Chevalier, mais pas trop ...

Chapitre 52 : SACREE SOIREE

4920 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 23/10/2024 11:55

Disclaimer : cf. chapitre 1

CHAPITRE 52

SACREE SOIREE

 

—  Dieu que ça fait du bien de ne plus avoir à surveiller ses manières ! Cette soirée m’a achevée, geignit Iris qui retirait une à une les épingles ayant servi à réaliser sa sculpture capillaire.

—  Pas mécontent non plus ! soupira Kanon qui défit sa cravate.

—  On a un peu souffert mais tout s’est très bien passé, comme je te l’avais dit, conclut Saga en retirant ses chaussures noires vernies. Comme c’est dommage que tu réduises à néant tout le travail qu’a fait Shaïna.

—  Pas faux ! Même nous on s’est demandé qui tu étais quand tu étais sortie de la chambre. Elle t’a sacrément mise en valeur.

—  Parce que vous doutiez de mon charme ? ironisa la jeune femme.

 

Bien sûr que non ! Les jumeaux n’en avaient jamais douté. Mais voir Iris en robe du soir, qui plus est avec sa chevelure admirablement travaillée… Aphrodite elle-même aurait été jalouse. Même le dilemme sur la couleur de la robe avait été résolu ; robe à bustier noir avec un tombé fluide sur les pied ; tout autour du décolleté, des épaules et du dos, de la tulle blanche, vaporeuse. Pour bijoux, Iris ne portait qu’une parure composée d’un collier et de boucles d’oreilles : une fine chaîne en argent. Son maquillage était très léger, voire inexistant, sauf au niveau des yeux accentués d’un trait de khôl noir. Quant aux cheveux qui faisaient l’admiration de tous, Shaïna les avaient relevés en chignon à l’arrière du crâne pour ne laisser couler le reste de la chevelure en une épaisse torsade lissée sur l’épaule. Mais Iris avait râlé en soulignant le manque de couverture pour ses cicatrices, ce à quoi Shaïna avait rétorqué que tous les invités étaient des combattants et non pas des gravures de mode. Le chevalier d’argent lui fit remarquer que sa propre robe laissait aussi apparaître quelques glorieux trophées. Il n’y avait donc pas de quoi se formaliser. Shaïna en profita aussi pour remercier sa supérieure hiérarchique d’avoir proposé l’abandon de l’obligation du port du masque pour les femmes chevaliers.

 

—  Je crois que tu oublies la touche finale, pointa le Serpentaire en présentant des escarpins.

—  S’il te plaît, Shaïna ! Sois clémente, supplia Iris en se mettant presque à genoux. Si déjà je me retrouve engoncée dans ces vêtements, que je sois au moins capable de marcher sans entraves.

—  Tu veux mettre des chaussons ?

—  Non, mes bottes ! Elles claqueront au sol comme tes instruments de torture. Et personne ne s’en rendra compte à moins de soulever ma robe.

 

Vaincue, Shaïna préféra concéder à son aînée ce petit caprice. Se prendre les pieds dans sa robe ou même trébucher parce qu’on ne sait pas marcher sur des talons fins, même pour une déesse, c’est la risée assurée. Ainsi, quand Iris sortit de la chambre après s’être trouvée plutôt « pas mal » dans le miroir, pour se présenter devant ses deux hommes qui se peaufinaient mutuellement dans leurs costumes de pingouins, ce fut un grand silence. Mais Shaïna savait très bien que l’effet produit était l’admiration.

 

—  Alors là … commença Saga.

—  Tu ne nous avais pas dit que tu avais une jumelle !

—  C’est vraiment …

—  Bon, ce que Saga essaie vainement de dire c’est que tu as fait un travail magnifique, Shaïna !

—  « Magnifique » ? Divin, tu veux dire !

