Chevalier, mais pas trop ...

Chapitre 40 : CRUELLE SEPARATION

4865 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 31/07/2024 10:16

Disclaimer : cf. chapitre 1


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CHAPITRE 40

CRUELLE SEPARATION

 

 

L’Enfer décrit selon les récits de la mythologie : noir, froid, rocailleux et composé de différentes strates pour parvenir jusqu’à Hadès. La plus « joyeuse » : les Champs Elysées. Tout le reste n’était que souffrance pour l’éternité. Les attaques de Masque de Mort étaient un tremplin vers ce monde.


Pourtant, Hadès a un rôle important : c’est lui qui assure le repos des défunts et les empêche de hanter les vivants. De manière plus pragmatique, c’est dans la terre que germent les graines, assurance de plantes, fruits et légumes à récolter pour la vie de tous les êtres peuplant la terre. De plus, on représente souvent Hadès avec une corne d’abondance, preuve que son rôle est vital. Mais combien de fois n’a-t-il pas vu son empire profané par des vivants souhaitant récupérer ou simplement voir leurs morts, tels Orphée et Ulysse. Parmi les trois divins frères, Hadès est d’une extrême patience ! Mais pourquoi cette haine vis-à-vis d’Athéna ? Sa nièce n’avait rien fait pour le provoquer. On connaissant l’animosité entre Poséidon et la déesse armée mais là, Iris séchait lamentablement quant aux raisons qui avaient poussé le tonton obscur à se rebeller. Sa réflexion fut momentanément interrompue.


C’est en sortant du premier tribunal avec Pégase et Andromède que les deux chevaliers d’or affrontèrent enfin de spectres d’envergure. C’est surtout Kanon qui fut satisfait, ne laissant à Iris que la fonction de médecin pour retaper ses deux cadets. Une impression de déjà vu que les deux cadets refusèrent connaissant les conséquences d’une séance de soins.


Le spectre Rune, qui s’était débarrassé de son accoutrement de juge fit face à Kanon. Ce dernier l’avait bien observé manipuler les deux autres avec ses illusions. Mais lui-même pratiquait cet art. C’est donc avec une facilité déconcertante qu’il pulvérisa le spectre avec son propre fouet. Restait l’autre, le Wyvern, Rhadamanthe, l’un des trois juges des Enfers. On voyait qu’il n’avait pas l’air de plaisanter et surtout que Kanon l’intéressait autant qu’il l’énervait par son outrecuidance. Le chevalier des Gémeaux mit cette « attirance » à profit.


—   Passez devant. J’ai envie de me mesurer seul à un spectre comme lui.


Shun et Seiya, hésitants au début, passèrent leur chemin sans que Rhadamanthe ne leur fasse aucun mal, à l’instar de Camus. Les spectres avaient donc un sens de l’honneur.


—   Toi aussi, soupira Kanon en s’adressant à Iris.

—   Tu impressionnes peut-être les plus jeunes mais pas moi. En plus, je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi. Je n’ai jamais obéi au Grand Pope …


Un gros, voire très gros problème vis-à-vis de l’autorité ! Kanon savait qu’elle resterait derrière car elle avait compris que Rhadamanthe souhaitait un duel. Il craignait cependant qu’elle ne l’affronte si jamais il venait à décéder. Au moins, elle aurait eu tout le loisir d’analyser ses attaques. Mais le spectre attaqua de manière fulgurante et fit mordre la poussière à Kanon. Iris serrait les dents pour ne pas intervenir. Mais il n’était pas dit qu’elle ne remette pas son compagnon sur pied, au prix de quelques sacrifices. Kanon se releva et asséna un coup qui surprit son adversaire, étonné d’autant de résistance. Les minutes s’écoulèrent et Iris trépignait d’impatience, souhaitant ardemment mettre fin au combat. Quelqu’un la devança. Un spectre apparut sur le champ de bataille pour informer le Wyvern d’une nouvelle étonnante : l’esprit d’Hadès avait pris possession du corps de Shun et réclamait la présence de ses trois juges.


