Une Dernière Bataille

Chapitre 29 : Quitte ou Double - Troisième Partie

10891 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/09/2024 08:00

26 mars 1997

Norvège, Asgard, Province Nord

 

Ce fut comme si un barrage venait de rompre face à Raul. Un flot d’énergie monstrueux le frappa de plein fouet, mouchant momentanément sa propre aura et son souffle se retrouva bloqué dans sa poitrine. Subitement, il entendit des craquements au niveau du poignet que son adversaire retenait. D’un geste preste, il se défit de l’étau et recula d’un bond.

Au cœur du nuage de cosmos cachant Siholt, il eût l’impression que deux grands yeux reptiliens le fixaient, le clouant sur place. Une énorme tête se jeta droit sur le Mexicain. En l’espace d’un éclair, il gorgea ses mains de cosmos et intercepta les mâchoires de la bête avant qu’elles ne se referment sur lui. Raul reconnut l’arcane précédent, mais celui-ci possédait une force supérieure. Etant lui-même déjà dans un état second à cause de sa propre technique, cela ne présageait rien de bon.

Le Taureau convoqua davantage d’âmes errantes qui se mêlèrent à son aura. Une sensation de froid intense l’enveloppa, tandis que ses muscles s’emplissaient d’un nouvel afflux. Assurant sa poigne, il libéra un cri inarticulé de pur défi et souleva le corps créé par l’aura de l’Asgardien. Le faisant passer par-dessus sa tête, il le fit retomber sur le côté dans un grand fracas, les anneaux se contorsionnant en tous sens sur le sol. Finalement, ils se rétractèrent sur eux-mêmes pour finir par disparaître.

Siholt se releva, son énergie crépitant autour de lui, pareille à un nuage d’orage.

Incroyable, pensa Arion, son cosmos est si condensé qu’il parvient à devenir corrosif sans qu’il use d’un quelconque arcane. La situation devient extrêmement dangereuse.

Le Fléau bondit sur le Taureau, tentant de l’écraser tout simplement sous ses talons. Ce dernier esquiva d’une roulade.

Comme réticente à l’idée de supporter le poids de l’Asgardien, la terre s’affaissa sous lui, le déséquilibrant. Une opportunité que le Chevalier d’Or ne manqua pas d’exploiter. Il s’empressa de décocher un coup de pied, dont le choc se répercuta jusqu’au Bélier. Il enchaîna avec un coup de coude en tournoyant sur lui-même. La tête de Siholt partit sur le côté, la joue de son casque se craquelant. Il cracha une glaire sanglante accompagnée d’une dent, mais ne sembla pas affecté outre mesure par les assauts.

Le rictus sanglant qui déformait les traits du grand Asgardien s’élargit de manière hideuse et son cosmos grandit encore.

 

Avec la détente explosive d’un serpent, le Fléau lui administra un coup au corps qui le déstabilisa, avant d’enchaîner une succession d’attaques qui transformèrent Raul en un vulgaire sac de frappe. Siholt saisit sa tête, puis d’une poussée envoya le Chevalier d’Or s’écraser contre le sol dans un grand fracas.

Raul se fit traîner ainsi sur quelques mètres au rythme de la course du Fléau, jusqu’à ce que ce dernier le soulève, pivote et le projette dans un bois non loin.

Le Taureau atterrit durement dans une pluie d’épines et de branches brisées, répandant une odeur de résine. Le corps martyrisé s’anima tant bien que mal, pareil à un pantin dont on tirerait à nouveau les ficelles. A la limite du champ de vision que lui imposaient ses yeux mi-clos et le sang coulant d’une plaie au front, il aperçut le Fléau à l’aura boursouflée comme une voile emplie par le vent. Quand allait-elle se calmer ? A ce stade, cela devenait plus que dangereux.

Après tout, songea le Mexicain, il a dit que plus rien ne lui importait. Il faut que je le vainque avant qu’il ne franchisse la limite.

Le jeune homme concentra tout ce qu’il pensait lui rester de forces, faisant brûler son cosmos en s’ouvrant davantage au Septième Sens. L’intense éclat dont il se para allongea les ombres, les faisant paraître démesurées, et au milieu dansaient les mânes de ceux qui le supportaient.

Ayant disparu à sa vue un battement de cœur plus tôt, Raul sentit néanmoins l’offensive approchante du Fléau. Il croisa les bras et encaissa la lourde frappe, percevant distinctement le bruit d’un de ses avant-bras qui cédait, bien que le son lui parvienne au ralenti. Serrant les dents, luttant face à la douleur que lui renvoyaient ses nerfs, son cerveau noyé sous un déluge de signaux d’alerte, il tint bon face au martèlement. Une de ses épaulières fût brisée, son casque se fendit et son Armure se déformait par endroits, mais Raul s’enjoignit d’attendre la fin de la séquence, lorsque le colosse s’arrêterait l’espace d’un bref laps de temps pour reprendre son souffle.

S’emparant instantanément de cet intervalle, le Mexicain libéra son arcane, son cosmos se muant en un titanesque taureau chargeant, bientôt suivi par les esprits qui s’échappaient de son aura en adoptant la même forme. Le troupeau percuta Siholt de plein fouet, dévastant tout sur son passage, transformant les arbres en copeaux, lézardant le sol de failles et rendant l’air alentour brûlant.


Lorsque la déferlante d’énergie s’apaisa, ce que le premier observateur venu aurait constaté aurait pu se résumer à un terrain scarifié sur des mètres, retourné par des centaines de sabots, autant de signes indiquant que le paysage avait été modifié à tout jamais.

L’aura de Raul reflua et il se sentit soudain transi de froid, comme si la main de l’hiver étreignait son âme même. Les arabesques noires couvrant sa peau se rétractèrent pour disparaître. Il fit quelques pas hésitants, avant de tomber à genoux, ses bras tentant d’amortir le choc à venir. Des éclairs de douleur balayèrent leur maigre résistance, ses deux membres ayant été cassés, et son visage heurta la terre encore chaude sous sa peau.

Dans un état de semi-conscience, la vue brouillée par des larmes, il tenta de tourner la tête pour s’enquérir de l’improbable.

Non loin, des mottes de terre se mirent à bouger, comme si quelque chose remuait en-dessous et une silhouette finit par en émerger.

Un morceau de plastron chût bruyamment au moment où le Fléau de Jörmungand se redressa, sa chair, apparente par endroits, couverte de blessures et l’un de ses bras tournés selon un angle anormal. Il était toujours vivant. L’air autour de lui ondula et dans l’air froid, son corps se mit à exhaler de la vapeur, à la manière d’un feu sur le point de redémarrer. Et le départ fut explosif.

Une onde de pouvoir jaillit hors de lui, soulevant un nuage de débris et couchant les arbres les plus proches. Elle irradiait par vagues successives.

 

C’est terrible, pensa Arion. Son cosmos n’en finit plus de s’accroître. A tel point, que son enveloppe ne sera bientôt plus en mesure de retenir toute cette énergie très longtemps.

En son for intérieur, le Bélier avait prié pour que Raul parvienne à vaincre ce monstre. Cependant, il n’y avait plus rien qu’ils puissent faire. Le Fléau allait se détruire lui-même, mais la libération de la puissance accumulée aurait un impact similaire à celui d’un petit big bang. La zone serait dévastée sur une aire qui se compterait en dizaines de kilomètres.

