avez-vous pu constater que je gère les Enfers helléniques ? En tant que sa veuve, cette charge revient à ma sœur Coré. (Elle tourna la tête vers le dieu celtique.) Je n'ai pas lorgné non plus sur les terres du seigneur Lug, alors qu'il a lui-même ouvertement révélé qu'il était en position de faiblesse à ce moment-là. Et très récemment, j'ai également porter assistance au royaume d'Asgard, pourtant sous la tutelle des Ases et je n'en ai pas tiré parti pour l'annexer. (Bon nombre de visages affichèrent des airs stupéfaits à l'écoute de cette dernière information.) Cessez de chercher des complots où il n'y en a pas.
Son ultime déclaration et le ton avec lequel elle la prononça eut le mérite de faire taire les commentaires en passe d'être émis.
- Si nous sommes réunis ici, acheva-t-elle, c'est parce que des événements importants se trament dans l'ombre. Je tiens, d'une part, à vous alerter et d'autre part à ce que nous en discutions de manière constructive. Nous avons besoin de cohésion, pas de dissension.
Le dieu au bandeau vit que plusieurs de ses pairs jetaient des regards dans sa direction, car ils savaient qu'il pouvait percevoir les intentions cachées. En Athéna, il ne décelait qu'une franche sincérité.
- Alors parlez, fille du Cronide, nous vous écoutons, l'invita-t-il. Quelle est ce péril contre lequel vous semblez vouloir nous mettre en garde ?
- Merci, seigneur Horus.
La déesse de la Sagesse s’exécuta et entreprit de raconter tout ce qu'elle savait, relayant les informations qui avaient pu être réunies au cours des années écoulées jusqu'aux dernières révélations.
- Vous craignez donc que ce qui se produit actuellement soit le fruit de Susanoo ? demanda la déesse aux cheveux blonds.
- Je crains surtout ce qui se tient derrière lui, Dame Zorya, répondit Athéna. Susanoo est sans conteste un dieu puissant, son frère ici présent vous le confirmera. Toutefois, je ne crois pas qu'il soit le déclencheur de ce à quoi nous faisons face. Il s'agit plus d'un instrument répondant aux sollicitations d'un chef d'orchestre.
- N'en faites-vous pas un peu trop, Athéna ? s'amusa presque Enlil, en caressant distraitement sa barbe.
- La lecture des flux temporels m'a été accordé par mon géniteur, Izanagi, avança Tsukuyomi. Et croyez bien que c'est une activité que j’apprécie pratiquer, car elle stimule mon esprit. Malgré tout, au cours des dernières années, il m'est devenu de plus en plus ardu de lire ces courants. Comme si une sorte d'anarchie était venue les corrompre et cela empire. Il se passe assurément quelque chose d'extrêmement important.
- L'une des fonctions du Grand Pope, mon relais au Sanctuaire, fit Athéna en désignant Marin d'une main, est de lire les étoiles. Tous ceux qui se sont succédé à cette charge ont eu accès aux connaissances de leurs prédécesseurs, un savoir considérable. Je lui fais donc confiance lorsqu'elle m'annonce avoir détecté une activité anormale parmi les astres.
- Je ne porte aucune foi envers le soi-disant savoir-faire que vous prêtez aux humains dans ce domaine, contra Enlil. De plus, ce genre de pratique n'est pas apparu ici, mais en Mésopotamie où les Annunakis ont tenté de l'enseigner à ses habitants.
- Et la parole d'une déesse liée aux étoiles vous convaincra-t-elle davantage, ou la mettrez-vous également en doute, seigneur Enlil ? finit par s'énerver celle que l'on appelait la Vierge Rouge. En effet, les astres sont en proie à un grand tumulte. Si grand que je n'en avais encore jamais constaté de tel. Un chien gronde au fond du cosmos et l'ourse s'en inquiète.
A mesure que les heures s'écoulaient, les propos de la déesse slave semblaient se faire plus appuyés.
- Plutôt cryptique comme parole, conclut le Seigneur des Vents, une moue plissant ses lèvres charnues.
- Il n'y a décidément qu'un enfant pour ne pas voir le danger, le tança Poséidon.
- Comment oses-tu ? s'emporta dieu sumérien en frappant la table du plat de la main fissurant le bois autour.
- Dame Sarasvati, pourriez-vous lui expliquer ? la sollicita l'Ebranleur du Sol, occultant totalement le coup de sang du dieu sumérien. Vous comme moi avons une idée de ce que le symbole évoqué dans le récit de ma nièce signifie.
La mentionnée regarda ses pairs, hésitante sur la marche à suivre. Finalement, elle s'inclina face au dieu des Mers et prit la parole.