—   Ce n’est que partie remise.


Rhadamanthe laissa Kanon, surpris lui aussi de cette annonce. Iris s’approcha du chevalier, prête à l’aider, mais Kanon déclina l’offre. Fierté oblige.

 

—   Alors c’est comme avec ton frère. Hadès le parasite. Ce qui signifie qu’il n’a pas encore réintégré sa véritable enveloppe charnelle. Je sais comment faire sortir ce genre d’entité d’un corps humain.


Iris s’élança sur la route escarpée suivie de Kanon qui savait jusqu’à quel point elle pouvait aller pour sauver les personnes qu’elle appréciait, voire aimait. En cela, Andromède et elle étaient très semblables. Mais sur le chemin, Iris s’écria tout en continuant à courir:


—   Eurêka !

—   Qu’as-tu compris ?

—   Pourquoi Hadès nous a déclaré la guerre !

—   Je suis curieux d’entendre ta théorie qui ne tiendra de toute façon pas debout, nargua Kanon.

—   Pff ! C’est parce qu’elle a redonné vie à deux de ses chevaliers. Sans compter Shaka qui est revenu avec Ikki. Ce n’est pas naturel et ça plombe la comptabilité des Enfers. En temps normal, ils sont toujours créditeurs ! Hadès en a donc eu ras-le-bol de voir sa nièce jouer les docteurs Frankenstein. Ça se tient, non ?


Kanon ne savait plus s’il devait à nouveau affronter ses idées par une déferlante de critiques ou bien se tordre de rire intérieurement. Il choisit la seconde option. Iris était de très bonne compagnie en ces lieux lugubres : intelligence, humour et aptitudes indéniables au combat. Et il avait déjà apprécié ses qualités pendant quelques semaines. Mais ça, il se gardait bien de le lui témoigner. Il ne voulait pas qu’elle l’assimile à Saga. Le loup solitaire qu’il était aurait très bien pu faire route de son côté pour arriver plus sûrement à son but. Mais il se sentait le devoir de veiller sur elle alors qu’elle avait très bien récupéré malgré une attaque divine subie de plein fouet. Quel était ce miracle ?


—   Raisonnement admirable à un détail près, se moqua-t-il. L’esprit d’Hadès avait déjà pris possession de mon frère avant qu’Athéna ne ressuscite les deux chevaliers. Et toi-même tu as pu goûter à sa présence. Ça ne tient pas ton « eurêka ».

—   Mais détrompe-toi, persista Iris. Quand il a su qu’elle s’était réincarnée, lui aussi est entré en scène et a voulu s’en débarrasser avant qu’elle ne puisse officier. Il a préféré anticiper mais ça a échoué et maintenant, il utilise les grands moyens. CQFD !

—   Tu es vraiment bornée, toi ! Mais si ça te fait plaisir d’y croire, je ne vais pas te priver, capitula faussement Kanon. On ne va pas se disputer pour si peu.

—   Tu m’as remballée pour moins que ça depuis que tu t’es fichu de ma tenue ! Je ne te savais pas aussi résilient.


Les deux chevaliers continuaient de courir. Kanon avait cessé de répondre mais, au final, il explosa de rire. Iris le regardait avec … tendresse. D’accord il se moquait ostensiblement d’elle mais ce rire était authentique. Le masque ronchon était tombé puis aussitôt remis en place quand ils arrivèrent devant un lieu qui n’avait pas sa place dans l’Hadès : les ruines d’un sphinx.


—   On se serait trompé ?

