Chevalier, mais pas trop ...

Chapitre 41 : LA VIE EST UN MIRACLE

4583 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 06/08/2024 13:16

Disclaimer : cf. chapitre 1

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CHAPITRE 41

LA VIE EST UN MIRACLE

 

Au Sanctuaire, les quelques chevaliers de bronze et d’argent qui avaient survécu aux différents conflits regardaient anxieusement la grande éclipse qui était sur le point d’avoir lieu, éclipse définitive célébrant l’avènement d’Hadès. Les planètes étaient dorénavant toutes alignées. C’en était donc fini. Mais Jabu de la Licorne crut voir un léger mouvement au bout de quelques minutes au niveau du disque solaire.


—   Regardez, j’ai l’impression que l’ombre devant le soleil se décale un peu. J’en suis même sûr.


Toutes les personnes présentes retenaient leur souffle. Au bout d’une vingtaine de minutes, on put distinguer un très maigre croissant de soleil. Ce qui signifiait que la lune venait de se décaler et, par conséquent, que Seiya et ses amis avaient réussi l’impossible. La Terre n’était donc pas condamnée à une ère glaciale éternelle. La joie s’empara des spectateurs mais brièvement.


—   Croyez-vous qu’ils vont revenir ou bien se sont-ils sacrifiés pour l’humanité ? demanda Shaïna.


La question avait le mérite d’en faire douter plus d’un. Tous espéraient revoir leurs amis mais personne n’était dupe. La bataille contre Hadès laissait très rarement des survivants ; même la réincarnation d’Athéna périssait. Il faudrait se préparer à faire un gigantesque deuil malgré la période pacifique qui s’annonçait.


Marine, doublement affectée par la perte d’Aioria et de son disciple Seiya ne cessait de regarder vers le ciel. Shaïna s’approcha de sa consœur et lui mit sa main sur l’épaule pour l’encourager à évoquer ce qui la tracassait.


—   Tu n’as pas bougé depuis une demi-heure. Quelque chose t’inquiète ?

—   Hmm, hmm, nia-t-elle. Peut-être suis-je la seule, peut-être que c’est mon imagination qui me joue des tours ou bien encore que je suis dans le déni mais j’ai cru sentir, très faiblement et brièvement, des cosmos.

—   C’est bizarre ; moi, je n’ai rien ressenti. Tu as pu les localiser ?

—   J’ai cru qu’ils venaient de là-bas, répondit-elle en désignant l’endroit où se trouve le palais du Pope. J’ai dû rêver …, finit-elle mélancoliquement en descendant les premières marches qui mènent à la maison du Bélier.

 

Pauvre Marine, soupira Shaïna. Comme je te comprends ! Nous avons définitivement perdu des personnes auxquelles nous tenions énormément. Tu as certainement imaginé ces cosmos et c’est compréhensible. Il nous faudra du temps pour accepter leur mort mais nous y arriverons ensemble. Je te promets que je serai à tes côtés. Je te dois bien ça après tout ce que je t’ai fait subir quand Seiya a obtenu l’armure de Pégase. Si seulement tu pouvais avoir raison, conclut-elle en regagnant sa propre demeure.


Les habitants de l’île qui ignoraient tout de ce qui se passait à l’échelle spatiale vaquaient à leurs activités quotidiennes de l’après-midi après avoir admiré l’éclipse du soleil qui n’avait jamais été annoncée par un quelconque média. Ils ignoraient que la lune n’était que l’arbre qui masquait la forêt de planètes alignées de façon mortifère. Le soir tomba enfin sur le Sanctuaire. Une journée tout à fait normale en somme. La nuit était belle, étoilée. Le Sanctuaire, enveloppé dans la quiétude, était sous la protection de ses astres bienveillants. Quelques étoiles, toutefois, semblaient briller plus intensément. A quelques centaines de kilomètres de Rodorio, un jeune homme aux cheveux couleur lavande, debout devant la grande bleue, cessa de jouer de la flûte. Un autre jeune homme, richement vêtu, bercé par le son mélodieux de son instrument, sortit de sa transe.


—   Seigneur Poséidon …

—   Je l’ai senti également, répondit Julian SOLO levant son regard azur vers les cieux.