Il se rappela funestement que c’était lui qui avait présenté ce plan à la reine Ylva. Ses visions lui avaient suggéré ce qu’il était nécessaire de faire pour provoquer l’apparition de l’orbe. Toutefois, aucun avertissement n’avait filtré quant à l’ampleur du résultat, pourtant attendu. Sous peu, il n’y aurait plus personne pour récupérer l’orbe qui se faisait désirer …

Arion était si désemparé par la situation qu’il ne remarqua pas les deux silhouettes qui se postèrent un peu en retrait.

- Que peut-on faire face à ça ? lui demanda Mei Ling.

- Je ne sais pas, admit-il. L’attaque finale de Raul aurait dû permettre d’en finir. Je crains que la situation ne soit au-delà de ce que nos pouvoirs peuvent faire.

Fares s’avança à sa hauteur, s’arrêta l’espace d’un instant, puis le dépassa.

- Que penses-tu faire ? lança le Chevalier du Bélier.

Pour toute réponse, le Centaure ne lui jeta qu’un unique regard avant de se remettre à marcher.

 

Employant toujours sa Garde de l’Onde, jambes légèrement fléchies et écartées, un bras tendu devant lui, l’autre replié, la main non loin de sa gorge, Tristan dévia successivement un coup de taille de l’épée spectrale suivi d’un crochet.

Il avait adopté cette posture pour pouvoir reprendre un semblant de forces, abandonnant un temps les débauches d’énergie. Son adversaire avait opté pour une tactique similaire, renonçant à user de ses flammes.

Les deux ennemis s’observaient l’un l’autre, se tournant autour, à l’intérieur d’un cercle de duel dont eux seuls connaissaient les limites.

Soudain, Holdyrr s’avança, réduisant la distance qui les séparaient en trois pas vifs. Adressant un direct au visage de Tristan qui le détourna sur le côté, il ne se retira pas pour autant et enchaîna les assauts.

Là où le Fléau était en puissance, le Capricorne lui répondait par la souplesse. Le Chevalier d’Or sondait son opposant, tâchant de déceler une faille, mais rien ne paraissait vouloir lui offrir une ouverture. Malgré son propre pouvoir destructeur, il devait reconnaître que le Fléau le surclassait dans ce domaine-là. Et s’il lui restait sa vitesse et son agilité supérieure, le cinquantenaire avait l’expérience pour contrebalancer cet état de fait. Il ne lui restait que la carte de la jeunesse à jouer, guettant le moindre signe de fatigue chez Holdyrr.

Le séide de Loki feinta, amorçant un mouvement qui amena les bras du Capricorne à se lever, pour mieux l’atteindre au flanc, le poing ripant d’abord sur l’Armure d’Or, avant d’en emporter un morceau.

Tristan recula, ouvrant la voie à un nouvel assaut qui le heurta à l’épaule gauche, déformant et arrachant le métal sur son passage. La force du coup lui donna néanmoins l’occasion de pivoter sur lui-même pour déclencher une riposte où il lança son bras à l’horizontale. Holdyrr, surpris, parvint malgré tout à esquiver, non sans y laisser un morceau de son casque.

Un énorme accroissement d’énergie se manifesta alors à plusieurs centaines de mètres de là, bousculant leurs propres auras. Tristan remarqua immédiatement qu’il ne s’agissait pas d’un de ses compagnons, mais le Fléau sembla marquer un temps d’arrêt pour retrouver sa position.

Le Capricorne se jeta sur lui, assénant une frappe verticale, gorgée d’un cosmos tranchant. Holdyrr leva son bras pour intercepter l’attaque avec un temps de retard. L’arcane découpa métal, peau, muscle et os, passant à travers le membre pour poursuivre sa course. A peine ralentie jusqu’ici, il s’arrêta pourtant de manière impromptue après avoir heurté l’épaule du Fléau.

Le cours des évènements qui avait paru s’étirer en longueur revint à la normal et le sang se mit à couler, tandis que le Chevalier d’Or peinait à comprendre ce qui l’avait stoppé. Il cligna des yeux lorsqu’il découvrit sa main encore vibrante, confronté à la lame d’énergie du Fléau. Cette dernière était apparue juste avant que l’arcane acéré poursuive son chemin, l’empêchant de se frayer un passage jusqu’au sternum d’Holdyrr.

La promptitude de sa réaction stupéfia le Français, tout autant que le globe de flammes qui le percuta en plein ventre, le faisant reculer à bonne distance. De la bile emplit la bouche du Capricorne et il la cracha, souillant ses pieds. Redressant le buste, il vit un filet écarlate dévaler le menton du guerrier Agardien, dont le bras restant était toujours en posture d’attaque.

- Pas assez appuyé, commenta Holdyrr.

Tout à coup, il se sentit extrêmement las. Il s’effondra sur un genou, affecté par les blessures qu’il venait de subir, la dernière d’entre elles lui ayant sectionné la clavicule. Mais elles n’étaient pas les seules en cause. La source de ce pic de cosmos qui n’en finissait pas de s’élever était Siholt. Et le corps de celui-ci ne pourrait bientôt plus le contenir. Le champ de bataille serait rasé, ne laissant qu’un cratère béant. Tout allait être perdu.


26 mars 1997

Norvège, Asgard, Province Nord

 

Encadrant un Chevalier des Poissons faible sur ses appuis, les trois compagnons le firent sortir de sa cellule. Ils s’enfoncèrent dans les couloirs, seul le bruit ténu de leurs pas traînants indiquant leur présence. Ça, et les marmonnements incessants de l’Italien, qui à leurs oreilles demeuraient inintelligibles.

Au bout d’un moment, Einar osa poser la question qui le taraudait, qui les taraudait même probablement tous :

- Nous ne devrions pas déjà être revenus près de la sortie ? J’ai la désagréable impression que nous tournons en rond.

- Et nous n’avons croisé aucun autre soldat, ajouta Ayame.

- Je pensais avoir mémorisé le chemin, admit Rikimaru, mais cet endroit est semble-t-il doté d’une géométrie particulière.

Et tout se ressemble tellement sous terre que les repères sont difficiles à établir, songea-t-il en balayant les lieux du regard.

- Jouer des tours, murmura Oreste, c’est ça qui l’amuse …

La Kunoichi Lunaire éprouva un irrépressible frisson le long de son échine en entendant sa voix presque désincarnée. Ne pouvant s’empêcher d’observer une fois de plus, à la dérobée, ce qui … restait du jeune Chevalier d’Or, elle se dit qu’il ne valait décidément mieux pas finir entre les griffes du dieu nordique.

- Je croyais que toute l’attention de Loki aurait dû être tournée vers le champ de bataille ? Qu’il ne serait pas en mesure de nous voir tant que nous n’utilisions pas nos pouvoirs.

- Peut-être que cet endroit est tellement imprégné de son cosmos, théorisa Rikimaru, de sa … personnalité, qu’il y a comme une sorte de résurgence sur ceux s’y aventurant, les abusant pour mieux les égarer.

- Dit comme ça, ça n’a rien de très rassurant.

 

Le garde tapait du pied autour du brasero. Demeuré inactif alors qu’il se tenait sur le sol encore gelé de la montagne, il sentait ses membres s’engourdir sous l’assaut du froid mordant.

- Hé, Gunar, appela-t-il son camarade de l’autre côté de la porte qu’ils gardaient, tu crois qu’ils ont engagé la bataille ?

Son collègue haussa les épaules.

- Sûrement.

Sans se démonter face à cette attitude nonchalante, il poursuivit :

- On est sûrs de gagner, hein ?

Gunar tourna vivement la tête en plaçant un doigt devant ses lèvres moustachues pour intimer le silence.

- T’es fou quoi !? Garde des idées douteuses pour toi. Je n’ai pas envie qu’Il t’entende et m’inclut dans le lot des couards.