—   Les femmes et le sens de l’orientation, railla Kanon. Pas étonn …


Il n’eut pas le temps de poursuivre qu’il se prit une attaque de plein fouet, le laissant quelque peu assommé. Il se maudit d’avoir accordé toute son attention à Iris, davantage qu’à l’environnement. Cette femme risquait de devenir son point faible. Iris se posta devant Kanon, en position défensive, le temps qu’il reprenne ses esprits et son orgueil. Un homme à l’allure iconoclaste sortit de sa cachette. Coiffé comme les anciens Egyptiens, il était revêtu d’un surplis avec une lyre qu’il tenait comme une guitare entre ses mains.


—   Deux chevaliers d’or pour moi tout seul ? Quel honneur ! Je me présente : Pharaon du Sphinx.

—   En chantier, se moqua Iris en singeant une révérence.


Kanon appréciait l’esprit cynique de la jeune femme devant ses ennemis mais le déplorait devant sa hiérarchie. Comme il venait de rentrer dans le droit chemin, l’obéissance était sa priorité. Iris poursuivit.

 

—   Si tu pouvais nous laisser passer sans faire d’histoire, nous gagnerions du temps et toi, ta vie.

—   Laisse, Iris. Je m’en occupe. Je vais lui rendre sa politesse de tout à l’heure.


Effectivement, Kanon l’avait en travers de la gorge. Peut-être qu’il ne supportait pas d’avoir perdu la face devant Iris. Il se mit en position ; Iris l’imita. Ils avaient fait route ensemble jusque maintenant, combattu à côte à côte. A deux, ils y arriveraient nettement plus vite.


L’Egyptien se mit à gratter quelques cordes de son instrument. Un son strident parvint au cerveau de Kanon qui se boucha vainement les oreilles. Iris put riposter en projetant une fréquence identique. Elle vit Kanon s’écrouler, inconscient. Pharaon fut surpris de voir au moins la jeune femme lui tenir tête. Mais il avait encore d’autres bottes secrètes pour en venir à bout.


—   Tu m’as l’air plus coriace que ton compagnon mais tu n’es pas invincible.

—   Ni toi, bien que placé sous l’égide du dieu des morts.


Iris commença à attaquer basiquement le Sphinx afin de déplacer le champ de bataille loin de Kanon. Elle ne voulait pas qu’il soit une victime collatérale. Pendant que Pharaon se remettait d’un coup plus puissant, elle en profita pour projeter une espèce de brouillard sur le chevalier des Gémeaux afin qu’il soit visuellement soustrait à d’autres potentiels adversaires.


L’Egyptien se releva en maugréant. Cette femme avait l’air d’un boute-en-train, pour ne pas dire d’un clown, mais quand elle se battait, elle ne faisait pas semblant. Mais il la trouvait sur la retenue. Avait-elle peur de lui faire mal ? De le tuer ? Il n’y avait qu’un moyen de le savoir.


—   « Balance of curse » !


Iris fut saisie par l’attaque. Elle vit son cœur sortir de sa poitrine et se positionner sur une balance tenue par le dieu Anubis. Sur l’autre plateau, elle distingua ce qui s’apparentait à une plume.

 

—   Nous allons voir si ton cœur est accablé par le poids de tes péchés. Regarde ton jugement.


Qu’elle regarde alors qu’elle devrait être morte sans son cœur ? D’accord, d’accord ! Encore un petit génie des illusions !


—   Oh ! Mais qui voilà ? Iris petite fille.


Entre le chevalier et le spectre arriva une fillette quasi réelle. C’était bien Iris, plus de quinze ans auparavant.

 

—   Nous allons assister à ton premier méfait. Tu es bien jeune, dis-moi, pour ça.


Soudain, devant la jeune Iris s’avança Ixion.

 

—   Non ! Non ! Ce n’est qu’une illusion ! Ça ne marchera pas.


Iris était prise de soubresauts. Malgré ce qu’elle déclarait, elle était tétanisée. Revoir son agresseur après tant d’années lui faisait revivre l’horrible cauchemar qu’elle était sûre d’avoir bien enfoui. Le fantôme d’Ixion s’approcha de la petite et lui asséna un violent coup puis…


—   Assez ! s’écroula Iris qui entendait les gémissements de la petite alors qu’elle fermait les yeux pour se distancier le plus possible de l’agression.


