Chevalier, mais pas trop ...

Chapitre 33 : MON MEILLEUR AMI

2065 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 12/06/2024 14:00

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CHAPITRE 33

MON MEILLEUR AMI

 

Peut-être que quelques jours, loin d’ici, te feraient le plus grand bien. Ça ne changera rien à ce qui s’est passé mais tu ne verras pas ces lieux trop lourds de mauvais souvenirs. Je te laisse ton repas. A demain ou bien, à bientôt.

 

Seconde option. Iris repassa en boucle les mots de Milo.

 

Sibelius ! Il était temps qu’elle aille le revoir maintenant que la situation s’était assainie. Le vieillard lui passerait certainement un savon pour son armure mais elle lui avait promis qu’elle reviendrait. De plus, elle le verrait en tant que grand-père et non comme instructeur.

 

Merci Milo de m’avoir ouvert les yeux. Je suis partie quelques temps à Asgard me changer les idées en prenant un grand bol d’air frais. Je vais aussi en profiter pour éclaircir quelques zones d’ombre de mon passé. Si tu ne vas pas bien, rends-toi là-bas : on saura déjà se retrouver. Iris.

 

—  Enfin ! Tu es sortie de ta coquille ! Mais ne va pas passer le reste de ta vie dans ce pays gelé. J’ai déjà perdu Camus, je ne veux pas te perdre à cause de l’éloignement. J’espère que tu reviendras rapidement. Il n’y a pas que Saga qui avait besoin de toi.

 

Ce même midi, ça tonnait fort dans le chalet de l’ancien chevalier des Poissons. L’accueil avait été glacial et mouvementé.

 

—  C’est d’un peu de réconfort dont j’ai besoin et toi, tu m’engueules !

—  Parce que je devrais sauter de joie en voyant l’armure de mon disciple revenir ici ?!

—  Ce n’est pas en tant que disciple, chevalier ou élève que je suis revenue, mais en tant que…

—  … petite-fille, se calma le vieillard, et qui a recouvré une intonation plus apaisée.

 

Le coup de colère passa aussitôt. Sibelius tendit les bras ; Iris hésitait.

 

—  Oui, je sais que tu es au courant. On peut en parler si tu veux … mais ça n’empêche pas que je suis furieux envers le chevalier !

 

Iris se jeta contre le torse de son grand-père et pleura tout son soul. Sibelius lui tapota le haut du crâne. Ils s’installèrent sur une couverture près du feu. Soirées et journées allaient être riches en informations et confessions. Iris s’épancha la première pour être sûre d’être plus réceptive quand ce serait à son grand-père de donner des explications.

 

—  Je sais ce que c’est que de perdre la personne que l’on aime le plus. Pour ta grand-mère, je n’avais qu’une envie, me noyer. C’était une femme formidable.

—  Vous étiez mariés ?

—  Bien sûr. J’étais déjà chevalier. Le mariage n’est pas interdit, tu sais. Mais comme un chevalier doit d’abord obéir à Athéna, sa famille vient au second plan.

 

Iris fit la moue.

 

—  Tu vois, c’est là qu’on ne se rejoint pas. Je m’en fiche d’Athéna. Et encore plus maintenant.

 

Le vieillard soupira. Jamais Iris ne rentrerait dans le rang, butée qu’elle était, et surtout tellement à fleur de peau.

 

—  Je suis quand même heureux que tes pouvoirs servent dans un but curatif, même si ce n’est pas le premier objectif de ton statut.

 

Iris lui sourit. Elle pouvait dire qu’il était fier d’elle. Sibelius reprit l’histoire de sa propre vie amoureuse.

 

—  J’ai eu la chance d’avoir une fille, donc ta mère biologique, qui m’a permis de continuer à vivre. C’était ton portrait craché, tant sur le caractère que sur le physique.

—  A propos d’elle …

—  Oui, hésita le vieillard, tu ne dois pas en vouloir à Anna mais plutôt à moi. Quoique … on a tous notre part de responsabilité. Elle est tombée enceinte très jeune ; elle avait beaucoup de succès auprès des garçons. Comme j’ai perdu mon épouse prématurément et que j’étais peu souvent à la maison à cause des missions du Sanctuaire, Anna s’est pratiquement élevée toute seule avec les risques que cela comporte. On se disputait souvent quand elle était adolescente. Quand j’ai appris qu’elle attendait un enfant, qu’elle était sans formation, sans revenus, notre dernière dispute a été des plus violentes. Elle a claqué la porte et je ne l’ai plus jamais revue. Comme elle n’était pas chevalier, je n’ai jamais pu la localiser. J’ignorais totalement qu’elle était partie en Grèce. C’est quand tu es arrivée que j’ai fait des rapprochements. Imagine ma surprise et ma tristesse quand tu m’as raconté ton histoire.

—  Et mon père ?

—  Alors ça… impossible à dire. Elle changeait d’homme comme on change de chemise, sourit nostalgiquement Sibelius. Je crois qu’elle recherchait l’attention que je ne pouvais plus lui accorder. Quand je lui ai demandé le nom du gredin qui l’avait engrossée, elle n’a pas su me répondre. Elle-même ne devait pas savoir. Je n’aurais jamais dû la chasser mais l’aider. On n’en serait pas là, maintenant.

 

Petit moment de silence. Il n’était pas juste de jeter la pierre à qui que ce soit.

 

—  Je ne t’en veux pas. Pour avoir le même caractère qu’elle, apparemment, je sais ce que c’est quand on s’emporte et les conséquences que cela peut avoir. Après, on regrette amèrement.

 

Sibelius en eut les larmes aux yeux.