- Oh ça va …, je me posais juste la question …

Il plissa les yeux, comme si cela allait lui permettre d’affiner l’image qu’il s’efforçait de discerner.

- Qui c’est celui-là ?

Son binôme, Gunar, abaissa sa lance en direction de l’étranger sans se poser plus de questions.

A mesure que l’inconnu approchait, il distingua mieux son apparence. Très vite, il s’aperçut qu’il portait une armure, chose somme toute normale en ces temps troublés, mais celle-ci ne ressemblait en rien à celle que les Asgardiens revêtaient, et surtout elle renvoyait un éclat doré.

- Alerte ! cria-t-il.

Ce furent ses derniers mots, avant qu’il ne soit enfermé dans une gangue de glace aux reflets noirs. Ses yeux désormais aveugles ne virent pas le Chevalier du Verseau franchir le seuil du passage qu’il gardait.

Andrei avait piètre allure et s’il avait pu se contempler dans un miroir, il l’aurait aussitôt brisé avec un cri rageur. Il était amaigri, échevelé, couvert de petites égratignures et la cape de fourrure qui flottait dans son dos était miteuse. Néanmoins, l’aspect le plus en triste état de sa personne était son visage. De profonds cernes soulignaient ses yeux, les enfonçant davantage dans leurs orbites. Son regard marron, auparavant fier, paraissait hanté par le manque de sommeil et illustrait un état de confusion mentale.

Son cosmos formait une aura de froid autour de lui, et il projetait des langues de glace sur tous ceux qui tentaient de l’approcher, transformant la petite cour de l’avant-poste en macabre jardin de statues.

D’un pas résolu, il pénétra dans la montagne, ses pensées rivées sur un seul objectif : l’apaisement de son orgueil blessé, à moins que ce ne fut la restauration de son honneur. Il ne savait plus trop.

A l’intérieur, il ne s’attarda pas l’ombre d’un instant sur l’architecture des lieux, pas plus que son regard n’accrocha les détails des fresques sur les murs. Sa vision se réduisait à un tunnel sombre. Dans le brouhaha de son esprit, Andrei n’arrivait à capter que quelques mots qui orientaient ses pas.

Il avait même du mal à se souvenir de la dernière fois où il n’avait pas eu des difficultés à penser de manière correcte. Ça avait même eu tendance à empirer après son combat contre … Fares.

La poche qui contenait l’orbe obtenu ce jour-là lui paraissait glaciale, même à travers le tissu dans lequel il le conservait autour de son cou. Même à lui, un manipulateur du froid.

Il descendit un long escalier, puis traversa un pont, au-dessous duquel s’ouvrait un abîme béant et avide. Tout ce que ce dernier reçut toutefois se limita à une poignée de graviers négligemment écartés du chemin par les pieds du Chevalier. L’arche franchie, il parvint dans une profonde salle aux parois bordées de torchères à intervalles réguliers. Malgré leur lumière, elles ne semblaient éclairer guère plus que quelques pas autour d’elles, îlots incandescents dans un océan de noirceur.

Et exactement face à lui, un être sur son trône de pierre le fixait de sa paire d’yeux flamboyants. Impossible de se méprendre sur son identité, il s’agissait de …

- Loki, laissa échapper Andrei abasourdi par cette rencontre.

Et son étonnement grandit encore en voyant que le dieu nordique arborait l’apparence frêle d’un enfant d’environ dix ans. Toutefois, ses traits avaient beau avoir ces airs de jouvenceau, son regard, lui, accusait des milliers d’années et avait l’éclat de celui du prédateur face à sa proie. Celle avec laquelle il s’apprête à s’amuser – du moins, c’est ce à quoi aurait songé un être humain, car un animal ne jouait pas.

- Bienvenue à toi, Chevalier, le salua le Mage des Mensonges d’une voix fluette. Tu as pris ton temps pour venir.

Sa phrase, ponctuée d’un sourire qui étira ses lèvres pour découvrir de jolies petites dents blanches, entraîna un froncement de sourcils chez son interlocuteur.

- Quoi ?

- Mais que fais-tu ici ?

- Je …

Son esprit était embrouillé, confus et la question ne fit qu’augmenter cette perturbation.

- T’y aurait-on invité ?

- Non ! répliqua le Verseau. Je possède quelque chose que vous convoitez.

- Tiens donc ? Et de quoi pourrait-il bien s’agir ?

Andrei se saisit de la bourse qu’il cachait sous son Armure, l’ouvrit et en tira l’orbe qu’il exhiba fièrement.

- Je veux ma revanche sur Gôrd, le Fléau de Fafnir, exigea le Verseau. Faites-le venir à moi et je vous donnerai cet orbe.

- Quelle chance ai-je là, s’émerveilla le dieu nordique, Gôrd n’a justement pas été envoyé combattre contre les forces de la reine.

Il claqua des doigts.

Des ombres parurent s’agiter dans un des recoins de la salle et le grand Asgardien à la barbe blonde en émergea, vêtu de sa protection. Il semblait avoir attendu tout ce temps, n’attendant que le moment d’entrer en scène.

- Gôrd, donne satisfaction à ce Chevalier.

Le Fléau de Fafnir s’inclina face à la divinité qu’il servait et, redressant le buste, déploya les ailes de son armure, en même temps que son cosmos.

- Ne te retiens pas, jeune prince.

En réponse, l’aura du Verseau enveloppa son corps et des flocons, petits éclats d’hiver, se mirent à tourbillonner dans son sillage.

En dépit de l’imminence du combat qu’il avait tant désiré, les pensées d’Andrei étaient pourtant ailleurs, focalisées sur le fait que le dieu ne paraissait pas étonné de sa présence, ou de ses ambitions, comme s’il avait … organisé cette rencontre, mais c’était …

- Impossible, articulèrent en silence les lèvres du Mage des Mensonges.

Il afficha un nouveau sourire, tandis qu’il l’observait, sa tête négligemment posée dans sa paume. Un frisson naquit depuis la nuque du Verseau et dévala sa colonne vertébrale à toute allure, entraînant un tremblement incontrôlable dans son sillage.

Affecté comme il l’était, c’est à peine s’il vit arriver l’attaque de Gôrd.

 

Un grondement parcourut les entrailles de la montagne, faisant vibrer ses parois minérales et détachant quelques morceaux de la voûte. Une seconde secousse, plus brutale que la première, en fit s’effondrer tout un pan, séparant le petit groupe.

- Einar ! appela Rikimaru en toussant. Tout va bien ?

Par-delà le gros rocher qui obturait le passage, une voix étouffée lui répondit :

- Oui, ça va. On dirait qu’une explosion de cosmos a provoqué cet éboulement. Que peut-il bien se passer ?

- Je crois que nous nous en inquiéterons plus tard, répondit le Shinobi Lunaire. Pour le moment, il va surtout nous falloir trouver une autre issue. Einar, la priorité est de faire sortir Oreste d’ici. Ne nous attends pas. Tout le monde doit être en alerte maintenant. Je ne sais pas ce qu’il se passe, mais nous pouvons tirer profit de la confusion pour nous éclipser. Le combat est le dernier recours.

Contraints et forcés par cet imprévu, les compagnons se séparèrent pour prendre des chemins différents, qui, l’espéraient-ils, les mèneraient à l’extérieur.

 

Rikimaru et Ayame se dirigèrent au jugé, leurs sens, pourtant maintes fois éprouvés, incapables de les aider. Chaque tournant ressemblait au précédent. Ils accélérèrent la cadence, avalant les mètres, tâchant de prendre de vitesse ce qui tentait de les retenir ici.