La scène disparut enfin pour en laisser place à une autre ; Ixion tué par Iris un peu plus grande.


—   Et bien, et bien ! Je crois qu’il n’y a même pas besoin de procès.

 

Iris regarda la balance. Le plateau sur lequel était son cœur s’abaissa nettement. La jeune femme se ressaisit et se justifia.


—   J’ai rendu justice ! Cet homme battait ma mère ! Bizarrement, ça, tu ne le montres pas ! Tu rends la justice qui t’arrange, tout ça pour faire peur à tes adversaires. Ça ne marchera pas. C’est moi qui l’ai tué, il ne peut donc pas être vivant !

—   En es-tu si sûre ?


Elle vit soudain Ixion, sans aucune blessure, s’approcher d’elle et la regarder. Il lui sourit et lui toucha même le visage de sa main ce qui épouvanta Iris. Elle voulut reculer pour se soustraire à ce contact mais elle ne pouvait plus bouger. Ixion approcha ses mains. Iris tremblait de plus belle ; allait-elle revivre la même horreur ? Non, non et non ! Petite, elle n’avait pas pu se défendre. A présent, elle était de loin supérieure à ce vermisseau. Une fois, mais pas deux !


—   Ce n’est qu’une illusion, se persuada-t-elle misérablement.

—   Alors pourquoi as-tu réagi au contact de ma main ? dit la voix de son agresseur.


La peur puis la colère. Iris réagit brutalement et son cosmos l’enveloppa.


—   Tu joues avec les peurs, avec les hallucinations. Je vais te montrer ce que c’est que d’arracher réellement un cœur, amateur !


Les yeux d’Ixion s’arrondirent. Le visage de l’ancien bourreau d’Iris se substitua à celui de Pharaon. L’homme était transpercé par le poing d’Iris.


—   Non ! Non ! Cela ne se peut pas !

—   Et si ! Maintenant, à moi de peser ton organe. Le vrai !


Et elle retira aussitôt son poing refermé autour du palpitant du spectre. Le Sphinx râla de douleur et s’écroula, mort. Iris soupesa le morceau de chair en le faisant sauter dans sa main.

 

—   C’est bien ce que je pensais : bien trop lourd pour quelqu’un qui se fait le chantre de la justice.


Iris jeta le cœur le plus loin possible et prit ses distances par rapport au cadavre. Après quelques pas, elle tomba à genoux et sanglota quand tout redevint calme. Une main se posa délicatement sur son épaule. Elle sursauta légèrement mais ne se retourna pas. Kanon l’encourageait comme il le pouvait. Pas de moqueries, ni de commentaires ; juste un petit coup de pouce. Cela signifiait qu’il avait vu, qu’il savait, et probablement tout.


De son côté, Kanon ne se serait jamais douté qu’un être aussi sensible qu’Iris pût infliger de telles attaques. Il fallait vraiment qu’elle soit à bout pour agir de la sorte car il avait bien senti qu’elle n’exploitait pas toute sa puissance alors que lui, dégageait le terrain à coups d’ « Explosions galactiques ». Toujours se méfier de l’eau qui dort. Il comprenait pourquoi Saga tenait à elle, pourquoi il cherchait toujours à la protéger, même depuis l’au-delà.


—   Je vais poursuivre seul, annonça-t-il.

—   Pas question, renifla Iris qui s’était immédiatement relevée en essuyant quelques larmes. Je continuerai à être ton boulet.


