Chevalier, mais pas trop ...
Disclaimer : cf. chapitre 1
CHAPITRE 35
LE CHOC DES TITANS
Lorsqu’Iris revint à elle, elle se retrouva dans un environnement qui ne lui rappelait absolument rien de connu. La « végétation », si on pouvait l’appeler comme cela, se résumait à des coraux et à des algues séchées ; l’air qu’elle pouvait respirer était un peu plus iodé que d’habitude. Elle manqua chanceler quand elle se leva ; son crâne tonnait énormément comme si son cerveau cherchait à s’en échapper. Elle avait certainement dû se cogner. Elle leva les yeux au ciel pour ajuster sa vision ; la voûte était floue. Elle se frotta les yeux pour obtenir, au final, le même résultat. Le ciel. C’était plutôt la mer qu’elle avait au-dessus de sa tête.
Alors elle avait réussi. C’était ça le sanctuaire sous marin. Très exotique mais plutôt accueillant. Enfin, si l’on considérait toutes les légendes sur les monstres aquatiques qui peuplaient ce milieu, l’endroit n’allait bientôt plus obtenir ses suffrages. Après tout, ce n’étaient que des légendes, un folklore entretenu pour conserver une part de mystère. Après avoir fait le point, elle sonda les environs avec son cosmos pour localiser celui du dieu. Elle n’éprouva pas beaucoup de difficultés ; il était entouré par d’autres qu’elle connaissait bien. Elle se mit immédiatement en route.
Seiya et les autres, vous avez plutôt intérêt à m’en laisser un peu, sinon, c’est à vous personnellement que je m’en prendrai, maugréa-t-elle.
Plus elle se rapprochait et plus il lui semblait que l’aura du dieu s’intensifiait. Très mauvais signe ; le tonton d’Athéna devait être dans une colère noire. Les chevaliers avaient dû le pousser à bout. Dans tous les récits mythologiques, Poséidon a toujours été décrit comme un dieu irascible, qui perdait très vite son sang froid. Les nombreux tremblements de terre qu’il a provoqués en frappant son trident au sol ou les raz de marée engendrés ont été la preuve de son mauvais caractère.
Seiya et deux autres de ses camarades avaient revêtu une armure d’or. Les trois jeunes hommes pensaient qu’ils allaient pouvoir en découdre plus vite avec la divinité. Erreur ! On ne met pas sur le même plan trois mortels en armure, même d’or, et un dieu. Poséidon pointait dangereusement son trident sur eux. Son cosmos commençait à s’amplifier, promettant une attaque foudroyante. Mais au moment où la décharge d’énergie était prête à exploser, Poséidon se retrouva paralysé par derrière. Les trois jeunes hommes n’eurent qu’un mot à la bouche :
— Iris !
— Je le retiens, faites ce que vous avez à faire.
— Mais, répliqua Hyoga, tu ne vas jamais pouvoir tenir très longtemps : tu n’as même pas ton armure et puis tu t’attaques à un dieu !
— Très perspicace de ta part, blondin, rétorqua Iris. Fichez le camp et laissez-moi faire.
— Mais Iris ! s’écria Shiryu.
— Pas de « mais » ! Vous perdez du temps, bon sang ! Bougez-vous le derrière ! harangua-t-elle.
Les trois chevaliers de bronze demeuraient sans voix non seulement à cause de son vocabulaire mais aussi de sa présence. Que venait-elle faire ici quand on savait l’hostilité qu’elle nourrissait envers la déesse ? C’était suspect mais en même temps, ils ne pouvaient pas refuser la précieuse aide de leur aînée. Soudain, une voix grave se fit entendre et les nargua :
— Même si je sens que tu es un chevalier d’or, tu ne leur seras pas d’un grand secours, je te le garantis.
Aussitôt, Poséidon amplifia son cosmos qui semblait brûler Iris. Elle cria sur le coup de la surprise mais elle se cramponna d’autant plus fort à la divinité ce qui fit enrager le dieu davantage. Avec la force qui le caractérisait, il se désincarcéra sans trop d’encombres et projeta, avec son cosmos, l’impudent chevalier d’or qui avait osé poser les mains sur lui.