Soudain, les yeux des deux hommes s’écarquillèrent. Une jeune femme blonde, affolée et surexcitée tout à la fois, les rejoignit sur la terrasse qui surplombait la mer.


—   Il se passe quelque chose au Sanctuaire, Julian ! Mais je ne ressens aucune menace.

—   Ça m’ennuie de l’admettre mais je crois qu’Athéna à une ultime surprise en réserve, sourit l’homme.


Les trois personnes virent quelques étoiles briller puissamment pour se projeter dans diverses directions. Ce fut comme un ballet d’étoiles filantes. Certaines partaient vers le nord, d’autres plongeaient dans la Méditerranée ; les unes partaient vers l’est tandis que les autres se concentraient en un même endroit. Puis le spectacle se termina. Julian SOLO fut enveloppé de l’aura divine qui le distinguait comme le dieu des mers. Sorrente s’agenouilla avec déférence ; Thétis fit de même. Si l’homme était son amant, le dieu était son maître.


—   Je crois que nous devrions aller au sanctuaire sous-marin, lança le jeune homme avec un sourire énigmatique pour les deux autres.


Un château situé au sommet d’une montagne escarpée recouverte de sapins fut le siège d’une nuée d’étoiles. Une jeune femme vêtue de noir et assise à même le sol ouvrit péniblement les yeux. Lorsqu’elle sonda les environs, elle vit à quelques mètres de ses pieds une forme reconnaissable entre mille. Grand, imposant, à la tignasse blonde, un homme se réveilla. Il voulut se lever, comme sur la défensive, mais ses forces l’abandonnèrent et il retomba lourdement au sol sous le regard attendri de la jeune femme qui se traîna à quatre pattes vers lui pour lui toucher le visage. Elle lui sourit malgré les larmes qui dévalaient ses joues. L’homme la reconnut et lui parla :


—   Pandora-sama ! C’est un miracle ! Et tous les autres sont également présents ! Même … même lui !


La jeune femme hocha la tête ; ils avaient droit à une seconde chance.


Une tempête de neige balayait le paysage. Près de l’âtre, deux femmes veillaient. La plus jeune, blonde, effectuait quelques travaux de broderie tandis que son aînée lisait. Soudain, cette dernière se leva brusquement de son fauteuil en faisant tomber son ouvrage, tremblante, les yeux hagards. La cadette cessa aussitôt ses travaux d’aiguille et s’inquiéta pour sa sœur.


—   Qu’est-ce qui se passe Hilda ? Quelque chose de grave ?

—   Non ! Non ! Pas du tout, Freyja, répondit la prêtresse d’Odin dont les yeux se remplirent de larmes. C’est à peine croyable ! Viens !

—   Quoi ? Mais dis-moi ce qui se passe ! hurla Freyja qui courait loin derrière sa sœur.


Mais Hilda n’entendait plus les questions de sa cadette. Bien qu’essoufflée en arpentant les interminables couloirs du palais pour parvenir à la statue d’Odin, elle soliloquait. Non ! C’était impossible ! Et pourtant … c’était bien leur cosmos qu’elle ressentait. Mais est-ce que leurs corps eux aussi seraient ranimés.


—   Hagen, cria Hilda à l’attention de sa sœur, il est là !


Cette annonce eut l’effet escompté ; Freyja accéléra considérablement son rythme au point d’être presque au même niveau que son aînée ; pourtant sceptique, la réaction de la prêtresse avait vite fait de la convaincre. Les deux femmes arrivèrent au bas des marches de l’autel, pantelantes. Leur souffle chaud se détachait très nettement parmi les flocons. Une immense forme apparut au sommet des marches. Bien qu’allongée, Hilda reconnut sans peine le géant braconnier. Sans aucune considération pour son rang et sa position, elle gravit les marches quatre à quatre talonnée par sa sœur. Cette dernière mit ses mains sur sa bouche pour réprimer un cri.


Parmi les sept guerriers divins qui gisaient sur le sol, inconscients sous la neige, la blonde chevelure de Hagen attira immédiatement le regard de Freyja. Cependant, elle s’approcha lentement du jeune homme, presque effrayée que le mirage ne disparaisse si elle continuait à progresser. Hilda était saisie de joie. Beaucoup trop d’émotions la paralysaient. Elle passa en détail chacun de ses gardiens et considéra plus longuement le dernier.


