Chevalier, mais pas trop ...

Chapitre 49 : RETOUR VERS LE FUTUR

2298 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/10/2024 11:25

Disclaimer : cf. chapitre 1

CHAPITRE 49

RETOUR VERS LE FUTUR

 

Ça lui avait fait du bien d’entendre son histoire familiale. L’aubergiste n’avait jeté la pierre à personne. Sibelius était une personne vraiment très sensible sous ses airs de viking qui inspire la terreur. C’était un gros nounours, comme Aldébaran. Dommage qu’il ne se soit pas repris à temps pour sa fille. Peut-être que s’il l’avait emmenée au Sanctuaire, Anna aurait eu une vie plus équilibrée ? Sauf si elle avait fréquenté les femmes chevaliers !

 

Iris aurait quand même bien aimé savoir qui était son géniteur. Comme elle était le portrait craché de sa mère, un homme d’âge mûr aurait pu l’aborder en lui disant qu’elle lui rappelait quelqu’un. La formule d’approche était d’une banalité et d’une lourdeur ! Mais c’était tellement vrai dans le cas d’Iris. Elle se demandait si elle ne l’avait pas déjà côtoyé ou s’il n’avait pas souhaité se manifester,  ou bien il n’était plus à Asgard, ou tout simplement plus de ce monde.

 

Par rapport aux autres chevaliers, Iris avait la chance d’avoir une ébauche d’arbre généalogique. Elle pouvait se considérer comme une nantie dans sa caste ! Yep ! Ce n’était déjà pas si mal ! Cette pensée lui permit de fermer les yeux.

 

Elle se réveilla pourtant en plein milieu de la nuit mais pas abruptement. Elle sentit un poids sur son lit, comme si une personne s’était assise sur le bord de son matelas. Et pourtant, elle n’avait entendu entrer personne ; la petite clochette de la porte d’entrée n’avait pas remué. Impossible aussi qu’un animal se soit faufilé à travers les énormes rondins du chalet.

 

—  Tu dors, Iris ? demanda une voix grave avec moult précautions.

—  Hmmm, râla la jeune femme. Je dormais.

 

Elle s’empara de son coussin et le jeta dans la direction de la personne qui pesait à côté d’elle. Elle entendit l’objet molletonné atterrir à l’autre bout de la pièce. C’était impossible qu’elle ait raté sa cible qui était tout à côté d’elle et dont elle n’avait pas senti le moindre mouvement d’esquive. Elle alluma sa petite lampe de chevet pour comprendre l’absurdité de la situation.

 

—  Ah ! … C’est toi … ronchonna-t-elle pâteusement en s’asseyant contre la tête de lit avec l’oreiller restant qu’elle glissa derrière son dos. Salut !

—  C’est tout l’effet que ça te fait de me voir sous cette forme ?! Même pas un cri de surprise ou d’effroi ? Salut à toi aussi !

—  Si tu savais ! Voir des morts ressusciter c’est un peu plus impressionnant et émouvant que discuter avec un fantôme. Sans vouloir te vexer.

 

Sibelius sourit. Du moins, son apparition.

 

—  Même si tu sembles avoir perdu la notion du temps et que tu n’éprouves plus le besoin de dormir, ironisa Iris, je suis vraiment très contente de te voir et t’entendre bien plus que de ressentir ta présence.

—  Alors … comment va ma déesse ? demanda le fantôme toujours aussi pince sans rire, même dans l’au-delà.

—  Tu veux dire ta petite-fille adorée ou bien celle que tu as juré de protéger ?

—  Quel sens de la répartie ! Tu es bien de mon sang, à n’en pas douter. Mais raconte-moi … c’est à papi que tu parles et non plus au chevalier.

—  Quelle famille, quand même ! Et surtout, quel jeune homme tu as été ! Bourreau des cœurs en plus d’être bourreau dans les geôles du palais !

 

Sibelius explosa de rire.

 

—  Alors « il » t’a tout raconté. Quelle vieille crapule, celui-là ! Mais oui ; je ne regrette absolument rien, sauf Anna que j’ai vraiment négligée.

—  Tu aimais Mamie ?