Iris fut légèrement sonnée par le formidable cosmos qui émanait de la personne mais pas démotivée pour autant. Elle se releva immédiatement en voyant que les chevaliers de bronze étaient toujours menacés. Les idiots ! Ils n’avaient pas bougé d’un centimètre. Poséidon repositionna son trident. À la vitesse de la lumière, Iris fit son apparition entre les trois jeunes gens et la réincarnation puis écarta les bras.
— Alors les jeunes, vous êtes complètement crétins ou quoi ? Qu’est-ce que vous attendez pour secourir votre « chère déesse ». Je vous couvre même si je ne sais rien de ce que vous devez faire.
— Com…compris ! On y va ! balbutia Seiya.
— Pas trop tôt, grogna-t-elle.
Iris entendit les pas des chevaliers s’éloigner derrière elle. Elle était donc seule en face de Poséidon qui la regardait d’un air incrédule. Avait-il bien entendu ? Ce chevalier, ou plutôt cette femme avait dit « chère déesse ». Et sur un ton des plus ironiques en plus ! Qu’est-ce que cela signifiait ? Pourquoi ne manifestait-elle pas autant de sympathie pour celle qu’elle était supposée protéger ? Cette jeune femme le faisait sourire intérieurement. Alors même parmi les défenseurs d’Athéna, il y avait quelques esprits retors : la preuve, elle ne portait pas le masque réglementaire. Mais malgré tout, ce chevalier d’or était bien décidé à aider ses cadets. En conclusion, c’était toujours un ennemi.
— Chevalier, tu n’as pas l’air de te rendre compte de ta situation, se moqua Julian.
— Que si ! Détrompez-vous, vénérable empereur des mers, fit-elle ironiquement en singeant une révérence.
— Quelle impertinence ! menaça-t-il. Tu vas connaître le même sort que les insectes, acheva-t-il en accroissant son cosmos.
— Ô joie et bonheur ! s’exclama Iris en joignant ses deux mains.
Julian n’en revenait pas. Cette femme le narguait ! Était-elle inconsciente de le provoquer de la sorte ? Elle savait qu’elle allait immanquablement mourir et elle sautait littéralement d’extase ! À moins que … à moins que ce ne soit la mort qu’elle recherche véritablement plus que la victoire de ses compagnons par son sacrifice. Athéna était bien mal entourée. Soit ! Si elle voulait absolument être pulvérisée, il n’allait pas lui refuser cela.
Il intensifia son cosmos. Que pouvait-elle bien faire contre lui d’autant plus qu’elle ne ripostait même pas ? Il en était sûr à présent, elle cherchait à se suicider. Poséidon pointa vers elle son trident, de la même manière qu’il l’avait fait pour les trois autres et déclencha son attaque. Iris se prit de plein fouet la force colossale et décolla. Comme si elle avait été dotée d’ailes, elle fut projetée extrêmement loin, en direction d’un pilier. L’insecte allait mourir écrasé. Pas très glorieux comme fin mais efficace tout de même. Sa tête allait se fracasser la première sur le dernier vestige du sanctuaire quand tout à coup, elle fut enveloppée d’une lumière dorée.
Elle heurta violemment le pilier sans le briser ce qui aurait bien été utile. Mais elle ne sentit pas le contact direct de la pierre avec son crâne. Son corps rebondit sur la surface et, se pliant aux lois de la gravité, vint s’écraser lamentablement au sol, créant un cratère peu profond. La violence du premier choc aurait dû la tuer sur le coup mais elle remarqua qu’elle respirait encore et qu’elle pouvait entendre une voix et des pas qui s’approchaient.
