Chevalier, mais pas trop ...

Chapitre 47 : DANS LE GRAND NORD

2792 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/09/2024 14:48

Disclaimer : cf. chapitre 1

CHAPITRE 47

DANS LE GRAND NORD


 

Iris aida Syd à se remettre de son choc en lui donnant quelques tapes dans le dos. Une fois la crise passée, elle se réinstalla dans son fauteuil. Bud prit son frère par les épaules ; quelques larmes perlaient encore au coin des yeux. Syd essuya ses yeux et articula misérablement mais visiblement énervé :

 

—  C’est quoi, cette question ?! Franchement ! « Athéna » ! Aucun tact ! C’est pour connaître notre vie intime que tu voulais nous voir ? Un peu plus et tu nous demandais si on dormait dans le même lit !

 

Iris trouva soudain le feu de cheminée des plus captivants.

 

—  Non, soupira Bud. Tu y as pensé ? Le soleil de Grèce ne t’a absolument pas réussi !

—  Tes jumeaux le font, c’est ça ?

—  Je n’en sais rien. Je partage mon lit avec l’un des deux. Si ça se trouve, ils doivent profiter de mon absence pour resserrer les liens, en tout bien tout honneur. Rien d’incestueux, qu’on soit bien d’accord.

 

Bud et Syd furent estomaqués. Ils comprirent désormais le trouble de la jeune femme qui leur avait caché ses relations avec l’un des deux frères, et son trouble vis-à-vis du second. Iris résuma alors sa situation.

 

—  Je suis vraiment navrée de vous impliquer dans mes problèmes « intimes » mais comme vous avez pratiquement le même passif … C’était inespéré de tomber sur vous et j’avoue que je suis désemparée …

 

On entendait le lourd tic tac du balancier de la grosse horloge. Iris se sentait à présent ridicule et se leva de son siège.

 

—  Je suis désolée de vous avoir fait perdre votre temps pour de telles futilités, s’inclina-t-elle avant de se diriger vers la grande porte du salon.

—  Attends ! intima Bud. Reviens et assieds-toi.

 

La jeune femme s’exécuta et attendit que l’un des deux hommes reprenne la parole. Bud se radoucit.

 

—  Tu es une bien curieuse personne, sourit-il. L’histoire de ces deux frères nous a également touchés. Et on sent vraiment que tu veux leur bien, ne pas être la source de leur conflit. Le problème, c’est que tu ne peux pas faire d’un cas une généralité.

 

Iris écouta religieusement.

 

—  Pour répondre néanmoins à ta question initiale, poursuivit Syd, c’est un sujet très délicat. Très honnêtement, si mon frère aimait la même femme que moi, je ne serais pas sûr du tout de la partager avec lui, à moins qu’il ne se fasse passer pour moi.

—  Et si c’est elle qui n’arrive pas à choisir entre vous deux ?

 

Bud se passa la main sur le visage.

 

—  Je ne me battrai pas avec mon frère. Si elle hésite, c’est que ses sentiments n’étaient pas francs dès le départ et qu’elle ne fait absolument pas de différence entre nous alors que nous avons chacun notre caractère.

—  Exactement, conclut Syd. Je la laisserai tomber car elle est indécise. Ce qui fait qu’elle nous perdra tous les deux. C’est l’un ou l’autre mais pas les deux en même temps. On a assez souffert ; pas question qu’une femme sème la zizanie entre nous.

 

Iris médita ces paroles et remercia ses hôtes. Malgré la teneur de la conversation, les jumeaux gardaient en mémoire l’indignation de la jeune femme sur la loi d’Asgard concernant les naissances multiples ; ils avaient bien compris qu’elle ferait tout, au Sanctuaire, pour réformer le statut des chevaliers jumeaux. Ils tenteraient de faire de même à Asgard, enhardis par la détermination de ce chevalier iconoclaste.

 

Sur le chemin du retour, l’ambiance était moins aux réjouissances dans la tête d’Iris. Dieu qu’elle se sentait mal vis-à-vis de Saga et Kanon ! Car oui, elle était maintenant sûre d’aimer les deux hommes. Ne pas faire de choix, c’était les faire souffrir tous les deux ; en faire un, c’était réactiver les vieilles rancunes. Même si Kanon ne lui avait pas ouvertement déclaré ses sentiments ou bien qu’il avait conservé son caractère ronchon car il était très secret, elle était certaine qu’il éprouvait au moins un peu d’affection pour elle. La preuve, il habitait sous le même toit que le couple officiel ! Il ne voulait pas s’attirer les foudres de son frère. Ou bien … il avait osé parler à son aîné. Comment serait la situation quand elle rentrerait ? Si elle souhaitait rentrer un jour. Finalement, elle était bien, là, dans son pays d’origine : pas de cœur à briser, pas de guerre à déclencher mais sa lâcheté à affronter. Une chance qu’elle pouvait compter sur les malades et blessés pour la distraire temporairement.

 

Au Sanctuaire, l’ambiance était à la crise de rire. Saga se moquait ouvertement de l’ignorance de son frère.