Soudain, ils crurent avoir réussi, alors que la similarité des couloirs s’estompait. Néanmoins, lorsque Ayame prit un tournant et que Rikimaru, alors trois pas derrière elle, crut la suivre, il se retrouva seul dès qu’il l’eut franchi. Sa sœur d’armes avait disparu en un battement de cœur.

 

La Kunoichi Lunaire se retourna subitement à la recherche des bruits de pas de Rikimaru. Il n’y avait que le silence et l’absence manifeste de ce dernier. Que faire ? Revenir en arrière ? Si tant est que cela ait un sens au vu de la présente situation. Non, aussi bien elle que lui s’en sortirait.

Elle se remit en route, avec cette pensée en tête.

 

Seiryû s’arrêta en plein milieu du kata qu’elle pratiquait et saisit au vol le bâton que venait de lui lancer Byakko.

Face à elle, ce dernier prit une posture de garde. La jeune femme lui jeta un regard appuyé, mais sa bouche conserva une expression neutre.

Son pied commença à glisser sur le sol, réajustant ses appuis. Tel un serpent qui se détend, son arme fusa en direction de la tête de son partenaire, qui l’écarta aussi promptement avec son propre bâton.

C’était une attaque propre, quoique plutôt vicieuse. Cela en disait plus long sur son état d’esprit que bien des mots. La suite de leurs échanges risquait d’être houleuse.

Et Byakko sut très vite qu’il avait vu juste lorsqu’il essuya les assauts suivants.

Les frappes s’enchaînèrent, leurs bâtons s’entrechoquant à une rapide cadence, tandis que leurs pieds bougeaient en rythme, tantôt sur les côtés, tantôt de l’avant vers l’arrière. Soudain, le Dragon d’Azur se baissa pour attaquer très bas, tentant de faucher le point d’appui de son adversaire. Celui-ci leva le membre visé et riposta d’un mouvement de pique descendant, mais la jeune femme avait déjà roulé sur le côté et réitéra son attaque précédente en prenant pour cible le pied arrière cette fois.

Privé de sa stabilité, Byakko tendit une main pour se soustraire au brusque appel de la gravité, mais au moment où elle allait toucher le sol, le bâton de Seiryû l’en écarta. Il s’écroula totalement et sa tête rebondit contre la pierre, l’étourdissant légèrement.

- Fin de la discussion, asséna le Dragon d’Azur en quittant l’aire de combat.

Le Tigre Immaculé roula sur le dos, les bras en croix.

Apparemment, la jeune femme ne décolérait pas depuis leur discussion plusieurs jours auparavant. En un sens, il saisissait très bien pourquoi.

Au fil du temps passé ici, un changement s’était opéré en lui. En eux, peut-être. Et ça, c’était difficile à admettre pour elle. Des projets sensément fous comme partir, quitter tout ça, avaient fini par être évoqués, mais c’était à demi-mot comme une plaisanterie. Et puis, parce que Byakko se défiait de Loki et du Fléau Siholt, il avait refusé de se joindre aux troupes qui étaient parties.

Cependant, ça, c’était sa décision, pas celle de Seiryû.

Alors, ils s’étaient disputés. La scène aurait pu paraître surréaliste, un couple haussant le ton comme dans n’importe quel conflit verbal, mais sur fond d’enjeux guerriers d’un autre âge. Malgré tout, elle était restée. Fâchée certes, aussi féroce que le dragon qu’elle représentait, mais présente. Et cela était significatif à ses yeux.

De son oreille attentive, Genbu les avait patiemment écoutés, tous les deux, pour finalement choisir de partir, car il fallait bien qu’il y ait un représentant du seigneur Susanoo qui prenne part à tout ça. De surcroît, le quinquagénaire estimait que prendre part à une bataille en étant en mauvais termes ne leur amènerait rien de bon. Juste avant le départ des troupes, il leur avait conseillé de faire preuve de tempérance l’un envers l’autre.

Tandis qu’il restait étendu là, l’idée initiale de Byakko lui parut irréalisable et égoïste, parjure aussi, et pourtant …

 

Partir en « claquant la porte » n’était pas dans sa manière d’être.

Elle était davantage à faire prendre conscience de ses émotions par un langage corporel, la froideur de son regard, le marbre de son visage. Bref, des choses plus subtiles. Auparavant, elle l’aurait ignoré purement et simplement.

Mais cette ancienne version d’elle-même s’était peu à peu effacée au fil du temps et de la relation qu’elle entretenait avec Byakko. Elle était moins métal et plus soie. Toutefois, elle n’encaissait toujours pas de ne pas participer à une bataille décisive, même si c’était sa décision.

Bien qu’il ne soit pas la divinité qu’elle servait, le Mage des Mensonges était d’un statut qui lui permettait que l’on ne remette pas en question ses décisions. Devraient-ils craindre des représailles dans un futur proche ? Et comment pourraient-ils s’en défendre face au seigneur Susanoo ?

Elle songeait à tout cela lorsqu’elle perçut des explosions de cosmos, des tremblements violents secouant même les lieux. Un combat avait cours dans la montagne, mais avec les propriétés perturbatrices inhérentes à l’endroit, Seiryû n’avait qu’une vague idée de sa localisation.

Cette fois, il fut impensable pour la jeune femme de ne pas tenter de se rendre sur place. Elle s’élança donc dans ce qu’elle pensa être la bonne direction.

 

Moins d’une poignée de minutes plus tard, elle se figeait, les sens aux aguets. Des lames fendirent l’air au-dessus d’elle, tandis qu’elle effectuait une roulade, pivotait sur ses talons à l’issue du mouvement et opérait un demi-tour dans un crissement de graviers.

Seiryû se redressa et avant même de jeter un coup d’œil à son ennemi, revêtit sa protection aux teintes azurées. D’un bond, elle piqua droit devant elle avec son arme.

Son adversaire tordit son buste pour esquiver le coup et contrattaqua aussitôt. La Gardienne Céleste ramena son bras en catastrophe pour parer. Néanmoins, dans un espace aussi peu large que ses couloirs, son arme devenait plus difficile à manier, là où son opposant avait au contraire l’avantage de porter une paire de lames courtes.

Elle la reconnut, même si leur précédente rencontre remontait à plus d’une année : la Kunoichi Lunaire au service de Tsukuyomi.

- Voilà une occasion inespérée de reprendre ce que nous avions laissés en suspens, dit cette dernière d’un ton malicieux.

 Le bas de son visage masqué d’un menpô non loin de celui de Seiryû, elles se repoussaient l’une l’autre, séparées uniquement par leurs armes entrecroisées.

Ayame décocha un coup de tête, heurtant le front de la Gardienne Céleste avec force. Celle-ci recula d’un pas, qu’elle lança aussitôt en avant, nimbé de cosmos, pour repousser durement son ennemie.

Ayame en eut le souffle presque coupé, son plastron émettant un craquement, et se retrouva projetée en arrière. Retrouvant ses appuis et ne sachant pas s’il y avait d’autres Gardiens Célestes restés ici, cette dernière préféra tenter de finir rapidement le combat.

Son cosmos rugit à travers son organisme et elle déclencha son arcane.

- Mangetsu Gen’ei !

