Chevalier, mais pas trop ...

Chapitre 20 : CLIFFHANGER

2287 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 13/03/2024 14:16

Disclaimer : cf. chapitre 1

CHAPITRE 20

CLIFFHANGER


 

         Elle l’avait eu ! Malgré ses protestations, il ne rechignerait pas quand elle viendrait le chercher. Les hommes ! Incapables de résister aux femmes. Elle en connaissait un autre du même acabit. Ils avaient beau être forts, courageux et fiers, ils étaient complètement désarmés devant une femme qui pleurait ou qui était sur le point de fondre en larmes. Cette fois, en revanche, elle avait mis pas mal de temps à le faire plier: si elle avait triomphé de Saga, c’était à l’usure. Elle avait bien cru ne jamais y arriver.


         Les aiguilles de son réveil n’avançaient pas ! Cela faisait plus de deux heures qu’elle avait fait semblant d’aller se coucher. Daphné n’avait heureusement rien remarqué de suspect dans son comportement. La seule remarque qu’elle fit à Iris était : « Ah ! Vous vous êtes encore disputés ! ». A ce moment, Iris avait bien cru que sa mère avait surpris le monologue de Saga. Mais il n’en était rien. La jeune femme ne faisait que taquiner sa fille sachant pertinemment que ce ne serait pas la première ni la dernière fois que le petit binôme s’accrocherait. A en juger par son large sourire, ces petites tensions devaient beaucoup l’amuser. « Un vrai petit couple » l’entendait-elle souvent articuler entre deux rires.


         Malgré son air affable et le sourire qu’elle avait continuellement aux lèvres, Iris sentait que ce n’était qu’une façade et que sa mère devait plus avoir envie de pleurer que rire. Car Daphné devait souffrir de ne pas pouvoir vivre avec un homme. Non ! Pas UN homme ! Pas n’importe lequel ! SON Polydeukès. Iris les avait déjà surpris en train de s’embrasser. Cela ne l’aurait donc pas choquée de les voir vivre définitivement ensemble. Mais ni Saga, ni elle ne surent jamais pourquoi ce vœu ne put être exaucé. Peut-être que l’un et l’autre étaient tellement engagés dans leur voie qu’ils n’avaient pas beaucoup de temps à se consacrer. Il valait mieux se voir sporadiquement mais avec toujours autant de plaisir. Alors pourquoi tant de mélancolie chez Daphné ?


         Iris passa son temps jusqu’à l’heure H à se focaliser sur sa mère adoptive. Elle se demandait ce qu’elle serait devenue sans elle. Morte, certainement, foudroyée sous l’arbre qui l’avait vu naître ; morte de froid à cause de la pluie ; ou bien, vivante, élevée par un fauve comme Romulus et Rémus jusqu’à ce qu’un Faustulus la trouve. Sans l’arrivée inopinée de Saga, elle n’aurait jamais pu être confiée aux soins de la jeune femme. Tout ce petit monde ne formait peut-être pas une famille dans la norme mais Iris n’avait manqué de rien. Daphné savait être à la fois autoritaire comme un père l’aurait été, malgré son air fragile (ce qui surprenait toujours) et douce et réconfortante comme une véritable mère poule. Endosser les deux casquettes ne devait pas être facile tous les jours !


         Même l’éducation d’Iris n’avait pas souffert, ni son instruction d’ailleurs. Bien que non scolarisée, Daphné s’était pris le temps de lui apprendre à lire, écrire et compter. Elle n’avait donc pas de retard sur les autres enfants de son âge et elle éprouvait un réel intérêt pour la médecine … parallèle. Et cela, à force de traîner dans les pieds de sa mère lorsqu’elle mettait de l’ordre dans son cabinet et qu’elle le nettoyait. L’environnement dans lequel baignait Iris était certes iconoclaste mais très riche et stimulant intellectuellement. Et tous les produits utilisés, baumes, onguents, cataplasmes et autres remèdes n’auraient bientôt plus aucun secret pour elle puisqu’elle s’était mis en tête de l’aider et de lui succéder. Ainsi, le savoir de Daphné ne disparaîtrait pas avec elle : Iris les utiliserait en y ajoutant ses propres capacités. Mais pourquoi parlait-elle de la disparition de Daphné. Ce n’était pas du tout le moment : elle allait avoir un an de plus dans quelques heures, mais cela ne signifiait pas qu’elle avait déjà un pied dans la tombe !