 

—  Quel idiot tu fais, Kanon ! Tu as senti que tu n’étais pas dans ton état normal ! C’est mon âme qui a pris possession de ton corps. Ce serait plutôt à moi de m’excuser de t’avoir mis dans un tel embarras. Tu étais le seul réceptacle et j’avoue que la situation était désespérée. Je voulais au moins pouvoir embrasser Iris avant que nous soyons tous réduits en cendres. C’était très égoïste de ma part et parfaitement amoral, je le sais, finit Saga sérieusement.

 

Kanon resta néanmoins prostré sur la ruine de colonne qu’il avait élue comme siège. Saga prenait la situation trop à la légère à son goût. L’aîné vit la mine renfrognée de son cadet et s’assit à côté de lui, le bras autour de l’épaule pour l’encourager à vider son sac. Cet épisode l’avait vraiment secoué !

 

—  Ce n’était qu’un baiser, Kanon ! Il n’y a pas de quoi être dégoûté. Ou alors, c’est que tu es plus sensible que …

—  Elle a mis ses mains sur mes fesses …, poursuivit Kanon tremblant.

 

A ce niveau-là, Saga ne put comprendre qu’Iris s’était complètement lâchée. C’était le genre de geste qui pouvait être considéré comme du harcèlement pour une personne non consentante. Mais il savait que Kanon était loin d’être une vierge effarouchée ; il avait vécu ses propres histoires. Pourquoi se mettre dans un tel état ?

 

—  Tu sais, Kanon, tenta de dédramatiser Saga, j’ai moi aussi remarqué qu’elle a un faible pour cette partie de l’anatomie masculine.

 

L’effet escompté était raté. Kanon ne sourit, ni ne pouffa. Au contraire ! L’homme était tendu, à la limite de l’implosion. Que s’était-il vraiment passé pour que son frère, d’habitude insensible aux détails soit aussi mal à l’aise ? Kanon se leva du pilier et se posta devant son frère, le regard dur et implorant à la fois, les poings serrés le long du corps.

 

—  Quand j’ai repris mes esprits, j’ai continué à l’embrasser en sentant ses mains. J’en voulais plus. Beaucoup plus !

 

Saga ouvrit de grands yeux, ne sachant que dire, ce qui encouragea Kanon à continuer, malgré les conséquences :

 

—  Alors, mon frère ? Même si nous partageons beaucoup de choses, serais-tu prêt à partager la même femme ?! hurla Kanon.

 

Au même moment, à Asgard, Iris était torturée. Torturée par une jeune femme blonde plutôt obstinée.

 

—  Allez, Iris ! Ça va te faire du bien après la journée que tu as menée, insista furieusement Freyja qui tenait dans ses deux mains le bras du chevalier.

—  Je vous remercie, princesse, mais je vais simplement prendre ma douche et me traîner jusqu’à mon lit pour n’en sortir qu’après une bonne demie journée de sommeil.

 

Depuis qu’elle avait quitté les deux guerriers divins, Iris avait immédiatement été sollicitée par les rares habitants d’Asgard qu’elle avait croisés en pleine nuit. Depuis, ça n’arrêtait plus : phytothérapie, problèmes osseux et musculaires et même soins pour les bêtes, ce qui était une grande nouveauté. Très curieusement, elle avait accepté d’assister à une mise bas de jument. Aucun malaise, aucun haut le cœur, aucun évanouissement. Les accouchements, en revanche, toujours proscrits.

 

Il faudrait peut-être penser à assurer une permanence sur ces terres inhospitalières ou alors former quelqu’un. La prêtresse d’Odin avait certes aussi des pouvoirs curatifs mais pas aussi développés que les siens ; elle ne s’y connaissait pas non plus en plantes médicinales, et enfin, son rôle ne la rendait pas forcément disponible pour ce genre de prestations. Et du côté des guerriers divins, aucun ne manifestait une quelconque aptitude. La situation médicale était très loin d’être catastrophique mais la présence d’un « médecin » se déplaçant en un claquement de doigts, qui soulageait sans pharmacopée conventionnelle hommes et bêtes, et, le nec plus ultra, sans demander d’honoraires, était du pain béni. Iris en parlerait à son retour. Après tout, son isoisä était bien le bourreau des geôles du palais ! Son rôle à elle serait un peu moins controversé.

 

Mais le problème à résoudre dans l’immédiat était l’indicible insistance de la princesse pour prendre un bain dans une source chaude. Le pire, dans cette situation, c’était que l’aînée ne calmait absolument pas l’ardeur de sa cadette. Pourquoi voulaient-elles tant partager ce moment ? Pour savoir comment était bâtie une femme chevalier ? Voir Athéna nue ? Ou plus simplement sociabiliser ? Il était de bon usage, comme au Japon, de faire sa toilette dans les bains publics, histoire de créer des liens mais aussi parfaire les relations dans l’entreprise, voire négocier des contrats. Iris avait été adoptée, non sans mal, par les Asgardiens. Encore un petit effort … Iris soupira.

