Woes Chapter

Chapitre 34 : Contre les Aléas cycloniques de la première Ceinture.

10134 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/03/2023 11:37

Chapitre 34 : Contre les Aléas cycloniques de la première Ceinture.


 La bourrasque déposa Ryufeng et ses compagnons sur un domaine régi par les vents. Le ciel était menaçant, les rafales irrégulières et imprévisibles. Au loin, les chevaliers pouvaient apercevoir des tornades ou des ouragans impénétrables.

— Ça ne va pas être facile de progresser, nota Seiya, chevalier d'or du Sagittaire.

Ryufeng pointa du doigt les six plus grosses dépressions venteuses, visibles de loin, et une septième, encore plus importante, diamétralement opposée à l'endroit où ils se trouvaient.

— Il y a trois ouragans à l'Ouest d'ici et trois typhons vers l'Est, déclara le jeune garçon. Vous voyez comme ils sont liés au cyclone central ? L'emplacement du Spéos de Kataigída correspond à cet énorme cyclone.

Les membres du contingent purent observer effectivement que des couloirs de vent communiquaient entre le cyclone principal et ses six succursales.

— Je sens que les six Aléas majeurs restants ont élevé une barrière entre nous et leur Calamité.

— Alors nous devons aller vaincre chacun de ces six Aléas pour te permettre d'affronter Kataigída, affirma Marine de Cetus.

— J'ai bien peur que vous ne puissiez pas l'éviter en effet, déplora Ryufeng.

Shôko lui mit une main sur l'épaule, se voulant rassurante.

— Nous allons tout faire pour t'ouvrir la voie. Quoi qu'il en coûte !

— C'est bien ce qui m'inquiète…

Seiya s'approcha de lui.

— Écoute, Ryufeng. À travers les âges, de nombreux chevaliers n'étaient pas plus âgés que toi avant d'être confrontés aux horreurs du combat, à la possibilité de mourir ou celle de perdre ses compagnons. Chacun d'eux a dû se faire confiance ainsi qu'à ses frères et sœurs d'armes. La vie de chacun d'entre nous est entre ses propres mains. Tu te dois de croire en nous. Notre mission est de te permettre d'atteindre ton adversaire. Si nous y parvenons, notre avenir sera entre tes doigts et ce sera alors à nous de croire en toi.

Ryufeng regarda le Saint d'or du Sagittaire, l'un des compagnons de son père, et acquiesça gravement.

— Alors en avant, dit Marine. Séparons-nous en deux groupes. L'un ira vers l'Est, l'autre vers l'Ouest. Au fur et à mesure de notre progression, certains affronteront les Aléas majeurs tandis que le reste du groupe continuera d'avancer. Ainsi, nous devrions pouvoir faire disparaître la barrière autour du Spéos et te laisser y entrer.

Une vague d'assentiment anima le contingent et les deux groupes s'apprêtèrent à se séparer. Mais quand ils furent sur le point de se quitter, une quintuple tornade se forma autour des chevaliers. Ils se retrouvèrent au centre d'un tourbillon de vent de force cinq infranchissable.

— Vous ressentez ces cosmos ? Hurla Paco, chevalier d'argent de l'Aigle pour couvrir le bruit assourdissant.

— Oui ! Lui répondit Tania, Saintia d'argent de la Flèche, sur le même ton. Des Aléas mineurs ! Ils se sont unis pour nous barrer le chemin !

— Ils sont rapides ceux-là. Leurs trajectoires dans la tornade s'entrecroisent sans cesse. Il faudrait pouvoir les attaquer tous en même temps ! Fit Seiya, chevalier d'or du Sagittaire.

— Alors une attaque généralisée est de mise ! Décida Marine, femme chevalier d'or de Cetus.

Shôko, Saintia d'argent du Centaure, Kôga, chevalier de bronze de Pégase et Cyllare, chevalier de bronze du Petit Cheval comprirent aussitôt. Ils se mirent en position, formant avec les deux chevaliers d'or un pentagramme.

— En même temps ! Ordonna Seiya. Sagittarius Ryusei Ken ! [Les poings météores du Sagittaire]

— Cetus Ryusei Ken ! [Les poings météores de la baleine]

— Centaurus Ryusei Ken ! [Les poings météores du centaure]

— Pegasus Ryusei Ken ! [Les poings météores de Pégase]

— Equuleus Ryusei Ken ! [Les poings météores du petit cheval]

Les cinq attaques multiples balayèrent l'intérieur du tourbillon dans son intégralité et fauchèrent les cinq Aléas mineurs qui l'avaient généré. La tornade s'évanouit aussi subitement qu'elle avait été formée et les cinq cadavres s'écrasèrent lourdement sur le sol, vaincus.

— Nous pouvons y aller maintenant, déclara Valistra, la Saintia d'ébène du Sagittaire noir. Mais attendons-nous à d'autres tentatives de retardement de ce genre.

Mira, chevalier d'ébène de Cetus et alter ego de Marine, opina.

— Restons vigilants, confirma-t-il avant que les groupes ne se séparent pour de bon.


**


Ryufeng accompagna le groupe de Seiya. Le chevalier d'or du Sagittaire avait décidé de veiller personnellement sur le fils de son demi-frère, au prix de sa vie s'il le fallait. Nonobstant son statut de Pic, il devait bien ça au plus jeune enfant de celui qui lui avait sauvé la vie dès le tournoi galactique bien des années plus tôt. Prenant la direction de l'Est, ils se dirigèrent vers le premier typhon. Un groupe d'Aléas mineurs les attaqua. De suite, les chevaliers de laiton se portèrent en avant.