Non loin d’elle, un chevalier et un général s’opposaient jusqu’à ce que leur combat soit interrompu. Ils virent arriver vers eux, ou plutôt vers le pilier, une comète dorée qui acheva brutalement sa course au sol. Les deux belligérants étaient restés bouche bée devant ce spectacle. Mais une fois le nuage de poussière engendré par la chute dissipé, ils purent distinguer clairement un corps désarticulé gisant à quelques mètres d’eux. Le corps était recouvert d’une armure. En or. C’était un chevalier. Le casque de l’armure qui s’était désolidarisé de la tête au moment de l’impact avait roulé près de leurs pieds. Cela constituait un élément de réponse sur l’identité du nouvel arrivant.
En examinant le casque, l’un et l’autre eurent, au début, la même réaction : la surprise. Impossible ! Le détenteur de cette armure était mort. Puis, le chevalier éprouva de la crainte et de la méfiance tandis que le général sourit de manière narquoise. Ce dernier se rapprocha d’ailleurs du corps pour confirmer ses interrogations. Une masse de cheveux gris s’éparpillait, formant une couronne étoilée de manière qu’il fût impossible de voir le visage du chevalier.
Le général était maintenant à côté du corps qui ne bougeait toujours pas. Mais la personne était vivante. Son cosmos était bien perceptible mais pas aussi familier qu’il l’aurait cru. Il saisit le corps sous les aisselles et tout en le soulevant pour que le visage soit au même niveau que le sien, il prononça le nom oublié depuis près d’un an :
— Saga !
À l’évocation de ce nom, le chevalier sembla sortir de sa torpeur et répondit :
— Non ! Mais c’est très aimable de ne pas l’avoir oublié.
Le chevalier resté à l’écart, qui avait suivi toute la scène, soupira de soulagement. Cette voix féminine, il la connaissait. Il ne l’avait jamais entendu parler aussi calmement mais il n’y avait plus aucun doute. De plus son cosmos confirmait l’impression donnée au chevalier. Le général quant à lui, parut pétrifié sur le moment. Un regard d’étonnement se lut sur son visage. Les rôles étaient désormais inversés. Lentement et péniblement, la jeune femme releva la tête pour apercevoir la personne qui la soutenait, motivée par la curiosité. De son coté, le général dissimulait son impatience du mieux qu’il pouvait.
Enfin, les deux personnes se firent face et une surprise mutuelle s’imprima sur leur visage. Leurs yeux s’arrondirent en se dévisageant. Le général, gardien du pilier de l’Atlantique nord, s’attendait à voir le visage de son frère déchu. Au lieu de ça, il dut affronter une paire d’yeux froids et des traits résolument féminins. Iris, qui s’attendait à voir un admirateur nostalgique de l’homme qu’elle aimait toujours, crut avoir en face d’elle son fantôme. Cet homme était l’exact portrait de Saga ! Mais comment un tel miracle pouvait-il avoir lieu ?
Quelques secondes passèrent dans l’immobilité la plus totale. Le général portait toujours ses yeux dans ceux de la jeune femme et la maintenait toujours sous les épaules. Ni l’un ni l’autre ne semblait comprendre ce qui se passait. Les deux personnes réintégrèrent la réalité quand une voix grave se fit entendre quelques pas derrière eux.
— Iris ? Que fais-tu ici ? Et avec l’armure de Saga, en plus !
Cette simple question suffit à bousculer la jeune femme. Le général lui-même sursauta, laissa retomber Iris et fronça les sourcils. La jeune femme se rattrapa au dernier moment et fusilla le général du regard mais se radoucit immédiatement. Quel rustre ! La doublure de Saga ! Elle croyait rêver ! Elle semblait flotter sur un petit nuage, ne sachant ni comment, ni pourquoi un tel personnage se trouvait devant elle. Elle répondit les yeux dans le vide au chevalier Phénix :
— Ce que je fais ici ne sont pas tes oignons !