—   Bienvenue à la maison, Siegfried !


Sous des latitudes plus clémentes, un phénomène identique se produisit. Le pressentiment de Marine se confirma. Il y eut une agitation énergétique inhabituelle sur le parvis du palais du Pope. Ce furent d’abord des éclairs qui se manifestèrent, laissant au pied d’un pilier un jeune homme à la chevelure châtain clair. Il releva la tête pour considérer son environnement.


—   Le Sanctuaire ? se demanda-t-il incrédule. Non ! C’est impossible ! Je dois rê…


Une autre salve de rayons lumineux cette fois le coupa dans ses analyses et un autre corps apparut. L’homme s’approcha prudemment du nouveau venu pour s’apercevoir qu’il lui ressemblait en tout point avec, pour deux seules variantes, des cheveux plus foncés dans lesquels étaient ceint un bandeau rouge.


—   Effectivement, je rêve, dit l’homme en se frottant les yeux. Aioros ? demanda-t-il doucement en s’agenouillant aux côtés de son frère aîné.


A l’évocation de son prénom, Aioros se retourna dans la direction de la voix. Il cligna des yeux à plusieurs reprises pour ajuster sa vision.


—   Aioria ?! Mon cher petit frère !


Sans lui laisser plus de temps pour bien digérer la réalité, le chevalier du Lion enlaça fougueusement son frère sont il avait été privé depuis des années.


—   Mais que se passe-t-il ? s’inquiéta le Sagittaire. On est vraiment en vie ? On est au Sanctuaire ?

—   La preuve que oui ! Tu es bien réel…


Comme il avait grandi son petit frère ! C’était quasiment son portrait craché. C’en était émouvant. Mais il n’était pas temps de verser des larmes. Un grondement sourd, semblable à celui d’un animal au galop, faisait vibrer le bâtiment et le sol.

 

—   Si c’est un autre chevalier qui revient à la vie, alors je crois savoir qui c’est.


Roulant comme une pierre, Aldébaran fut lancé entre deux colonnes et dévala les escaliers. Il finit sa course sur le parvis en soupirant. Les deux autres chevaliers coururent le rejoindre pour s’assurer de son état. Le colosse maugréa un instant puis s’assit sur son séant, se prenant la tête entre les mains.


—   Ça va, mon vieux ?!

—   Oh … , j’ai connu … Aioria ?


L’autre lui sourit.


—   Et Aioros ? Dites mois que …

—   Non ! interrompit le Sagittaire, tu ne rêves pas. Nous sommes bel et bien de retour alors que nous avons tous été littéralement désintégrés. C’est un miracle !

—   Miracle ou pas, j’ai l’impression de m’être envoyé ma propre attaque ! Je sais maintenant ce que mes adversaires ont enduré. Oh bon sang ! Mais qu’est-ce que c’est que ça ?! paniqua le Taureau en désignant des volutes blanches et fantomatiques glisser entre les colonnes du palais.

—   C’est signé. Alors lui aussi a droit à une seconde chance ?


Masque de Mort titubait dans le brouillard. Arrivé sur le perron, il regarda les trois têtes familières qui lui souriaient. Pour ne pas perdre la face et montrer qu’il gérait la situation, il arbora un ton dédaigneux :


—   Je suis bien le seul à pouvoir m’extraire des Enfers sans l’aide de qui que ce soit.

—   Mais oui, mais oui, dit celui qui n’est même plus capable de marcher droit dans le monde des vivants. Allez ! Viens par ici, railla Aldébaran.


Le Cancer plia sans broncher mais descendit les marches avec moult précautions. Une béquille n’aurait pas été de trop. Mais il s’interrompit car une pluie de pétales de cerisiers tournoyait derrière lui.


—   Tiens ! s’exclama-t-il en reprenant son périple. Mon pendant angélique daigne nous rejoindre.