Kanon sourit intérieurement. Malgré cette épreuve mentalement éprouvante, elle remonta vite la pente. Quel courage ! Néanmoins, il savait que son petit trait d’humour n’était qu’une feinte. Il fit semblant de la croire. Affronter du menu fretin permit de distraire Iris jusqu’à ce que l’inéluctable arrive. Les deux chevaliers entendirent des sons semblables à des cloches. Simultanément, leurs armures se mirent à briller. Ces dernières s’appelaient ; la situation était urgente.


—   On doit se dépêcher, intima Kanon qui courait devant Iris.


Cette dernière ne lui répondit pas. Il se retourna brièvement pour savoir ce qui n’allait pas. Iris affichait la tête de la personne qui sait qu’on va la mener à l’abattoir. Oui, c’était leur ultime mission. Et non, à moins d’un miracle, personne n’en réchapperait. Lui aussi, cela lui crevait le cœur, sans mauvais jeu de mots. Mais il se consolait en se disant qu’il avait pu passer quelques bons moments avec elle.


Soudain, une aura familière interrompit leur course. Plus besoin de faire les présentations. Le spectre haut gradé, perché sur un promontoire, ne disait rien. Le duel qui l’opposait à Kanon avait été ajourné et il était grand temps de l’honorer. Kanon se concentra et son armure se retira pour prendre sa forme initiale à côté de lui. Le spectre regarda curieusement son adversaire se délester de sa seule protection.

 

—   Je n’en ai plus besoin ; je la rends à mon frère.


Iris fut autant choquée que Rhadamanthe. Elle ne comprit que trop bien l’allusion ; il n’irait pas avec elle jusqu’au mur des lamentations, dernier rempart avant de pouvoir réellement approcher Hadès. Pour vaincre Rhadamanthe, ce serait au prix de sa vie.


—   Installe-toi sur l’armure, ordonna Kanon à Iris. Tu seras plus vite à …


SLAP !


Kanon resta stoïque devant cet acte de colère, de tristesse et de désespoir. Iris fronçait les sourcils et ses yeux étaient remplis de larmes. Elle saisit violemment son aîné par le col de sa tunique.

 

—   Non ! Tu ne te débarrasseras pas de moi ! On va y aller ENSEMBLE ! martela-t-elle.


Kanon avait conservé les yeux fermés depuis la gifle mais lorsqu’il les rouvrit pour faire des remontrances à Iris, cette dernière faillit fondre. Pour la première fois, elle vit un regard des plus doux, sans arrogance, ni mépris, ni moquerie. C’était la même expression que son défunt frère.


—   Arrête de te donner en spectacle et fais ce que je te demande pour une fois. Tu fais perdre du temps aux autres.

—   Moi j’ai tout mon temps, intervint une voix grave. Je vous laisse régler vos problèmes. Kanon, je ne serai pas loin.


Le spectre s’effaça derrière un pan de falaise escarpée mais restait quasiment à portée d’oreille du binôme mal assorti. Il était curieux de savoir de quelle manière son opposant allait se débarrasser de son parasite et surtout combien de temps leur querelle allait durer. Le plus longtemps possible, espérait-il. Raté ! Il ne s’était pas passé plus de trois minutes qu’il sentit avec inquiétude un cosmos étrangement similaire à celui de Kanon se manifester : un troisième chevalier d’or ? D’où sortait-il ? Mais l’énergie disparut et un cosmos s’éloigna. Kanon était donc seul. Rhadamanthe sortit de sa petite retraite et vit avec satisfaction son adversaire enfin délivré de l’incommodante présence féminine.


Kanon regardait vers le ciel et le juge en fit autant. L’armure des Gémeaux s’en allait, transportant avec elle l’autre chevalier. Elle avait obtempéré ! Et sans éclat de voix ! Peut-être que Kanon lui avait asséné un coup bien placé pour lui faire perdre connaissance. Ce chevalier en était tout à fait capable. Cependant, le spectre eut un doute, très fugace, en regardant le visage de son adversaire. Kanon n’exprimait aucune satisfaction mais plutôt des regrets. Des regrets ?! Rhadamanthe ne comprenait plus rien car il n’avait pas pu assister à la scène entre les deux chevaliers d’Athéna.