 

La jeune femme rougit devant l’appréciation de son travail. Elle décida ensuite de s’éclipser pour laisser les trois personnes se jauger et rejoignit à la vitesse inhérente aux chevaliers d’argent, la propriété de Julian SOLO où Aioros l’attendait sur le perron. Il aurait été malvenu de ne pas accompagner une si charmante jeune femme.

 

—  Nom de nom ! S’il n’y avait pas cette soirée, je crois qu’on se ferait un plaisir de te déshabiller !

—  Vous aussi, vous êtes séduisants, mais ne ruinez pas le chef d’œuvre de Shaïna. Allons-y maintenant.

—  Attends un moment ! J’ai comme un doute, réagit Kanon. Je trouve que tu te déplaces avec beaucoup d’aisance. Ça cache quelque chose.

 

Pourquoi cet homme n’était pas comme Saga ? Son regard affûté faisait frémir. Aucun détail ne lui échappait ! Mais Iris n’éprouva aucune honte et remonta légèrement sa robe en affichant un petit sourire narquois.

 

—  NON !! firent les jumeaux en chœur.

 

Et oui ! Elle avait osé. Mais son argumentation les fit un peu fléchir. En route pour l’Italie, maintenant. La maison, ou manoir, ou propriété de Julian SOLO laissa tout le monde sans voix.

 

—  C’est vrai que c’est un tantinet plus grand que la maison KIDO mais notre palais n’est pas mal non plus. Je suis prête à parier qu’au niveau des bains, on le bat à plate couture, fit Iris qui marcha au bras de ses preux chevaliers.

 

Cette femme n’était même plus impressionnable ! Mais qu’en serait-il en voyant les autres divinités, dont une qu’elle avait allègrement fait sortir de ses gonds. Le trio entra dans l’immense salle de réception après avoir été escorté par un domestique dans un long couloir. Devant les portes grandes ouvertes de l’immense salle de réception, un jeune homme aux cheveux couleur lavande s’inclina poliment. Les trois personnes lui rendirent la politesse et en se relevant, Sorrente se figea, en faisant passer son regard d’un jumeau à l’autre.

 

—  Je suis navré, Kanon, mais je n’arrive pas à te reconnaître. J’aurais voulu te dire combien je suis ravi de voir un homme aussi transformé que toi.

 

L’intéressé lui sourit et s’adressa à lui. Si on n’arrivait plus à le distinguer de son frère, c’était très encourageant. Plus de rictus ou de regard provocateur.

 

—  Si vous voulez bien me suivre, Poséidon vous attend, Athé…

—  Hmm, hmm, interrompit Kanon en se raclant nerveusement la gorge. Je te conseille de ne pas prononcer ce nom si tu tiens à ne pas déclencher une bataille d’oreillers.

—  Laisse, Kanon. Il ne peut pas savoir, ça passera pour ce soir. Mais je n’ai pourtant pas l’impression de dégager un cosmos divin.

 

« Bataille d’oreillers » ? « Savoir » quoi ? Le marina ressentait clairement le cosmos d’Athéna qui émanait de sa nouvelle incarnation. Y avait-il incompréhension ? Mésentente ? Peu importe ; il aurait déjà l’occasion de s’entretenir avec l’ancien général usurpateur s’il arrivait à le différencier de son frère.

 

Sorrente n’avait même pas besoin de jouer des coudes pour fendre la foule composée de spectres pour une très large majorité ; les invités s’écartaient d’eux-mêmes sur le passage des quatre personnes. Certains invités saluaient les trois chevaliers en agitant la main; on répondait de la même manière suivant le degré de connaissance ou d’affinité. « Athéna » elle-même ne s’offusquait pas du tout du manque de respect du protocole. Après tout, si la soirée se passait dans une ambiance familiale et détendue …

 

Enfin, on put distinguer la chevelure bleu pâle et le sempiternel costume immaculé du maître des lieux. Sorrente s’annonça et s’éloigna légèrement du trio qui s’arrêta devant un jeune homme de bonne famille à la tenue irréprochable et aux manières impeccables. Il avait quelque chose de royal rien qu’en tenant une coupe de champagne. Kanon s’agenouilla immédiatement devant le souverain des mers ; Saga l’imita ; Iris … et bien … elle fit sa « Iris », droite comme un « i ».

