Chevalier, mais pas trop ...
Disclaimer : cf. chapitre 1
CHAPITRE 24
LA PROMESSE
Saga était exténué après deux jours sans avoir pu se reposer convenablement. Il avançait, coquille vide, vers ce qu’il pensait être son derniers recours. Etant quasiment chevalier d’or, on le laissa passer toutes les barrières car l’absence de son maître était des plus inquiétantes.
C’est sur le parvis du palais, et non dans la grande salle officielle, que Saga, entouré de deux gardes, rencontra Shion, le Pope, qui vint lui-même à sa rencontre. Le jeune homme s’agenouilla respectueusement devant le représentant d’Athéna et attendit que ce dernier l’autorise à se relever. Derrière un masque qui inspirait néanmoins la crainte, une douce voix s’adressa au futur chevalier après avoir renvoyé les gardes.
— Viens avec moi, Saga. Je sais que tu as beaucoup de questions à me poser.
L’homme se retourna, monta les marches et entra dans le palais, talonné par un Saga qui ne disait mot. Shion pénétra dans une antichambre dans laquelle étaient disposés canapés, fauteuils et même quelques tables garnies de coupes de fruits pour faire patienter plus agréablement les gens qui demandaient audience.
— Tu as l’air à bout. Installe-toi et mange. Je te parlerai quand tu seras mieux disposé et cela passe d’abord par ton estomac.
Saga parut hésiter devant cet homme au ton délibérément paternel. Il pouvait presque le voir sourire s’il ne portait pas ce masque sordide. Et puis … après tout … Saga se jeta sur la première corbeille de fruits à sa portée, engloutissant, sans respect du savoir-vivre, ce qui s’y trouvait : dates, figues, pommes, pêches, cerises, abricots. Une fois rassasié, il se frotta la bouche avec le dos de sa main.
— Ça va un peu mieux ?
Saga hocha la tête.
— Bien ! Allons dans l’autre salle. Et puis autre chose : tu as le droit de parler !
Second hochement. Saga était intimidé, il devait se l’avouer, non seulement l’imposante majesté des lieux mais aussi par la stature du personnage. Polydeukès lui avait déjà décrit les lieux et le chef suprême de la chevalerie. Mais voir tout cela de ses propres yeux était loin de tous les ragots et potins de gardes et hauts gradés. Ce n’est que lorsque Shion s’avança sur le long tapis rouge qui menait directement au trône que Saga fit enfin entendre sa voix :
— Où est Iris ? Que va-t-il lui arriver ?
— Ton amie est dans les souterrains, dans les geôles. Son châtiment lui sera administré dans quelques minutes.
— Son châtiment ?! angoissa Saga.
— Elle l’a choisi elle-même.
Saga ne savait plus s’il devait hurler de colère ou s’inquiéter.
— Laisse-moi t’expliquer. Tu n’es pas sans savoir que malgré le lourd passé d’Ixion et son dernier méfait en date, Iris a tué ce dernier. Cela reste un meurtre. Elle m’a tout raconté dans les moindres détails, sans aucune pression. Et je sais qu’elle a dit la vérité. Une fois que j’ai recueilli ses aveux, je lui ai fait part de la punition qu’elle encourait en lui laissant une alternative. Le crime est passible de la peine de mort malgré le jeune âge de l’assassin ; or, au vu des circonstances et de ce que ton maître a dû t’expliquer sur l’absence du chevalier d’or des Poissons, elle a accepté d’être envoyée en Finlande pendant quelques années pour remplir les rangs après avoir été cependant été châtiée.
Saga digéra les informations tant bien que mal. Lui aussi savait très bien le choix d’Iris : l’exil temporaire. Dix ans dans le meilleur des cas.
— Et c’est quoi, sa punition ?
— Reviens cet après-midi. Je préfère que tu n’y assistes pas. D’ailleurs, Iris m’a bien recommandé de te dire la même chose. Apporte peut-être de quoi la soigner dans les nombreux remèdes que possédait Daphné si tu n’as pas confiance en nos médecins.
Saga fut parcouru par des sueurs froides. Sa colère éclata alors qu’il essuyait quelques larmes.
— Vos bourreaux vont la mutiler ? Elle est déjà muette !
— Calme-toi ! tonna brutalement le Pope. Cette punition doit être dissuasive. Elle ne sera pas mortelle ou handicapante, sinon Iris ne pourrait pas quitter le pays !
