Chevalier, mais pas trop ...

Chapitre 2 : QUOI D'NEUF, DOCTEUR?

1053 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2023 15:32

DISCLAIMER : cf. chapitre 1

CHAPITRE 2

QUOI D’NEUF, DOCTEUR ?

 

Une rude journée s’achevait. Daphné pensait sérieusement ouvrir une succursale uniquement consacrée aux chevaliers qui venaient panser leurs blessures. Elle trouvait cela bizarre, d’ailleurs : ces hommes, et quelques rares femmes, disposent d’une grande capacité de récupération. Alors pourquoi une auscultation chez elle ? Elle subodorait plus l’envie d’avoir une quelconque présence féminine, rassurante, à leurs côtés que de se faire soigner.


Elle ne pouvait pas leur en vouloir mais elle aurait préféré qu’ils aillent consulter un véritable praticien ou psy ou assistante sociale. Elle n’était que le rebouteux du village, la « sorcière » aux multiples breuvages, potions ou onguents que Mère Nature mettait à sa disposition. Elle répugnait d’ailleurs à employer d’autres remèdes que les plantes et la parole. C’était souvent ce qui fonctionnait le mieux avec un chevalier.


A ses débuts, elle était considérée comme une illuminée. Par la suite, elle se fondit peu à peu dans la population pour devenir presque aussi célèbre que le Grand Pope. Jamais elle n’avait entendu parler de la chevalerie jusqu’à ce qu’elle mette le pied sur l’île du Sanctuaire, cinq ans auparavant, rejetée par ses pairs détenteurs d’une médecine plus académique.


En se promenant au hasard de sentiers peu fréquentés, elle assistait souvent à de bien curieux spectacles : jets de lumière, falaises qui s’effondrent à la seule force d’un coup de poing, déplacements à une vitesse vertigineuse … Elle croyait être tombée dans un monde surnaturel. Elle s’habituait progressivement même si, au départ, elle avait été terrorisée qu’un être humain pût détenir entre ses mains un tel pouvoir.


Les mois passèrent et elle gagna progressivement la confiance des habitants et de leurs fameux chevaliers, soulagés qu’elle ne fût pas venue sur l’île pour faire d’eux des objets d’étude. Un, en particulier. Il faisait partie du rang le plus élevé de la chevalerie et cherchait son successeur. La première fois qu’elle lui adressa la parole, ce fut plutôt orageux. Il discutait avec un homme, probablement de la même caste que lui. Daphné ne put s’empêcher de laisser traîner ses oreilles et de suivre leur conversation avec le plus grand intérêt. Il parlait de ses attentes concernant son futur disciple, de l’avantage qu’il y avait à former les futurs chevaliers très tôt, de la nécessité d’un entraînement sans pitié et de la juste punition qu’était la mort si l’élève n’avait pas de volonté ou manquait à son serment d’apprenti.


C’est à ce moment que la jeune femme intervint, brutalement, en lui envoyant à la figure sa façon de penser sur ce qu’elle estimait plus être une boucherie qu’un entraînement. Elle s’est arrêtée net, réalisant son intrusion mais surtout consciente qu’elle venait de tenir des propos outrageants envers quelqu’un de bien plus fort qu’elle. Les deux chevaliers tout aussi surpris qu’elle ne soufflèrent mot. Rouge de honte, Daphné courut à perdre haleine rejoindre sa demeure qui lui servait aussi de cabinet.


Après cet incident, le reste de la journée s’écoula normalement, avec son lot quotidien de petits bobos et de blessures plus sérieuses. Le docteur était fatigué et elle pensait pouvoir s’endormir facilement. En réalité, elle éprouvait les plus vives difficultés à trouver le sommeil. Elle se retournait dans son lit dans tous les sens, hantée par l’horrible esclandre du matin. Le visage du chevalier rudoyé lui revenait constamment devant les yeux : grand, large d’épaules, les cheveux courts d’une blondeur éclatante contrastant avec son teint mat, un regard vert perçant et doux à la fois, et surtout son sourire qui la mit encore plus mal à l’aise que s’il avait prononcé une remarque cinglante. Voilà l’idée qu’elle se faisait d’Apollon quand elle était plus jeune, pétrie de tous les mythes qui ont fait la richesse de la civilisation grecque.

Mais à présent, elle avait peur de cet homme. A vrai dire, il s’agissait plus de respect que d’une véritable crainte. Normal : pourquoi éprouver de la peur quand elle n’avait eu aucun mal à faire une leçon de morale au chevalier. Il n’aurait eu qu’à lever le doigt ou froncer ses sourcils pour la réduire en cendres mais il s’était contenter de la dévisager, presqu’autant ahuri de son audace qu’elle l’était elle-même. Il avait néanmoins esquissé un léger sourire ce qui avait achevé de lui faire baisser les yeux.


Elle le revit quelques jours plus tard mais cette fois, par l’intermédiaire du petit disciple qu’il avait trouvé. Ce dernier était superficiellement blessé lors de son premier entraînement mais ses visites devinrent rapidement un petit rituel qui amusait plus la jeune femme qu’il ne l’ennuyait car il lui permettait de revoir Polydeukès parti à la recherche de son élève. Ce dernier s’appelait Saga et était d’origine grecque. Ce petit bout de chou était âgé de quatre ans. Ses cheveux azur lui tombaient sur les épaules et ses yeux bleus aux reflets verts étaient semblables aux fonds marins de la Méditerranée. Son regard marquait une évidente détermination doublée d’une incroyable douceur et pureté. Mais il y avait quelque chose de plus profond, quelque chose d’insondable qui semblait présager un destin tragique. Jamais elle n’avait ressenti autant d’émotion, pas même chez Polydeukès.

Saga venait souvent lui rendre visite que ce soit sur un plan purement médical ou affectif ce qui avait le don de faire douter son maître du choix qu’il avait fait en le désignant comme son successeur. Mais ce soir-là, la venue de l’apprenti allait changer le cours de l’existence de la jeune femme.

 


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