Chevalier, mais pas trop ...

Chapitre 39 : BREVE RENCONTRE

2737 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 27/07/2024 15:16

Disclaimer : cf. chapitre 1

CHAPITRE 39

BREVE RENCONTRE

 

—  Sagaaaaaa !

 

Iris venait de glisser dans une flaque de sang. A défaut de pouvoir le toucher, elle hurla son nom à pleins poumons. Mais Saga ne se retourna pas, sinon, il savait qu’il faillirait à sa mission. Il se figea sur place, le corps d’Athéna dans ses bras, recouvert d’un linceul, et rentra presque la tête entre ses épaules comme un gamin réprimandé. Mais sa voix ! Il ne l’avait plus entendue depuis qu’ils étaient enfants. A défaut, c’était une projection dans son cerveau. Il releva la tête, le dos toujours tourné à Iris et réprima pitoyablement quelques larmes. Puis, il s’éclipsa avec ses deux autres comparses, laissant Iris dépitée et couverte de sang. Ce n’était vraiment pas sa journée.

 

Non contente d’avoir donné toute son énergie à son dernier blessé la veille, elle n’avait même pas pu récupérer car, en plein milieu de la nuit, elle avait senti un cosmos familier. C’était logiquement impossible mais elle ne pouvait pas se tromper sur l’identité du chevalier. Même si c’était un rêve, il fallait qu’elle confirme ses impressions en le voyant de ses propres yeux.

 

Elle quitta sa maison aussi vite qu’elle le put sans se soucier du protocole vestimentaire : pyjama court maculé de sang et chaussettes rouges. Elle ne prit même pas le temps d’enfiler ses bottes. Tant pis pour la bienséance. De plus, vidée qu’elle était, elle fut obligée de se déplacer comme une simple mortelle, courant maladroitement, reprenant son souffle et priant tous les dieux qu’IL soit encore là quand elle arriverait enfin à destination. Mais SA présence la motivait. Il fallait qu’elle LE voie ! Elle avait tellement de choses à lui dire.

 

Dans son périple, elle sentit également des cosmos noirs, menaçants, totalement inconnus et d’autres plus familiers. Ça devait barder, apparemment. Elle était enfin sur le trajet des douze maisons. Le cosmos intime était plus haut. En franchissant la maison d’Aldébaran, ce fut un choc. Le doux géant était debout, figé, prêt à lancer son attaque mais mort. Une odeur florale l’embaumait. Les ennemis étaient d’un autre acabit que les chevaliers de bronze. C’était très certainement la bataille finale.

 

—  Repose en paix, mon ami, sanglota Iris. Même si je ne suis pas au mieux de ma forme, je te vengerai, lui promit-elle en plaçant sa main sur ses yeux pour les refermer. Nous sommes tous destinés à nous retrouver un jour où l’autre. Je ne te dis pas « adieu » mais « à bientôt ».

 

Elle quitta, les larmes aux yeux, la deuxième maison et entra dans la suivante. Personne. Pas d’illusion pour l’accueillir. Au lieu de ça, un trou béant au plafond à travers lequel elle voyait le ciel étoilé. Même Seiya et ses compagnons n’avaient pas causé autant de dégâts quand ils étaient venus la première fois. Chez Masque de mort, rien n’avait changé. Mais dans le temple d’Aioria, il y avait des trous dans le sol dallé. Le chevalier, lui, n’était plus là mais à peine plus haut avec Milo, Mu et trois autres. Courage ! Encore « quelques » marches à gravir et elle pourrait LE voir.

 

Mais dans la maison de la Vierge dont l’occupant avait curieusement rejoint le royaume des morts, avait eu lieu une attaque interdite car elle opposait non pas un mais trois chevaliers face à trois autres. Les forces en présence étaient incommensurables. L’ »Athéna exclamation » avait été lancée par les deux trios. Le temple vit surgir en son sein un prodigieux rayon lumineux qui volatilisa littéralement le plafond. L’onde de choc fit son œuvre en démolissant et pulvérisant les colonnes et certains murs. Résultat : une fois les deux attaques lancées, le sixième temple était rasé. Les combattants étaient miraculeusement vivants mais sous les décombres. Ce furent les chevaliers d’or qui se relevèrent les premiers. Ils dégagèrent ensuite leurs ennemis sur l’ordre d’Athéna elle-même qui souhaitait voir les trois spectres. Comme ces derniers n’étaient plus sous la protection de la déesse, leur résistance était amoindrie.

 

Ainsi, Milo se chargea d’escorter Camus ; Aioria, Shura ; et Mu, Saga. Les binômes enjambèrent les décombres et entamèrent leur ascension. Mu vit le visage de Saga se tourner quelques instants vers les ruines du temple. Le chevalier déchu avait senti une énergie très familière mais d’une telle faiblesse qu’elle ne s’était manifestée qu’une milliseconde. Mu, le sage et posé chevalier du Bélier, avait aussi senti ce fugace cosmos. Il sourit amèrement à la réaction de Saga.

