Chevalier, mais pas trop ...

Chapitre 30 : UNE BELLE PREUVE D'AMOUR

2407 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 22/05/2024 16:44

Disclaimer : cf. chapitre 1

CHAPITRE 30

UNE BELLE PREUVE D’AMOUR

 

C’était l’effervescence à Rodorio, du moins pour les soldats et les chevaliers. Ce jour-là, deux aspirants chevaliers allaient se battre pour l’armure de bronze de Pégase. En lice, Kasios, un mastodonte, élève de la non moins redoutable chevalier d’argent du Serpent, Shaïna ; et Seiya, une jeune japonais, entraîné lui aussi par une autre femme, Marine, chevalier d’argent de l’Aigle.

 

Par curiosité, Iris était venue assister à la compétition. Et puis au cas où il y aurait un blessé … La jeune femme vit Aioria dans les gradins. Normal : il était présent pour sa douce Marine. Les deux chevaliers étaient très discrets quant à leur relation, contrairement à Milo qui ne détestait pas s’afficher. Le Pope présidait le combat et rappelait aux candidats les règles inhérentes à la chevalerie. Saga était dans son bon jour ; la couleur de ses cheveux en témoignait. Dans les gradins, les paris allaient bon train : beaucoup misaient sur Kasios pour deux raisons : la plus évidente, l’avantage de la force car jamais le moucheron asiatique ne ferait le poids face au bulldozer grec ; la plus sordide : on ne voulait pas qu’un étranger soit chevalier d’Athéna. Européen à la rigueur mais pas asiatique ou toute autre ethnie trop marquée.

 

Le combat s’engagea à la faveur du Grec. Le Japonais ne faisait qu’esquiver à défaut d’attaquer efficacement. Au bout d’une heure, quand tout semblait acquis pour Kasios, l’issue bascula. Seiya trancha net l’oreille de son opposant et profitant de son état de sidération, l’envoya mordre la poussière. Quand la victoire fut officiellement prononcée, Iris sauta dans l’arène pour atténuer la douleur du pauvre mutilé. Elle était malheureusement incapable de réaliser un acte de chirurgie réparatrice. L’armure de Pégase partit donc pour le Japon. Pour Iris, cet épisode apparemment anodin fut le catalyseur d’événements tragiques qui allaient accélérer le cours des choses.

 

L’armure d’Or du Sagittaire était elle aussi au Japon. Et comble de l’offense pour la véritable déesse Athéna, l’armure était devenue le prix du meilleur chevalier de bronze. Un spectacle indigne des vraies valeurs de la chevalerie, mercantile, présidé par une jeune fille milliardaire. Ordre avait donc été donné de récupérer l’armure par tous les moyens. Mais les chevaliers de bronze ne se laissaient pas si facilement écraser. Ensuite, il y eut des doutes sur le passé de la jeune fille, Saori Kido, et son possible lien avec Athéna ce qui entraîna l’envoi des chevaliers d’argent.

 

Non ! La véritable déesse était au Sanctuaire ! Le Pope devenait de plus en plus agité, ses ordres toujours plus violents. Il fallait mater cette rébellion qui compromettait l’intégrité du Sanctuaire ou plutôt, il fallait étouffer le scandale d’il y a treize ans. Après l’envoi de Milo sur l’île d’Andromède, Iris qui ne supportait plus la folie meurtrière de Saga tenta l’impossible.

 

Avant cette épreuve qu’elle redoutait, elle rendit une dernière fois visite à la tombe de Daphné qu’elle avait érigée puisque son corps n’avait jamais été retrouvé, ni celui de Polydeukès d’ailleurs. Pendant trois jours, Iris s’abstint d’avaler toute nourriture, excepté de l’eau, et entra dans une sorte de transe méditative. Aussi, lorsqu’elle se rendit, affaiblie, au palais, en même temps qu’Aioria et Milo, ses deux amis ne manquèrent pas de s’inquiéter de sa mine cadavérique. Elle eut à peine le temps d’entendre que le chevalier du Lion voulait se rendre à Tokyo au grand dam de Milo, qu’elle s’évanouit, rattrapée in extremis par le Scorpion. Ça y est ! C’était prévisible ! Surmenage !

 

Une fois Aioria sorti, le Pope récupéra Iris inconsciente des bras de Milo. Tiens donc ! Plutôt possessif, l’homme ! Cette attitude lui rappela vaguement quelqu’un du passé. Pourvu qu’il s’occupe d’elle et qu’elle se remette rapidement.