— Nous nous chargeons d'eux, annonça Irénée du Drapeau.

Elle fila en direction des Aléas, accompagnée de Gust du Coq, Adelin de Ceneus et Mayumi de la Flèche Australe. Valistra vérifia que les chevaliers de suie suivaient bien leurs protégés. Quand elle s'en fut assurée, elle rattrapa Seiya et les autres.

— Mortal Centauromachy ! [Centauromachie mortelle] Hurla Adelin dès qu'ils furent au contact avec les Aléas.

— Rooster Spur ! [Ergot du coq] lança Gust

— Arrows Rain ! [Pluie de flèches] Clama Mayumi.

— Flag Thwack ! [Claquement du drapeau] cria Irénée.

Le combat qui suivit fut âpre et létal. Seuls Irénée et Adelin s'en sortirent vivants. Fidèles à leur serment, les chevaliers noirs avaient essuyé nombre d'attaques avant de succomber à leurs blessures. Se soutenant l'un l'autre pour avancer malgré tout, les deux chevaliers de laiton, bien que victorieux, connurent l'amère sensation de défaite qui accompagne un succès entaché de pertes irremplaçables.


**


De leur côté, le groupe mené par Seiya était parvenu au premier typhon. Les chevaliers pouvaient sentir la puissance déchirante des bourrasques que certains d'entre eux devraient pénétrer afin de défaire l'ennemi qui y résidait. Shôko du Centaure et Tania de la Flèche se portèrent volontaires. Les deux Saintias d'argent ne purent dissuader Cyllare du Petit Cheval et Imany du Petit Chien de les accompagner.

— Si l'Aléa majeur est entouré d'Aléas mineurs, nous nous chargerons des subalternes, expliqua Imany. Vous serez bien trop occupées. Faites-nous confiance.

Non sans leur avoir souhaités bonne chance, Seiya et ses compagnons poursuivirent en direction du deuxième typhon tandis que Shôko et les siens entraient dans le premier. Les quatre chevaliers sacrés et leurs alter egos furent surpris de la facilité avec laquelle ils traversèrent la barrière tourbillonnante. Ils parvinrent dans une vaste zone dénuée même de la moindre brise. Ils regardèrent autour d'eux. Une silhouette en tailleur les fixait intensément. Silencieusement, il pointa un doigt vers eux.

— Un, deux, trois, quatre… compta-t-il méthodiquement. Cinq, six, sept, huit. Huit chevaliers contre moi ? N'est-ce pas un peu désavantageux ?

La pression qu'exerçait son cosmos donnait des acouphènes à Shôko et les mains portées aux oreilles de ses compagnons lui indiquaient que la gêne était partagée. D'un geste de sa main, l'Aléa majeur projeta une bourrasque qui envoya les chevaliers contre le mur de vent. La vitesse du tourbillon fit vibrer les armures, au point de fissurer celles de bronze et de cendre.

— Seulement huit, déplora-t-il en secouant lentement la tête. Désavantageux effectivement… pour vous.

Il leva la deuxième main et une nouvelle rafale les plaqua tous les huit contre la barrière tourbillonnante. Les alter egos d'Imany et Cyllare s'intercalèrent laborieusement entre leurs protégés et les vents destructeurs. Ils réussirent à repousser les chevaliers de bronze mais leurs corps furent emportés et disloqués. De colère, le chevalier du Petit Chien attaqua, accompagné du Saint du Petit Cheval.

— Equuleus Ryusei Ken ! [Poings météores du petit cheval]

— Hunting Dog Jump ! [Saut du chien en chasse]

Leurs poings furent arrêtés par un doigt de chaque main de l'Aléa qui bailla.

— Ce n'est pas à ton goût ? Rugit Cyllare. Reçois mon ultime attaque : Equuleus Shinsei Ken ! [Poing nova du petit cheval]

— Gronde mon cosmos, clama Imany. Canine Jaw Grip ! [Étau de la mâchoire canine]

Les deux chevaliers de bronze déclenchèrent leur plus puissante technique, au paroxysme de leur cosmo-énergie. Une lueur d'intérêt s'alluma dans les yeux de l'Aléa… mais s'éteignit aussi sec lorsqu'il s'aperçut qu'il pouvait arrêter leurs coups sans effort. Shôko voulut intervenir mais Tania la retint. La Saintia de la Flèche lui fit signe d'observer. Les chevaliers de bronze mettaient en réalité tout en œuvre pour leur permettre de sonder leur adversaire. De leur côté, les chevaliers de charbon étaient concentrés à l'extrême, analysant la moindre réaction de l'Aléa majeur. La Saintia du Centaure n'était pas emballée par cette façon de faire, mais elle convint que c'était peut être leur seule façon de survivre au combat qui s'ensuivrait immanquablement. Le mouvement de l'Aléa aurait été imperceptible sans la focalisation rendue possible par les jeunes Saints. Malheureusement, ils en payèrent le prix.

— Scything Blast ! [Rafale faucheuse]

Une bourrasque jaillit des deux mains de l'Aléa et prit la forme d'une faux. L'arme vaporeuse s'abattit sur les deux chevaliers de bronze.