Le Pope qui était un ancien chevalier d’or intensifia son cosmos pour bien faire comprendre à Saga qu’il fallait respecter la loi, aussi dure fût-elle. Et pourtant, Shion savait faire preuve d’une grande mansuétude en refusant la peine de mort pour la fillette. C’était néanmoins très dur à accepter du côté de Saga qui se calma immédiatement en sentant l’aura du Pope.
— J’en profite aussi pour te dire que nous ignorons tout de l’endroit où se trouve Polydeukès. Cela fait des heures que je ne ressens plus son cosmos. Mais rassure-toi : dans le pire des cas, tu auras toujours un professeur et tu pourras terminer ta formation. C’est l’un des avantages qu’offre la constellation des Gémeaux, si tu vois ce que je veux dire. Tu n’es pas différent de ton maître. Ce trait est inhérent à tous les chevaliers d’or de ce signe qui se sont succédés.
Saga fut interloqué. Cétait cet avantage, ou selon le jeune homme « cette malédiction », dont il voulait parler à Iris : le secret qui se cache derrière cette armure.
Après quelques minutes d’explications, Saga sortit enfin, tiraillé entre la colère et la résignation. Sur les conseils de Shion, il se précipita dans la maison de Daphné pour y prendre dans une besace quasiment toute la pharmacopée de la défunte. Saga marqua un temps d’arrêt avant de pénétrer sur la scène de crime. Le décor était tel qu’il l’avait quitté il y a deux jours avec Iris, moins le corps d’Ixion. Le sang avait séché et n’était plus qu’une infâme trace tellement oxydée qu’elle se confondait presque avec la couleur du bois; les meubles témoignaient de la lutte qui avait opposé Daphné à son tortionnaire ; et enfin, son regard tomba sur des pétales jaunis, voire brunis pour certains, desséchés et éparpillés sur le sol.
Ce jour qui devait être une fête avait sonné le glas pour tous ceux qu’il aimait. Il tomba au sol, martelant le bois de ses poings en répétant : « Tout ça à cause de quelques fleurs ! » Un événement anodin avait provoqué une catastrophe indescriptible. Lui-même s’en voulait énormément de ne pas avoir voulu ou pu freiner Iris. Il se sentait aussi responsable qu’elle.
Iris. Il devait la voir mais surtout lui apporter des produits dont elle seule saurait quoi faire. Razzia sur tout ce que Daphné avait concocté. Il quitta enfin les lieux et se retourna une dernière fois. Plus jamais de patients dans le petit cabinet ; plus jamais de soins prodigués par l’apprentie herboriste ; plus jamais de repas et conversations dans une ambiance familiale. Cela avait été son refuge pendant quelques années. Saga retourna au palais le cœur gros.
Ce n’est pas le Pope qui l’accueillit à son retour mais deux gardes qui avaient été prévenus de son arrivée. Ils escortèrent le jeune homme vers une partie du palais qui contrastait furieusement avec le luxe des pièces qu’il avait pu voir il y a quelques heures à peine. Il était passé de l’Olympe au royaume d’Hadès. C’était donc là, dans les bas fonds sombres et humides, qu’était retenue une enfant qui n’avait même pas neuf ans ! Il circula dans un dédale de couloirs, tous plus glauques les uns que les autres. De petites cellules dont la seule ouverture sur « l’extérieur » était la porte, se succédaient. Certaines étaient vides, d’autres occupées par des scélérats qui n’attendaient plus aucune salvation, d’où leur posture recroquevillée. C’était de cette façon qu’Athéna, déesse de la justice, punissait tous ceux qui avaient défié son autorité. Avec ce que Saga voyait, Athéna devait être la sœur jumelle de Némésis. D’accord pour punir les criminels, mais il ne fallait pas mettre tout le monde dans le même panier.
— Voilà ! fit un garde pendant que l’autre sortait un énorme trousseau pour ouvrir une porte composée uniquement de lourds barreaux. On va refermer à clef. Appelle-nous quand tu voudras sortir.
La porte claqua lourdement derrière Saga qui entendit les gardes s’éloigner de quelques pas. L’adolescent prit un petit temps d’adaptation visuelle. Une torche surplombait une forme à plat ventre sur une couchette. Le petit corps était recouvert, sur le dos uniquement, d’un linge normalement blanc, mais qui, éclairé par le faisceau orangé, donnait l’impression d’un tissu usagé. Saga déglutit puis se manifesta enfin :
— Iris ? Comment tu vas ?
La forme remua légèrement. Et la télépathie recommença pour la plus grande joie de Saga.
