Chevalier, mais pas trop ...

Chapitre 45 : DIPLOMATIE

2439 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 04/09/2024 11:38

Disclaimer : cf. chapitre 1

CHAPITRE 45

DIPLOMATIE

 

Accueil chaleureux du blizzard et par conséquent, d’une tempête de neige. Rien de nouveau en somme de ce pays. Cela donnait toutefois l’envie de se confiner encore plus chaudement. Le feu du poêle, activé par le vent qui soufflait au dehors, avait bien pris. Au bout de trente minutes, Iris pouvait déjà retirer son manteau, tout en restant près de la source de chaleur. Elle considéra la pièce avec mélancolie mais certainement pas avec appréhension. Les quelques cendres de son grand-père qu’elle avait discrètement récupérées avaient été placées dans un petit reliquaire qui trônait sur une étagère, rehaussé d’une photographie où Sibelius posait avec sa femme et sa fille encore petite.

 

—  Salut, isoisä ! Je vais t’enquiquiner quelques jours en te parlant à nouveau de mes problèmes relationnels. Mais je suis là aussi pour savoir comment la situation a évolué avec la prêtresse d’Odin. Et oui ! Ta petite-fille est aussi devenue déesse par accident ! Tu le crois ça ? Moi, Athéna ?

 

Iris prit donc ses quartiers dans sa résidence secondaire mais néanmoins enclave du Sanctuaire en territoire indigène. Le garde-manger était plein. Mais Iris prévoyait de manger l’une ou l’autre fois dans l’une des nombreuses auberges qu’affectionnait Sibelius. Ça lui permettrait aussi de venir en aide aux malades du royaume car son cher papy lui avait fait une sacrée publicité derrière son dos. Ah ! La famille ! Elle fut interrompue dans son programme par un coup à la porte. Tiens ! Les premiers moribonds à peine une heure après son arrivée.

 

Iris ouvrit la porte pour se trouver nez-à-nez avec un soldat vêtu d’une peau de bête et armé d’une lance. Deux autres bonshommes attendaient quelques pas plus loin. L’homme la dévisagea.

 

—  Athéna ? demanda-t-il, certain qu’il s’agissait d’une erreur.

—  Oui ! répondit Iris en levant ses yeux au ciel. C’est pour ?

—  La princesse Hilda de Polaris a senti votre énergie et nous a envoyés pour vous escorter jusqu’au palais.

—  Quand ?

—  Dès que vous pourrez.

—  Combien de temps vous a-t-il fallu pour venir jusqu’ici ?

—  On a été ralenti à cause du blizzard. Vingt minutes au galop.

—  Je viendrai dans une demi-heure, le temps que vous rentriez.

—  Vous ne venez pas avec nous ? Nous devons vous escorter !

—  Merci, messieurs, mais je viendrai par mes propres moyens. Vous pouvez transmettre le message à votre souveraine.

 

Et Iris referma la porte sans procès. Le soldat rejoignit ses pairs.

 

—  Alors ? On doit attendre combien de temps ?

—  On peut rentrer. Elle viendra seule. Cette femme n’est pas Athéna ; ce n’est pas possible. Vous l’avez vue, vous aussi !

—  Même de loin, on a surtout vu qu’elle était pâle comme un linge. C’est peut-être une usurpatrice.

—  Je ne pense pas, fit le troisième. Elle dégageait une énergie supérieure à celle de notre princesse.

—  Ecoutez, on verra bien. On a transmis le message et on dira la vérité à Hilda concernant le caractère plutôt sec de la divinité méditerranéenne.

 

Les trois hommes repartirent bredouille. Hilda trouva en effet étrange que l’accueil fut aussi peu chaleureux. Elle avait pourtant tissé des liens profonds et amicaux avec Saori. Cette rudesse était certainement à imputer à son combat contre Hadès. Quoique … même malmenée, elle s’était toujours montrée bienveillante. Elle en saurait plus d’ici quelques minutes en l’accueillant elle-même.

 

De son côté, à quelque minutes de l’entrevue, Iris implorait son grand-père pour que tout se passe bien. Hilda serait choquée de ne pas voir Saori mais une parfaite étrangère. Si seulement Athéna pouvait alors se manifester ! Sinon, ce serait le pugilat avec les guerriers divins ! Devait-elle appeler Saga à la rescousse ? Lui, il saurait calmer le jeu ! Non ! Elle devait montrer qu’elle pouvait aussi se montrer diplomate sans sautes d’humeur. Mais tout dépendait aussi de l’attitude de son hôte. Elle ne connaissait pas Hilda et ne l’avait jamais vue malgré une décennie passée dans ce royaume. Vivait-elle aussi en recluse à l’instar de la réincarnation d’Athéna ? Il valait mieux éviter de se poser trop de questions et de se forger des idées erronées.