— Centaurus Ryusei Ken ! Fit Shôko en toute hâte, tentant de dévier l'attaque ennemie.

Mais elle ne fut pas assez rapide. Les deux garçons s'effondrèrent.

— Melanos Fotia Roufihtra ! [Le tourbillon de flammes noires] lança la Saintia de charbon du Centaure noir.

L'agressivité de l'attaque et son intensité forcèrent l'Aléa majeur à reculer.

— Obsidian Arrow Plume ! [Panache de la Flèche d'obsidienne] fit le chevalier noir de la Flèche.

Cette fois, l'Aléa majeur s'éloigna pour de bon de ses victimes. Tania se précipita à leurs côtés, mais s'aperçut bien vite que plus rien ne pouvait être fait pour eux. Elle mua sa tristesse en haine lorsque leur adversaire éclata d'un rire sardonique.

— Qui es-tu ? Demanda-t-elle avec hargne. Je veux savoir à qui nous avons affaire avant de te renvoyer dans l'oubli d'où tu viens !

— Dans l'oubli ? Mais, petite Saintia d'argent, le cyclone que j'incarne n'a pas été oublié, s'amusa l'Aléa. Je suis le cyclone Gorki et plus de cent-trente-mille morts et dix millions de réfugiés se souviennent de moi.

— Ne perds pas ton temps, fit Shôko à Tania, vainquons-le sans plus tarder et vengeons nos camarades. Centaurus Ryusei Ken !

— Scything Blast ! Répondit son adversaire en annulant tous les poings météores de la Saintia du Centaure.

Shôko grogna. Tania et elle concentrèrent leur cosmos.

— Centaurus Suisei Ken ! [Poing comète du Centaure]

— Phantom Arrow ! [Flèches fantômes]

Les flèches illusoires de Tania dissimulèrent la comète de Shôko. L'Aléa contra le coup d'une main.

— Vous n'avez rien de plus à m'opposer ? S'enquit-il, déçu.

Il s'apprêta à relancer son attaque lorsqu'il aperçut une flèche d'argent plantée au milieu de sa main, s'enfonçant dans son avant bras.

— Comment ?

— Il y a toujours une vraie flèche parmi mes flèches fantômes. En bloquant le coup de Shôko, tu n'as pas pu éviter ma véritable offensive.

Son bras maintenant inutilisable, l'intérêt dans les yeux de Gorki se transforma en colère.

— Comment osez-vous !

Son cosmos enfla.

— Scything Whirlwind ! [Tourbillon de vent faucheur]

— Attention ! Firent la Saintia de charbon du Centaure noir et le chevalier de charbon de la Flèche noire.

La technique terrifiante de l'Aléa majeur les percuta de plein fouet, emportant les corps des deux chevaliers noirs qui s'étaient interposés, tailladant leurs chairs dans tous les sens. Les deux alter egos retombèrent lourdement, ensanglantés. Tania et Shôko se précipitèrent pour vérifier leur état. Ils n'étaient pas morts, mais grièvement blessés.

— Tenez bon, encouragea Shôko.

Les deux Saintias d'argent n'attendirent pas plus pour contre-attaquer.

— Fotia Roufihtra ! [Tourbillon de flammes] lança la Saintia du Centaure, reprenant la technique de son prédécesseur, Babel.

— Hunting Arrow Express ! [Flèches de chasse express] fit Tania, ses flèches à tête chercheuse se mêlant aux flammes de son amie pour se ficher dans le corps de Gorki.

L'Aléa majeur vacilla sous la puissance des deux attaques. Sa protection se fendit et il gronda. La pression atmosphérique autour d'eux changea radicalement. Tous les organes des deux Saintias semblèrent atteints d'un mal-être perturbant, comme si une force insidieuse tournoyait en eux.

— Fini de jouer, petites. Vous ne m'amusez plus.

Le typhon tout autour d'eux frémit et se disloqua, toute sa puissance réinvestissant le cosmos de son propriétaire. Shôko et Tania se préparèrent, paroxysmant leurs propres cosmo-énergies.

— Scything Typhoon ! [Typhon faucheur] hurla Gorki en déchaînant toute sa puissance contre les deux Saintias.

— Rotary Arrow Compound ! [Composé de flèches rotatif] cria Tania en décochant des centaines de projectiles qui s'assemblèrent en une flèche géante, laquelle se mit à tourner sur elle-même en filant vers l'Aléa.

— Flogeroí Strovilizómenoi Meteorítes ! [Météores tourbillonnants enflammés] Clama Shôko en mélangeant sa technique phare à celle des chevaliers du Centaure.

Les trois arcanes s'entrechoquèrent violemment, emportant dans leur déflagration les antagonistes qui furent soufflés. Quand la Saintia noire du Centaure reprit connaissance, ce fut pour constater que son camarade et elle étaient encore en vie, sauvés par ceux là même qu'ils avaient juré de protéger et qui avaient défait leur adversaire en se sacrifiant, inversant les rôles des chevaliers noirs et des chevaliers sacrés. Les Clothes du Centaure et de la Flèche s'étaient reconstituées, rutilantes devant les deux chevaliers de charbon, comme un dernier rempart… ou un ultime adieu.