Évidemment, il devait s’attendre à cette réaction. Ikki n’était pas toujours de bonne humeur mais Iris devait être ronchonne de naissance. Il vit la jeune femme se relever et se masser le crâne. Elle entreprit de sortir du cratère qui, heureusement pour elle, était aussi profond qu’un pédiluve. Puis, sans aucune explication, elle lui lança un regard qui en disait long sur son incompréhension. Qu’avait-il dit ? L’armure de Saga ? Elle porta les mains devant ses yeux et vit qu’elle était revêtue de la susdite armure. Mais bon sang ! Elle n’avait rien demandé ! Tout comme les esprits de feu Camus et Aioros, celui de Saga voulait protéger la personne à laquelle il tenait. Au lieu d’être ravie d’une telle attention, Iris entra dans une colère noire. Ikki l’observait en train de parler à l’armure :
— Alors toi aussi tu t’es ligué contre moi ? Qu’est-ce que vous avez tous à me mettre des bâtons dans les roues ? Je ne peux même plus faire ce que je veux ! Je suis condamnée à vivre sur cette terre sans que tu sois là ! Et tu voudrais que je sois heureuse comme ça ! T’auras beau faire, tu ne m’empêcheras pas. Et je n’ai que faire de ta protection ! tempêta-t-elle.
Ceci dit, elle porta la main droite sur son bras gauche et se mit en tête de retirer la partie qui le couvrait. Mais, pour une raison ou une autre, l’armure ne voulait pas se détacher. Elle força encore ; cela devait être coincé. Elle changea de bras mais obtint le même résultat. C’était la volonté de l’armure ou plutôt de son défunt propriétaire. Bientôt une lumière dorée l’enlaça.
Je t’en prie Saga, laisse-moi tranquille. Tu disais que tu voulais me protéger mais c’était bien avant qu’il fallait agir. Pourquoi veux-tu veiller sur moi alors que tu as préféré te donner la mort ? Tu es ridicule ! N’oublie pas que tu as fait cela pour protéger Athéna … plutôt que moi ! Tu lui as prêté serment, même si ton esprit était possédé et que tu as rompu temporairement avec la ligne de conduite que tu t’étais fixée. Et je suis prête à parier que si nos deux vies étaient menacées, tu n’hésiterais pas une seconde à voler à son secours. Finalement, tes sentiments n’étaient pas réciproques !
La douce aura qui l’enveloppait cessa aussi soudainement qu’elle était apparue. Mais le spectacle qu’elle donnait dans une telle situation de crise ne manqua pas de susciter des moqueries de la part du général. Il fit résonner son rire, un rire malsain. Même Saga ne riait pas comme ça ! Mais qui était cet homme ?
— Les chevaliers d’Athéna sont vraiment de piètres bouffons, scanda-t-il. Et quand je pense que mon frère t’envoie encore son armure … c’est pathétique !
— « Mon frère » ? Tu veux dire que tu es le frère de…
— Oui, son frère jumeau, Kanon. Mais vu ta tête, il n’a jamais dû te parler de moi.
Saga avait un frère ! Et jumeau en plus! Pourquoi n’en avait-elle jamais rien su ? Elle pensait connaître cet homme sur le bout des doigts, ils avaient toujours été ensemble et elle ignorait jusqu’à l’existence de son propre frère ! Saga baissa un peu plus dans son estime. Ne lui faisait-il pas confiance ? Iris ne pouvait plus rien dire. Devant cet ultime acte de sournoiserie, les paroles lui manquaient. Toutes ses pensées se confrontaient et s’opposaient. Elle tentait de lui trouver une excuse valable mais rien n’y fit. Elle perdait Saga petit à petit.
Ikki ne perdit pas son temps et profita du peu d’intérêt que lui portait le général pour lui envoyer son illusion afin qu’il lui révèle pourquoi il avait tellement peur de réveiller le véritable Poséidon. L’illusion fit son effet et au bout de quelques minutes, les deux chevaliers apprirent que l’homme qu’ils avaient devant eux était l’instigateur de toutes les batailles qui s’étaient succédées. Iris n’en revenait pas que Kanon ait pu manipuler son frère à ce point. Cet homme était réellement dangereux ; voilà pourquoi Saga ne l’avait jamais mentionné.
Malgré tout, elle ne parvenait pas le haïr ; il n’était pas directement responsable de la mort de Saga. Elle lui trouva même une circonstance atténuante puisqu’ils avaient, elle et lui, un point commun. Tous deux souhaitaient profondément la disparition de la déesse mais leurs raisons divergeaient : Kanon était dévoré par l’ambition alors qu’elle aspirait à une vie tranquille entourée des personnes qu’elle aimait. Iris agissait uniquement par dépit.