 

Iris arriva comme convenu devant l’imposant château, sous le grand porche. Son aura dorée se désagrégea. Neuf personnes se tenaient à l’entrée de l’immense bâtisse, bien à l’abri du vent. Dix personnes tout compte fait : deux femmes, sept hommes et un loup. Un homme en particulier se plaça immédiatement devant une femme mais sans adopter de posture défensive, simplement pour dérober la jeune femme aux cheveux lavande pâle aux yeux de la nouvelle venue. C’était certainement elle, la prêtresse. Iris, dont le manteau était battu par le vent, s’agenouilla dans la neige.

 

—  Relève-toi et viens te mettre à l’abri, lui proposa Hilda qui se démarqua de son protecteur.

 

Iris obéit avec joie et fit quelques pas pour ne plus être l’amusement du vent. Elle s’inclina cette fois pour se présenter.

 

—  Princesse Hilda, je me nomme Iris et, je sais que vous aurez du mal à me croire, mais je suis la réincarnation « accidentelle » d’Athéna.

—  Tu mens ! protesta l’homme faisant barrage entre les deux femmes. Nous avons tous ressenti le cosmos d’un chevalier d’or et non celui d’une…

—  Attends Siegfried, intima Hilda. Elle a dit « accidentellement ».

—  C’est vrai que ma sœur et moi, nous nous attendions à voir Saori, dit la douce voix de Freyja.

—  Il y a quand même un mensonge, poursuivit un homme aux cheveux courts et roses qui s’approcha délibérément d’Iris et la pointa de l’index. Tu es une femme et chevalier ? Alors pourquoi ne portes-tu pas de masque ?

 

Et bien voilà ! Si elle avait été dans les clous dès le départ, elle n’aurait pas eu tant de justifications à fournir. Mais une fois de plus, Hilda agita le drapeau blanc. Autant faire court.

 

—  Je suis la petite-fille de Sibelius, l’ancien chevalier d’or des Poissons. Quand je suis rentrée au Sanctuaire après mon entraînement sur vos terres, j’ai refusé de prêter serment car le Pope était un usurpateur. Donc, officiellement, c’est vrai que je ne peux pas être considérée comme un chevalier.

 

L’explication tenait la route et pour enfoncer le clou, Iris prit à témoin un des guerriers.

 

—  Thor, je crois que tu te souviens de moi !

 

A l’évocation de son nom, le géant se détacha du groupe et s’approcha de la jeune femme après avoir regardé sa souveraine qui lui donna un signe d’approbation de la tête. Une fois bien planté devant la jeune femme de façon à la cacher aux yeux de ses pairs, il ouvrit grand les bras et s’adressa à elle avec un rire tonitruant :

 

—  Si j’avais su que la petite sauvage deviendrait une déesse et qu’elle retrouverait sa voix !

 

Iris se jeta à son cou, les jambes pendant dans le vide.

 

—  Si j’avais su que tu étais guerrier divin ! Pour ma voix, c’est le climat de la Grèce qui m’a permis de la retrouver.

 

Toutes les autres personnes demeuraient sidérées. Apparemment, Athéna se moquait pas mal du protocole ! Quel était cet ovni provenant du Sanctuaire et d’origine nordique ? Les deux êtres mal assortis cessèrent leur étreinte car ils sentaient les regards moqueurs ou réprobateurs peser sur eux. Iris se racla la gorge et Thor resta aux côtés de la seule personne qui ait jamais eu peur de sa stature.

 

—  C’est bien joli tout ça, mais concernant Athéna …, poursuivit Albéric.

 

Qu’il était pénible celui-là ! Même Hilda n’était pas aussi insistante !

 

—  Il nous faut des preuves, renchérit Siegfried qui partageait, pour une fois, les doutes de son meilleur ennemi.

—  Malheureusement, je n’ai que ma bonne foi, soupira Iris. Je ne peux pas manifester son cosmos à la demande ; c’est elle qui prend possession de mon corps sans crier gare.

 

Soudain, un homme très en retrait prit la parole.

 

—  Princesse Hilda, il n’y a qu’un moyen de savoir si elle dit la vérité. Je propose qu’elle se confronte à Yago mais sans utiliser quelque pouvoir. Si Yago sent une énergie divine, il se couchera à ses pieds, tout comme il l’a fait en vous voyant. Sinon…

 

Bien ! Un loup détecteur de mensonges, maintenant ! Qu’est-ce qu’ils étaient méfiants !

