Chevalier, mais pas trop ...

Chapitre 55 : DUR, DUR D'ETRE PARENTS

3235 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 13/11/2024 12:14

Disclaimer : cf. chapitre 1

CHAPITRE 55

DUR, DUR, D’ÊTRE PARENTS …

 

Le Grand Pope, Aioros, intronisa Démis et Polydeukès en tant que chevaliers des Gémeaux. Mais seulement l’un des deux frères portait l’armure ; l’autre était vêtu de manière moins conventionnelle pour un chevalier. Au lieu de porter une courte tunique et un plastron, voire des protections aux avant-bras ou aux jambes, il affichait simplement une longue tunique d’un tissu assez épais qui lui arrivait aux genoux sous laquelle prenaient naissance des bottes fourrées. Sur la tunique, une grande étole savamment nouée autour des épaules et dont les extrémités passaient devant et dans le dos, pour être coincés dans la ceinture.


—  Démis, même si l’armure ne peut pas se dédoubler, tu as les mêmes droits et devoirs que ton frère. Je suis ravi de voir que vous vous compreniez si bien tous les deux. Athéna est fière de vous.


Les deux frères levèrent la tête. Aioros, bien caché derrière son masque, soupira d’aise. Une chance que l’habillement différenciait les deux jumeaux, demi-frères, cousins … Autrement, il aurait été incapable de faire le distinguo. Cette ressemblance était incroyable, excepté pour le caractère ! Polydeukès était un peu plus emporté que Démis mais pas colérique ou irascible, ce qui fait qu’on était bien loin de la guerre que s’étaient livrés Saga et Kanon. Tout au plus quelques coups de gueules ou marques d’indifférences temporaires. Les deux garçons étaient un savant mélange de leurs parents. Il fallait simplement s’imaginer Saga et Kanon avec un teint bien plus pâle, les cheveux plus clairs mais les yeux toujours aussi bleu-vert.


Aioros avait pu sentir que Démis, le fils de Kanon, était très peu intéressé par la chevalerie et donc par l’armure. Seuls ses pouvoirs lui étaient nécessaires pour exercer la même profession que son père et sa mère. Même le jeune homme priait pour que rien n’arrive à son frère aîné lors d’une mission. Se battre, même pour une juste cause, ne l’enchantait pas trop.


Saga lui-même avait redoublé d’efforts pour intéresser son neveu, appelant très souvent Kanon à la rescousse. Il fallait que le cadet comprenne que son rôle était tout aussi important que celui de son aîné. L’oncle et le père se demandaient aussi s’ils avaient bien fait de raconter leurs rivalités passées ; peut-être que cela avait échaudé Démis qui ne souhaitait pas tomber dans les mêmes travers que son géniteur. Que nenni ! Ce manque d’intérêt total, il fallait l’imputer à Iris qui ne s’était jamais mêlée de l’entraînement de sa progéniture. Héritage caractériel.


Aussi, quand il en avait le temps et surtout quand il arrivait encore à se traîner tant l’entraînement de Saga était rigoureux, Démis accompagnait sa mère à Asgard quand elle y était de service. Comme cela lui faisait du bien ! Il appréciait réellement l’absence d’entraînement, les coups de son tonton, de son frère et même son propre père. Bref, une vie sans pression. De plus, il trouvait le climat du grand nord réellement revigorant. Et, sous le sceau du secret, il œuvrait déjà avec sa mère. Il était bien meilleur élève dans ce domaine que chevalier. Lui aussi arrivait à maîtriser son cosmos pour la thérapie et employait toutes ses connaissances pour l’utilisation des plantes. Le digne fils d’une nouvelle lignée de médecins.


Quant à Polydeukès, c’était le futur chevalier appliqué, voire zélé, totalement dévoué à son entraînement. Il se vexait même quand Démis n’y mettait pas plus de cœur, ne comprenant pas pourquoi son frère éprouvait autant d’aversion. Pour en rajouter à sa frustration, Mélina, la future chevalier du Sagittaire, n’hésitait pas à se moquer ouvertement du binôme mal assorti et des retards dans leur entraînement.


—  Quelle pimbêche, celle-là ! maugréait Polydeukès. Pour qui elle se prend ?

—  Ben … pour la fille du Pope, tiens, répliquait nonchalamment Démis.

—  Elle, au moins, elle n’a pas un boulet comme partenaire !