 

Aux yeux de Seiryû, les mouvements de la Kunoichi Lunaire parurent ralentir, puis elle entendit comme l’écho d’un bruit de goutte qui tombe à la surface d’une eau calme, et la personne en face d’elle se dédoubla. Une parfaite image d’Ayame bondit sur la droite, tandis que l’autre s’élançait sur la gauche. Puis, une troisième fila droit sur la Gardienne Céleste et à mi-parcours fut propulsée en direction du plafond pour y prendre appui et augmenter sa détente. Au sol, une quatrième image dont la précédente s’était servie comme tremplin poursuivait sa course rectiligne. C’était une attaque tout azimut. Les reflets se croisaient, chacun semblant effectuer le mouvement de son voisin en miroir.

Le jugement de Seiryû se retrouva brouillé par le nombre, rendant impossible toute tentative pour déterminer laquelle était la vraie. A moins qu’elles ne le soient toutes ?

En un éclair, la Gardienne Céleste mobilisa son énergie, animant son armure et dispersa rapidement des graines dont elle galvanisa la croissance.

- Ibarasô.

Des ronces se développèrent à toute allure, flexibles et armées de leurs crochets végétaux, avides de déchirer les chairs. L’entrelac se rua sur ses proies désignées, égratignant la roche de par sa férocité. Les quatre reflets opposèrent leurs lames à la marée végétale, taillant une brèche dans celle-ci, au grand étonnement de Seiryû. Chaque clone était donc aussi dangereux que l’original ! Mais elle ne comprenait toujours pas comment ce prodige était possible.

Son manque d’observation faillit lui coûter cher. Plusieurs trouées avec été créées dans sa ligne de défense et ce n’est qu’au tout dernier moment qu’elle distingua les pétales de cosmos qui entouraient les lames de trois des reflets, mais pas du quatrième. Se remémorant avoir déjà entraperçu les effets de cette technique lors de leur première rencontre, la jeune femme se tourna in-extremis vers l’image qui arrivait à sa gauche. Si cette dernière n’en avait pas besoin, c’était parce que …

La Gardienne Céleste opposa la hampe de son arme, mais cela ne suffit pas à la prémunir d’une belle entaille au niveau de l’épaule, lorsque son adversaire joua de son ambidextrie pour doubler ses chances.

 

- Tu as du flair, la félicita Ayame, en rompant leur contiguïté.

En effet, elle avait subtilement déclenché un second arcane, Mangetsu Mankai, aux prémices de son assaut multiple, transformant des particules de cosmos en pétales tranchants. La Kunoichi Lunaire en avait ensuite entouré les lames de ses reflets, leur conférant une sorte de tangibilité trompeuse. Peut-être aurait-elle dû en faire autant avec les siennes afin de parfaire l’illusion ? Cependant, elle ne pensait pas avoir à souffrir de ce détail. Surtout qu’elle était désormais au contact. Elle décida de pousser son avantage, son énergie rosée brillant plus fort, et lança de vives attaques.

Seiryû adopta une posture défensive de circonstance, serrant les dents face à l’irritation provoquée par sa blessure et par cette situation défavorable.

De si près, elle ne pouvait pas rendre son arme efficace, aussi tenta-t-elle de prendre un peu de distance. Mais son opposante n’était pas idiote et s’efforça de la coller au plus près. Seiryû reçut une estafilade supplémentaire qui acheva de la convaincre de sa prochaine action. Son cosmos grandit avec sa rage, faisant courir des lueurs turquoise sur les parois.

Dans un même mouvement, la Gardienne Céleste planta sa lance dans le sol, fit pousser sur la hampe des ronces qui bloquèrent les mains d’Ayame et se prépara à contre-attaquer à mains nues.

Avec une vivacité et une force accrue, elle rendit ces coups à la Kunoichi Lunaire, brisant une pommette malgré le menpô et ouvrant une arcade, le sang aspergeant la paroi la plus proche. Exaspérée, Ayame cria :

- Mangetsu Mankai !

Les pétales acérés qui s’était déposés au sol s’animèrent à nouveau et filèrent tourbillonner autour des avant-bras d’Ayame, tranchant ses liens, en lui laissant toutefois quelques entailles au passage. Puis, ils se désagrégèrent.

Libérée, elle opposa ses lames aux coups qui continuaient de pleuvoir sur elle.

Chacune des deux jeunes femmes affichait un rictus, reflet tant de leurs douleurs contenues que de leurs volontés belligérantes.

Rapidement, des ronces apparurent à nouveau, mais autour des jambes de la Kunoichi Lunaire cette fois. Cette dernière les trancha aussitôt, mais le peu de temps que cela lui prit, Seiryû invoqua ses Ryû no Toge autour de ses propres avant-bras. Transformés en armes végétales, ils pouvaient à présent rivaliser avec les lames d’Ayame.

Dès lors les attaques s’enchaînèrent à une vitesse folle, déviées ou parées pour la majorité, mais quelques-unes trouvaient malgré tout leurs chemins. Ayame encaissa un, puis deux, puis trois coups quasiment à la suite. Ses sens s’émoussaient, sa cadence faiblissait, le souffle venait à lui manquer et pourtant elle ne comptait pas de blessures réellement sérieuses. A moins que …

Seiryû vit dans le regard légèrement trouble de son adversaire que celle-ci venait de comprendre pour quelle raison, ses réflexes se détérioraient. Elle avait diffusé un pollen toxique dans l’air, mais le masque de la Kunoichi Lunaire l’avait apparemment neutralisé, aussi avait-elle décider d’inoculer le poison grâce aux crochets de ses ronces. Le moment de porter une attaque décisive était venu.

 

La Gardienne Céleste repoussa Ayame d’un puissant coup de pied et dans la foulée, récupéra son arme qui était restée fichée dans le sol.

Elle chargea son ennemie qui, pourtant encore vacillante, enflamma son cosmos et envoya une centaine de pétales pour contrer son assaut.

Seiryû fit faire de petits cercles très rapides à la pointe de sa lance pour balayer ces désagréables parasites, comme si elle fendait le courant d’une rivière.

Ça ne suffira pas à te sauver, pensa-t-elle.

Elle poussa davantage, son arme vrombissant presque et le nuage acéré enfin dissipé, elle piqua droit devant elle, ses muscles tendus à l’extrême et son énergie concentrée en un point. Une fraction de seconde plus tard, elle perfora la poitrine de son adversaire, jaillissant de l’autre côté. La sensation avait néanmoins été extrêmement étrange. Trop … molle pour un corps.

L’image du faux cadavre se délita sous ses yeux étonnés.

Au ralenti, son regard se déporta vers le bas, là où un infime mouvement venait d’être perçu.

Un flot d’énergie gronda et Ayame se redressa, focalisant son esprit et ses muscles engourdis sur une seule tâche. Un mouvement éclair en croix laissa une profonde marque sanglante sur le corps de la Gardienne Céleste, tandis que des pétales retombaient paresseusement autour d’elle.

 

Byakko pressa le pas. Il avait l’impression de tourner en rond, à ne pas trouver Seiryû alors qu’il avait clairement ressenti les flammes de son cosmos s’intensifier. Ils n’étaient pas sortis à plus de trois minutes d’intervalle chacun, il aurait dû la trouver rapidement.

Au tournant suivant, il invoqua sa protection et dégaina avant même de voir. Le métal tinta contre le métal dans une gerbe d’étincelles.

 

- Je ne pensais pas te trouver ici, Tatsumaru, lui adressa un jeune homme en armure, dont la teinte rappelait celle du ciel à l’approche imminente de la nuit.

Rikimaru n’avait plus de doutes, il s’agissait bien de son ancien frère d’armes censé être mort. Par-dessus leurs lames engagées, les deux protagonistes s’observèrent.

- Pourquoi as-tu trahi ? demanda-t-il à brûle-pourpoint.