Le tourbillon se transforma en puissant souffle venant du fin fond du palais. Shaka fut projeté tout à côté de Masque de Mort mais il atterrit directement au bas des marches que le Cancer finit enfin par vaincre. Aioros accueillit chaleureusement son compagnon d’armes qui avait montré la voie à tous ses camarades. Puis, ce furent des dragons qui suivirent la projection de pétales en simultané avec une fine pluie d’étoiles. A la stupéfaction générale, ce ne furent pas deux mais trois chevaliers qui apparurent entre les colonnes : Dokho de la Balance et Mu épaulant son maître, l’ancien grand Pope.


—   Ça, pour une surprise … laissa planer Aioros qui s’agenouilla devant l’ancien chevalier du Bélier une fois que le trio avait rejoint le reste du groupe.

—   Je t’en prie, Aioros. Relève-toi. Nous sommes tous au même niveau. En plus, vu l’état de nos vêtements, il est difficile de dire qui occupe quelle fonction.


En effet, les chevaliers présents passaient plus pour des mendiants que des personnes de haut rang. Leurs vêtements en lambeaux couvraient à peine leur modestie. De plus, ils commençaient à grelotter car un vent glacial sortit de l’antre du palais.


—   Il n’a jamais été doué pour les accueils chaleureux, provoqua le Cancer quand Camus fit enfin son apparition. Et en toute logique, c’est son grand copain qui devrait suivre.


Masque de Mort vit juste. De minuscules points rouges brillèrent dans l’obscurité. Camus attendit fébrilement que Milo apparaisse. Le Verseau sourit à son compagnon qu’il enlaça dans une étreinte d’ours pour l’observer longuement.


—   Dites, vous deux ! Attendez au moins d’être à l’abri des regards pour…


Un nouveau grondement accompagné de petites planètes qui manquaient se télescoper interrompit le binôme qui se hâta de descendre les marches. Milo avait eu l’insigne honneur de goûter à cette attaque ; hors de question de réitérer l’expérience. A peine le parvis atteint qu’une détonation résultant de la collision de deux planètes résonna. Une lumière aveuglante suivit. Quand elle disparut, les chevaliers virent Saga épaulé contre un pilier. Malgré son extrême faiblesse, il conservait toujours un port de tête altier. Mais il fit la grimace quand il se fit écorcher à plusieurs endroits de son corps déjà bien malmené. Shura lui mit la main sur l’épaule.


—   Un coup de main pour descendre, mon ami ?

—   Ce n’est pas de refus. J’ai l’impression que je vais m’écrouler au premier mouvement.


Saga mit son bras autour des épaules du Capricorne qui l’aida dans sa descente. Les deux hommes furent surpris quand ils sentirent le sol trembler et entendirent le grondement des flots.


—   Ecartez-vous tous ! Ou bien accrochez-vous à quelque chose ! hurla Saga.


Certains chevaliers avaient déjà été victimes des flots lancés par Iris ; l’avertissement de Saga fut salutaire pour les autres. On se réfugia donc, in extremis, sur des rochers ou des débris de colonnes, le temps que le tsunami s’atténue. Une fois le calme revenu, Saga balaya nerveusement le perron. Aucune trace de la responsable de ce grand nettoyage. Avait-elle chuté du haut de la falaise ? Une quinte de toux le fit sourire. Soudain régénéré, il se désolidarisa de Shura qui vit le Gémeau se diriger, cahin-caha vers la source du bruit. Une main fut son apparition derrière un rocher et la toux commença tant bien que mal à s’atténuer.


—   Purée que c’est pas agréable de boire la tasse ! pesta Iris encore secouée de quelques quintes. Et salée avec ça !


Elle put enfin se mettre négligemment sur son séant pour voir une main tendue qui l’invitait à se lever. C’est lorsqu’Iris parcourut le bras du propriétaire de l’appendice qu’elle se figea. Saga lui souriait affectueusement. Mais la jeune femme demeurait le derrière vissé au sol, n’en croyant pas ses yeux. Elle secoua imperceptiblement la tête, persuadée qu’elle était victime d’une hallucination. Tous les autres chevaliers se regroupèrent mais en restant à distance respectable du couple enfin réuni.


—   Bon, alors ! râla le Cancer fidèle à lui-même. Tu vas te lever ? Saga commence à avoir des crampes.

—   Saga, murmura faiblement Iris qui avait toujours beaucoup de mal à intégrer la réalité.