Polydeukès profitait de chaque moment pour tenter de faire culpabiliser son frère et le faire avancer dans ce pour quoi il avait été élu.


—  Traite-moi de tous les noms mais ça ne marchera pas. Tiens ! Pourquoi tu ne t’entraînerais pas avec elle, ou plutôt, tu ne te défoulerais pas sur elle si déjà elle te casse les pieds ? Je suis sûr que tu progresserais bien plus vite qu’avec un « boulet » comme moi.

—  T’es malade ?! Papa risquerait gros, et moi aussi ! A chaque signe son propre entraînement. Et puis c’est la fille de …

—  T’as peur maintenant ?

—  Les garçons ! intervint Saga. Plus vite vous vous attèlerez à la tâche, plus vite l’entraînement sera terminé. Focalisez-vous sur cette attaque et non pas sur Mélina.

—  Moi, je m’en fiche royalement de cette fille !

—  Mais oui, mais oui ! se moquait ouvertement Démis, qui, sous la férule de son oncle, se remit au travail mais en traînant les pieds.


Saga et Kanon voyaient bien l’évolution de leur rejeton respectif. L’adolescence entrant en jeu et les hormones cognant furieusement, ils espéraient qu’une rivalité concentrée sur une femme ne vienne pas remplacer celle qui n’avait pas eu lieu pour l’armure. Leurs craintes furent rapidement balayées. Mélina avait effectivement un courtisan en la personne de Polydeukès qui semblait pourtant toujours incommodé par la jeune fille ; Démis avait vu juste. Mais c’était ce dernier qui avait fait mouche bien avant son frère dans le cœur d’une jolie Asgardienne. C’était certainement pour cela que le garçon ne ratait jamais un crochet dans le grand nord avec sa mère. Soupirs de soulagement des chevaliers.


Une fois la cérémonie d’intronisation achevée, les deux jeunes hommes rejoignirent leur famille iconoclaste sur le parvis. Saga n’eut pas eu le temps de prendre son fils dans ses bras qu’une tornade arracha le jeune homme à la vitesse de la lumière pour le plaquer contre le premier pilier venu et l’embrasser passionnément sous les yeux ahuris de toute l’assistance. Même Aioros devait lever les yeux au ciel sous son masque. Seul Démis soupira ouvertement devant le manque de tenue de la « pimbêche » comme disait son double, et surtout l’absence totale d’autorité de son frère. Au final, Polydeukès n’avait jamais été agacé par la belle brune comme il le clamait depuis ses plus jeunes années.


—  Démis, appela Iris avec un grand sourire, va rejoindre Anjeta.


Kanon, qui avait adopté l’apparence d’un philosophe grec en se laissant pousser la barbe, en rajouta une couche avec une œillade complice :


—  Elle doit mourir d’impatience. C’est dommage que les étrangers, même proches de la famille, ne soient pas acceptés ici.


Démis s’était soustrait aux marques de félicitations de ses parents et de son oncle tout en conservant un visage impassible. Il matérialisa son cosmos et s’envola pour Asgard.


—  Tout de même, raisonna Saga, il a l’air froid mais c’est lui qui a été le premier à faire chavirer les cœurs. Est-ce que Milo … ?

—  Ah non ! protesta Iris. Laisse Milo en dehors de ça. C’est le charme nordique : le feu sous la glace, conclut-elle avec un grand sourire adressé à ses amants. Sans transition, je crois que ce soir, nous serons seuls à la maison.


Iris avait dit vrai. Les deux fistons fêtaient chacun, de leur côté, l’obtention de l’armure : Polydeukès célébrait l’événement dans une petite taverne avec « tonton » Milo, bien entendu, ses autres camarades et sa dulcinée ; même topo pour Démis mais sous la neige, dans la sacrosainte auberge qui avait été le témoin d’événements heureux et de tragédies, en compagnie d’Anjeta et quelques amis.


C’était décidément bien calme, ce soir-là, dans la maison de Daphné. Les jumeaux semblaient faire la grimace à table.


—  Ils vous manquent ? Laissez-les s’amuser ce soir. Vous aurez encore tout le temps d’être sur leur dos. Quoique, à quinze ans, je doute qu’ils veuillent encore entendre vos leçons de morale.

—  Il y a un peu de ça aussi, répondit Kanon qui passait sa main dans sa barbe puis préféra quitter la table pour sortir et faire quelques pas vers la rivière.