- Quoi ? s’étonna le Gardien Céleste.

Il ne s’était pas attendu à ce genre de question de la part du Shinobi Lunaire. Et encore moins à le trouver ici ! Était-il venu seul ? Dans quel but ?

- Que veux-tu dire ?

- C’est pourtant simple : je veux que tu m’expliques pour quelle raison tu as trahi le seigneur Tsukuyomi. Toi, dont j’admirais le sens du devoir, pourquoi œuvres-tu avec des êtres aussi vils que Suzaku ?

Un soupçon de colère difficilement contenue pointait dans sa voix.

Non, décidément, ce jeune homme ne semblait plus être le « bon petit soldat » dont il avait le souvenir. Déterminer les motivations de son adversaire ne faisait pas partie du schéma qu’on lui avait enseigné. Suivant ce cheminement de pensée, Byakko se demanda si la présence de Rikimaru n’était pas en lien avec les éclats de cosmos ressentis plus tôt. Et s’il n’était pas au milieu de la bataille, c’était peut-être parce qu’il s’en servait comme diversion pour évoluer silencieusement dans la montagne.

- Je ne fais qu’obéir à un ordre que j’ai reçu. Tu connais ça, toi aussi.

- Je ne te comprends pas, fit Rikimaru déstabilisé. Ce que tu dis n’a pas de sens.

Il essayait de canaliser l’agitation qui régnait dans son cœur, car c’était là l’occasion d’en apprendre plus, de tenter de comprendre son ancien frère d’armes. La motivation derrière ça était bien réelle, amenant un indéniable contraste avec celui qu’il était auparavant.

De son côté, Byakko faisait le même constat, se questionnant sur ce qui avait poussé le Shinobi Lunaire à s’aventurer en ces lieux et pourquoi il tenait tant à s’entretenir soudainement avec lui. Lui aussi aurait aimé mieux comprendre l’importante évolution que la personne en face de lui avait vécue. Au lieu de quoi, il déclara :

- Désolé de te décevoir, mais je ne m’intéresse pas à tes états d’âme.

Il imprima un mouvement à sa lame afin de rompre l’engagement et porta un coup de poing. Rikimaru pivota légèrement en réponse, afin de recevoir le coup sur sa large épaulière gauche. Les deux hommes tentèrent alors un coup de pied haut, entrechoquant leurs jambes. L’impact les renvoya aussitôt à leur position de départ, face à face, en garde.

- Ta sœur a souffert de ta disparition, reprit le Shinobi Lunaire. Bien plus qu’elle ne le laisse paraître. Elle te pense mort.

Il attaqua vivement en trois estocs successifs. Byakko les para tous.

- Si elle connaissait la vérité …

 

Et quelle vérité devrait-elle entendre ? songea Byakko.

Certaines choses évoluaient, tout simplement. Depuis quelques temps, ce constat s’était imposé à lui et il s’agissait désormais davantage de servir son propre idéal qu’une entité, divine soit-elle.

Soudain, le tunnel parut tournoyer sur lui-même, les envoyant s’écraser contre les parois, tandis que le phénomène les prenait par surprise.

Byakko fut le premier sur ses appuis, même s’il se retrouvait désormais … tête en bas. La voie que lui barrait Rikimaru un instant plus tôt était libre. Il ne perdit pas davantage de temps avec son ancien frère d’armes, et bondit pour rejoindre Seiryû.

 

La sueur lui coulait dans les yeux, les irritant par sa piqûre salée. Pas seulement à cause des efforts physiques qu’il déployait, mais aussi parce qu’une sourde angoisse continuait d’engluer ses pensées.

Non, plus que de l’angoisse. Une … terreur sans nom. Un mélange d’incompréhension, de doutes. Il cilla.

Du coin de l’œil, il crut voir les lèvres de Loki s’animer encore. Et à l’instant, est-ce que les siennes ne venaient-elles pas de bouger identiquement ? Une nouvelle vague de peur l’envahit.

Le dieu nordique l’avait-il vraiment manipulé ? N’avait-il été qu’un pauvre pantin ? Mais depuis quand ? Depuis qu’il avait mis un pied à Asgard ? Depuis les événements dans les souterrains chez les Nains ? Lui avait-on prêté des pensées, peut-être même des paroles, des gestes qui n’avaient pas été pleinement les siens ?

De Fares, il se remémora le menton barbouillé de sang …

Il cilla à nouveau, tandis qu’il décochait un crochet à la mâchoire de Gôrd. Celui-ci l’esquiva cependant en se coulant derrière le Chevalier d’Or. Dans le même élan, il le ceintura d’un bras, le souleva et l’écrasa au sol.

Andrei sentit presque son dos se rompre, alors que le sol se craquelait sous lui. Il roula sur le côté, manquant se faire piétiner par l’Asgardien.

- Tu n’es pas à ce que tu fais, petit prince, lui dit ce dernier.

A nouveau debout, Andrei scruta tour à tour Loki puis Gôrd, avant de refixer son attention sur le premier. Il avait toujours cette sensation d’idées confuses, mais de manière moins forte, comme si l’épais brouillard recouvrant ses pensées, ne semblait plus être fait que de lambeaux d’une légère brume. La révélation du Mage des Mensonges y avait sûrement contribué, puisqu’il était à présent conscient des troubles qui régnaient dans son esprit.

En pénétrant en ces lieux, on lui avait fait croire qu’il y venait de son propre chef, désireux d’affronter le Fléau de Fafnir. Gagner ou perdre n’entrait pas en ligne de compte. Son orgueil n’avait été qu’un terreau fertile dans lequel faire croître les graines du genre de folie dont il avait été victime. Au moins il pouvait se dire que tout n’était pas de sa faute.

A présent, il devait venir à bout du Fléau, aussi bien pour restaurer ce qu’il considérait comme ce qu’il avait de plus précieux, que pour assurer tout simplement sa survie.

Son cosmos doré, encore teinté de filaments noirâtres, paraissait soudain avoir retrouvé une partie de son éclat d’antan. Il adopta une posture de combat correcte et invita le Fléau à s’approcher. Un air glacial se mit à tourbillonner autour de lui.

 

Andrei se rappela au moment où il lançait son invitation que, question puissance physique, il était allégrement dépassé. Et l’arcane Auriferous Banneord servant à fragiliser le métal lui avait laissé de très mauvais souvenirs. Mais cela lui remit aussi en mémoire sa propre technique de défense la plus élaborée : Tëmnyjalmaz Tkan’. Mais il lui faudrait laisser Gôrd l’approcher suffisamment près pour que son usage soit impactant. S’il le surprenait ne serait-ce qu’une seconde, il pourrait le mettre échec et mat d’un coup bien ajusté.

Comme s’il avait lu dans l’esprit du jeune homme – au moins la première partie de ses réflexions – le Fléau nota :

- Je constate que tu es devenu plus réfléchi et moins provocateur.

- Cause toujours, grosse barrique blonde, cracha Andrei, sa morgue ravivée l’espace d’un instant.

Sa froide aura pulsa, transformant les molécules d’eau présentes alentour en piques acérées.

- Oh, t’aurais-je donc hérissé ? s’amusa Gôrd.

En guise de réponse, le Chevalier d’Or chargea son adversaire, oubliant complétement son plan initial.

Il tournoya sur lui-même, créant simultanément une mince langue de givre sous son pied d’appui pour accélérer subitement, et lançant un coup de son autre pied, talon en avant. Incapable d’anticiper ce gain de célérité, l’Asgardien encaissa l’assaut en expirant brutalement. Sitôt ses deux appuis repris, Andrei enchaîna avec une volée de coups de poings rapide comme l’éclair, envoyant ballotter de droite et de gauche la tête du Fléau.