 

—  Chevalier, tu comprendras ma position. Je ne veux pas risquer une seconde guerre alors que je viens juste de récupérer mes valeureux guerriers. Je ne ressens malheureusement plus l’énergie d’Athéna comme il y a bientôt deux heures mais l’idée de Fenrir est la plus adéquate à la situation.

—  Bah ! Ne vous en faites pas, fit Iris en balayant négligemment l’air de sa main. Même moi j’ai encore du mal à m’y faire. Bon, Yago … viens voir maman, dit-elle en s’agenouillant et en tendant la main.

 

Le loup s’approcha doucement, l’avant de son corps plus bas que l’arrière, les oreilles aux aguets, la crête sur l’échine et les babines retroussées. Un grognement répondit à la demande d’Iris. C’était très mal engagé car l’animal était à deux doigts d’attaquer. Iris ne priait même plus pour qu’Athéna se manifeste mais pour que la bestiole soit stoppée avant un drame. L’animal progressait toujours lentement alors que vocalement, c’était toujours aussi inquiétant. Iris se dit que le meilleur moyen de calmer le loup était de se coucher et de présenter son cou. Mais pour le moment, il ne fallait surtout pas montrer sa peur.

 

Le fauve avait cessé son avancée mais pas ses menaces. Ne pas le regarder dans les yeux non plus. Soudain, Yago bondit sur Iris et lui lécha le visage tout en remuant frénétiquement la queue. Iris en profita pour flatter l’animal et passer ses mains dans son épais pelage afin d’apprécier sa force. Il fallait aussi qu’elle dégage sa tête car elle avait du mal à respirer avec tous ces coups de langue sur le nez et même dans la bouche quand elle voulait s’oxygéner.

 

—  Mais oui ! Mais oui ! Moi aussi je t’aime bien !, s’amusa Iris. Tu es un bon gros toutou ! Tu es très affectueux ! Tu me rappelles …

 

La réaction de Yago n’était pas celle escomptée mais Iris était sauve et on ne peut plus contente du comportement du loup.

 

—  Yago ! Viens ! ordonna Fenrir.

 

Le loup obéit aussitôt et Iris vit le jeune homme au profil atypique parler à son ami quadrupède pendant qu’elle se relevait et mettait un peu d’ordre à sa tenue. Certains guerriers la dévisageaient toujours. Elle attendait le verdict de la prêtresse qui dissimulait mal son amusement.

 

—  Les loups de Fenrir n’obéissent qu’à leur maître. C’est plutôt inattendu comme attitude mais il ne t’a pas considérée comme une ennemie. Bien au contraire. Tu m’expliqueras ce transfert, ou cet « accident », plus en détail.

 

La prêtresse se retourna, invitant Iris à la suivre avec sa cohorte de protecteurs. Pfouh ! C’était moins une ! Mais Iris était certaine qu’une partie des guerriers n’était pas du tout convaincue par sa prestation, surtout cet Albéric et ce Siegfried.

 

—  Allez, reprit Thor. On va aller au chaud. Je pense que tu répondras à une partie de mes questions en répondant à celles d’Hilda autour du repas.

—  QUOI ?! … pardon … Quoi ? Il y a un banquet ? J’ai bien fait de venir ici !

—  Gibier chassé et vidé par mes soins.

—  Tu me déçois : et la cuisine alors ? plaisanta-t-elle.

 

Les convives s’installèrent autour d’une longue table, Hilda et Iris à chaque extrémité. La « pas vraiment déesse, ni chevalier » se retrouva avec Thor à sa droite et un siège vide à sa gauche. D’accord ! Autant mettre le plus de distance possible. Vraiment sympathique, le plan de table ! Le dîner promettait d’être animé !

 

Voyant le regard insistant et un peu attristé qu’Iris portait sur la place vacante, un homme aux traits fins, richement vêtu, tint à s’expliquer :

 

—  Mon frère ne devrait plus tarder à arriver. Ce n’est peut-être pas un prodige de ponctualité mais c’est néanmoins un excellent guerrier divin.

—  Comment ? fit Iris piquée par la curiosité. Mais je ne croyais qu’il n’y avait que sept combattants !

—  Officiellement oui, répondit une voix qui poussa l’immense porte pour la refermer derrière lui et s’incliner devant la prêtresse.

 

Iris ne lâchait pas le nouveau venu des yeux.

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