**


Dans le premier ouragan de l'Ouest, l'Aléa majeur du cyclone du Bengale tressaillit lorsqu'il ressentit la désincarnation de son petit frère Gorki. Face à lui, Paco de l'Aigle et Albio du Cocher eurent un instant de flottement en ressentant l'extinction de leurs consœurs d'argent. Le Saint d'argent de l'Aigle se reprit plus vite que l'Aléa de la perte qu'il venait de déplorer. Les larmes de ses yeux scintillèrent lorsqu'il fusa vers son ennemi :

— Eagle Talon Flash ! [Les serres de l'aigle rapide]

Il crut qu'il avait touché Bengale car celui-ci se recroquevilla au moment de l'impact. Mais la détresse haineuse de l'Aléa majeur explosa.

— Vous avez osé, chevalier… vous avez osé tué mon frère !

Aucune attaque ne fut nécessaire. Sous le coup de la colère, une émanation de son pouvoir suffit à repousser Paco. Albio intervint :

— Saucer Kôgeki ! [Disques tranchants du Cocher]

L'Aléa attrapa les disques à main nue et les brisa. Les deux chevaliers de charbon de l'Aigle et du Cocher noirs tentèrent leur chance. Ils n'eurent même pas le temps d'invoquer leurs techniques.

— Imperial Fangs ! [Crocs Impériaux]

Une mâchoire venteuse jaillit du mur typhonien, formée de crocs nuageux tourbillonnants. Les alter egos de Paco et Albio disparurent quand les crocs se refermèrent sur eux. Lorsque l'arcane se dissipa, les cadavres déchiquetés reparurent. Les chevaliers d'argent frémirent. S'étaient-ils surestimés ? Avaient-ils fait preuve de témérité et d'aveuglement plus que de courage et de discernement ? Pourtant disciple privilégié et héritier de Marine, il commença à douter de pouvoir mener à bien sa mission. La main d'Albio sur son épaule le rappela à la réalité. Paco raffermit sa résolution.

— Ensemble, fit le chevalier d'argent du Cocher.

— Ensemble, confirma le Saint d'argent de l'Aigle.

Et ils retournèrent à l'attaque. Il fallait qu'ils défassent cet ennemi devenu fou de rage.

— Eagle Wings Clash ! [Choc des ailes de l'aigle]

— Kuadorigarēsu ! [Course de quadriges]

Les deux techniques firent mouche et l'Aléa dut se protéger, mais il ne flancha pas. Toujours animé de sa frénésie, il résista et fit un pas.

— Ne le laissez pas reprendre ses esprits ! Fit une voix.

Paco et Albio furent surpris de voir Kullat, chevalier de bronze du Poisson Volant, les dépasser et courir sans hésiter vers l'Aléa. Le jeune chevalier fit flamboyer son cosmos et se précipita. Dans son ombre, son alter ego de cendre mimait le moindre de ses gestes. On les aurait dit le reflet l'un de l'autre. Quand les avaient-ils rejoints ?

— Volantis Horizon ! [L'horizon du poisson volant]

Le cosmos du chevalier de bronze, secondé de celui du chevalier noir, s'envola, impressionnant pour sa classe. Ce garçon donnait-il une leçon de détermination à ses aînés ou la perspective de les aider était-elle la source de son pouvoir ? La vague de cosmos énergie forma des amas globulaires bleutés qui fondirent sur Bengale. Ce dernier recula et se figea, tête baissée. Kullat crut l'avoir vaincu et fêta sa victoire quand un cosmos calme, menaçant et surpuissant enfla derrière lui.

— Imperial Fangs, fit Bengale d'une voix apaisée.

— Non ! Cria Paco en s'élançant.

Mais il n'arriva pas à temps pour secourir le pauvre chevalier de bronze et son protecteur. Les deux Saints furent happés par la mâchoire venteuse. Ils ne souffrirent probablement même pas. Le chevalier de l'Aigle stoppa dans son élan, se sentant impuissant. Alors, il laissa libre cours à ses émotions. Son cosmos s'éleva jusqu'au septième sens. Il rassembla tous ses doutes, ses incertitudes et ses regrets, mais aussi toute sa volonté, son abnégation et son esprit de sacrifice. Galvanisé par la résolution de son ami, Albio se concentra, invoquant le miracle qu'il se devait de réaliser. Lui aussi atteignit le septième sens, celui qui devait être l'apanage des chevaliers d'or. Mais le Grand Pope lui-même n'avait-il pas dit que ce n'était pas l'appartenance à une classe de chevalier qui déterminait les frontières de leur cosmos ? Lui et ses compagnons n'avaient-ils pas surpassé leurs pairs d'or lorsqu'ils n'étaient eux-mêmes que des chevaliers de bronze ? Inspirés par les exploits du passé, les deux chevaliers d'argent s'élevèrent au-delà de leur condition.

— Bengale, nous ne pouvons pas te laisser vivre, déclara Albio d'un calme qui le surprit lui-même.

— Pour le bien de la Terre et de tous ses habitants, humains ou non, nous devons te vaincre. Sache que le cosmos des chevaliers sacrés d'Athéna peut produire des miracles ! Renchérit Paco.

Revenu de son état second colérique, l'Aléa majeur les fixa intensément et sembla reconnaître leur valeur.

— Chevaliers, je me suis égaré, admit-il. Mon frère Gorki a été désincarné par certains de vos compagnons, mais il n'est pas parti seul visiblement. Je vais lui rendre hommage en vous anéantissant. Je suis l'un des cyclones les plus dévastateurs et les plus meurtriers, vous avez fait le mauvais choix en décidant de m'affronter.