- Il serait incorrect de dire que je sais exactement de quoi il retourne, toutefois, comme le fait remarquer le seigneur Poséidon, l'image parle davantage à certains d'entre nous. La connaissance est une vertu que je chérie et nous qui sommes d'une génération plus ancienne avons eu accès à des savoirs plus considérables que les vôtres. Certains sont si vieux, même pour nous, qu'ils sont semblables à des légendes. De celles que l'on raconte à un enfant pour qu'il ne tarde pas à rentrer avant la tombée de la nuit et qui provoque des frissons involontaires. Alors pour vous, c'est comme un mythe de la nuit des temps et rien ne vous y interpelle. L'Ouroboros est traditionnellement représenté par un serpent se mordant la queue. Il figure l'idée d'une dualité, d'un cycle perpétuel de renouveau et de destruction.
- Pour nous, il représente la limite du monde, ajouta Horus. Entre le monde ordonné et ce qu'il y a au-delà, le Noun, l'océan primordial où tout est sans forme et empli d'infinies possibilités.
- Je crois me souvenir que les Ases possèdent un concept similaire avec le serpent-monde Jörmungand qui délimite le bord du monde par ses anneaux entourant les océans, rappela Tsukuyomi, étalant ses connaissances.
- Chaque famille divine possède une histoire fondatrice qui mentionne une figure similaire, résuma Sarasvati. Mon époux, Brahma m'a conté l'histoire d'un roi nāga, Ananta, un serpent pluricéphale, dont on dit qu'il maintient la cohésion du cosmos de ses anneaux. Tant que ceux-ci demeurent repliés, le temps avancera et la création progressera, mais s'ils viennent à se déplier, le cosmos cessera d'exister.
- Comme l'a mentionné Dame Sarasvati, ajouta Poséidon plongé dans les flots de sa mémoire, c'est une figure qui puise ses racines très loin dans le temps. Mes souvenirs de l'époque des Titans, nos aînés, sont toujours vivaces malgré les millénaires écoulés et l'unique fois où j'ai entendu ce terme dans leur bouche, même eux n'avaient pas l'air d'en mener large. Il était également question de nos aïeux, que nous pourrions nommer Primordiaux : Pontos, le Flot Noir, Ouranos, le Ciel Étoilé mais aussi Nyx, la Nuit et Erèbos, l'Obscurité et les précédant tous, Gaïa, celle que l'on nommait la Terre-Mère. Ces derniers auraient forcément une idée sur la question, mais ils ne sont plus réellement de ce monde.
- Tant de synchronicité entre différents clan divins est vraiment troublant, convint Zorya.
- Et fascinant, avoua Sarasvati.
- D'après ce que vous nous exposez tous, reprit Lug, le symbole ornant cette porte fait référence à un être marquant une frontière entre notre monde et l'inconnu. En poussant un peu plus loin, on peut émettre la théorie qu'il s'agit d'un genre de sceau retenant un néant protéiforme. Et le briser signifierait ...
- On tourne en rond ! explosa Enlil, les poils de sa barbe se hérissant. Oui, je pourrais moi aussi vous parler de Tiamat, mais à quoi bon ? On n'est sûr de rien ! Et vous n'en savez pas plus ! A croire que votre ancienneté est moins le reflet d'une marque de respect que de sénilité. Vous ne savez que théoriser. Je perds mon temps à écouter ces inepties.
Le dieu sumérien se leva brusquement, son siège raclant bruyamment le sol. Pris au dépourvu, le guerrier qui l'accompagnait eu un mouvement de recul sur le tard.
- Athéna, ce que je retiens c'est que vous avez perdu des artefacts précieux qui pourraient nuire à tous les autres dieux. Que vos Chevaliers dépêchés à Asgard sur une hypothèse tout aussi obscure que celle prononcée ici, pour ne pas dire fantaisiste, ont échoué. En résumé, tout ceci est de votre responsabilité et je ne suis pas venu pour balayer devant votre porte. (Enlil tourna les talons et s'en fut en lançant :) J'ai déjà mes propres soucis avec cet arriviste de Marduk, éveillé depuis peu, qui réclame son dû et les problèmes causés par Lamashtu.
- Enlil ! l'appela le dieu égyptien en se levant à son tour.
- Laissez-le, seigneur Horus, l'apaisa Athéna d'un geste. Je ne vais pas chercher à le retenir. Il n'est visiblement pas prêt à envisager le danger qui nous guette, ni mettre de côté son orgueil. (Elle observa ses invités tour à tour.) Je saisis parfaitement que chacun d'entre vous a ses propres problèmes et je suis prête à vous apporter mon concours en tant que gardienne de la Terre. Toutefois, si d'autres souhaitent s'en aller, qu'ils le fassent, ils ne nous seront d'aucune aide.