 

Sous les décombres, Iris tenta de se dégager. Quand elle était entrée dans la sixième maison, elle s’était retrouvée littéralement prise entre deux feux. Il y avait très longtemps qu’elle n’avait pas encaissé une telle déferlante d’énergie. Elle avait purement et miraculeusement échappé à une mort certaine à cause des immenses blocs de pierres tombés à quelques centimètres d’elle et officiant partiellement en tant que boucliers. Il fallait maintenant se libérer de cette prison salvatrice. Elle n’avait pas d’autre choix que de concentrer sa maigre réserve d’énergie et faire exploser quelques pierres pour s’extraire en se faufilant dans les interstices. Elle sortit enfin de son tombeau mais dans un état lamentable. A la fatigue, s’ajoutaient désormais égratignures, coupures et plaies plus ou moins profondes. Elle était zébrée de sang. Ses vêtements tenaient encore pour préserver sa modestie. C’était moins une. Elle avait à nouveau un peu de retard sur les autres mais elle ne désespéra pas et se remit en marche cahin-caha.

 

Elle arriva dans son propre temple qu’elle n’avait occupé qu’une seule fois, quand elle avait remis sur pied Shun et Seiya. Mais être le médecin du groupe ne signifiait pas qu’elle était dispensée de traitements ! Quel autre chevalier pouvait lui venir en aide ? Personne ! Elle devait recourir à une médecine plus traditionnelle pour ses propres bobos. Et dieu sait qu’elle en avait cruellement besoin en ce moment. Quelle poisse ! Ou alors, elle pouvait recourir à Athéna. Ah, non ! Elle n’allait pas se rabaisser devant cette déesse qu’elle exécrait depuis le décès de Saga.

 

Saga qu’elle vit en haut des marches mais de dos. Elle le reconnut sans problème. Il portait une armure très semblable à celle des Gémeaux n’eût été la couleur bien trop sombre. Le nom du chevalier résonna ; Iris jeta toutes ses forces dans un pas de course qui s’acheva dans une glissade et un atterrissage des plus inélégants dans la flaque de sang qu’Athéna avait versé en se tranchant volontairement la gorge. Mais la jeune femme ne s’arrêta pas à ce détail et poursuivit à quatre pattes. Elle n’était plus qu’à trois mètres de celui qu’elle avait involontairement tué. Malheureusement pour elle, il ne se retourna pas et s’enfonça dans l’obscurité.

 

—  Noooon ! Saga ! se désola-t-elle en martelant le sol de son poing. Si tu savais comme je m’en veux de t’avoir enlevé la vie. J’en fais des cauchemars. Tout ce que je demande, c’est que tu me pardonnes de t’avoir envoyé dans l’autre monde.

—  C’est bien mal connaître mon frère que de croire qu’il t’en veut.

 

Iris se releva, sécha misérablement ses larmes pour se trouver nez à nez avec le jumeau de Saga. Elle le regarda, incrédule. Elle constata plusieurs perforations sur son corps. Sans aucun doute, c’était l’œuvre de Milo qui ne l’avait pas ménagé mais simplement donné une bonne leçon. Kanon reprit :

 

—  Je croyais que tu le connaissais. Ce serait plutôt à moi de t’en vouloir parce que tu me l’as enlevé.

 

Iris, d’abord acculée par cette remarque, réagit ensuite violemment en le désignant de l’index.

 

—  Parce que tu l’estimes ?! Jamais il ne m’avait parlé de toi ! Je comprends beaucoup mieux maintenant, général de Poséidon.

—  Allons, allons ! Ce n’est vraiment pas le moment de régler ses comptes, fit la voix de Dokho venant de faire ses adieux à son ancien compagnon d’armes. Les spectres que vous avez vus, les chevaliers d’Athéna décédés, n’ont absolument pas prêté serment à Hadès. C’est pour le tromper qu’ils ont inventé ce stratagème, pour se rapprocher de lui. Malheureusement, le temps leur est compté. Nous allons leur prêter main forte avec nos camarades de bronze mais aussi Mu, Milo et Aioria. Tout le monde va devoir se battre.

 

Le chevalier de la Balance qui avait repris ses traits de jeune homme eut à peine terminé son explication que Kanon revêtit l’armure des Gémeaux. Encore une fois, Iris resta sans voix et détourna la tête. Non ! Cet homme n’était pas Saga ! Surtout pas au niveau du caractère ! Comment avait-elle pu être si proche de cet homme quand il était masqué et le dévisager avec une mine de dégoût maintenant qu’elle le voyait sans son masque et sa robe de bure ?

 

Dokho s’en était allé aux côtés des chevaliers de bronze pour leur prodiguer ses conseils étant donné qu’il était le seul rescapé de la précédente guerre contre Hadès. Kanon et Iris furent les derniers à rejoindre le champ de bataille. Kanon ne put s’empêcher de secouer la jeune femme avec ses sarcasmes.

 

—  Tu comptes affronter un dieu en chaussettes et pyjama émietté ? En plus, tu n’es pas au mieux de ta fo…

—  FERME-LA !