— Ne sous-estime pas la puissance des chevaliers d'argent, répondit Albio du Cocher.

— Tu vas comprendre que nous ne valons guère moins que les chevaliers d'or !

Les deux compagnons se focalisèrent sur leurs ultimes forces. L'Aléa rappela à lui toute la puissance de son ouragan qui sembla aspiré par son organisme.

— Prends ça ! Eagle Atmospheric Ascent ! [L'ascension atmosphérique de l'aigle]

— Erichthonios, toi qu'on associe aussi à la constellation du Cocher, je te dédie cette attaque : Erikuton Hyōkō ! [Ascension d'Erichton]

Les deux chevaliers d'argent emportèrent l'Aléa dans l'atmosphère, fusant comme un double missile en direction de l'espace.

— Je vous emporterai avec moi, chevaliers ! Imperial Disaster ! [Désastre impérial]

Les trois antagonistes s'élevèrent dans l'atmosphère, se sublimant dans le firmament spatial comme un brasier funéraire.


**


Voyant que ses compagnons poursuivaient leur route sans se retourner vers l’explosion de cosmos qui avait eu lieu dans leur dos, Ryufeng les imita. La tristesse n’était plus de mise cette fois. Encore et toujours des morts parmi les chevaliers d’Athéna. Il fallait qu’il atteigne au plus vite le Spéos de son adversaire désigné. Seulement alors, il pourrait vraiment se rendre utile et espérer préserver les vies de ceux qui pouvaient encore être sauvés. Il ne restait plus avec lui que Seiya, Kôga, Valistra et le chevalier de cendre de Pégase noir… et aucun d’eux ne montra ses sentiments vis-à-vis des sacrifices précédents. De vrais chevaliers. Il mesura tout leur courage et raffermit le sien. Ils finirent par parvenir au deuxième typhon de l’Est.

— J’y vais seule, annonça Valistra d’un ton qui ne souffrait aucune contradiction.

Seiya opina gravement.

— Sois prudente, nous comptons sur toi, fit-il simplement en se remettant à courir aux côtés de son fils et de son alter ego.

— Tu dois survivre, l’enjoignit Ryufeng avec simplicité.

Et il avait mis dans cet ordre toute l’autorité dont il pouvait s’investir du haut de son jeune âge. Elle hocha la tête et entra dans le vortex alors que le fils de Shiryu se lançait sur les traces de ses équipiers. Les turbulences ne la génèrent pas le moins du monde, insuffisantes face à sa puissance égalant celle des chevaliers d’or, mais les cris qu’elles véhiculaient la firent frémir. Des cris de folie furieuse, suscitant égarement et déraison. Elle lutta contre cette atteinte mentale et pénétra dans l’œil du cyclone. Son adversaire l’y attendait, en lévitation, caressant tendrement et frénétiquement à la fois des bourrasques hurlantes. Chacune d’elles dessinait un visage de dément en passant sous les mains de l’Aléa majeur et semblait se courber pour mieux recevoir le doux contact de son maître. Un spectacle délirant.

— Mes bébés sont impatients, susurra l’Aléa d’une voix suave. Mes bébés sont impatients de se nourrir de ta raison, Saintia d’ébène du Sagittaire noir.

Valistra resta de marbre.

— Je n’ai pas le souvenir de m’être présentée, mais si tu me connais, je n’ai pas besoin de le faire. Me diras-tu ton nom, Aléa ?

— Je suis l’incarnation du cyclone de Coringa, mais est-ce si important alors que tu vas perdre cette information dans un courant de folie ? Madness Whistling Gusts ! [Bourrasques sifflantes de la folie]

Des centaines de spectres venteux fondirent sur Valistra. Chaque contact la faisait frissonner, le cosmos de l'Aléa les imprégnant s'attaquant immanquablement à son esprit. Les hurlements stridents lui vrillaient les oreilles et s'inséraient dans son âme et son cosmos, les déchirant. Elle ne ressentait aucune douleur physique mais l'arrachement de pans entiers de sa raison et de fragments de sa cosmo-énergie lui procurait une souffrance indicible. Lorsque l'attaque cessa, elle tomba lourdement sur ses genoux, les yeux écarquillés et larmoyants tournés vers le ciel… visible très loin au sommet de l'œil de cyclone. Un souffle l'effleura et elle tressaillit dans l'expectative de ce qui allait suivre.

— Déjà mûre pour la folie, ma chère ? J'aurais cru qu'un chevalier de ta trempe m'aurait offert une meilleure résistance.

Il se comportait comme un psychiatre psychopathe jouant avec une victime dont il fallait prouver la démence.

— Bien, soupira-t-il devant l'absence de réaction de la Saintia. Tant pis, autant en terminer maintenant. Madness Whistling Gusts !

Les bourrasques revinrent, insatiables. Le cosmos de Valistra s'éveilla comme d'un long sommeil.

— Que… s'étonna Coringa.

— Kheiron's Black Thyella ! [Tempête noire de Chiron] lança-t-elle.

Une tempête de cosmos ébène explosa et les ailes de son armure noire se déployèrent, décapitant les spectres éoliens de son adversaire. Les cris délirants cessèrent et un silence libérateur s'installa. Coringa restait interdit devant ce retournement de situation. Valistra se releva.