— Saga !! Je pensais ne plus jamais te revoir. Avance que je te voie. J’ai trop mal pour bouger et me lever.
Saga se jeta, à genoux, à côté de la banquette d’où émergeait péniblement le visage de son amie suppliciée. Sa chevelure collait à son visage sous l’effet de la sueur alors qu’on était loin de transpirer à grosses gouttes dans les cachots. Délicatement, Saga dégagea les offensantes mèches afin de retrouver le froid mais doux regard de la petite. Quelle ne fut pas sa surprise de voir des yeux rougis d’avoir abondamment pleuré. Elle avait dû souffrir. Saga craqua et inonda le visage d’Iris et le haut de son crâne de baisers en tâchant de rester digne.
— Je m’en veux, Iris ! Je m’en veux tellement de ne pas t’avoir défendue, d’avoir laissé les gardes te…
— Arrête ! Tu as bien fait. C’est moi qui m’en serai voulu si tu avais été renvoyé de la chevalerie, voire pire. Je paie.
— C’est cher payé, je trouve.
Ils s’arrêtèrent de parler. Lui caressait ses cheveux et son visage ; elle tentait douloureusement de lever sa main pour faire de même.
— Qu’est-ce que … qu’est ce qu’ils t’ont fait ? articula péniblement Saga.
— Soulève le drap, soupira Iris, mais doucement.
Le jeune homme s’exécuta. Il aurait mieux fait de ne pas se montrer trop curieux ou de lui obéir, une fois de plus. Sa dignité en prit un coup : Saga pleura. Il mit sa main sur la bouche pour étouffer ses sanglots. Le dos d’Iris était enflé, rougi et lézardé de coups de fouets qui avaient bien pénétré sa chair. Comment pouvait-on ? Iris n’était pas une dangereuse psychopathe ! Pourquoi autant de cruauté ? C’est Ixion qui aurait au moins du subir ce traitement. Saga s’épancha plus bruyamment sur le visage d’Iris qui tenta de le calmer.
— Je n’ai même pas crié ! J’ai juste serré les dents et pleuré.
Fallait-il rire ? Bien sûr qu’elle ne pouvait pas crier ! Iris poursuivit :
— Qu’est-ce qu’il y a dans ton sac ?
Saga sécha ses larmes tant bien que mal.
— C’est le Pope qui m’a recommandé d’apporter des remèdes de … J’ai tout pris. Comme je n’y connais rien …
Iris sourit franchement. Alors le Pope était derrière tout ça. Elle ne pouvait même pas blâmer l’homme car elle comprenait la gravité de son acte. Et Shion avait bel et bien compris ce qui l’avait motivée. Avant le fouet, il lui avait même expliqué, très diplomatiquement ce qui allait se passer. A sa grande surprise, Iris se montra très mature.
— De toute façon, c’est ce que Polydeukès nous avait raconté quand il était venu pour parler de mes pouvoirs. Ben voilà : on y est maintenant.
— Tu estimes que tu es victime d’une malédiction ? demanda le Pope
— Foutaises, oh, pardon !, que ces malédictions. C’est moi qui ai déclenché ce drame : action, réaction.
De sa main, Shion lui avait caressé le visage et s’était encore excusé pour le sort qui lui était réservé.
— Je préfère ça que de ne plus être avec Saga.
Pauvre petite, pensa le Pope. Si elle avait su tout ce qui allait encore lui tomber dessus, elle aurait volontiers reconnu qu’elle était née sous une mauvaise étoile. Il quitta néanmoins la petite sur une note d’espoir.
— Fais-moi voir tout ce que tu as pris. Il me fait une pommade apaisante et cicatrisante.
Embarras de Saga. Il n’y avait rien d’écrit sur les pots.
— T’en fais pas. Je vais te guider. Trouve un pot, assez gros, type pot de miel.
Saga commença à faire le tri et sélectionna six pots d’un gabarit assez raisonnable qu’il présenta un à un à Iris.
— Le contenu est de couleur jaune pâle.
— On ne voit rien avec cette lumière. Jaune, beige, orange, je ne fais pas la différence.
— Je vais sentir alors.
— Tu es sûre de toi ? C’est quand même dangereux.
— Je gère. Allez ! Fais-moi sentir le premier… Non … c’est vraiment trop fort ! Suivant… Encore… Non… Aucun parfum … L’autre … Remets-le … Oui ! C’est celui-là ! Aucun doute !
— Et je dois faire quoi, maintenant ?
— Tu joues les infirmiers. Tu vas étaler ce baume sur mes plaies. Mais nettoie tes mains avant.