 

—  Le fait que ce soit toi qui me dises ça, qui me donnes l’absolution, c’est comme si c’était elle qui m’adressait ces paroles. Et toi aussi, pardonne-toi, même si tu n’as absolument rien à te reprocher. Tu as tout fait pour aider Saga. Face à son attaque, tu ne pouvais absolument pas lutter. Ensuite, tu pourras peut-être pardonner à Athéna.

—  STOP ! Athéna, ou plutôt Saori, a ses chouchous ! Et les chevaliers d’or, les plus proches, ne font étrangement pas partie de ses priorités.

 

Sibelius leva les yeux au plafond mais garda espoir pour sa petite-fille.

 

—  Ça ne sert à rien de garder autant de rancœur. Pour le moment, c’est encore tout frais, mais ça ira un peu mieux avec le temps. Autre chose : ne rejette pas les mains qui se tendent. Tu n’es pas la seule à avoir souffert. Tu m’as dit que ton ami le Scorpion aussi. Parlez-en tous les deux et regarde vers l’avenir. La mort, aussi brutale et injuste soit-elle, fait partie de la vie. Et moi aussi je m’approche de mon terme.

—  Tais-toi ! Arrête de m’annoncer ce genre de choses. T’es fort ! T’es un véritable roc !

—  Mais je ne suis pas éternel. En revanche, mon esprit l’est. Et crois-moi : l’âme d’un chevalier décédé peut faire des miracles. Saga t’a promis qu’il veillerait sur toi ; je te garantis qu’il risque d’être très collant.

—  Tu veux dire qu’il va me hanter ?

 

Eclats de rire.

 

—  Sans aller jusque là, il t’empêchera de faire des bêtises et tu sentiras sa présence dans les moments difficiles. Regarde ce qu’Aioros a fait pendant la bataille avec les chevaliers de bronze. Les défunts ne sont jamais vraiment partis. Tiens … ça me fait penser … quand je ne serai plus de ce monde, tu conserveras ce petit « cottage » et tu y entraîneras ton successeur.

—  QUOI ?! Je m’y refuse ! Je ne suis pas taillée pour être « professeur ».

—  Le destin nous le dira, sourit Sibelius devant la peur panique de sa petite-fille.

 

Les jours passèrent. Iris semblait s’assagir, pondérer ses réactions et surtout accepter un peu mieux les douloureux événements qui l’avaient frappée. Mais le destin avait un ultime test en réserve pour elle. Cela faisait un peu plus d’une semaine qu’elle avait recréé des liens avec son grand-père et tenté de rattraper le temps perdu.

 

Elle se réveilla un matin, tôt, juste au bon moment pour réalimenter le petit poêle. Le feu reprit de plus belle mais il manquait un bruit caractéristique en plus du crépitement : le petit sifflement que Sibelius émettait quand il « ronflait ». Curieuse, elle jeta un œil derrière le paravent qui séparait leur lit. La grosse couette ne se soulevait pas au rythme de la respiration du vieil homme.

 

Iris se décomposa. Un nouveau coup de massue ! Deux décès en quinze jours ! Trop mais alors vraiment trop dur à supporter nerveusement. Cette fois-ci, elle ne savait plus si elle devait rire en raison de l’ironie de la situation et des paroles prémonitoires de son « isoisä », ou pleurer voire crier de rage car elle venait encore de perdre une personne chère à son cœur et avec qui elle venait de renouer des liens familiaux. Bien entendu, ce sont les larmes qui se manifestèrent. Iris s’écroula à côté du lit de son grand-père. Tremblante, elle toucha son visage ; il était déjà froid. Mais il semblait tellement paisible, tellement serein, sans doute à cause du pardon qu’elle lui avait accordé. Au moins lui, il était mort doucement, dans son sommeil. C’était sa seule consolation dans le torrent de larmes qu’elle versait.

 

—  Je ne sais pas si je pourrai mettre tes conseils en pratique, Isoisä, du moins, pas tout de suite, renifla Iris. Nerveusement, c’est beaucoup. Je dois d’abord m’occuper de toi.

 

Avec l’aide de quelques habitants du village le plus proche et qui connaissaient bien le vieux chevalier, des funérailles furent organisées mais selon le rite viking. Le linceul de Sibelius fut déposé sur une barque remplie de bois. Iris dut y mettre le feu puis on laissa la barque dériver sur la mer avec le brasier à son bord. Iris observa la cérémonie du haut de sa falaise jusqu’à ce que le feu cesse en raison du naufrage du petit vaisseau. Pas de tombe à honorer mais des souvenirs à chérir dans le petit héritage que Sibelius lui avait transmis, des cendres récupérées et une protection venant de l’au-delà. Iris eut beaucoup de mal à trouver le sommeil les trois jours qui suivirent. Sibelius occupait toutes ses pensées allant presque jusqu’à supplanter l’image de Saga ! Il était grand temps de retourner au Sanctuaire.

 

A peine devant la porte de sa maison, un cosmos familier se fit ressentir pour se planter devant elle.

 

—  Bon sang ! Dès que j’ai senti que tu étais de retour, je me suis rué jusqu’ici. Deux semaines quand même ! Mais … tu as pleuré tout récemment ?

—  Je viens de perdre mon maître, répondit la jeune femme en se frottant les paupières, qui était aussi mon grand-père.

—  Mince alors ! Je suis … je suis réellement navré, chuchota Milo qui osa prendre instinctivement Iris dans ses bras.

—  Mais ça va aller, assura Iris en se retirant progressivement de l’étreinte. Sibelius m’a donné quelques leçons de vie. Et toi à mes côtés, on va tous les deux remonter la pente. Merci pour ton aide. T’es un véritable ami !

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