Iris enjoignit Saga à rejoindre son frère qui semblait déprimé pendant qu’elle nettoierait les tasses de café. Il y avait des moments où les deux méritaient d’être seuls. Ça ne la dérangeait pas le moins du monde car les liens entre jumeaux étaient au-delà de toute compréhension. Surtout quand les frères en question n’avaient pas été en bons termes pendant des années. De la fenêtre, elle regardait ses deux hommes, debout, à fixer le croissant de lune. Saga chuchota à son cadet :

—  C’est le fait que nous ayons passé la main qui t’attriste ?

—  Ne le nie pas : tu es dans le même état que moi. J’ai maintenant l’impression que nous ne servons plus à rien.


Saga mit son bras autour des épaules de son frère.


—  Mais tu es quand même fier, n’est-ce pas ?

—  Oh que oui ! Même si Démis n’a jamais montré aucun intérêt, il saura accomplir son devoir. J’en connais une autre comme ça !


Kanon sourit et regarda son frère qui affichait la même mimique que lui. Ce dernier retira son bras et poursuivit :


—  Quinze ans ! Déjà ! J’ai l’impression que c’était hier que nos deux petits voyaient le jour…

—  Et que Milo déboula les bras chargés de cadeaux avant même qu’Iris ait pu se remettre ! ajouta Kanon prêt à se taper les flancs.


Quelle soirée que cette double naissance ! Kanon avait à peine procédé à la délivrance et remis un peu d’ordre dans le cabinet que le cosmos du Scorpion se fit ressentir, tout proche de la maison.


—  Non, soupira Iris qui sortait tout juste de la salle de bain en peignoir. Il n’oserait quand même pas ! Il ne peut pas attendre le lendemain que toute cette agitation retombe ?


Saga, les deux bambins sur les bras, lui sourit timidement.


—  Tu le connais. Mais au moins, tu es habillée cette fo…

—  Coucou tout le monde ! Alors ? Où sont mes filleuls ? interrompit le Scorpion sans aucun égard pour l’intimité familiale.

—  Milo, fit une voix éraillée et surtout agacée dans les pas du susnommé. Tu aurais pu attendre le lendemain !


Camus arrivait, malgré lui et l’heure tardive (ou matinale, c’est selon), derrière son compagnon. Etrangement, c’est sur lui que se focalisa toute l’attention. Exit le chevalier composé, à l’allure impeccable, au port princier quelle que soit la situation. Le pauvre homme avait été tiré du lit ; ses cheveux étaient ébouriffés, ou du moins, on savait dorénavant sur quel côté il dormait. Pour tout vêtement, il ne portait qu’un simple caleçon quand on l’imaginait sans peine avec un pyjama complet, voire longue robe de nuit, avec un bonnet de nuit. Par conséquent, cette image aux antipodes de celle qu’affichait le Verseau en temps normal fit sourire la maisonnée et resterait à jamais gravée dans les mémoires. Idéal pour un éventuel chantage.


—  Regardez-moi ces bouilles ! s’extasia Milo quand il vit les deux bébés que portait Saga.


Il posa ses paquets sur la table puis s’approcha lentement des nouveaux-nés sous le regard incrédule de tous les adultes présents.


—  C’est bien la première fois qu’il ne me porte aucune attention, murmura Iris au bras de Kanon.

—  T’es presque jalouse, on dirait ! plaisanta Kanon qui eut droit à un petit désagrément cérébral en guise de réponse.


L’atmosphère était figée. Milo regardait maintenant avec une attention très soutenue les deux petits êtres. Son visage était à quelques centimètres du torse de Saga.

—  Incroyable ! C’est vraiment incroyable !

—  Superfécondation, coupa Camus. Si tu daignais un peu te cultiver …


Mais Milo n’avait cure de cette remarque sur son ignorance. Il était littéralement hypnotisé.


—  Tu veux en porter un ?

La question de Saga le sortit de sa transe. Iris voulut se comporter en mère louve et empêcher le contact. Kanon resserra son étreinte.


—  Au mieux, il lui transmet toute sa perversité ; au pire, il le laisse tomber

.

Iris regarda furieusement Kanon.


—  Je plaisante : il ne risque rien.


Effectivement, Saga, bien qu’encombré, manipula savamment l’un des bébés de manière à le déposer délicatement dans les bras de Milo qui ne bougeait plus, apeuré de casser cette poupée de porcelaine.