— Mais tes plaies sont à vif ! s’alarma Saga.
— Tu iras doucement. Ça ne peut pas être pire que les brûlures du fouet, rassura Iris.
Saga soupira lourdement. Il se saisit du drap, sceptique, pour se nettoyer les mains, mit une petite quantité de baume sur le bout des doigts, inspira profondément et, tout tremblant, attaqua la plus petite cicatrice parmi la vingtaine qu’il pouvait dénombrer.
— Alors ? Tu y vas, oui ou non ?
— Mais j’y suis ! J’y suis ! Tu ne sens donc rien ? On t’a anesthésié ?
— Alors c’est que tu es vraiment très doué ! Je n’ai absolument pas mal. Je ne ressens rien à part un peu la chaleur de tes doigts et le petit mouvement circulaire.
Encouragé par ses compliments, Saga continua à administrer ses soins, sans être grisé, sans précipitation. La conversation reprit mais sur un autre sujet.
— Tu as vu Polydeukès ?
— Plus depuis deux jours.
— Il est où ?
— Même le Pope ne le sait pas. Il a perdu toute trace de son cosmos.
— C’est pas bon du tout. Et … Daphné ?
— Je suppose qu’elle doit être avec lui.
Les deux se turent. Tacitement, ils étaient arrivés à la même conclusion. Conclusion triste évidemment.
— Mais … comment tu vas faire pour t’entraîner ?
— Quelqu’un va déjà remplacer mon maître.
Iris réfléchit intensément. Seul un chevalier d’or pouvait dispenser ses cours à son successeur. Avec ce qu’on lui avait fait comprendre sur le cas Sibelius, elle savait que chacun était unique. Jamais elle n’avait entendu parler de professeur de substitution. Ou alors, il y avait une exception à la règle. Les Gémeaux … signe double …
— Est-ce que le Pope t’a dit … quand tu partirais ?
Evoquer cette séparation était particulièrement pénible mais il fallait s’y préparer puisqu’elle était inéluctable.
— Pas avant que je sois remise sur pied, je pense. On ne va pas envoyer une personne infectée en Finlande en prenant le risque que je développe une septicémie. Ah ! Si Daphné m’entendait parler !
— Elle serait fière de toi, sans aucun doute !
— Elle me manque déjà, Saga !
Iris fut prise de soubresauts. Elle réalisait enfin l’absence de sa mère adoptive.
— Je vais aller dans un pays que je ne connais pas, dont je ne parle pas la langue, avec un vieillard qui va m’enseigner des trucs qui ne me serviront jamais, qui va ma faire subir le même genre d’entraînement que toi. Et personne pour me soigner, me faire la cuisine …
— Ça va être dur mais tu es une battante, tenta d’abord de se convaincre Saga. Tu vas revenir avec l’armure, dont tu n’as rien à faire, je sais !, mais dis-toi que plus vite tu apprendras, plus vite tu rentreras. Je serai là. Je t’attendrai, je te le promets. Même si tu portes un masque, tu seras toujours mon Iris.
— Les chevaliers peuvent sortir entre eux ?
Saga qui laissait le dos de l’alitée à l’air libre tout en rangeant son pot fut interloqué par la question et son cœur se mit à battre plus rapidement.
— Je n’en sais strictement rien. Pourquoi cette drôle de question ? Je n’ai pas l’impression qu’il y ait des interdits. Pour l’instant, pense surtout à guérir, conclut le jeune homme en déposant un baiser sur le front d’Iris.
— Tu dois y aller ?
— Oui, mais je reviendrai demain, à la même heure.
Saga héla les gardes qui le firent sortir de la cellule et le reconduisirent vers la « surface ». Des chevaliers qui sortent ensemble, ont une vie de couple ? Alors Iris était sans aucun doute sur la même longueur d’ondes que lui et restait positive.
Les quatre jours qui suivirent observaient toujours le même rituel. Iris pouvait même un peu plus se mouvoir. Elle racontait à Saga son quotidien d’incarcérée qui, au final, se déroulait plutôt bien. Les gardes ne lui parlaient pas beaucoup mais n’étaient pas désagréables ; elle mangeait correctement même si ça ne valait pas la cuisine de Daphné. Il lui manquait toutefois la lumière du soleil même si elle ne supportait pas vraiment la chaleur de l’été. Si ça n’avait pas été pour les repas et les soins de Saga, elle n’aurait plus eu de notion du temps. C’est ce dernier point qui l’embêtait et qui commençait à la rendre folle, elle qui avait toujours été une pile électrique. Vivre dans une cellule de la taille d’une chambre sans avoir la possibilité d’en sortir quand bon lui semble devenait insupportable. Peu importe si elle courait sous la pluie, pourvu qu’elle puisse mettre le nez dehors. Elle avait une idée du temps qu’il pouvait faire en voyant Saga. La veille, il était arrivé trempé. Aujourd’hui n’était guère mieux. Encore deux jours de fortes pluies et d’orages avait-on prévu, avant de retrouver un temps ensoleillé avec des températures dignes de l’été grec.