Des gouttelettes carmines aspergèrent le sol alors que des cristaux de glace agglomérés sur ses poings traçaient des sillons dans les joues du Fléau. C’était une méthode peu noble, Andrei en convenait, mais paradoxalement il se fichait bien de cette valeur à l’instant présent. Il voulait écraser cet homme, lui faire amèrement regretter de s’être dressé face à lui. Sa fierté mise à mal ne supporterait pas une nouvelle atteinte.

Le Verseau bondit sur l’Asgardien, s’agrippant d’une main à une épaulière, calant ses pieds sur la protection du bassin et serrant son poing libre, il frappa avec, tel un marteau. Trois impacts puissants, laissant une marque profonde en travers du nez du Fléau et brisant certaines pointes de sa couronne. En grognant, le colosse blond tituba en arrière.

D’une impulsion, Andrei se projeta dans les airs dans un long mouvement de salto, et une fois au faîte de sa courbe, il ramena ses bras devant lui, projetant les épieux de glace créés plus tôt. Un brouillard blanc se manifesta alors qu’ils s’abattaient en pluie.

Puis un vent violent balaya la zone, dissipant un emplacement vide.

 

Le sourire affiché par le Verseau déserta son visage alors que la gravité reprenait ses droits sur lui. Gôrd n’était nulle part en vue … si ! Le guerrier nordique s’était servi des ailes de son armure pour se propulser en hauteur et éviter l’attaque. Dans ses yeux brillait une lueur mauvaise.

Dans un claquement d’ailes, il fonça sur le Chevalier d’Or en pleine chute. Combinant son poids et sa vitesse, il le percuta durement, encastrant sa pauvre victime, encore abasourdie par la manœuvre, dans la roche d’une paroi.

S’accrochant à une aspérité en la griffant de ses doigts, il extrait Andrei de son carcan minéral en l’empoignant par les cheveux, pour l’y enfoncer à nouveau à deux reprises – le diadème du Verseau s’en retrouva éjecté au passage. Puis, Gôrd le souleva encore avec un cri rageur, l’écrasa derechef contre la roche avant de piquer vers le sol, souillant la paroi d’un fin tracé sanglant là où le visage du Chevalier d’Or avait frotté.

- Sauvage …, laissèrent échapper les lèvres, à demi-enfouies dans les gravats.

- Moi ? (Il s’esclaffa.) C’est vrai que je me suis un peu emporté, mais il faut avouer que cela fait du bien de temps à autre.

Le Fléau recula d’un pas, après avoir relâché Andrei.

- Je crains qu’une partie de ton faciès ne soit resté là-haut. (Il désigna la paroi du pouce.) J’espère que tu ne m’en tiendras pas trop rigueur, prince. De toute façon, les combats sont très rarement propres.

Encore allongé sur le sol, Andrei tourna légèrement sa tête vers l’Asgardien, exposant la moitié intacte de son visage. L’autre, cachée, le tiraillait méchamment.

- Espèce de barbare décérébré ! Tu vas le regretter !

Son énergie enfla, le sol alentour se couvrant de glace, jusqu’à atteindre le pied du Fléau, en blanchissant le bout.

- Ne te montre pas trop insultant, jeune coq ! C’est toi qui m’as défié !

L’Asgardien se rapprocha du prince de Blue Graad et l’agrippa par le col de son Armure pour le soulever.

- Je vais te dépouiller une bonne fois pour toute, de tout ce métal doré qui te fait sentir plus grand que tu ne l’es.

Aussi menaçant qu’une griffe, ses doigts auréolés d’une aura néfaste fusèrent pour percer le plastron du Verseau au niveau de l’abdomen. Cependant, à l’instant même où le bout de ses doigts allait percuter le métal, une couche de glace pareille à une seconde peau, se matérialisa instantanément en réponse, isolant la zone visée juste avant l’impact.

- Que …

 

Les traits de l’Asgardien affichaient une sincère surprise. Son regard remonta jusqu’à celui du Chevalier d’Or, qu’il trouva quasiment intact. Un peu de peau seulement avait été arrachée sur une pommette et quelques égratignures rougeâtres marquaient par-ci par-là la chair du jeune homme. Une fine pellicule de glace tomba depuis la moitié censément meurtrie.

- Il n’y a pas que les dragons qui ont la peau dure, le nargua le Verseau avec un sourire. A genoux !

Il fit apparaître un épieu de glace noire dans chacune de ses mains et les planta fermement dans le haut des cuisses de Gôrd, là où l’armure ne les couvraient pas.

Le Fléau le lâcha, en reculant, ses jambes désormais instables dans le soutien de son imposante masse. Andrei lui envoya un coup de pied circulaire en plein visage, faisant éclater la lèvre inférieure. Gôrd bascula sur le côté, un coude au contact du sol, ses genoux se dérobant sous lui.

Le cosmos d’Andrei brilla plus fort, et il tournoya en rassemblant des particules de glace au bout de ses mains jointes. En quelques secondes, l’amas eut la taille d’un petit rocher. Le Verseau effectua trois tours sur lui-même, tel un lanceur de marteau, et projeta la concrétion sur son ennemi. Celle-ci éclata en percutant l’Asgardien qui effectua plusieurs culbutes avant de s’immobiliser, étendu sur le dos.

Une espèce de fumée noire aux reflets rougeâtres le suivit dans son sillage, d’étranges crépitements semblant s’y produire.

N’y prêtant pas attention, tout essoufflé qu’il était, Andrei fit apparaître une énième lance givrée qu’il empoigna et se précipita vers sa cible. Il bondit, prêt à peser de tout son poids, son énergie flamboyant intensément.

- Voilà ce que l’on récolte à m’humilier !

A l’instant décisif, il y eut comme une sorte de flash aveuglant. Le prince de Blue Graad sentit son arme se disloquer entre ses doigts, soudain gourds, avant d’être violemment repoussé, tandis que le roulement du tonnerre parvenait à ses oreilles.

Quoi, ici ? Sous terre ? s’interrogea-t-il, les mains prises de tremblements comme suite à une décharge électrique.

L’étrange fumée semblait s’être épaissie et gravitait autour de l’Asgardien qui se releva dans un mouvement presque fluide en dépit de ses blessures. Les fins poils sur la nuque du Verseau se dressèrent, de l’électricité statique saturant soudainement l’air ambiant qui paraissait s’être alourdi.

 

Le Chevalier d’Or avisa l’épaulière en forme de tête de dragon d’où semblait sourdre la fumée. Puis ses yeux se posèrent sur le Fléau de Fafnir dont l’aura lui parut immensément dense et pesante, comme prête à exploser, à l’image d’un volcan.

Du sang maculait les favoris blonds de celui-ci et son nez était brisé, sa peau percée çà et là d’échardes de glace.

- Mieux aurait-il valu que tu me laisses gentiment dévorer ton Armure, fit la voix rauque du colosse nordique.

On aurait dit qu’elle ressemblait davantage à un grondement animal.

- Si tu parviens à éviter les crocs du dragon, alors goûte à son souffle : MunnLeiptr !

Il leva les bras devant lui et les lueurs rouges au cœur de la fumée s’animèrent, s’entrechoquant de plus en plus vite. Quasi simultanément, un claquement se fit entendre et un puissant éclair écarlate jaillit.

Frappé de plein fouet, Andrei fut catapulté à plusieurs mètres. Le corps fumant et parcouru de convulsions, il mit ce qui lui parut être une éternité à parvenir à respirer de nouveau. Il tremblait, ses membres s’agitant irrépressiblement, son cœur battant de manière erratique.