— Jamais… deux fois… la même attaque… sur un chevalier, souffla-t-elle.

Un sourire démentiel illumina alors le visage de l'Aléa majeur.

— Magnifique ! Félicita-t-il. Et tellement stimulant ! Merci ma belle !

Il trépignait comme un enfant. Plus sa joie s'élevait, plus son cosmos augmentait. Valistra se prépara. Sa première attaque avait failli avoir raison de sa vigilance… et de sa vie tout court. Mais son pragmatisme à toute épreuve l'avait finalement protégée… pour combien de temps encore ? Jamais elle n'avait connu d'offensive mentale aussi déroutante. À quoi devait-elle s'attendre à présent ? Un tourbillon se forma autour d'elle.

— Sais-tu ce que l'on fait aux fous ? Entendit-elle.

La voix de l'Aléa s'adressait directement à son cosmos. Car plus aucun bruit ne lui parvenait de l'extérieur du vortex.

— On les enferme dans une pièce capitonnée. Ils n'entendent alors plus rien d'autre que leurs propres pensées et les bruits de leur organisme. Cela les rend… encore plus fous.

La tornade se resserra. Elle frappa une fois… Son poing rebondit et lui fut renvoyé. Il n'y avait aucune échappatoire. Et les cris revinrent, plus puissants, plus présents, plus oppressants.

— Insanity Shrieking Tornado ! [Tornade criante de l'aliénation] Clama Coringa.

La Saintia d'ébène fut emportée dans les airs et, cette fois, les hurlements déchirèrent sa raison, son cosmos mais aussi son corps. Elle réussit à se rétablir en plein vol et fit flamber sa cosmo-énergie :

— Kheiron's Dark Impulse [sombre impulsion de Chiron]

Un énorme rayon noir engloba la tornade ennemie et l'Aléa. Les deux adversaires s'étalèrent sur le sol, repoussés violemment l'un par l'autre. Valistra se releva tant bien que mal, atteinte profondément dans son être. Coringa, qui ne s'était pas attendu à une telle contre-attaque, avait subi tous les dégâts de la technique de la Saintia. Lui aussi était en mauvais état.

— Je ne pensais que tu me donnerais autant de mal, Saintia. Je te félicite. Mais tu n'as pas encore subi ma plus terrifiante attaque. Je ne vois pas comment tu pourrais y résister dans ton état.

Il aspira tous les vents du vortex dans lequel ils se battaient depuis le départ. Son cosmos atteignit des sommets. Valistra se concentra. Son septième sens se manifesta et elle dégaina son arme, l'arbalète du Sagittaire noir. Elle l'enveloppa de toute la cosmo-énergie qu'elle fut capable d'invoquer, faisant trembler son univers intérieur sous l'effort.

— Tu as été une patiente valeureuse, Saintia, lui concéda Coringa en s'élevant dans les airs. Mais c'est fini : Dementia Howling Typhoon ! [Typhon hurlant de la démence]

— Soumets-toi aux miracles des chevaliers d'Athéna, Aléa ! Répondit-elle. Cosmic Star Bolt ! [Carreau étoilé cosmique]

Avec son arbalète, elle forma un pilier de lumière sombre dont les innombrables projectiles constitutifs s'élevèrent à la rencontre du cyclone de démence qui s'abattait sur elle. Le choc fut terrible. Chacun des antagonistes augmenta son énergie jusqu'à son paroxysme. Un instant plus tard, Coringa s'effondrait aux pieds de Valistra dont tout le corps hurlait de souffrance physique et psychique.

— Seiya, murmura-t-elle en se remettant en route lamentablement. J'arrive…


**


Mira, chevalier d'ébène de Cetus, leva les yeux du livre qu'il lisait, même en courant aux côtés de ses compagnons. Marine l'interrogea du regard mais il secoua la tête silencieusement, n'ayant aucune information capitale à lui transmettre. Sa comparse avait survécu à un adversaire redoutable, comme il pouvait s'y attendre de sa part. Si elle en avait l'occasion, elle rejoindrait celui qu'elle devait protéger. La femme chevalier d'or de Cetus détourna son visage vers leur objectif. Le deuxième ouragan de l'Ouest les attendait. Des rafales éclatèrent autour d'eux et une bande d'Aléas mineurs les encercla. Les chevaliers de laiton de la Chouette, du Flamant Rose et de l'Oie ainsi que les chevaliers de bronze du Toucan et de la Colombe, tous secondés de leurs chevaliers noirs attitrés, se portèrent en avant et emmenèrent avec eux ces nouveaux adversaires.

— Continuez d'avancer ! Lança Naïa de la Colombe.

— Nous nous occupons d'eux ! Précisa Canaan du Toucan.

Marine, Mira et Mylielle, Saintia de la Chevelure de Bérénice, acceptèrent sans discuter la décision de leurs camarades et poursuivirent leur route. Déjà le combat faisait rage dans leur dos.

— Owl Dive ! [Piqué de la chouette] cria Kishi, chevalier de laiton de la Chouette.

— Flamingo Clap ! [Claquement du flamant rose] lança Nayati, Saint de laiton du Flamant Rose.

— Goose Pinch ! [Pincement de l'oie] fit Antée, Saintia de laiton de l'Oie.