L’intéressé ne bougeait pas non plus, comme s’il avait peur d’effrayer une biche qui allait détaler au moindre mouvement. Le regard d’Iris quitta le visage du chevalier pour descendre sur son torse. Au niveau de son cœur, une cicatrice de la largeur d’une main. Sa propre main qui lui avait ôté la vie. Et pourtant, devant elle, il était là, bien vivant, lui tendant sa main pour l’aider. Elle ne se rendit même compte qu’elle pleurait.


—   Allez, miss pyjama … ou du moins ce qu’il en reste. Tes sacro-saintes chaussettes ont été beaucoup plus résistantes.


Cette boutade eut pour effet de réveiller Iris qui saisit enfin la main et se releva pour retirer ses chaussettes trempées et les essorer.


—   Ce n’est pas très hygiénique non plus la culture des mycoses entre les orteils, sourit la jeune femme.


Les yeux dans les yeux, malgré plus d’une tête de différence. Plus aucun mouvement des deux chevaliers. C’est alors qu’une voix passablement énervée et impatiente se manifesta :


—   Mais regardez-moi ces deux empotés ! Dis, Saga ! Si elle ne t’intéresse plus, je suis pren…


Iris coupa court à l’exaspération de Milo en prenant la tête de Saga entre ses mains pour abaisser son visage à son niveau et l’embrasser fougueusement sous les sifflets et les applaudissements.


—   Ça ira, Milo ? intervint discrètement Camus.

—   Je garde espoir mais je suis déjà comblé de t’avoir retrouvé.


Lorsque les deux tourtereaux finirent leur échange, Saga fit face à son public. Il avait l’air grave. Il s’agenouilla à la surprise de tout le monde.


—   Même si c’est un peu tard, je tiens à vous dire que je suis absolument navré pour tout le mal que je vous ai fait, directement ou non. A commencer par Shion et Aioros, mon ami, que j’ai condamné à mort. Tous ceux que j’ai trompés en abusant de l’identité du Pope. Tous les crimes et tortures que j’ai infligés aux opposants, je ne mérite pas de revenir à la vie. J’ai été trop faible.

—   Halte-là ! s’exclama l’ancien Pope qui s’approcha pour relever le Gémeau qui ne pourrait jamais vraiment se pardonner ses erreurs. Comment aurais-tu pu lutter seul contre une divinité ?

—   Moi, je t’ai pardonné depuis longtemps, poursuivit Aioros qui prit son camarade de toujours dans ses bras. C’est comme si ç’avait été le passage obligé pour connaître la rédemption.

—   Rédemption accordée par Athéna elle-même, conclut Shion. Tous les regards convergèrent vers la statue à l’arrière du temple.

—   Je veux dire … Athéna en chair et en os … ici même.


Douze paires d’yeux se braquèrent sur Iris qui fut gênée de toute cette attention mais surtout dans le déni. Tous les chevaliers s’agenouillèrent respectueusement, y compris le Cancer pourtant peu enclin à manifester du respect pour la déesse mais connu pour son animosité envers Iris.


—   Oh là, messieurs ! Relevez-vous ! … Vous m’entendez ? Eh ! Les gars ! Saga, ce n’est que moi !


Iris bouda, les bras croisés sur la poitrine. Puis une idée lui vint :


—   En tant qu’Athéna, je vous ordonne de vous relever.


Les douze hommes obéirent sans broncher mais Iris refusait toujours cette assimilation.


—   Qu’on soit bien d’accord : ce n’est pas parce que je suis la seule femme en vie et haut gradé qu’il faut me hisser à ce rang ! Je n’ai absolument rien de divin !

—   Si mon maître dit que tu es Athéna … laissa planer Mu. En tant que Grand Pope, il sait de quoi il parle.


Le Bélier avait raison. L’ancien Pope avait décelé les capacités d’Iris en tant que futur chevalier d’or. Encore une annonce fracassante qui lui tombait sur les épaules. La jeune femme s’assit sur la base d’un pilier, rejointe par Saga qui la prit par les épaules pour l’encourager. Shion s’installa de l’autre côté mais garda le silence. Iris cogitait fermement.