Alors qu’elle dormait bercée par les vibrations dues aux orages, elle se réveilla brutalement à cause de l’agitation inhabituelle dans les geôles. Un nouveau venu ? Quand un garde ouvrit la porte de sa cellule, Iris comprit. Elle allait quitter les lieux … mais rien ne disait qu’elle allait se laisser faire bien tranquillement. Elle retarderait l’inéluctable autant qu’elle le pourrait … sans commettre un autre meurtre.
Iris se releva de sa couchette avant même que l’un des trois gardes puisse lui donner d’ordre. Plutôt docile la jeune délinquante ! Le temps de s’étirer, de mettre ses sandales, de passer au petit coin qui laissait juste ce qu’il fallait d’intimité et la voilà entourée par le trio armé. Et puis … la fuite en avant ! Elle devança les trois hommes qui ne purent se saisir d’elle. Aussi vive qu’une anguille ! Mais où se diriger ? Où était la sortie ? Iris risquait de tourner en rond et de retomber sur ses geôliers. Elle enchaînait les couloirs, elle entendait les gardiens hurler après elle et ameuter le reste de leur cohorte. On l’attendrait de pied ferme à la sortie. Tout était bien gardé, il ne fallait pas se leurrer. Si seulement elle pouvait se déplacer à la vitesse de la lumière de manière consciente et pas accidentellement comme c’était déjà arrivé deux fois.
Les cris des gardes résonnaient et semblaient se rapprocher. Pas le temps de réfléchir à la façon de déclencher son cosmos dans une situation de stress. Tiens ! Des escaliers ! Ça s’annonçait plutôt bien ! Au moment où son pied allait se poser sur la première marche, une voix grave la surprit :
— Fini de jouer !
Un coup sur la nuque. Elle ne l’avait pas vu venir. Avant de s’évanouir, elle projeta le nom de celui qu’elle voulait tant revoir.
Saga se releva en sueur de son lit. Ce n’était pas un cauchemar. C’était tellement vrai qu’il en avait la chair de poule. Dans son rêve « éveillé », il avait entendu, à défaut de la voir, Iris l’appeler de toutes ses forces, comme ce fameux soir où son amie l’avait sorti du lit en « criant » tellement fort qu’elle avait failli lui faire exploser le cerveau. Elle pouvait le faire ! C’était très sérieux ! C’était maintenant qu’elle partait. Vite ! Direction l’embarcadère, la jetée ! Il tâcherait de l’en empêcher.
Saga se déplaça à la vitesse de la lumière jusqu’au point de non retour. Il pleuvait averse ; le ciel gris, presque noir, était zébré de quelques éclairs. Pour couronner le tout, le vent soufflait fort. C’était une atmosphère des plus grands naufrages portés à l’écran, sauf que cette fois, Saga était confronté au pire. Le pire était de voir s’éloigner à une vingtaine de mètres de l’embarcadère, une barque secouée par la houle, dans laquelle il pouvait distinguer deux figures adultes et une plus petite assise entre les deux. La frêle embarcation se dirigeait vers un navire imposant qui mouillait en pleine mer. Saga s’arrêta net quand il réalisa la situation.
— Iriiiis ! hurla-t-il alors que le tonnerre couvrait sa voix.
La petite forme réagit et se retourna dans la direction dans laquelle elle avait cru déceler la présence tant souhaitée.
— Saga !! C’est toi ?!
Puis, elle vit une personne plonger dans la mer agitée.
— Non, Saga ! Tu n’y arriveras pas ! Tu risques de te noyer !
Saga, la tête hors de l’eau et à bout de souffle, regardait la barque s’éloigner alors qu’il se débattait vainement contre les flots. Il n’y arriverait pas ! Malgré ses pouvoirs, il ne pourrait pas la rattraper.
— Je reviendrai, Saga ! Je te le promets !
— Je t’attendrai tous les jours sur la jetée ! hurla Saga dans un dernier effort avant de perdre l’embarcation de vue.