 

—  Messieurs, relevez-vous, je vous en prie.

 

Les deux hommes s’exécutèrent et Kanon demeura tête baissée, prêt à formuler ses plus plates et sincères excuses quand le dieu des océans le devança.

 

—  Je suis autant désolé que toi, Dragon des mers … ou chevalier des Gémeaux.

 

Ainsi, alliant le geste à la parole, Julian s’agenouilla devant Iris et lui saisit la main pour la plus désuète des marques de respect. Si Iris était choquée, elle ne le vocalisa pas comme à son habitude. Elle était comme pétrifiée devant cette manifestation. Julian se releva et la regarda droit dans les yeux.

 

—  Je dois même faire doublement amende honorable : non seulement j’ai grièvement blessé une ravissante jeune femme au caractère bien trempé, il est vrai ; mais en plus, j’ai attenté à la vie d’Athéna, ma nièce.

 

Iris dut se ressaisir. Quel tact ! Quelle diplomatie ! Quelle élégance ! Mais attention : derrière cette pompe sociétale se cachait une véritable réincarnation, un authentique dieu aux pouvoirs incommensurables ! Et l’autre frère, elle le sentait ; il n’était qu’à quelques pas. La jeune femme prit enfin la parole.

 

—  Si vous voulez bien, nous allons faire table rase de tout cela. Je ne suis pas venue pour jeter l’anathème mais plutôt pour profiter éhontément des innombrables douceurs sucrées et salées sous lesquelles vous nous noyez. C’est de bon ton pour le dieu des océans ! Et pour une fois, je ne rechignerai pas à boire la tasse, pour parler plus trivialement.

 

Saga sourit nerveusement, Kanon arqua les sourcils et Julian fut positivement ravi d’autant de savoir-vivre et de répartie aussi fine. La nouvelle réincarnation pouvait donc manier tous les registres de langue en plus de savoir se battre. Mais elle avait un point faible : son ventre ! Et cela le fit franchement sourire.

 

—  Ravi de voir que les talents de mes cuisiniers vous plaisent. Mais plus sérieusement, permettez-moi de vous remercier chaleureusement, du fond du cœur, d’avoir ramené mes généraux à la vie, et, par conséquent, de me permettre de réintégrer mon royaume et de veiller sur ce dernier.

—  Je vous renvoie la politesse. Merci de nous permettre à nous, anciens ennemis, de nous retrouver dans de telles circonstances. J’ai toujours dit qu’un bon repas apaisait les tensions. Si vous voulez bien m’excuser, j’ai une mission diplomatique à remplir.

 

Iris s’inclina poliment devant le jeune homme qui hocha la tête et lui souhaita encore une bonne soirée. Elle fut naturellement suivie de ses deux cerbères.

 

—  Pfouh ! respira librement Kanon. J’étais sûr que j’allais être le point de mire. Au final, c’est toi qui as reçu toutes les marques d’attention ce qui n’était pas pour me déplaire.

—  Et quelles attentions ! enchaîna Saga mi fier, mi jaloux. On n’existait même plus ! Mais bravo pour ton sens de la diplomatie et sans qu’Athéna n’ait besoin de se manifester. Je suppose que ça a dû se passer de la même manière à Asgard. Bon ! Tout ça m’a donné soif. Tu veux quelque …

—  THOR ! Coucou mon grand !

 

Iris planta littéralement ses deux gardes du corps pour sauter au cou du guerrier divin de Gamma, sous le regard éberlué des jumeaux.

 

—  C’est toi qui parlais de diplomatie ? ironisa Kanon.