Après avoir soulevé Kanon par le col, Iris qui campait fermement sur ses positions, enserra Kanon dans un étau avec ses bras.

 

—   Je m’en fiche de me ridiculiser. Je ne veux pas te perdre. C’est tout.


C’était un aveu biaisé. Kanon soupira.


—   Tu te méprends totalement sur moi. Tu ne me connais quasiment pas, excepté tout ce que j’ai fait de mal. Tu me vois comme Saga mais je suis à l’opposé de mon frère.

—   Faux et archi faux … Démis ! conclut-elle avec un petit rictus.


Kanon la regarda fixement. Il savait qu’elle n’était pas dénuée d’intelligence. Il ne chercha même pas à nier, ni même à savoir depuis quand elle était au courant.

 

—   Saga et toi partagez un sacré point commun : les masques ! Si j’ai reconnu Saga en quelques minutes malgré tout son attirail et un cosmos modifié, ce n’est pas toi qui dissimulais très maladroitement ton énergie qui allais me berner.


Iris poursuivit, encouragée par le silence de Kanon qui ne chercha même pas à se libérer de son étreinte. Elle pouvait même entendre les battements de son cœur, assez rapides.


—   J’avoue que j’ai d’abord fait l’amalgame au sanctuaire de Poséidon en te voyant. Je n’avais toujours pas digéré la mort de Saga, de mes mains, en plus ! Et puis grâce à Ikki, on a découvert tes véritables motivations. Franchement, je ne pouvais même pas t’en vouloir. Et puis … tu m’as soignée … le trident … en endossant le rôle de Démis. Autant de douceur et de délicatesse dans tes gestes, tu m’as rappelé Saga. Mais grâce à ton masque, j’ai fait la part des choses, j’étais beaucoup plus objective. J’ai vraiment apprécié ton esprit d’initiative, le fait que tu ne cèdes pas à mes caprices, ton humour, ta gentill…

—   Iris ! tremblait Kanon qui l’interrompit.

 

Cet aveu n’était ni plus ni moins qu’une déclaration. C’était une chance d’avoir connu la jeune femme après la mort de son frère, sinon, ils auraient eu une raison supplémentaire de se faire la guerre. Le chevalier fut très touché, voire ému, d’avoir engendré autre chose que du mépris et de l’aversion. Après le pardon d’Athéna et la reconnaissance des autres chevaliers en tant que l’un des leurs, il venait de gagner l’amour d’une femme.


—   Iris …, reprit faiblement Kanon.

—   Non ! cria-t-elle en l’enserrant toujours plus. Si tu veux te débarrasser de moi, tu n’as qu’à m’envoyer dans une autre dimension, me faire exploser dans l’espace ou m’envoyer ton illusion pour que je me plie à tes or…


Un cosmos se manifesta. Le corps de Kanon fut envahi d’une énergie qui suppléa la sienne. Ce phénomène interrompit Iris dans sa tirade ; elle releva la tête pour observer Kanon. Ce dernier avait fermé les yeux et fronçait les sourcils comme s’il luttait intérieurement. Cependant, Iris reconnut le cosmos intrusif mais ne s’affola pas le moins du monde. Kanon ouvrit doucement les yeux comme pour s’habituer à une luminosité trop forte. Il fixa enfin Iris et lui sourit. Cette dernière était en plein rêve.


—   Iris, tu dois écouter Kanon. Installe-toi sur l’armure.


Au lieu d’obéir bien sagement, Iris demeura médusée ; elle revoyait enfin le visage apaisé de l’homme qu’elle aimait. Un choc mais aussi une joie immense. Saga lui sourit.


—   J’oubliais un peu trop vite que tu ne m’as jamais écouté ; je crois que mon frère sera un peu plus persuasif que moi. Mais avant de te quitter, je voulais te dire que je ne t’ai jamais oubliée et que j’ai toujours veillé sur toi. C’est un peu tard mais … je t’aime.