         Iris regarda à nouveau son réveil. Bien qu’il restât encore un quart d’heure avant le début des opérations, elle décida de se lever. A quoi bon remuer dans tous les sens quand elle risquait seulement de réveiller Daphné avec le brouhaha qu’elle engendrait. Elle s’habilla, prit sa corbeille, ouvrit les volets, enjamba la fenêtre et referma les volets derrière elle. Puis, elle se dirigea à la hâte vers la cabine de Saga. En arrivant près de sa fenêtre dont les volets étaient clos, elle put entendre un léger sifflement émis régulièrement. Cela amusa la fillette car au lieu de ronfler comme elle s’y était attendue, Saga sifflait ce qui signifiait qu’il dormait comme un bienheureux. Le réveiller allait être très commode : la cabine de son maître jouxtait la sienne. Elle ne pouvait donc pas se permettre de gratter ou frapper aux volets. Un chevalier a toujours les sens en éveil, et a fortiori un chevalier d’or ! Peut-être qu’avec un peu de chance, la porte principale serait ouverte. Iris contourna la petite demeure pour se retrouver face à une porte bien fermée. Retour sous la fenêtre. Si elle pouvait entendre les bruits de Saga, cela voulait dire que sa fenêtre était ouverte mais comme elle ne pouvait plus parler ! Les dieux étaient contre elle !


         Iris se résolut à utiliser son système de communication habituelle. Mais est-ce que cela fonctionnerait avec quelqu’un qui était très peu réceptif en ce moment ? C’était la première fois que la question se posait. Pour le salut de son entreprise, il fallait que cela réussisse et surtout le plus vite possible. Elle tenta « d’appeler » Saga comme elle le faisait en temps normal. Les sifflements du garçon étaient toujours réguliers. Iris décida alors d’augmenter sa cosmo-énergie en espérant aussi augmenter le volume de sa voix. Elle l’entendit se retourner et reprendre une respiration régulière. Nouvel échec qui lui en apprenait un peu plus sur ses possibilités. Troisième tentative : cette fois, Iris se concentra plus intensément afin de produire un bruit aussi assourdissant qu’une trompette à proximité de son oreille.


—  Noooon ! Mon crâne va exploser ! C’est insupportable!


Enfin, il s’était réveillé. Mais au prix de quels efforts !


—  Tu en as mis du temps ! Tu as complètement oublié que je venais te chercher ! J’ai été obligée de « crier » pour que tu te réveilles !


Aucune réaction de l’autre côté. Saga devait encore être en léthargie et ne pas bien réaliser qu’il était sorti de son rêve.


—  Ah ! C’est toi, chuchota-t-il, la bouche pâteuse.

—  Bien sûr que c’est moi ! Tu n’as pas reconnu ma voix ?

—  Ta « voix » ?


Saga ouvrit les volets et sauta à travers la fenêtre. Iris se rendit compte qu’elle avait porté un jugement trop hâtif car Saga était déjà vêtu. Il avait dû s’endormir tout habillé. Lorsqu’il répondit à son acolyte, il se prit la tête entre ses propres mains.


—  Ta « voix » ! recommença-t-il plus désagréablement. J’avais l’impression qu’un sifflement strident me vrillait le cerveau ! C’était abominable ! Comme un son qui devient de plus en plus aigu et qui fait non seulement mal aux oreilles mais aussi au crâne. J’ai cru que ma tête allait exploser ! Ne refais PLUS JAMAIS ça !


Iris ne pipa mot après cette explication plutôt inattendue et mit à profit leur temps de course jusqu’à la falaise pour analyser la situation que son ami venait de lui décrire. Si elle souhaitait s’adresser à quelqu’un, elle n’avait aucun effort à fournir. En revanche, pour parler plus fort, augmenter son cosmos ne la faisait pas hurler, comme elle l’aurait supposé, mais émettre un bruit insupportable. Elle devait veiller à l’avenir à ne pas hausser le ton car cela pouvait devenir très dangereux. Il était clair que cette histoire serait une affaire à élucider et qui n’en demeurait pas moins passionnante.