Iris quitta les lieux, suivie par Ikki. Tous deux laissèrent le général seul, devant son pilier maintenant détruit puisque Kiki était venu à la rescousse ainsi que … Sorrente. Kanon ne supporta pas qu’on lui tourne le dos et les provoqua. Ikki s’arrêta mais laissa Iris poursuivre sa course jusqu’au pilier principal. Il répondit au général déchu qu’il ne méritait même pas qu’on se batte contre lui. Bien entendu, Kanon enragea devant autant d’arrogance, d’autant plus que Sorrente lui fit la même réflexion :
— Tu es un misérable ! Tu n’es même pas digne de te mesurer à nous !
Sur ce, il laissa le cerveau de toutes les intrigues derrière lui. Kanon fulminait. Mais tout à coup, un objet retint son attention : le casque de l’armure. Il fit quelques pas dans sa direction, se baissa et le ramassa. Comme s’il savait sa défaite inéluctable, il prit le temps de l’examiner. Il constata qu’il ne portait plus deux masques différents sur les côtés ce qui revenait à dire que la personnalité de son frère n’était plus hantée par l’entité maléfique. Son frère était mort mais avait retrouvé la paix de l’âme.
Tous tes plans ont échoué mon pauvre frère et les miens aussi! En plus, tu as perdu la vie bien que tu sois redevenu comme avant alors que moi, j’ai au moins la décence de rester en vie. Dommage que tu aies laissé derrière toi cette pauvre Iris. Le fait de la protéger comme tu viens de le faire ne va pas la rendre heureuse pour autant. Tu as vu comme elle a refusé ton aide ? Malgré tout, elle souhaite quand même te rejoindre. Ce ne serait certainement pas arrivé si elle m’avait connu. Elle aurait pu faire une alliée de choix ; nous aurions pu joindre nos forces puisqu’elle aussi souhaite la disparition d’Athéna. Mais non. C’était toi qu’elle préférait ; c’était toi que tout le monde préférait. Moi je n’étais que ton ombre, ton côté obscur. Si dès le début elle avait eu connaissance de mon existence, elle n’en serait pas là. Saga, tu lui as pourri l’existence, tu as été d’un égoïsme sans borne.
Sur ces pensées, le général s’assit sur l’un des morceaux du pilier qu’il était censé garder et soupira. Plus loin, Iris avait maintenant pris de l’avance sur Ikki. Le visage de Kanon restait gravé dans son esprit. Saga et lui étaient jumeaux, certes, mais leurs personnalités étaient totalement différentes. Le premier était doux et affable, le second colérique et rancunier ; l’un était expansif, l’autre égoïste. Mais finalement, à bien y réfléchir, le caractère de Kanon n’était pas dû au hasard. Ils étaient sûrement entrés en compétition au moment où ils surent qu’il n’y avait qu’une armure en jeu. Kanon avait perdu. Si Saga s’était retrouvé dans la même situation que lui, aurait-il agi de la même manière ? Peut-être. La gémellité inclut parfois d’étranges similitudes. Elle en venait à plaindre cet homme à qui l’existence n’avait pas souri.
Elle n’était plus très loin du pilier ; elle entendit un lourd grondement suivi d’un tremblement. Puis, devant ses yeux, le monumental bâtiment qui semblait porter à lui seul tout le poids des océans se fendit et commença à s’écrouler. Les chevaliers de bronze avaient réussi une partie de leur mission ; il fallait encore se débarrasser du dieu lui-même. Elle sentit ensuite le cosmos d’Athéna ; ce brave petit Seiya devait à nouveau avoir accompli un miracle. Parallèlement, celui de Poséidon s’accroissait dangereusement, comme s’il n’y avait plus aucune limite. Le combat des dieux s’ouvrait.