—  On va dire qu’il y a la manière officielle et la manière officieuse, répondit Saga en buvant une gorgée de champagne pour faire passer la pilule.

—  Et si on allait nous aussi on allait du côté des guerriers d’Asgard ? Ça nous permettrait de faire plus ample connaissance avec ce peuple vivant dans des conditions si inhospitalières.

 

Les jumeaux se dirigèrent du côté des défenseurs d’Odin après avoir salué au passage les chevaliers de bronze et discuté quelques instants avec ces derniers. Comme ils le pressentaient, Seiya n’était pas du tout au mieux de sa forme. Il ne se remettait pas de la disparition de Saori. Il faudrait glisser quelques mots à Iris pour qu’elle mette de côté ses vieilles rancœurs et remonte un tant soit peu le moral de Pégase grâce à quelques maladresses cocasses. Les deux hommes s’approchèrent et purent entendre Iris féliciter la souveraine d’Asgard dont le ventre s’était franchement arrondi.

 

—  J’aimerais beaucoup que tu m’assistes lors de l’accouchement. Tu pourras déjà m’éviter une péridurale si cela devait arriver.

 

Iris blémit tout à coup et, pour une fois, bénit l’intervention des jumeaux qui l’avaient rejointe. Bien entendu, Kanon se fit la voix de la vérité.

 

—  Je suis navré, votre Altesse, mais l’obstétrique et la gynécologie sont deux disciplines dans lesquelles Iris n’excelle pas du tout.

—  Tu plaisantes ! rétorqua la géant braconnier. Je l’ai vu effectuer des mises bas ! Ça ne change pas beaucoup d’un accouchement ! Hein, Iris ! s’extasia Thor qui dosa la tape qu’il donna sur l’épaule de la jeune femme toujours hypnotisée par le ventre d’Hilda.

—  Pour faire court, poursuivit l’ancien marina, Iris a tendance à vomir puis à s’évanouir pendant cet heureux événement. Elle n’est pas fiable.

 

Tous ceux qui avaient entendu la conversation, volontairement ou non, braquèrent leur regard sur l’incompétente, à la limite du fou rire. Se sentant observée à 360°, Iris réagit enfin.

 

—  Il dit vrai, confessa honteusement la jeune femme. Il vaudrait mieux éviter de m’envoyer en réanimation. J’ai un petit problème avec les humains. Vous avez le droit de rire mais il faudra compter sur une véritable sage-femme, Hilda. Veuillez m’excuser.

 

La voix de Syd se fit entendre derrière le trio. Son frère dissimulait péniblement son amusement.

 

—  Alors comme ça, Athéna a un point faible ?! C’est bon à savoir !

 

Les trois personnes se retournèrent. Deux scrutèrent leurs pendants nordistes.

 

—  Bonsoir Bud, bonsoir Syd, fit Iris sans hésitation en serrant respectivement leur main. Ce n’est pas mon seul point faible. Que je vous présente : à ma gauche, Kanon ; à ma droite, Saga.

—  Tes deux autres faiblesses, conclut Syd.

—  Je sais. On en a discuté. Vous m’avez donné votre avis et j’ai expérimenté. Vous pouvez voir en moi une dépravée, une dévergondée mais je suis au-dessus de tout ça. Peut-être qu’ils pourraient vous convaincre en retour de … aïe !

 

Deux pichenettes simultanées de chaque côté du crâne de la jeune femme l’arrêtèrent avant qu’elle n’expose certains détails très intimes et dérangeants.

 

—  C’était trop beau pour durer, râla Kanon.

—  Chassez le naturel …, compléta Saga.

 

L’autre binôme gémellaire fut amusé de cette réaction spontanée.

 

—  Messieurs, je vais vous laisser faire plus ample connaissance. Je pense que vous avez des tas de chance à vous raconter. De mon côté, je vais voir à quoi ressemble Hadès.

—  Sois prudente quand même, intima Saga.