Les deux enfants étaient enfin au pied du Sanctuaire, devant une paroi qui ne permettait plus de voir le palais du Pope et qui se trouvait hors du village et donc à l’abri des regards.


—  Allez ! Prends ton panier et grimpe sur mon dos. Surtout accroche-toi bien et ne regarde pas en bas. Si vraiment tu te sens mal, ferme les yeux : je te préviendrai quand on sera arrivés.

—  Non mais pour qui tu me prends ! Je n’ai pas le vertige ! Mais combien de temps va durer l’escalade.

—  Je dirai environ … un bon quart d’heure, fit Saga en examinant la paroi malgré l’obscurité. Il y a des saillies mais aussi des surfaces plus lisses, surtout vers la fin. Je finirai à la force de mes bras.


Saga semblait bien connaître les environs. C’était le chemin le moins aisé mais le plus sûr pour arriver directement au but. Car passer par les douze maisons des chevaliers d’or n’était pas une sinécure non plus ! Ils n’auraient jamais laissé passer deux gamins, surtout pour un vol dans les jardins ! En levant les yeux, Iris prit conscience de la difficulté et du péril qui attendait Saga : non seulement il devait la porter en ayant très peu d’assurance, mais l’obscurité encore prégnante ne lui permettait pas d’appréhender ses prises au mieux. La fillette finit par hésiter. Etait-ce bien raisonnable, au final ? Est-ce que l’adolescent devait payer le prix de ses caprices ? Que deviendrait-elle s’il lui arrivait malheur ?


—  Bon, alors ? On y va ? Je te rappelle que dans quelques heures, le ciel va commencer à s’éclaircir.


Saga se pencha légèrement vers l’avant et Iris sauta sur ses reins, panier sur sa tête en guise de casque pour que ses deux mains puis serrer fortement le torse du jeune homme. Elle fit de même avec ses jambes en les croisant sous son bas ventre.


—  Gulp ! Vas-y doucement quand même ! Je t’ai demandé de t’accrocher ; pas de m’étouffer ! … Ca va mieux … merci !


Aussitôt sa phrase achevée, Saga fit un bond de plusieurs mètres avec une facilité déconcertante, malgré la charge supplémentaire qu’il avait sur le dos. C’était surprenant ! Il semblait ne pas faire d’efforts : c’était aussi naturel que marcher. De cette manière, il quadrilla la paroi en alternant les points d’appui. A peine arrivait-il sur un petit promontoire qu’il repartait immédiatement. A chaque nouveau saut, Iris sentait ses entrailles se soulever mais elle n’éprouvait aucune nausée. Curieusement, elle se trouvait bien, légère : une espèce de plénitude l’enveloppait : elle volait ! Et la sensation était si intense qu’elle avait laissé les yeux ouverts pour apprécier pleinement la prise d’altitude. La vue du vide, bien qu’encore masquée par l’obscurité, ne l’effrayait pas. Si elle disposait des mêmes pouvoirs que les chevaliers d’or, elle pourrait logiquement réaliser ce genre d’exploits. Elle brûlait d’impatience d’essayer à son tour. Soudain, l’ascension s’arrêta.


—  Ça va se compliquer maintenant. Tu es toujours bien accrochée ?

—  Hmm, hmm !


Saga se mit alors à progresser comme un véritable alpiniste mais sans équipement de sécurité. En fait, cela relevait plus de la cascade que du guide de haute montagne. Il grimpait doucement mais avec beaucoup de précautions, en vérifiant méticuleusement la facilité d’accès de ses prises et leur solidité. Pendant toute la montée, Iris n’émit pas un seul bruit, pas une parole, pas un son afin de ne pas faire perdre la concentration de sa monture. Ils étaient trop proches du but pour risquer un stupide accident. Au fur et à mesure qu’ils s’approchaient, elle sentait les muscles de Saga se contracter sous l’effort et sa respiration s’accélérer. Puis cette dernière se relâcha.


Laisser un commentaire ?