—  Tu n’as pas idée ! Un sacré bout de femme ! Même si on n’a pas pu fêter nos dix ans de mariage, ça a été intense, passionné, fusionnel, sens…

—  OK ! OK ! C’est bon ! s’affola Iris. Epargne-moi les détails intimes. Mais malheureusement, la fin fut tragique.

—  …

—  Tu sais, maintenant que je connais les circonstances, je me suis demandé si mon petit « bonus thérapeutique » n’était pas une revanche. Je savais utiliser mes pouvoirs pour soigner bien avant d’apprendre à me battre. C’était comme si Frida me montrait ce que mon rôle aurait dû être.

—  Tout ça, grâce à ta mère adoptive. Je ne sais plus que penser de tout ce que tu as vécu. Mais si tu peux aider, soulager les gens, au Sanctuaire ou à Asgard, fais. Frida est ravie de voir que sa mésaventure aura servi. Tous les trois, on est fiers de toi !

—  Attends ! Ne t’emballe pas. Je vais certainement te décevoir.

—  Pas en tant que « chevalier », signa l’apparition, apparemment. Mais en tant que femme ?

—  Même si je n’ai pas connu ma mère biologique, je crois que j’ai pas mal hérité de son comportement.

—  Tu veux dire … vis-à-vis des hommes ?

 

Iris hocha timidement la tête et baissa le regard. Elle releva aussitôt son visage à l’évocation d’un nom bien précis.

 

—  Ça ne se passe pas bien avec Saga ? Il m’a semblé que si, pourtant ! Dis-moi quand même qu’il te manque depuis ces quelques jours.

—  Tu n’as pas idée ! Une chance que je rentre demain, ou plutôt aujourd’hui.

—  Ben alors ? Où est le problème ? … Noooon, commença à réaliser Sibelius, ne me dis pas qu’il y a quelqu’un d’autre ?

 

Iris fut rouge de honte. Sibelius explosa de rire. Même en tant que spectre, son rire faisait toujours autant vibrer la maison. Iris était désarçonnée car elle s’attendait à ce que son grand-père lui fasse la morale.

 

—  C’est vraiment un trait commun dans la famille ! fit-il en se tapant sur la cuisse. D’abord moi, ensuite ta mère et maintenant toi…

—  Oui mais toi, tu t’es assagi ; maman n’a pas su gérer ; et moi, je suis en train de devenir une véritable dépravée.

—  La boucle est bouclée !

—  Papi ! s’indigna Iris. Je te parle sérieusement !

—  D’accord, d’accord, fit Sibelius en se raclant la gorge. Je ne suis peut-être le mieux placé pour parler de ce sujet. La preuve, je n’ai pas su raisonner Anna. Mais vis comme tu l’entends malgré les cancans. Il y aura forcément un prétendant qui va souffrir de tes choix. Même toi tu risques d’avoir mal. C’est comme ça qu’on grandit. Mais sois toujours honnête : ne mens pas, ne dissimule pas, même si la vérité est cruelle ou dérangeante.

—  C’est un playboy qui me dit ça !

—  Attention, ma petite ! avertit Sibelius en levant l’index. Malgré toutes mes conquêtes, successives ou simultanées, ce dernier point était d’ailleurs assez plaisant …

—  Papi !

—  Je m’égare, je m’égare ! Bref ! Je disais que malgré mon passé de Don Juan, aucune de mes nombreuses petites amies n’a jamais cherché à se venger ou à salir ma réputation lorsqu’on se séparait. J’ai toujours joué franc jeu : prévenir dès le début sur mes tendances et expliquer les raisons de la rupture. Ça n’a certainement pas empêché les larmes mais on ne m’a jamais qualifié de goujat.

—  « Etre honnête », murmura Iris, « avoir mal ». Mais pourquoi ça a duré avec Mamie ? Ne me dis pas que c’est parce que tu l’avais mise enceinte et que tu te sentais obligé de rester avec elle ?

—  Frida n’était pas du tout impressionnable. En tant que chevalier, on suscite facilement l’admiration. Mais elle, elle ne s’était pas jetée à mon cou.

—  Parce qu’elle connaissait ta réputation de coureur, pardi ! Elle ne voulait pas être un numéro sur ta liste.

