Chevalier, mais pas trop ...

Chapitre 10 : UN MALHEUR N'ARRIVE JAMAIS SEUL

1616 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/01/2024 17:09

Disclaimer : cf. chapitre 1

CHAPITRE 10

UN MALHEUR N’ARRIVE JAMAIS SEUL

 

La pluie de la veille avait cessé et les gros nuages noirs qui obscurcissaient le ciel s’étaient dissipés, faisant place à un magnifique ciel orangé qui laissait présager une bonne journée. Tout le monde en avait grand besoin.


Daphné n’avait pas fermé l’œil de la nuit ; tout au plus s’était-elle assoupie quelques minutes : elle avait même pu assister à la relève de Saga et c’était dorénavant son maître qui veillait. La jeune femme était assise sur le lit d’Iris, le dos au mur, les jambes pendant sur le côté. La petite avait posé sa tête sur la cuisse de sa mère adoptive qui faisait du mieux qu’elle pouvait pour la calmer et la rassurer afin qu’elle se repose. Elle lui caressait interminablement les cheveux pour qu’elle sente une présence bienveillante et puisse dormir en paix. Elle ne tremblait déjà plus comme elle le faisait au début mais elle voyait bien qu’elle avait pleuré pendant la nuit.


Pauvre enfant ! Non seulement elle avait été abandonnée par sa mère dans un pays étranger, mais en plus, elle venait de connaître une odieuse agression. Daphné s’en voulait terriblement d’avoir laissé faire cela. Si elle avait rompu plus tôt dès la première gifle qu’Ixion lui avait infligée, et si, et si, et si … Mais le mal était fait et elle se devait, d’une manière ou d’une autre, de réparer ce qui pouvait encore l’être. Il fallait donc porter plainte et lancer un avis de recherche sur l’île du Sanctuaire mais aussi en Grèce, bien que l’île fût indépendante.


Ainsi, si Ixion remettait les pieds sur l’île, Daphné savait que la justice serait sans pitié et qu’elle lui infligerait un châtiment à la hauteur de ses atrocités : la mort. Mais se rendre chez un représentant de la justice était plus facile à dire qu’à faire. Comment évoquer le viol d’Iris sans que toute l’île ne soit au courant dans la journée ? Tant pis ! Il fallait que la vérité éclate sur le compte d’Ixion afin que les insulaires sachent qu’il n’était pas un soldat exemplaire mais plutôt un amateur de tripots doublé d’un malade qui frappe sur tout ce qui bouge. Voilà comment Daphné allait s’y prendre : comme son visage gardait les séquelles de la veille, les gens qui la verraient arriver chez l’édile ne soupçonneraient pas qu’elle viendrait également pour le cas d’Iris qui sera ainsi préservée. La jeune femme ne voulait pas qu’on regarde sa fille comme une bête curieuse lorsqu’elle irait au village et qu’on se retourne sur son passage pour parler derrière son dos.


Iris commençait à s’agiter dans son sommeil : sans doute un cauchemar qui se serait malheureusement produit dans la réalité. Daphné redoubla de caresses quand la petite ouvrit les yeux et se redressa, haletante et en sueur. Elle regardait anxieusement autour d’elle mais sa respiration sembla se calmer dès qu’elle vit la jeune femme. Elle se blottit contre sa poitrine et sanglota. Daphné la serra encore plus fort.


—   Ne t’en fais pas, ma chérie. Il est parti et ne reviendra plus jamais. Nous sommes tous là pout te protéger, Saga, Polydeukès et moi ! Je vais aller chez l’édile pour arranger cette histoire car moi aussi j’ai des comptes à régler.


Iris leva la tête et pris délicatement le visage tuméfié de sa mère entre ses mains. Elle effleura ses blessures et hocha négativement la tête.


—   Je ne comprends pas ce que tu veux dire. Parle.


Iris baissa honteusement la tête. Ses menottes se mirent en mouvement : elle pointa sa gorge et sa bouche de l’index puis agita ce dernier de gauche à droite. Son mime n’était que trop évident mais Daphné voulait être sûre de l’avoir mal interprété. La petite refit les mêmes gestes et la jeune femme fondit en larmes. Le choc de l’agression était tel qu’Iris était devenue muette. Il allait payer !