Bandant sa volonté, il réussit à calmer ses muscles qui se contractaient malgré eux.

Quelle attaque ! L’intensité, mais surtout la vélocité, avaient été telles qu’elles avaient passé outre son système de défense. Même pour un Chevalier d’Or, saisir un éclair au vol paraissait impossible. Du moins, s’il n’était pas pris au dépourvu.

Le prince de Blue Graad se releva tant bien que mal et constata que l’intense chaleur dégagée par l’attaque avait vaporisé la glace qui s’étalait auparavant sur le sol. Son Armure était également noircie par endroits, présentant comme des cloques à sa surface.

Le cosmos du Fléau enfla, de petits arcs électriques jouant au sein de son aura. Il arma son bras et le pointa sur Andrei. La fulgurance de l’arcane faillit le surprendre à nouveau. Cependant, comme il s’y attendait, le Chevalier d’Or brûla son cosmos, augmentant sa capacité de déplacement.

L’éclair brilla un instant et la seconde suivante, il laissait un petit cratère fumant là où s’était tenu le jeune homme. Ce dernier réalisa avec un certain effroi que même de cette façon, il était tout juste parvenu à esquiver.

Il songea que déployer une telle puissance de feu devait bien avoir des répercussions sur l’utilisateur, mais malheureusement, elles ne semblaient pas se manifester suffisamment vite. S’il subissait encore un assaut de cette nature, le Verseau ne pourrait plus rien faire, si tant est qu’il ne l’achève pas. Il bondit encore à deux reprises. Chaque brusque déplacement qu’il infligeait à son corps et notamment à ses jambes le minait. Son souffle était devenu court, son front couvert d’écume. Une odeur prégnante de cendres saturait l’endroit.

Pour achever cette fresque désastreuse, l’air était devenu plus sec face à toute cette énergie, il le sentait sur sa langue et dans sa gorge. La spécialité d’Andrei ne consistant pas à créer de l’eau, mais à la transformer, la gravité de sa situation le pressait.

 

C’est mu par un ensemble de sentiments exacerbés – peur, orgueil, colère, urgence – qu’Andrei s’ouvrit davantage au Septième Sens, accroissant son énergie autant qu’il le put. Son cosmos culminant à son paroxysme, il plaqua ses mains sur le sol, faisant brusquement s’élever un nuage de brume gelée, afin de se soustraire au regard du Fléau.

Celui-ci ne perdit pas de temps et tira immédiatement au travers. Son attaque généra un trou dans la masse cotonneuse, qui se résorba lentement, sans avoir trouvé sa cible. L’étrange nuée sembla ramper jusqu’à lui, le cernant bientôt. Les yeux du Fléau balayèrent l’espace sans ne rien voir d’autre que du blanc. Le petit prince était là quelque part, hors de sa portée, que ce soit par l’ouïe, la vue ou l’odorat, et cela échauffait ses nerfs.

Il finit pourtant par percevoir quelque chose. De brefs scintillements qui charmèrent sa rétine et l’invitèrent à s’engager plus avant dans le nuage. Par intermittence, l’image d’une jeune femme à la peau diaphane et aux longs cheveux blonds cascadant librement sur ses épaules lui apparaissait, avant de s’estomper. Ce curieux phénomène lui fit quelque peu oublier les intentions meurtrières qui étaient les siennes, lorsqu’il avait pénétré dans cette nébulosité, et le grondement orageux qui l’entourait diminua en intensité.

Dès qu’il la découvrit dans son intégralité, le regard de Gôrd s’enflamma, brillant de convoitise. Elle n’était, non pas vêtue de ces douces fourrures que les nobles dames aimaient afficher – tout autant que leurs amants aimaient à les retirer, pas plus qu’elle ne portait les loques rêches d’une paysanne, ou n’apparaissait dans son plus simple appareil, appel sauvage à la satisfaction de besoins primaires. Non, ce qu’elle revêtait tenait plus d’un complexe ouvrage créé par les Nains.

Un savant assemblage de diamants de forme et taille diverses, sertis dans un maillage de pièces d’or à l’éclat incandescent, l’enveloppait tout entière de leur magnificence.

- Magnifique, laissèrent échapper ses lèvres.

Les yeux du Fléau étaient luisants d’une telle avidité à posséder ses richesses, qu’ils en auraient fait pâlir de jalousie le légendaire dragon qu’il incarnait.

Il s’approcha tout doucement de ce joyau vivant, presque soucieux de ne pas l’effrayer. Il tendit une main pour la toucher et elle se laissa faire. Sous ses doigts, sa peau était froide. Avec tout ce métal sur elle, ce n’était guère étonnant se dit-il. Son envie de la « dévorer » grandit.

A son tour, elle posa l’une de ses mains sur la joue de l’Asgardien, celui-ci goûtant agréablement le doux froid qu’elle répandait sur ses plaies à vif, et l’autre sur son cou. Ses yeux d’un bleu de saphir plongèrent dans les siens.

Le Fléau était à ce point hypnotisé qu’il ne ressentit les désagréables picotements que trop tard. De négligeables, ils se muèrent très rapidement en insupportables à mesure que la température des mains de la jeune femme chutait. Son regard devint d’un blanc de givre.

Dans un sursaut de lucidité retrouvé, le colosse blond voulut se libérer de cette emprise mortelle. Malheureusement, les mains de son joyau vivant étaient aussi inflexibles que du métal. Un râle lui échappa à mesure que la glace progressait sur son cou, ses épaules, et son visage. La vision enchanteresse qui avait éveillé son intérêt au plus haut point, le plongeait à présent au faîte de la terreur.

Il brûla son cosmos aussi intensément qu’il le put, de l’électricité le nimbant à nouveau et parvint à lever les bras. Sans prêter attention aux bruits de fractures qui parvenaient à ses oreilles, il grogna et les abattit sur les bras de la vierge de glace, les brisant net. Il recula, la brume se dissipant un peu plus à chaque nouveau pas en arrière. C’est alors qu’il distingua enfin Andrei qui n’avait semblait-il jamais bougé de la place où il l’avait vu pour la dernière fois. Tout n’avait été qu’une illusion.

Le Verseau lui jeta un regard triomphant, bien qu’un épuisement certain soulignait ses traits.

- Kazn' v Sumerkakh.

Le mal était fait. Sa gorge et une partie d’une de ses joues jusqu’à son nez n’étaient plus qu’un bloc de glace qui ne laissait plus passer beaucoup d’air. Une sensation d’étouffement proche de ce que devait éprouver une victime de noyade le gagna et il s’effondra sur un genou, griffant désespérément la gangue gelée.

 

C’est sur cette action victorieuse que débouchèrent dans la grande salle, Oreste et Einar, le second soutenant le premier.

 


                                                                                                               

Kata :

Ce mot japonais revêt plusieurs sens, mais ici il évoque l’image d’une forme idéale à reproduire ainsi que la fixation et la transmission de connaissances ayant pour base une gestuelle codifiée.

 

Menpô :

Il s’agit du terme pour désigner les nombreuses variétés de protection faciales portées avec le casque (kabuto) par les samouraïs japonais, couvrant tout ou seulement une partie du visage.

 

Mangetsu Gen’ei :

Reflet illusoire de la Pleine Lune

 

Mangetsu Mankai :

Floraison de la Pleine Lune

 

MunnLeiptr :

FoudreGueule

 

Kazn' v Sumerkakh :

Exécution au Crépuscule

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