 

Ah ! Enfin une réaction. Kanon en avait plus qu’assez de se faire dévisager de la tête aux pieds. Il savait pleinement qu’Iris voulait retrouver Saga à travers lui mais il ne fallait pas lui donner de faux espoirs. Se montrer désagréable était la seule parade qu’il avait trouvée pour éviter la comparaison. Et Iris sautait à pieds joints dans ce jeu. Mais curieusement, Iris se radoucit un peu.

 

—  Je n’ai plus d’armure.

—  Pardon ? s’étouffa Kanon. Mais c’est impossible !!

—  Si c’est possible. Je l’ai renvoyée au fin fond de l’océan Arctique immédiatement après la bataille du Sanctuaire. Je n’en ai jamais voulu et je crois que c’est réciproque.

 

Kanon leva les yeux au ciel. Il repensa brièvement à leur première rencontre dans le sanctuaire sous-marin. Iris avait heurté le pilier de l’Atlantique Nord à cause de Poséidon. Ce n’était pas sa propre armure qui l’avait recouverte in extremis pour lui sauver la vie mais bien celle des Gémeaux.

 

—  Et puis, ce n’est pas l’armure qui fait le chevalier … ni l’habit qui fait le moine, ajouta-t-elle en soutenant le regard de son interlocuteur. J’irai en pyjama ! Je ferai diversion ! conclut-elle avec une œillade.

 

Encore ses œillades. Mais surtout ses allusions qui prouvaient clairement qu’elle savait pour Démis. Mais elle avait la décence de ne pas tout révéler. Kanon soupira :

 

—  Tu es vraiment un drôle de personnage, conclut l’homme mi dépité, mi amusé. Soit ! Si tu n’as pas peur de…

 

Il fut interrompu par une lumière dorée venant d’on ne sait où. Il leva ses mains devant ses yeux car Iris avait tout entière été absorbée dans ce rayon qui s’affaiblit pour disparaître laissant une jeune femme revêtue de son armure.

 

—  Mais … ! s’étonna Iris. Je ne l’ai pas appelée ! A-t-elle senti que j’avais besoin d’aide ?

—  Non ! pesta Kanon qui se mit à courir après les autres chevaliers. Elle a surtout eu peur que tu fasses honte à toute la chevalerie !

 

Iris le suivit en maugréant et en répondant à sa provocation.

 

—  Je ne suis pas chevalier !

 

Même en se déplaçant à la vitesse de la lumière jusqu’au château d’Hadès en Allemagne, ce fut une dispute sans fin. Mais jamais Iris ne mit sur le tapis le fait que Kanon ait été un odieux manipulateur. Elle avait bien compris qu’il était rentré dans le droit chemin ; elle le savait pour l’avoir vécu personnellement. Et puis, elle finissait par apprécier ce caractère bien trempé. C’était peut-être houleux mais c’était stimulant. Kanon avait le don de pouvoir lui clouer le bec ; tout le contraire de Saga qui avait toujours cédé à ses moindres caprices. Devant le château, le ton changea :

 

—  Mon frère est là mais je perçois à peine son cos…

 

Iris passa immédiatement devant Kanon et arriva dans une immense pièce où elle vit les quatre chevaliers de bronze agenouillés auprès des trois spectres qui étaient au bout de la vie accordée par Hadès.

 

—  Saga ! clama-t-elle en délogeant Seiya manu militari.

 

Seul Shun restait pour soutenir l’homme mourant. Elle prit enfin son visage entre ses mains mais sa vue se troubla en raison des larmes qu’elle versait. Saga leva péniblement sa main pour les essuyer et caresser sa joue.

 

—  J’ai accompli ma mission. C’est maintenant à toi de jouer … et à Kanon, poursuivit-il en levant les yeux vers son frère posté derrière Iris. Mon frère … sourit-il.

 

Kanon acquiesça. Puis Saga chuchota en regardant tendrement Iris :

 

—  Mon amour …

 

Iris explosa en larmes. Le corps de Saga se désintégra en une poussière d’étoiles. C’était la deuxième fois qu’elle le perdait. Andromède, fidèle à lui-même, posa sa main sur l’épaule de la jeune femme qui n’avait décidément pas de chance. Il jeta un regard à Kanon qui demeurait impassible mais il savait que ce n’était qu’une façade et qu’intérieurement, le frère jumeau devait être dans le même état qu’Iris.

 

La jeune femme se calma tant bien que mal, sécha ses larmes et se releva. Elle tournait toujours le dos à Kanon car elle ne souhaitait pas l’affronter du regard. Soit il se serait moqué d’elle parce qu’elle était trop émotive, soit elle aurait été bouleversée en le voyant lui aussi verser des larmes suite à la perte de son frère qu’il venait à peine de retrouver et avec qui il partageait enfin le même idéal. Chacun portait sa croix à sa manière ; chacun pansait ses blessures loin des regards.

 

—  Bon ! fit-elle sans transition. C’est par où, Hadès ? J’ai un furieux besoin de casser du spectre. Je pense que ça me fera du bien de leur donner un avant goût de l’enfer.

 

Aucune allusion à la mission des chevaliers. Mais le petit jeu de mot fit esquisser de faibles sourires.

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