—  Et pas de scandale, compléta Kanon.

 

La jeune femme s’extirpa du quatuor et se fraya un chemin vers l’autre puissant cosmos que la demeure hébergeait. Elle marcha sans appréhension vers la source de cette énergie inquiétante mais néanmoins formidable. Quelques personnes, des spectres - Iris reconnut Rhadamanthe – s’écartèrent naturellement afin que la déesse puisse se rapprocher. Elle se retrouva face à un jeune homme aux traits doux et délicats comme Shun mais au visage orné d’une formidable chevelure noir de jais, si brillante, si apparemment soyeuse, qu’elle invitait à passer les doigts dedans. Quelle tentation !

 

—  Ah ! s’exclama le dieu des Enfers. Alors voilà la nouvelle incarnation d’Athéna !

 

Iris se sentit le besoin de s’incliner, faisant presque la révérence et salua son homologue en déclinant son identité.

 

—  Sans mentir, je trouve que cette nouvelle enveloppe charnelle te sied bien mieux. C’est une vraie femme que j’ai en face de moi et pas une éternelle adolescente. Un mal pour un bien !

 

Iris garda le silence devant ce trait des plus maladroits mais tellement authentique. Elle n’imaginait pas Hadès aussi sarcastique. Mais pour lui faire sentir qu’elle ne partageait pas totalement son humour noir, elle lui répondit très diplomatiquement :

 

—  Dites ça au chevalier Pégase ; il n’est plus que l’ombre de lui-même depuis la mort de Saori.

 

Moment de gêne entre les deux divinités. Hadès vida nerveusement sa coupe alors qu’Iris le fixait toujours mais sans aucune animosité. Hadès reprit très sérieusement:

 

—  Je suis bien conscient de tous les ravages qui ont été, non … que J’AI perpétrés. J’ignore toujours pourquoi tous mes lieutenants et moi-même avons eu droit à ta bonté en ressuscitant … Un comble pour le dieu des morts !

—  Je ne peux pas vous répondre, fit Iris en agitant nerveusement les mains devant elle. Athéna n’est pas « éveillée » de manière permanente en moi.

—  Etrange car je sens clairement son cosmos. Mais aucune menace ; juste beaucoup … de douceur ou de compassion.

—  Ça me fait drôle de vous demander ça mais est-ce que je pourrai compter sur votre aide si jamais une menace faisait surface ?

—  Je crois que …, hésita la divinité la plus sombre de l’Olympe sous le regard naturellement sévère de son plus fidèle juge qui acquiesça, … que nous pourrons convenir d’allier nos forces. Quoique … tes seuls chevaliers ont déjà accompli des miracles.

 

Il tendit sa main à Iris qui la serra avec joie. Des larmes faillirent couler le long de ses joues. Toutes ces souffrances, ces deuils, ces affrontements pour en arriver à une entente qu’elle était sûre ne pas être de façade. Deux grands dieux avec elle, c’était inespéré ! Et si les Asgardiens souhaitaient également prêter main forte … Mais plutôt que penser aux futurs combats et après avoir tissé des liens durables avec les plus grands, il était de son devoir de faire amende honorable auprès de Pégase.

 

Iris sonda la foule pour le repérer. Elle joua des coudes pour sillonner entre les convives afin de parvenir jusqu’au chevalier devenu quasiment un légume. Au passage, elle retomba sur les jumeaux en grande conversation ; elle leva son pouce, ce qui pouvait signifier deux choses : soit son entrevue avec Hadès s’était parfaitement bien déroulée, soit elle était heureuse de voir que les deux binômes nouaient une nouvelle amitié. Quelques spectres lui présentèrent leurs respects, même Pharaon. Enfin, elle ouvrit la grande porte vitrée qui donnait sur la terrasse.