 

Le Pope appela en urgence l’une de ses caméristes pour la préparation d’une chambre. La femme s’exécuta avec l’aide de ses subalternes. Iris fut déshabillée, revêtue d’une simple tunique et installée dans une chambre qui avait la même superficie que sa propre maison. Aucun médecin à son chevet car le Pope sentait qu’il n’y avait aucune maladie, virus ou infection derrière cet état. Une fois seul avec la moribonde, il mit sa main sur son front ; pas de fièvre. Il prit son pouls ; le rythme était un peu faible. Il souleva ses paupières, examina sa langue ; aucune coloration suspecte. Seules ses cernes sous les yeux trahissaient une extrême fatigue. Il jugea qu’une cure de trois jours minimum de sommeil et d’alimentation équilibrée la remettrait sur pied. Il n’était pas médecin mais se souvenait des recommandations de feu Daphné. C’était la base. Ordre fut donné aux cuisines d’élaborer des repas sains, variés mais adaptés à un estomac en rémission. Il veillerait personnellement à lui donner la becquée.

 

La journée avait passé. A part quelques cuillerées de soupe qu’Iris déglutissait instinctivement, la jeune femme n’avait rien avalé. Au moins, elle se reposait, au calme, dans la chambre où les tentures avaient été tirées. La nuit était tombée. Quelques bougies avaient été allumées pour dispenser l’éclairage minimal pour les déplacements. Le Pope entra dans la chambre et s’assit directement sur le lit, à côté de l’alitée. Il prit sa main dans la sienne. Iris ne réagit pas. Il retira son masque pour porter directement la main à son visage, à ses lèvres. Il l’embrassa fébrilement. Des larmes coulaient.

 

—  Aucune considération pour ton propre bien-être : les autres d’abord. Même si tu ne veux pas le reconnaître, tu es le véritable chevalier des Poissons. Moi je ne mérite même pas l’armure des Gémeaux. Dorénavant, je t’interdirai de mettre les pieds au palais pour t’empêcher de soigner le monstre que je suis devenu. Je ne le mérite pas. Je ne mérite pas tes attentions, ton affection, ton amour. Je ne te mérite pas. Tu ne peux plus rien pour moi.

 

L’homme était profondément sincère dans ses propos. Il était réellement déchiré d’avoir à se séparer de la seule personne qui connaissait son identité et ses exactions et demeurait dans l’ombre pour tenter de le sauver.

 

—  Dès que tu iras mieux et que tu sortiras d’ici, je veillerai personnellement à ce que tu ne puisses plus me voir. Oublie-moi. Tue-moi si tu veux m’aider mais vis normalement.

 

Iris remua légèrement ce qui affola le Pope qui en laissa tomber son masque. Reprenait-elle conscience après lui avoir un peu parlé et l’avoir touchée ? Toujours est-il que la jeune femme ouvrit brusquement les yeux comme si elle sortait d’un cauchemar et regarda fixement le plafond. Le Pope conservait toujours sa main dans la sienne et l’observait en silence, déglutissant bruyamment. Puis tout se déroula très vite.

 

Iris empoigna fermement la main du Pope et tira si fort sur son bras qu’elle le fit basculer par-dessus sa personne. Il se retrouva sur le dos, à côté d’elle, ou plutôt sous elle car elle le chevaucha immédiatement.

 

—  Iris ! paniqua l’homme. Que fais-tu ?

 

Pour toute réponse, il eut droit à une dague pointée d’abord sur sa gorge, dague qu’Iris avait sorti de sous son oreiller. Elle la prit ensuite entre ses dents et s’allongea intégralement sur l’homme en lui maintenant les bras au-dessus de la tête sans connaître de résistance. Elle intensifia son cosmos. Saga sentit l’énergie de la jeune femme : très douce mais étonnamment puissante et surtout invasive, comme si elle cherchait à remplacer le cosmos de l’homme par le sien. Ce qu’elle était effectivement en train de faire : les cheveux argentés d’Iris changèrent progressivement de couleur pour devenir de plus en plus noirs.

 

—  Non ! Non, Iris ! cria Saga qui venait de comprendre les intentions de la jeune femme. Surtout ne … hmmpf !

 

Iris laissa tomber son couteau et boucla les protestations du Pope par un violent baiser qui laissa l’homme étonné mais aussi grisé, complètement impuissant et dénué de toute volonté. Iris stoppa le baiser et reprit sa dague qu’elle planta dans sa propre jugulaire. Le sang dégorgeait abondamment et maculait déjà la tunique que portait Iris qui chevauchait toujours l’homme en lui souriant tendrement.