—  Certainement. Mais elle m’a eu à l’usure. Et ce coup de plateau … Admirable pour une simple mortelle ! Totalement irresponsable mais terriblement courageux ! Outre cela, ce que j’aimais chez elle, c’était son dévouement à sa tâche – malgré les horaires – et la manière dont elle remettait les clients à leur place s’ils étaient parfois un peu trop imbibés. J’ai tout de suite compris qu’elle était une femme dévouée et droite mais que j’aurais beaucoup de mal à la faire changer d’avis sur moi. Elle était bien la seule qui avait le droit de me critiquer et de m’envoyer n’importe quoi à la figure.

—  C’est tellement plus simple pour toi …

—  Ecoute-moi bien, fit paternellement Sibelius. L’amour a plusieurs formes : froid, distant, muet, passionné, unique, hétéro, homo, bi, polygame, mystique … L’important, c’est que tu trouves ton équilibre sans mentir. Si Saga t’aime, il comprendra et acceptera ta décision. Je ne veux pas savoir qui d’autre occupe tes pensées. Mais si cet attachement est soudain, c’est qu’il doit avoir les mêmes qualités que Saga.

—  Mais les deux guerriers divins de zêta m’ont dit que si une femme n’arrivait pas à se décider, elle n’en valait pas la peine. Suis-je si horrible ?

 

Le spectre leva sa main pour caresser la joue de sa descendante qui allait pleurer. Iris ne sentit qu’un vent frais.

 

—  Iris, tu n’es pas une mauvaise personne. Tu as le cœur trop grand pour n’aimer qu’un seul homme. Et je ne me permettrai plus jamais de juger quelqu’un dans ses choix sentimentaux : ça m’a coûté très cher ! Vis ta vie ! Construis tes propres expériences ! Souffre s’il le faut et apprends de tes erreurs. C’est tout ce qu’un vieux coureur peut encore te conseiller. Maintenant, dors ! Tu verras déjà plus clair.

 

Ces dernières paroles eurent l’effet hypnotique souhaité. Iris se recoucha et ferma immédiatement les yeux. A son réveil, elle lança immédiatement une machine rapide qu’elle plaça dans le sèche-linge. Vêtements et linge de lit rangés, elle prit son repas dans l’auberge de tous les souvenirs. Elle referma la porte derrière elle, un grand sourire aux lèvres : non seulement elle avait fait son choix, mais en plus, si jamais cela se passait mal, Asgard était la maison voisine pour un chevalier.

 

Iris rentra ainsi au Sanctuaire en fin d’après-midi sous un magnifique soleil orangé sur le déclin. Le moment était choisi car elle voulait éviter le trop fort contraste entre une contrée où l’on voyait à peine le disque solaire sans en ressentir la chaleur et un pays où le soleil était omniprésent, tant pour la vue que pour la peau.

 

Iris atterrit devant sa maison qui tenait toujours debout, avec un petit plus sur le côté. Elle s’approcha pour apprécier la présence d’un bac de taille raisonnable, rempli d’une terre assez riche. Des ficelles étaient tendues sur la longueur, au-dessus de sillons déjà bien marqués. A une extrémité des ficelles, trônait un bout de bois sur lequel était inscrit au crayon des noms : sauge, menthe poivrée, camomille … Cela sentait davantage la pharmacopée que le carré de jardinage. Etonnant mais néanmoins très touchant.

 

Ce qui était également très surprenant, c’était le calme qui régnait. Seuls les vêtements mis à sécher battaient au vent. Mais aucune présence des deux frères. Iris n’entendait aucun bruit émanant de la maison. Curieuse, elle poussa la porte d’entrée. Son sac glissa de son épaule et atterrit lourdement sur le perron. Iris arrondit les yeux lorsque son regard se porta instantanément sur la table de la cuisine.

 

—  Non ! C’est pas possible ! Je savais que je ne pouvais pas les laisser seuls ! Je dois leur parler avant qu’ils ne fassent la pire erreur de leur vie ! Au moins, ils ont suivi mes recommandations et je sais où les trouver.

 

La jeune femme laissa tout en plan et fila en direction du seul endroit où elle était certaine de trouver les jumeaux mais peu sûre de l’état dans lequel ils seraient.

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