—  Camus, puisque tu es réveillé, je te conseille un peu de pratique. La théorie ne fait pas tout. Viens porter le second, proposa Saga qui s’était subrepticement rapproché du Verseau.


Camus déglutit quand l’autre chevalier lui remit l’autre poupon. Saga se recula et rejoignit son frère et Iris.


—  Regardez-moi cette photo de famille, ironisa-t-il.


Les deux autres chevaliers étaient méconnaissables. Milo exprimait une réelle tendresse à l’égard du petit. Où était passé le chevalier sanguinaire ? Un sourire d’une extrême douceur graciait son visage.

—  C’est presque flippant, commenta Iris par la pensée. Vous avez vu sa tête ?

—  Et regardez Camus, murmura discrètement Saga. Le maître des glaces a fondu.


Ce n’était pas peu dire. Camus était complètement réveillé maintenant qu’il avait une certaine responsabilité. Il avait l’habitude des enfants pour les avoir entraînés mais pas des bébés. C’était une nouveauté pour lui. Et comme le Verseau était avide de savoir…


—  C’est vraiment Iris … avec du Saga ou du Kanon. Qui est qui ?

—  On ne sait pas encore. On fera les tests génétiques d’ici deux jours, expliqua Kanon.

—  Mais vous avez déjà choisi les prénoms ?

—  Oui, renchérit Saga. Dès que nous saurons qui est le père de qui, nous les leur attribuerons.

—  Je suis quand même déçu, poursuivit Milo au grand étonnement de la petite famille.

—  Qu’est-ce qui ne va pas ? s’inquiéta Iris.

—  Ce sont des garçons. Si ç’avait été des filles…


Tout le monde leva les yeux au ciel. Camus qui souhaitait ardemment remettre les bébés à leurs parents se manifesta.


—  Milo, je crois que nous avons assez abusé. Iris doit être épuisée physiquement même si elle se tient fièrement debout. Et les deux autres sont nerveusement sur les rotules. On reviendra plus tard. Allez, rends le petit maintenant.


Joignant le geste à la parole, Camus fut le premier à remettre le bébé au possible géniteur, avec un hochement de tête approbateur et reconnaissant de la mère. Milo fit de même mais à contrecœur. Camus prit ensuite son ami par le bras et s’excusa encore des plus platement pour la gêne occasionnée dans ce qui aurait dû rester un événement privé. Tout redevint comme avant, excepté pour les paquets sur la table. Depuis, Milo devint le parrain, le copain et confident des deux garçons qui l’appréciaient réellement.


—  Ça va la nuque ? Vous comptez prendre racine ?


Iris s’était décidée à rejoindre les jumeaux qui étaient figés. Dieu seul sait les propos qu’ils avaient pu échanger. Elle se fit une place entre les deux hommes et, mue par un certain esprit taquin, elle claqua chacune de ses mains sur chaque postérieur. Saga soupira en baissant la tête ; Kanon fronça les sourcils et grogna.


—  Les années ont beau passer mais le temps n’a aucune prise sur la fermeté de ces belles pèches.

—  Allez ! File, mauvaise bête, enragea Kanon qui fit décamper Iris qui lui tira la langue.

—  Pourquoi tu t’énerves comme ça ? Tu sais que c’est son pécher mignon. Et puis, elle ne le fait jamais en public.

—  Encore heureux ! Ça ne t’ennuie pas après toutes ces années ?

—  C’est le jour où elle ne le fera plus que ça m’ennuiera : maladie, décès, démence … Tu vas voir que ça te manquera et que tu regretteras ces petites attentions.

—  Ça ne m’ennuie pas mais … ça a le don de me mettre dans tous mes états, si tu vois ce que je veux dire. Ça m’émoustille et je regrette de ne pas être plus maître de mes émotions. Quelle sacrée nana, quand même !

—  Tu te plaignais de te sentir inutile, mais avec Iris, on ne sera pas trop de deux pour canaliser cette boule d’énergie, sourit Saga.


Kanon adopta la mine de son jumeau.


—  Entièrement d’accord. Iris et Athéna, le double de travail. Espérons que nous tiendrons le coup avec nos carcasses vieillissantes.

—  Bon, je crois qu’elle nous a lancé une invitation. Ce serait dommage d’y répondre par la négative. Et confidence pour confidence, sa petite marque d’affection me met dans le même état que toi.


Kanon ouvrit de grands yeux. Saga venait d’avouer qu’il était aussi réceptif que lui, au final. Puis il rentra avec son frère.

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