Daphné tenta de se ressaisir en se disant que le cas d’Iris était connu de la psychiatrie : elle somatisait un choc émotionnellement violent. Certaines personnes peuvent devenir aveugles, d’autres perdre leurs cheveux. Chez Iris, cela se traduisait par une perte momentanée – du moins Daphné l’espérait-elle – de la parole sans qu’il y ait eu destruction ou atrophie d’organe. Tout était intact. Il existait bien un remède : faire subir à la petite un choc de même intensité en la confrontant, d’ici quelques temps, avec le responsable de son mal.


La jeune femme se leva de son lit et lui sortit des vêtements de son placard. La petite la regardait faire mais refusait systématiquement tout ce qu’elle lui présentait, allant même jusqu’à déchirer les habits tendus.


—   Enfin, mon cœur ! Il faut bien que tu t’habilles ! Tu ne vas pas passer le restant de tes jours simplement vêtue d’une serviette ?


Qu’est-ce qui lui prenait ? Etait-elle folle en plus de cela ? Elle restait prostrée sur le lit, entourée de ses vêtements qui formait un tas informe de chiffons. Reproduisait-elle l’horrible scénario de la veille ? Croyant qu’elle avait tout déchiré de rage, Daphné décida de la laisser seule dans sa chambre le temps de se calmer.


—   Ecoute, je vais te laisser seule quelques instants avec Polydeukès et Saga, le temps pour moi d’aller au village et de faire ma déposition. Tu veux bien ? Je te promets de vite revenir.


Iris acquiesça. Daphné sortit de la chambre qu’elle prit soin de fermer pour se retrouver dans la pièce principale. Saga était assis sur une chaise et dormait profondément, avachi sur la table. Polydeukès était installé sur le pas de la porte principale entrouverte.


—   Oh ! Bonjour ! Comment allez-vous toutes les deux ? Vous avez pu vous reposer ?

—   Je n’ai pas vraiment dormi de la nuit mais j’arrive à tenir debout. En revanche, Iris … Iris est devenue muette, annonça Daphné en éclatant en sanglots.

—   Mon dieu ! soupira le chevalier. Il ne manquait plus que ça ! Je partage ta peine.

—   Je te remercie pour ta compassion.

—   Mais au fait, où vas-tu de si bonne heure ?

—   Chez l’édile pour mon rapport. Je compte lancer un avis de recherche ici et en Grèce.

—  Veux-tu que je fasse quelque chose en attendant ? Je peux très bien te préparer un petit déjeuner même si ma réputation de cuisinier n’est pas mondialement connue, ajouta le chevalier qui tentait de détendre un peu l’atmosphère.


Daphné lui sourit. Cet homme était vraiment un ange.


—   J’abuse de ta générosité. Ce serait une injure de refuser un repas préparé des mains d’un chevalier d’or, qui plus est. Ne te presse pas : je reviendrai dans une bonne heure.


Mais le visage du chevalier se renfrogna.


—   C’est tout naturel que je t’aide. Je m’en veux horriblement de ne pas être intervenu à temps pour …, chuchota-t-il en levant sa main pour la déposer sur la joue de la jeune femme, en effleurant la partie qui avait le moins souffert.

—   Chut ! l’interrompit Daphné en lui mettant un doigt sur la bouche. Tu es un chevalier, pas mon garde du corps. Tu as déjà tant fait pour Iris et moi.

Elle le quitta en lui déposant un léger baiser sur la bouche afin de ne pas réveiller une douleur lancinante et se dirigea vers le village. Lorsqu’elle revint après une heure et demie, Polydeukès avait dressé la table de laquelle Saga avait fini par se détacher. Les yeux de l’adolescent étaient embrumés de sommeil mais la perspective d’un bon repas semblait le tirer de sa torpeur. Daphné entra dans la chambre d’Iris qui n’avait pas bougé depuis qu’elle l’avait quittée. Seuls les lambeaux de vêtements avaient disparu, probablement jetés par la fenêtre qu’elle s’était empressée de fermer.


—   Tu vois ! Je suis revenue. Polydeukès et Saga nous ont préparé un bon petit déjeuner. Je sais que tu ne dois pas avoir beaucoup d’appétit mais c’est très mauvais de rester le ventre vide. Et puis, c’est l’occasion de voir si les chevaliers savent manier des ustensiles de cuisine ! plaisanta la jeune femme.


Mais Iris ne remua pas. Daphné était persuadée que sa fille ne sortirait pas de sa chambre, même entourée d’amis. La rebouteuse sortit puis revint quelques instants après avec deux assiettes en main et referma la porte derrière elle.

 

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