- J'entends votre plaidoyer, Dame Athéna, commença Zorya, ainsi que celui du Seigneur Enlil. Et les deux ont leurs attraits. (Elle joua avec l'un de ses bracelets en or.) Cependant, je dois reconnaître que je ne suis pas vraiment en mesure de traiter les attaques qui me visent par moi-même et que bien trop de présages, qu'on leur accorde du crédit ou non, se multiplient.
- Lorsque j'étais une jeune âme, dit Horus, je suis passé par nombre d'épreuves dont plusieurs où j'ai eu à compter sur l'assistance d'autrui. Alors, je ne vais pas refuser une aide que l'on peut me fournir. Tout comme je ne refuserai pas de donner la mienne.
- A l'inverse, je me suis construit seul, intervint à son tour Lug, mais j'ai pu constater par moi-même la valeur de l'entraide.
- Je l'ai déjà dit, mais pour moi, il est indispensable que nous coopérions, rappela Tsukuyomi.
- La recherche de la connaissance a toujours été une source de motivation à mon niveau, dit Sarasvati. Et je dois avouer qu'au-delà du danger pressenti par Athéna et d'autres de mes pairs, je suis piquée dans mon intérêt pour élucider ce mystère.
- Apparemment, tu n'as pas eu besoin de moi pour les rallier à ta cause, glissa Poséidon à l'oreille de sa nièce.
- Tu as pourtant eu un poids non négligeable en conduisant à écarter Enlil.
- Bah ! Ce petit …
- Et vous, Seigneur Inti, qu'en pensez-vous ? enchaîna la déesse de la Sagesse, sans prêter plus attention à son oncle.
Le dieu péruvien, son second détracteur, était demeuré silencieux après la tirade d'Athéna pour justifier le cas d'Hadès.
- Je ne sais que penser de tout cela, finit-il par dire. Effectivement, j'ai pu constater des traces de la résurgence d'un culte au monde souterrain et à Supay parmi les peuples sous ma tutelle, mais cela s'est déjà produit à différentes époques. Cela ne constitue pas réellement une preuve de vos dires selon moi. Toutefois, bien d'autres y croient et comme beaucoup d'autres éléments semblent converger pour étayer vos propos, je vais vous laisser le bénéfice du doute. Je ne me range pas pour autant à votre avis.
- Je prends en considération votre réponse, répondit simplement Athéna.
- Quant à moi, déclara Nokomis, je ne peux vous dire que ce que vous savez déjà déesse Athéna, les tribus comptent sur ma personne pour les protéger. La Nature et les Esprits hurlent leur souffrance et leur peur face à tous ces bouleversements. Quelque chose va se produire, ils le sentent eux aussi et je me dois de vous offrir mon concours pour prévenir ça.
La jeune déesse hellénique adressa une mimique pleine de compassion à la vieille chamane.
- Merci à toutes et tous pour votre implication, ainsi que votre soutien. C'est ensemble que nous pourrons faire face à ce sombre avenir. (Avisant la noirceur du ciel à travers la verrière, Athéna poursuivit :) Il se fait tard et je pense que certains ont certainement besoin de repos. Je vous propose donc d'en rester là pour ce soir et de reprendre demain matin pour discuter de la façon dont nous pouvons coordonner nos efforts et recroiser toutes les informations dont nous disposons via nos légendes.
Les différentes parties acquiescèrent et dans un concert de dalles martyrisées par des pieds en bois, chacun se leva avec pour destination les quartiers qui leur avaient été attribués. Il ne resta bientôt plus que deux personnes dans la salle d'audience du Grand Pope, Athéna et Marin.
Les épaules de la déesse de la Guerre s’affaissèrent et elle lâcha un long soupir tandis qu'une migraine poignait.
- Vous vous en êtes bien sortie, dit le Grand Pope.
- Je n'ai pas eu l'impression qu'ils soient réellement convaincus, contra Saori.
- Je n'en ai pourtant vu qu'un seul quitter l'assemblée.
La remarque fit sourire la jeune femme aux yeux pers.
- Oui, c'est juste, admit-elle. Mais c'est déjà un de trop. Et combien pensent comme lui, sans le clamer pour l'instant ? Je ne voulais pas avoir une vision utopiste, cependant force est de reconnaître que je les attendais aussi plus nombreux. Poséidon est le seul Olympien à être à mes côtés, aussi incongru que cela puisse être ; les autres dont nous avons connaissance de la présence me "boudent" faute de meilleur terme.
- Arès a pourtant bien tenté quelque chose il y a quelques mois, précisa Marin.
- Oui, dans la précipitation d'en découdre comme souvent, ses Aristeides réclamant justice pour l'assassinat d'Hadès. Néanmoins, ils n'étaient qu'une poignée et nullement au faîte de leurs pouvoirs tant l'éveil de mon frère était fébrile.