—   Alors dites-moi comment une déesse que je n’ai jamais reconnue ni voulu servir aurait souhaité prendre mon corps comme réceptacle ? Honnêtement, non seulement il y aurait d’autres femmes plus que ravies de voir des hommes ramper devant elle, mais en plus, une fois la guerre finie, c’est à nouveau deux siècles d’attente. Il y a un truc qui cloche ! Deux réincarnations, c’est impossible. En plus, je n’ai pas le profil : une Nordique pour une déesse méditerranéenne, ça fait tache !


Aioria intervint, risquant une hypothèse.


—   Le sang ! Tu as été en contact avec le sang d’Athéna. Tu étais couverte de plaies quand tu as monté les marches à toute vitesse pour rejoindre Saga. Tu te souviens ?


Shion considéra la supposition et ne put qu’acquiescer. Iris prit sa tête entre ses mains ; Saga lui caressait le haut du crâne. La jeune femme se rejouait la scène. C’était la seule explication possible.


—   Aioria a raison. Je n’ai jamais lu dans les archives un tel cas de figure mais il serait bon de le consigner.


Iris était complètement secouée.


—   Comment te sens-tu ? demanda Shion paternellement.

—   Un peu fatiguée mais totalement normale. On bon sang ! D’abord chevalier, maintenant ça à digérer … Mais dites-moi que je ne vais pas passer le reste de ma vie derrière ces murs ! Je veux continuer à mener mon existence comme je l’ai toujours fait.

—   Je crois que tu n’as pas de souci à te faire pour ça. La guerre sainte est terminée.

—   Tant mieux ! brailla le Cancer. D’une part je me voyais mal t’obéir et d’autre part, je suis vidé. On pourrait aller se reposer maintenant ? On verra tout ça demain.


Iris sourit à son éternel trouble fête et pour une fois, elle lui donna raison. Tout le monde avait droit à un repos bien mérité. Le palais regorgeait de chambres inoccupées. Certains chevaliers occupèrent des pièces seuls, d’autres préféraient les partager en binômes. Saga qui avait trop longtemps abusé du prestige du palais préféra s’éloigner et rejoindre la demeure d’Iris quasiment à l’extérieur du village.

 

—   Attends encore quelques minutes, exigea Iris de façon énigmatique. Je te rejoins le plus vite possible, conclut-elle avec un baiser rapide sur les lèvres de Saga.


Ce dernier acquiesça sans poser de questions, se retrouvant dorénavant seul. Il en profita pour apprécier la sérénité des lieux et méditer sur ses fautes. Même s’il n’était pas directement responsable, il passerait le restant de sa vie à se montrer plus vertueux qu’il ne l’avait jamais été, conscient de la chance qu’Athéna, désormais incarnée dans la femme qu’il aimait, lui avait donné. Soit deux bonnes raisons pour racheter sa conduite passée. Saga protègerait becs et ongles la femme qui ne l’avait jamais abandonné ou trahi dans les pires moments. Elle avait tenté de l’aider, de le soigner sans jamais révéler son identité. Cela aurait pourtant permis de régler toute cette histoire avec l’aide de quelques chevaliers d’or. Mais non ! Iris était restée fidèle à sa déontologie jusqu’à risquer des persécutions. Ça, c’était Iris ! Celle qu’il avait toujours connue : têtue, casse-cou, souvent impulsive, grande gueule, bagarreuse, peu diplomate mais tellement altruiste. Une guimauve sous un chocolat bien dur et amer. Saga sourit à cette comparaison.


De son côté, Iris se dirigea vers la statue d’Athéna. D’un bond, elle se retrouva sur l’épaule de cette dernière, tout à côté de son oreille.

 

—   Comme on se retrouve ! Je n’aurais jamais pensé te dire ça mais « merci ». Merci de nous avoir permis, même aux moins méritants, de continuer notre existence. C’est inespéré. Laisse-moi juste te demander de ne pas te manifester de manière violente à travers moi ; je veux quand même garder le contrôle de mon corps et mener une vie normale de femme, pas de déesse chaste. J’espère que tu me pardonneras de t’avoir tourné le dos pendant toutes ces années alors que tu es la bienveillance même. Bon, je vais te laisser. Un chevalier s’impatiente, conclut Iris en déposant un baiser sur la froide joue de pierre de la statue puis elle retrouva Saga sur le parvis.

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