 

—  J’ai fait le serment que j’allais te guérir ; j’ai réussi !

 

Saga se dégagea violemment.

 

—  Non ! Ce n’est pas ta vie contre la mienne !

 

Le Pope lui arracha la dague du cou ; le flot de sang devint plus abondant, mais Iris s’en fichait. Le mal qui rongeait Saga était désormais en elle et elle allait l’emporter avec sa propre mort. Mais Saga n’était absolument pas résolu à perdre cette femme. Il déchira un bout de sa propre tunique et le noua tant bien que mal autour du cou pour tenter de faire cesser l’hémorragie mais Iris se débattait. Elle luttait, le frappait même avec le peu de forces qui lui restaient pour mener sa mission à bien jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. Saga fit immédiatement un point de compression sur le cou et le banda enfin. L’homme respirait bruyamment et suait à grosses gouttes.

 

La situation était rentrée dans le calme. Le pouls d’Iris battait toujours mais sa chevelure n’avait pas retrouvé sa couleur originale. Elle était souillée mais sauve. Il la serra contre lui, apeuré et tremblant, sur le lit qui était devenu une vraie boucherie. Une fois calmé, il remit son masque. Qu’allait-il faire à présent ? Tout le personnel penserait que ce serait lui le responsable. Aussi, il jugea bon de faire disparaître le mobilier. Iris était lovée contre son torse et maintenue avec son bras gauche ce qui permit à l’homme de former une boule d’énergie et mit le feu à la pièce. Il sortit ensuite rapidement de la pièce avec Iris dans ses bras dans la direction de l’immense bain. Il ne croisa aucun garde mais l’alerte fut vite donnée pour circonscrire les flammes.

 

Le Pope arracha sa longue traîne blanche pour envelopper ultérieurement la blessée. Il entra dans le bain et nettoya de manière rudimentaire la jeune femme qu’il avait déshabillée au préalable. Au vu de la gravité de la situation, il n’avait pas le temps d’admirer le corps dénudé. Ensuite, le Pope sortit du bassin, déposa la jeune femme au sol et l’enveloppa de sa traîne. Le bandage autour du cou n’avait plus trop absorbé de sang preuve que l’hémorragie avait cessé. Déjà un soulagement ! Il l’emmena ensuite dans ses propres quartiers, loin de l’agitation de l’étage inférieur et l’allongea sur son propre lit. Il soupira lourdement.

 

La nuit avait été mouvementée. Le soleil commençait à poindre. Maintenant qu’Iris ne risquait plus rien, à part un brutal changement de personnalité, le Pope se posta sur le balcon duquel il pouvait voir la statue d’Athéna.

 

—  Qu’est-ce que j’ai fait ? Mais qu’est-ce que j’ai fait ?! A cause de moi, elle a failli mourir. Ce n’est pas à elle de payer pour mes crimes. J’accepte mon châtiment mais pas celui de sa mort. Athéna, Iris est digne d’être ton chevalier.

 

Quand l’homme réintégra la chambre, il constata que les cheveux d’Iris avaient retrouvé leur belle couleur argentée. Un faible « merci » passa la barrière de ses lèvres pour s’adresser à Athéna.

 

Le soleil était sur son déclin. Iris se réveilla et grommela. Elle toucha sa gorge et sentit un bandage fait dans les règles de l’art. Elle tenta de se relever mais la tête lui tournait. On toqua à sa porte. Une tête passa timidement. Assurée que la malade était bien réveillée, une camériste entra dans la chambre suivie d’une autre femme.

 

—  Son excellence vous fait porter vos vêtements et votre repas. Avez-vous besoin d’autre chose ?

 

Iris secoua la tête et les deux femmes déposèrent l’une les vêtements sur une chaise, l’autre, le plateau à côté d’Iris avant de s’éclipser. Iris décida d’abord de se requinquer et attaqua le plateau sur lequel se trouvaient une lettre et une autre chose qui lui fit faire un énorme bond dans le passé. Une fois son repas englouti, la jeune femme se vêtit et quitta les lieux sans croiser son « bienfaiteur ». Lorsqu’elle fut chez elle, elle décacheta la lettre qu’elle lut et relut. Elle fut terriblement émue. De plus, la rose rouge, dépourvue d’épines, qu’elle mit dans un vase soliflore confirma le contenu de la missive. Il n’avait pas oublié ! Iris aussi écrivit une lettre. Quatre jours plus tard, elle reçut une réponse positive.

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