De son index, il leva le menton d’Iris pour parvenir plus sûrement à ses lèvres. Un pur bonheur pour la jeune femme qui ferma les yeux de contentement ; ses mains se désolidarisèrent et glissèrent doucement le long des hanches de Kanon qui se reprit pour approfondir le baiser en glissant ses mains dans la chevelure de la jeune femme. Iris, mue par le désespoir de la situation et le plaisir de l’échange fit descendre ses mains sur les fesses de Kanon. Enivré par l’action, le chevalier des Gémeaux changea d’angle sans briser le contact jusqu’à ce qu’Iris s’écroule après un léger soupir. Kanon la rattrapa sans difficulté.


—   Je connais maintenant un deuxième point faible.


Il déposa avec précaution la jeune femme sur l’armure. Mu par sa propre volonté, un bras se souleva davantage pour bien maintenir la nuque tandis que deux autres se replièrent sur les cuisses. Puis l’armure s’éleva rapidement pour rejoindre le dernier champ de bataille.


L’ultime duel pouvait enfin commencer. Kanon, encore sous le coup de l’émotion encaissa une volée de coups afin de se poster plus sûrement derrière Rhadamanthe. Ainsi, le Gémeau empoigna le spectre sous les épaules, intensifia son énergie et s’éleva dans les airs. Il avait poussé son cosmos au paroxysme pour projeter contre son adversaire, et malheureusement contre lui-même, l’ « explosion galactique », telle une étoile filante qui allait se désintégrer. Les chevaliers de bronze reconnurent l’aura de Kanon et pleurèrent sa mort imminente.


Iris venait de reprendre connaissance en plein vol. Elle vit le même et horrible spectacle que ses cadets mais sous un angle différent. Elle s’agita sur l’armure, criant désespérément le nom du chevalier repenti. Mais les mains de l’armure se resserrèrent pour lui éviter une chute. La pulvérisation de Kanon fut des plus pénibles. C’en était trop ! Beaucoup trop de morts, quels que soient les côtés. Trop de tristesse et deuils inutiles. Si les dieux se disputaient, qu’ils laissent les humains en dehors de leurs petites querelles ! Ils étaient suffisamment puissants pour régler leurs problèmes sans avoir besoin de chair à canon. Iris était dévastée par la tournure des événements.


L’armure amorça sa descente devant le mur des lamentations. Iris vit quelques-uns de ses compagnons ainsi que des armures vides. Milo l’aida à descendre de sa monture improvisée mais il se garda bien d’émettre une quelconque remarque. La pauvre n’était que l’ombre d’elle-même ; elle avait perdu les deux personnes qui lui étaient les plus chères. Maintenant, elle allait perdre la vie. Iris agissait tel un automate une fois descendue. Aussitôt, l’armure des Gémeaux, à l’instar des cinq autres, se reconstitua autour du corps fantomatique de son propriétaire décédé. Chaque chevalier occupa ensuite sa place dans le cercle qu’ils avaient formé.


Le fantôme d’Aioros brandit sa flèche en direction du mur et concentra son énergie dans son trait. Les onze autres en firent autant. Avant que le Sagittaire ne décoche sa flèche, Iris osa un regard vers le troisième chevalier qui eut le même réflexe qu’elle. Saga lui sourit et lui adressa une œillade d’encouragement. La flèche partit, chargée d’une énergie incommensurable. Une lueur aveuglante se produisit puis l’obscurité revint. Quand les chevaliers de bronze arrivèrent sur les lieux, ils virent un énorme trou profond dans le mur. Ce tunnel menait à un vortex qui leur permettrait d’accomplir leur mission. Mais ils s’écroulèrent à la vue des armures reconstituées selon le signe de leur propriétaire, orphelines de ces derniers.

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