Tandis que les nouveaux chevaliers s'acharnaient à défaire leurs adversaires, leurs alter egos renforçaient chacune de leurs techniques.

— Le Bec de la Colombe ! Clama Naïa en vainquant un Aléa mineur.

Elle allait passer à un autre lorsqu'un gémissement dans son dos l'interpela. Le chevalier de cendre de la Colombe noire venait de déjouer les plans mortels d'un ennemi, mais au prix de sa vie.

— Le Battement d'Ailes du Toucan ! Intervint Canaan.

L'Aléa meurtrier s'effondra. La mêlée se poursuivit, funeste et sanglante. Lorsque le dernier Aléa fut vaincu, Kishi se laissa tomber, le visage dans ses mains. Avec son alter ego de suie, Naïa et le chevalier de cendre du Toucan, ils étaient les seuls survivants. Et pas un seul d'entre eux n'était en état de rejoindre Marine. Ils espéraient au moins leur avoir fait gagner suffisamment de temps et préservé assez de forces.


**


— Laissez-moi y aller seul, insista Mira aux pieds de l'ouragan suivant.

Mylielle tenta de le convaincre de rester avec lui, elle et son alter ego de cendre, mais il refusa.

— Reste avec Marine, je me débrouille mieux seul de toute façon.

La Saintia de la Chevelure supplia Marine du regard. Son maître d'entraînement resta impénétrable derrière son masque. Mylielle connaissait la puissance de Marine et avait entièrement confiance en sa capacité de venir à bout d'un Aléa majeur. Elle l'avait déjà prouvé. Alors elle pensait être plus utile auprès de Mira. Mais visiblement, ce dernier ne voulait pas de sa présence.

— Viens avec moi, Mylielle, finit par ordonner Marine. Mira sait ce qu'il fait.

Le chevalier d'ébène de Cetus noir remercia son alter ego du regard. Il posa son livre au sol et posa une pierre dessus. La Saintia de bronze vit un cachalot blanc sur la couverture.

— Je te récupère dès que possible, promit-il à son ouvrage avant de disparaître dans les volutes tourbillonnantes de l'ouragan tandis que les deux femmes prenaient la direction du troisième cyclone de l'Ouest.

Il décela un rythme et une mélodie dans l'apparente anarchie des courants venteux. Son esprit rêveur fut un instant subjugué par ces accords intrigants, comme si les chuintements et les sifflements éoliens suivaient une partition dictée par les éléments eux-mêmes.

— Crois-tu sincèrement que tu pourras revoir ton précieux livre ? Lui demanda une voix d'une douceur envoûtante.

Une femme l'observait avec un sérieux déconcertant.

— J'essaye toujours de tenir mes promesses, avoua-t-il.

— Admirable et candide à la fois, chevalier, jugea-t-elle sans une once de condescendance dans son intonation.

— Peut-être, admit Mira en haussant les épaules.

Ils se rapprochèrent l'un de l'autre. Ni le chevalier d'ébène, ni l'Aléa majeur ne surestimait ou sous-estimait son interlocuteur.

— Tu as une âme d'artiste, lui dit-il.

— Il en faut une pour transformer une formation cyclonique en ode éolienne. Et toi, tu as un esprit créatif, répondit-elle.

— Indispensable pour faire d'une lecture un monde intérieur, renchérit-il.

Elle lui caressa la joue. Il lui effleura son bras tendu.

— Nous pourrions nous entendre, proposa-t-elle sincèrement. Je n'apprécierais pas t'affronter.

— Ce n'est pas une chose que je ferais de gaieté de cœur non plus, concéda-t-il. Lecture et musique sont tellement compatibles. Ne pourrais-tu pas dissiper ton ouragan ?

Elle soupira et s'éloigna, visiblement contrite.

— Je ne le peux pas. Maître Kataigída me désincarnerait immédiatement.

— Tout comme je ne peux pas laisser cet ouragan empêcher le Pic de mon contingent de rallier le Spéos de ton maître.

Il secoua la tête. Il n'avait tellement pas envie de se battre contre elle. Sa mélodie l'attirait. Et elle était attirée par son statut de lecteur.

— Quelle fatalité d'être loyaux à ce point, n'est-ce pas ? Sourit-elle tristement.

— Nos missions sont incompatibles, déplora-t-il. Je suis un chevalier avant tout, Mira de Cetus d'ébène, et mes sentiments personnels n'ont pas lieu d'être face à la nécessité du plus grand nombre.

— Et moi, représentante du cyclone Nina, j'ai été incarnée dans le but de vous défaire. Aucun de nous ne peut échapper à son destin…

Ils déployèrent leurs auras, élevant leurs cosmos, mélancoliques et déterminés à la fois. Autour d'eux, la mélodie du tourbillon venteux se mua en un chant raffiné. Derrière Mira, l'aura cosmique afficha une mer houleuse sous la surface de laquelle des remous menaçants se devinaient. Des bourrasques chantantes cinglèrent vers lui.

— Whirling Whet Cantate ! [Cantate affilée turbulente] Clama Nina.