En effet, Poséidon s’en prit directement à la jeune femme en lui projetant attaques sur attaques mais ses chevaliers de bronze veillaient, même si des flots, jusque là contenus par les différents piliers, les menaçaient. Athéna ne faisait usage d’aucune arme. Il serait donc facile d’en venir à bout une fois ses pantins anéantis. Or, les jeunes garçons s’opposaient farouchement à lui. La colère l’aida et il les écarta une bonne fois pour toute de sa cible. C’est alors qu’il se saisit de son trident, sa dernière arme, et le lança sur la réincarnation. La jeune femme ferma les yeux en voyant l’objet arriver sur elle mais, curieusement, il ne l’atteignit pas. Elle leva les paupières pour constater que quelqu’un avait fait barrage entre elle et le trait. Elle ne s’attendait pas du tout à ce que cette personne puisse commettre une telle action.
Iris lui faisait face, les traits déformés par la douleur mais campant fermement sur ses jambes. Le chevalier rebelle suait à grosses gouttes devant la déesse qui ne cachait pas sa surprise. Même les jeunes chevaliers arrondirent les yeux devant un tel prodige. Iris respirait difficilement. Le trident était planté dans le bas de son dos. Avec un courage qui forçait l’admiration, ou plutôt avec de l’inconscience, elle saisit le manche de l’insigne du dieu fichée dans sa chair et l’extirpa en contenant difficilement un râle. Son sang s’écoulait abondamment des trois plaies infligées. Elle tituba mais reprit son équilibre. Athéna courut au devant mais fut stoppée dans son élan de compassion par un regard dur et en même temps désespéré.
— Ne vous approchez pas de moi et n’allez surtout pas vous imaginer que j’ai fait ça pour vous. Vous ne m’aurez jamais à votre botte comme vous avez pu l’avoir, lui !
Ses paroles frisaient l’impertinence. Malgré cela, la déesse qui savait qu’elle lui tenait rancœur, la remercia pour son geste. Iris ne l’écouta même pas. Elle se retourna, le trident à la main, et affronta Poséidon du regard. Elle tendit ensuite le trident dont les extrémités étaient maculées de sang horizontalement devant elle. Puis, d’un geste brusque, elle le brisa. Un petit rictus provocateur se forma sur ses lèvres. Poséidon qui croyait s’être débarrassé d’elle était au bord de l’explosion.
— Misérable ! Avec le coup que je vais t’envoyer, tu seras désormais incapable de revenir me narguer !
— Mais j’espère bien !
Tant pis pour elle ou plutôt tant mieux. Comme il l’avait fait quelques instants plus tôt, il l’envoya à nouveau voler dans les airs de manière à ce qu’elle se retrouve le plus loin possible de lui. Iris atterrit lourdement sur la terre ferme cette fois. Sa cage thoracique semblait percer ses poumons tellement l’impact avait été violent. Sa tête résonnait furieusement et le sang s’écoulait toujours de son dos. Elle ne bougea plus un membre ; de toute façon, son corps lui était bien trop lourd pour réaliser un tel exploit. Sa vision se brouillait tout comme son ouïe. Même les échos de l’ultime combat avaient du mal à lui parvenir clairement. Mais ce qu’elle put percevoir au bout de quelques instants, fut la disparition totale du formidable cosmos du dieu. Iris attendit patiemment que la mort vienne la chercher alors que pendant ce temps, le sanctuaire sous marin se noyait sous des trombes d’eau. Son tombeau serait le monde auquel son signe zodiacal appartenait.
Athéna avait à nouveau remporté une victoire mais elle ne serait plus là pour savourer les moments de paix, fragile peut-être, qui étaient promis à toute l’humanité. Iris ferma les yeux, incapable de fournir plus longtemps de l’attention. Sa respiration devenait plus lente et moins saccadée. Elle ne percevait plus aucun bruit et ne distinguait plus l’humidité de la terre sur laquelle elle gisait. Son cosmos aussi s’affaiblissait dangereusement. Elle était tout proche maintenant. Elle allait le rejoindre ; ce n’était qu’une question de seconde, elle en était sûre. Mais elle omit un détail.