 

C’est là qu’elle le vit, accoudé sur la lourde rambarde en pierre, le regard plongé au loin, l’air mélancolique. Il faudrait marcher sur des œufs ce qui n’était pas dans ses aptitudes. Elle se racla la gorge pour signifier sa présence au jeune homme. Ce dernier ne broncha pas. Elle l’entendit simplement soupirer lourdement. Iris comprit qu’elle perturbait sa quiétude. Mais il lui en fallait davantage pour baisser les bras. Elle finissait toujours par obtenir ce qu’elle voulait ; Saga pouvait l’attester depuis des lustres !

 

—  Tu aurais mieux fait de rester chez toi si c’est pour t’isoler.

 

Un silence assourdissant fit écho à ses propos. Seiya ne réagissait même plus à ses provocations. Elle changea son fusil d’épaule et se mit en mode empathie. Elle prit place à côté du chevalier et regarda dans la même direction que lui.

 

—  J’étais dans le même état que toi quand Saga est décédé. C’était même pire puisque c’était de ma main. Et c’est là que tu vas me répondre : « Oui mais lui, il est revenu à la vie ! Pas Saori ! Alors fiche-moi la paix ! »

 

Léger rictus de Seiya. Iris avait fait mouche.

 

—  Et ben non, mon coco ! Je ne te ficherai pas la paix. Je vais être aussi pénible que Milo l’a été avec moi. Il m’a permis de ne pas sombrer alors que j’avais des pensées suicidaires. La bataille contre Poséidon avait été le moment idéal pour mettre mes plans à exécution. Tu te doutes bien que si je suis intervenue ce n’était pas pour défendre Athéna !

—  J’aurai juré le contraire ! ironisa Seiya.

 

Ah ! Il était enfin de retour ! Elle avait toujours conversé avec lui sur ce ton. Il reprenait des couleurs.

 

—  Après la bataille du Sanctuaire, j’ai avais voulu à mort à Athéna. Elle avait ressuscité ses cinq chevaliers de bronze mais elle n’avait pas levé le petit doigt pour redonner une chance aux chevaliers d’or qui avaient compris leur errer tardivement. Mais ne te méprends pas ! Je ne suis pas en train de me venger en te disant : « Maintenant tu comprends ce que j’ai ressenti. » Je suis passée au-delà de tout ça. Je ne sais pas si c’est dû à son sang mais … j’ai vraiment envie de t’aider même si on n’a jamais été en accord.

 

Seiya regarda la jeune femme pour la première fois et s’aperçut d’un subtil changement. Ce n’était pas seulement sa robe de soirée qui lui seyait parfaitement bien, il devait le reconnaître. Non. La modification était d’ordre physique, au niveau de ses yeux. Seiya se les rappelait bleus, très clairs, très froids, et non pas verts ! Cela l’intrigua fortement. Il voyait mal le chevalier des Poissons céder à un caprice aussi futile que le port de lentilles de couleurs. Puis, pour conforter un peu plus Pégase dans son trouble, le cosmos original d’Iris se substitua totalement à celui d’Athéna. Seiya fut estomaqué et des larmes glissèrent le long de ses joues. Iris posa délicatement sa main droite sur la joue du chevalier dont l’abnégation avait été exemplaire.

 

—  Pourquoi pleures-tu chevalier Pégase ? Tu vois que je suis toujours en vie même si ma réincarnation est différente.

 

Le jeune homme sanglotait et il mit sa main sur celle d’Iris. Il était incapable de répondre.

 

—  Ne sois pas triste, reprit la déesse. Réjouis-toi : la paix est enfin revenue. Tu n’as plus à te battre et à te sacrifier pour moi. Tu dois vivre normalement ; tu l’as largement mérité.

—  Vivre ? Sans Saori ? Mais comment ?

 

Iris sourit car Seiya venait de faire un aveu de taille.

 

—  Tu dois apprendre à faire le deuil de la jeune femme qui m’incarnait car c’est bien pour elle que tu te battais. J’en ai la preuve dorénavant et je ne t’en veux pas. Je suis fière de ce que tu as accompli. Vis, chevalier Pégase, et ne te retourne pas.