 

—  C’est bon ! Je me rends ! Je déclare forfait.

 

Freyja joignit ses mains, les yeux grand ouverts et pétillants. Puis, sans ménagement, elle se jeta sur Iris pour la reprendre par le bras et la traîna en dehors du château. C’est à ce moment qu’elle fut recadrée par sa sœur.

 

—  Freyja ! Un peu de respect pour notre hôte ! C’est quand même …

—  Je vous en prie, Hilda ! Avant d’être Athéna, j’ai toujours été humaine. Simplement Iris. Pas la peine de prendre de telles précautions oratoires.

 

Les trois femmes suivies par autant de servantes sortirent du château par les remparts pour se retrouver dans une grotte aménagée où régnait une chaleur humide ; de la vapeur sortait de l’entrée. Les femmes marchèrent quelques instants pour arriver à un énorme bassin naturel rempli d’eau très chaude. La caverne était éclairée par les lampes apportées par les caméristes et le plafond, troué, laissait s’échapper directement le trop plein de chaleur et, quand il faisait jour, dispensait la lumière naturelle du soleil. Certains détails, en revanche, avaient clairement subi une intervention humaine.

 

Les deux sœurs se déshabillèrent avec l’aide des caméristes qui prirent les vêtements pour les replier dans une niche creusée dans la pierre. Elles furent recouvertes d’un peignoir. Quand Iris sentit les mains de la servante se poser sur sa cape, elle recula et chuchota :

 

—  Non … non … si vous permettez, je vais me déshabiller moi-même. Je vous remercie.

 

Hilda perçut la gêne de son hôte et congédia les trois autres femmes. Iris était mal à l’aise avec les habitudes de la noblesse, et encore plus avec la nudité. Elle se déshabilla pratiquement dos au mur, tout en prenant soin de cacher sa poitrine avec ses cheveux. Ne restait plus que son entrejambe qu’elle tenta de dissimuler en pivotant légèrement. Hilda fut très étonnée par toute cette mise en scène. Si Iris voulait cacher son intimité, elle aurait mieux fait de leur présenter son dos, non ? Curieux. Quelque chose à dissimuler sur le postérieur ? Quoi qu’il en soit, Iris entra vite dans l’énorme étuve et releva ses cheveux sur son crâne comme les deux sœurs. Malgré la différence de température, Iris ne fit pas la douillette en s’immergeant.

 

—  La Grèce est pourtant réputée pour ses thermes et depuis bien longtemps, non ? demanda Freyja. Tu me parais peu habituée au protocole.

—  Freyja !

—  Ce n’est pas le protocole … c’est juste que … à plusieurs femmes …

—  Constituées de la même manière ! rassura la cadette. Même une déesse.

—  Chevalier, excuse ma sœur pour ses maladresses.

—  J’aime bien sa spontanéité. Sans transition, cet endroit a été aménagé, non ? Je vois bien qu’il y a eu intervention humaine pour certaines choses.

—  Effectivement ! fit fièrement Freyja. C’est Hagen qui a fait jaillir la source et creusé le bassin et les renfoncements !

 

Nul doute que l’homme a la carnation halée était l’amant de la jeune princesse, tout comme Siegfried celui de la souveraine. Comme Iris les enviait ! C’était tellement plus simple !

 

—  Accepterais-tu que je te lave le dos ? demanda enfin poliment Freyja. Tu me rendras la pareille. Tu vas voir que ça va aussi te détendre.

 

Iris regarda l’aînée, alarmée, mais se ravisa. Tant pis. La jeune femme devait certainement savoir que le corps d’un chevalier était décoré de témoignages de guerre. Elle se plia donc à sa requête et présenta son dos immergé jusqu’à la taille.

 

—  Par Odin ! s’exclama la jeune femme blonde.

 

Hilda, poussée par la curiosité, changea de position et vit également le corps zébré de leur hôte. Les blessures semblaient anciennes mais étaient très visibles et nombreuses.

 

—  Voilà pourquoi tu restais de face. Ne t’en fais pas : nous … enfin surtout moi, ne sommes pas curieuses. Mais juste pour Freyja : est-ce que cela te fait mal ?

—  Pas du tout ! Vous pouvez même me brosser avec un strigile pour cheval.

 

La toilette commença, avec précaution tout de même. La délicatesse du toucher était vraiment très agréable. Tellement agréable qu’Iris en eut la chair de poule. C’en était presque sensuel. Il fallait qu’elle exploite ça avec … Aussi, quand Iris rentra dans son isba, elle tomba instantanément, juste après avoir pris le soin de se déchausser. Quelle nuit agréable, sans interruption de sommeil, sans transformation de lit en champ de bataille à force d’avoir cogité.

 

Le lendemain, en allant à l’auberge située au centre du village, sur la place, elle ne pensa décidément plus à ses angoisses. Quand elle s’installa à une grande table en bois pour prendre son repas, l’aubergiste, qui la connaissait depuis son entraînement, entama une conversation apparemment anodine mais qui allait se révéler très instructive.

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