Chevalier, mais pas trop ...

Chapitre 14 : LE PREMIER JOUR DU RESTE DE SA VIE

1219 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 31/01/2024 12:50

Disclaimer : cf.chapitre 1

CHAPITRE 14

LE PREMIER JOUR DU RESTE DE SA VIE

 

                   Pourquoi ? Pourquoi ne voulait-il pas l’aider ? C’était la seule personne sensée qui pouvait comprendre ce qu’elle ressentait. Et voilà qu’il l’abandonnait, prétextant une déontologie dont elle se fichait éperdument. Elle ne souhaitait pas avoir le même entraînement qu’un chevalier mais simplement bénéficier de quelques rudiments d’autodéfense. Si elle avait exprimé l’espace d’un instant l’idée d’intégrer la caste des femmes chevaliers, c’était uniquement pour que Polydeukès la prenne au sérieux. Là aussi, elle venait d’essuyer un cuisant échec. Comment faire pour s’armer contre ce qu’allait lui réserver l’extérieur ? Iris balaya la pièce principale du regard : Daphné s’était redressée et Saga avait séché ses larmes. Saga ! Voilà la solution ! Si son maître refusait de l’aider, lui, au contraire, accepterait sans hésiter.


—  Eh ! Oh ! Pourquoi tu me regardes comme ça ? Non … Iris … ne me demande pas de faire ça. Je risque très gros, moi ! Si Polydeukès apprend que je t’entraîne en cachette, je risque d’être radié immédiatement. De plus, je ne suis pas assez qualifié pour t’entraîner ou te donner quelques leçons. Et puis, l’idée que je puisse te blesser ne m’enchante pas du tout.


Saga recula instinctivement, comme dégoûté. Iris se rapprocha de lui avec des yeux suppliants, tel un chien quémandant quelque friandise. Il soupira.


—  Et pas la peine de me faire ce regard de chien battu, tu sais. Je ne cèderai pas. Et puis c’est vrai ce qu’il a dit : tout ce que tu risques, c’est de te retrouver en prison, voire pire. Et imagine, si tu es chevalier, je ne pourrai plus voir ton visage à cause de ton masque. Je t’assure qu’il vaut mieux que tu renonces. Son tour viendra. Crois-moi.


Le sol se dérobait sous les pieds de la fillette. Saga avait la fâcheuse habitude d’être l’élève modèle paré de toutes les qualités. Parfois, son excès de zèle insupportait Iris. Ainsi le destin s’acharnait contre elle. La justice devait commencer par châtier ce genre de criminel pour être crédible et instaurer le respect. Sans cela, elle serait constamment bafouée. Si un état n’était plus capable d’assurer la sécurité de ses concitoyens, des mesures radicales seraient alors prises arbitrairement ou bien ce serait l’anarchie qui verrait le jour : chaque être défendrait son propre bien ou son intégrité en faisant lui-même sa loi.


Incomprise mais sûre de ses intentions, Iris se mit à bouder puisqu’elle n’était pas capable de faire autre chose pour le moment. Pour marquer sa résolution, elle s’assit en tailleur devant son auditoire et demeura aussi ferme qu’un roc battu par les flots déchaînés. Quelqu’un cèdera. Forcément. Saga s’approcha et mit sa main sur son épaule, prudemment. Il lui souriait timidement.


—  De toute façon, habillée et « coiffée » comme tu es, tu inspires déjà la peur. Il ne me viendrait absolument pas à l’esprit de m’attaquer à toi.


Et en plus, il se fichait d’elle maintenant ! Non seulement il ne se montrait pas coopératif, mais en plus il ne savait même pas mentir pour apaiser sa douleur. Elle le fusilla de son regard glacial. S’il croyait pouvoir la faire changer d’avis aussi facilement, il se trompait lourdement. Elle était plutôt têtue. Elle avait peut-être perdu une bataille mais une autre idée naquit dans son petit cerveau retors. On lui interdisait de se battre, soit ! Mais il n’était pas explicitement formulé qu’elle ne puisse pas assister à un entraînement. Tout comme elle savait déjà humblement soigner les blessures de Saga en ayant regardé faire Daphné, elle estima qu’elle pouvait apprendre quelques techniques de la même façon. Bien sûr, il faudrait user de discrétion, ce qui n’était pas une de ses principales qualités.

—  Allez ! Arrête de bouder ! Ou plutôt non ! Continue ! Je te retrouve telle que tu étais.


Iris durcit encore son regard et Saga eut un réel mouvement de recul. Il ne savait pas si elle allait mordre ou aboyer. Toujours en maintenant le contact visuel, elle se releva puis se figea. Tout était calme dans la maison. Puis, subitement, Iris se jeta sur Saga qui prit peur mais calma vite ses émotions sous les nombreux baisers dont elle l’inondait. Son sens de l’humour avait fini par la vaincre. Lui aussi la serrait dans ses bras, heureux de la retrouver. En voyant la scène, Daphné s’approcha pour faire du duo un trio.


—  C’est bien, Iris. Je suis fière de toi ! Tu te laisses enfin dire quelque chose. Laisse faire le destin et tâche de reprendre une vie normale.


Je laisserai faire, maman. Mais je suis sûre qu’en lui donnant un petit coup de pouce, il sera encore mieux.


Saga se dégagea de l’étreinte en premier et lui sourit timidement.


—  Alors on se revoit demain ? Comme avant ?


Elle lui rendit son sourire et l’adolescent rentra précipitamment chez lui pour annoncer à son maître qu’elle avait « cédé ». Daphné et Iris restèrent en tête en tête pendant quelques minutes. Puis, sans aucune transition, Daphné s’écria :


—  Si on mangeait ? Toutes ces émotions m’ont mise en appétit ! Pas toi ?


Iris se sentait de taille à avaler un veau. Cela faisait des semaines qu’elle n’avait pas mangé correctement : non pas parce qu’elle se laissait mourir de faim, mais parce qu’elle n’était plus à table où Daphné faisait d’habitude étalage de ses bons petits plats même simples. La vue d’une table gargantuesque lui manquait. En deux temps trois mouvements, Iris avait dressé la table et Daphné préparé le repas du soir. Elles mangèrent comme au bon vieux temps. Une fois le repas avalé, elles firent la vaisselle puis Iris prit sa douche avant de se mettre au lit. Daphné vint dans sa chambre pour la border, chose qu’elle ne faisait que lorsque la petite était malade et lui demanda un ultime service.


—  Si tu souhaites porter ce genre de vêtements plus « seyants », libre à toi. Mais promets-moi de te laisser repousser les cheveux.


Iris acquiesça. Daphné sortit, soulagée, et referma la porte en souhaitant une bonne nuit. Demain serait un autre jour : Iris avait décidé de sortir mais aussi d’entamer une nouvelle vie.


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