- Ce qui nous a permis de les repousser sans trop de difficultés, acheva le Grand Pope. Ni de pertes.
- Oui, et c'est ce dernier point qui compte le plus, jugea Saori. (Elle revint à la conversation précédente en indiquant le siège vide du dieu égyptien :) Hormis Horus, personne du continent africain. L'Océanie est muette. Je crains que certains n'aient été vaincus par l'un de leurs pairs antagonistes, ou ne soient pas en mesure de se manifester. Soit par désintérêt de la situation, soit une incapacité à le faire, car leur incarnation a déclenché la folie chez leur hôte, ou qu'ils aient tout simplement sombré dans l'oubli.
- Il reste aussi la possibilité de l'enfermement.
- En effet. Les problèmes sont légions.
- Vous avez initié quelque chose qui ne s'était encore jamais vu. Je pense qu'il est normal de rencontrer quelques écueils.
- Crois- tu ? Je suis plutôt d'avis que tout cela est une redite d'un acte immémorial. Car ceux qui ont enfermé le prisonnier ont dû également se réunir pour y parvenir, réunissant une force conséquente. Alors disons juste que j'essaye d'emprunter une voie similaire en espérant surtout réussir à maintenir cette porte fermée, plutôt que de devoir repousser à l'intérieur ce qui veut en sortir.
- Des paroles avisées, jugea le Grand Pope. De même que vos consignes concernant les divinités invitées.
- Merci de t'en être chargée. Je rechigne à employer de telles méthodes et à mettre en situation dangereuse des civils, mais nous avons besoin de garder un œil sur eux.
- Je n'ai recruté que des volontaires pour cette tâche. Chacun est bien conscient de ce qu'on lui demande et des risques.
- Il faudra qu'ils soient correctement récompensés lorsque ce sera terminé. A présent, va prendre un peu de repos, Marin, tu l'as bien mérité. Demain sera une nouvelle journée chargée.
- Bien. Je vous laisse alors, obtempéra le Grand Pope. N'oubliez pas d'en faire autant.
Saori la rassura d'un geste avant qu'elle ne parte. Elle resta encore quelques instants, fixant sans vraiment la voir cette grande table de bois autour de laquelle tant de divinités avaient été réunies. Finalement, la jeune déesse se leva à son tour et prit le chemin de ses propres appartements.
Plus tard dans la nuit, tandis que les étoiles brillaient au firmament, un cri déchira soudain le silence.
Nokomis :
Signifie "grand-mère" en langue algonquienne.
Wendigo :
Créature surnaturelle et anthropophage, issue de la mythologie des Premières Nations algonquiennes du Canada et qui s'est étendue à tout le folklore de l'Amérique du Nord.
Randori :
Pratique que l'on retrouve dans divers arts martiaux. Elle consiste en un combat d'entraînement lors duquel une personne affronte un ou plusieurs partenaires.
Sari :
Vêtement traditionnel porté par les femmes d'Asie du Sud (Inde, Afghanistan, Népal, Sri Lanka, …). Large bande d'étoffe d'environ 1,20 mètres de large sur 5 à 6 mètres de long, sa technique de drapé varie selon les régions, les castes, les activités, les religions, …
Chacana :
La chacana ou croix andine est un symbole récurrent dans les cultures de l'ancienne Bolivie, et par la suite, des territoires de l'empire inca. Sa forme est celle d'une croix carrée et échelonnée, avec 12 pointes.
Sidh :
Terme gaélique désignant l'Autre Monde dans la mythologie celtique.
Sluagh :
Dans le folklore irlandais et écossais, les Sluagh étaient les esprits des morts sans repos. Ils étaient vus volant en groupe comme des nuées d'oiseaux et étaient connus pour essayer d'entrer dans la maison des personnes mourantes pour emmener leur âme avec eux.
Noun :
Dans la mythologie égyptienne, le Noun est l'Océan Primordial qui s’étend autour du monde. Il est davantage un concept qu’un dieu et n'a pas de créateur. Il est un lieu qui a fait la "Vie" et qui fera la "Mort".
Nāga :
Basiquement, ce mot signifie "serpent", mais il désigne également une créature mythique de l'hindouisme.
Ananta :
Serpent cosmique de la mythologie de l'hindouisme. En sanskrit, son nom signifie: sans fin, sans limite, ou infini.
Aristeides :
Nom des guerriers au service du dieu grec de la Guerre, Arès. C'est un mot inventé dérivé du grec ancien aristeía, qui signifie "vaillance, supériorité individuelle", et au pluriel "hauts faits, exploits". En philologie antique, l'aristie est une série d'exploits individuels accomplis par un héros en transe, qui le fait entrer dans la légende et rend son nom digne d'être chanté.