 

Seiya se jeta sur Iris pour s’épancher copieusement tandis que le cosmos d’Athéna disparaissait peu à peu. Iris reprit conscience et se trouva avec un Seiya pleurant au-dessus de son sein et l’enserrant à la taille. Inutile de rejeter le jeune homme ; Athéna devait à nouveau avoir pris possession de son corps. Au moins, les relations semblaient apaisées même si Iris ne l’avait pas envisagé de cette façon. Pendant que Seiya se calmait, elle regarda par la grande baie vitrée. Milo leva sa coupe de champagne mais il n’était pas le seul à avoir suivi le film : Kanon, Saga, Shun, Ikki et d’autres avaient un grand sourire plaqué sur le visage ainsi qu’un pouce levé pour certains. Puis, tout à coup, tous les spectateurs se dispersèrent comme un essaim d’abeilles. Seiya rompit l’étreinte. Il essuya ses dernières larmes et tenta de reprendre sa consistance. Il regarda Iris et ses yeux froids.

 

—  Désolé de m’être laissé aller comme ça.

—  Pas grave. Je sais que ça fait un bien fou. Je ne sais pas ce qu’ « elle » t’a dit mais ça t’a fait un sacré effet.

—  Tu veux dire … que tu ne te souviens de rien ? demanda le jeune homme mi anxieux, mi soulagé.

—  Rien de rien ! C’est même pas drôle ! Je ne peux même pas te chambrer ! râla Iris en lui tirant la langue et en croisant ses bras sur sa poitrine.

 

Seiya afficha un franc sourire malgré ses yeux encore rougis. Il tendit la main à son aînée ; Iris l’accepta.

 

—  Que tu sois Athéna ne m’empêchera pas de te dire que tu me casses les pieds ou de te décocher un coup de poing !

—  Mais j’espère bien, petit présomptueux ! Allez, file ! Va rejoindre tes amis à l’intérieur. Et va faire un petit brin de causette à Hadès … sans esclandre ! Tu peux y arriver, champion !

 

Seiya semblait plus confiant. Inutile de rajouter qu’il devait passer à autre chose concernant les femmes. Dieu sait qu’il en avait des soupirantes qu’il n’avait jamais voulu considérer. Le jeune homme prit une grande inspiration pour se donner du courage et rejoignit le reste des hôtes. Au même moment, il croisa les Gémeaux qui rejoignirent Iris.

 

—  Et ben ! s’étonna Kanon, c’est bien la première fois que je vous vois échanger cordialement … voire plus.

—  Athéna …, soupira Iris.

—  A propos de « voir », il y a une personne que je n’ai pas vu te tourner autour. Que lui est-il arrivé ? Il est pourtant bien présent ! s’interrogea Saga.

—  On dirait que ça te manque, mon cher frère. Je l’ai surveillé du coin de l’œil. Il n’était jamais en contact visuel direct avec Iris mais toujours dans son giron.

—  Je m’en suis aperçue, mais il quittait très souvent l’assemblée pour se diriger vers les toilettes. Je vous laisse imaginer son problème.

 

Les jumeaux se regardèrent éberlués. Non ! Tout de même ! Sa testostérone parlait pour lui. Une chance que Camus était suffisamment ouvert d’esprit et stoïque pour supporter les innombrables manifestations de désir du Scorpion.

 

—  Confidence pour confidence, chuchota sensuellement Saga de façon à être également audible pour son frère, je partage son ressenti.

 

Kanon s’approcha et prit Iris par la taille. Si Milo pointait le bout de son nez devant un tel tableau, sûr qu’il aurait à nouveau une réaction mécanique.

 

—  Messieurs, fit solennellement Iris, je crois qu’il se fait tard. Il est temps de retrouver nos pénates.

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