Les paroles portées par les vents violents tailladèrent la chair du chevalier d'ébène. Il esquiva les plus dangereuses et contre-attaqua :

— Achab Cursed Harpoon ! [Harpon maudit d'Achab]

Sa main enveloppée de cosmos noir fendit les flots éoliens acérés et atteignit Nina qui recula. Le sang de chacun était versé, le point de non-retour atteint, la fatalité évoquée faite réalité. Le chant se modifia, se fit plus profond, plus complexe. Le cyclone autour d'eux répondit à cet évolution. La pression atmosphérique changea, perturbant les sensations du Saint d'ébène. Des masses d'air se mirent à tournoyer dans tous les sens et chaque fois que l'une d'elles effleurait simplement le chevalier noir, son armure se fendait dans un craquement musical.

— Spinning Sharp Oratorio ! [Oratorio aiguisé tournoyant]

Mira fut pris dans un vortex empaleur, soulevé du sol avec une férocité et une puissance qu'il eut du mal à surmonter. Il ne réussit pas parer l'intégralité de l'arcane et perdit la moitié de son armure, qui fut déchiquetée, ainsi qu'une bonne partie de son corps. Maximisant son cosmos, il concentra son énergie dans sa paume et frappa le vortex, dans lequel se cachait l'Aléa majeur.

— Pequod Destructive Sinking ! [Naufrage destructeur du Pequod]

La pression qu'il exerça volatilisa le tourbillon aiguisé et écrasa Nina dont la protection partit en lambeaux. Les deux adversaires chutèrent brutalement au sol, incapables de se relever de suite. Leurs doigts s'effleurèrent.

— Tu n'abandonneras pas… comprit-elle.

— Toi non plus, constata-t-il.

Ils se relevèrent en s'aidant l'un l'autre.

— Allons jusqu'au bout de nos convictions, annonça le chevalier.

— Jusqu'au bout de nos engagements, confirma l'Aléa.

Animés par le respect qu'ils éprouvaient pour leurs abnégations respectives, ils élevèrent leur cosmo-énergie jusqu'à leur paroxysme. L'ultime couplet pour elle. Le dernier chapitre pour lui.

— Revolving Honed Opera ! [Opéra affûté tourbillonnant] chanta Nina.

— Moby Dick Last Tantrum ! [Ultime colère de Moby Dick] récita Mira.

Le cyclone s'abattit sur la charge du cachalot d'ivoire et les deux adversaires disparurent dans la tourmente qui en résulta. Quelques instants plus tard, l'ouragan se dispersa en une litanie mortuaire et Mira rampa jusqu'à son livre. Tendrement, il le libéra de sa pierre et se retourna sur le dos, posant son ouvrage sur sa poitrine.

— Protège mon sommeil, lui pria-t-il.

Et il ferma les yeux.


**


— Ne t'arrête pas et ne te retourne pas, ordonna sèchement Marine à Mylielle.

La jeune Saintia de bronze obéit sans y réfléchir, son esprit entièrement tourné vers l'extinction du cosmos du chevalier d'ébène. Était-il vraiment mort ? Elle ne pouvait pas le croire.

— Concentre-toi sur ce qui nous attend, lui conseilla la femme chevalier d’or.

Mais dans sa voix était perceptible la peine qu’elle ressentait. Combien de fois avait-elle vécu la perte de frères et de sœurs d’armes ? Combien de fois devrait-elle le revivre ? Les années l’avaient endurée, bien plus encore que lorsqu’elle était le maître de Seiya. Elle passait à l’époque pour intraitable. Elle donnait maintenant l’impression d’être impitoyable. Et le masque qu’elle conservait renforçait son image. Peu de femmes acceptaient de porter un masque malgré leur appartenance à la chevalerie, au point même que le terme de Saintia désignait dorénavant toute femme chevalier n’en portant pas. Après tout, n’étaient-elles pas toutes au service d’Athéna ? Mais Marine, Shaina, June et quelques autres avaient catégoriquement refusé de se faire qualifier ainsi. Cela ne remettait pas en question leur féminité, mais elles avaient à cœur de perpétuer l’image d’une chevalerie sacrée transcendant l’identité sexuelle. Certains hommes avaient même commencé à discuter du port du masque pour eux-mêmes, Infinity des Gémeaux noirs étant le seul à être passé à l’acte, même si davantage pour des raisons esthétiques.

— Nous y sommes, Marine, l’interrompit Mylielle.

La femme chevalier de Cetus leva les yeux. Un ouragan énorme et sombre écrasait le paysage de sa présence. Le dernier de leur zone de couverture. Marine laissa de côté ses pensées et se concentra sur son objectif. Si elle ne parvenait pas à vaincre l’Aléa majeur qui s’y trouvait, Ryufeng ne pourrait pas accéder à la Calamité des Cyclones sans avoir à combattre. Sans ralentir, les deux combattantes s’enfoncèrent dans le mur tournoyant. Les turbulences les agressèrent de suite. Mylielle allait se faire emporter lorsque la main de Marine se referma vigoureusement sur la sienne. La femme chevalier se dressait vaillamment dans la tourmente, comme inaffectée par elle. Un cosmos doré les enveloppa toutes les deux et elles parvinrent à percer la barrière venteuse. Aussitôt la frontière franchie, une nuée d’Aléas mineurs fondit sur elles.

— Cetus Ryusei Ken ! [poings météores de la baleine] fit Marine.

Les Aléas valsèrent sans même comprendre ce qui leur arrivait. Frappés à la vitesse de la lumière, ils s’effondrèrent sans espoir de se relever. Une autre troupe les remplaça. Derrière eux, au centre du cyclone, une silhouette assise en tailleur les observait intensément. La pression qui se dégageait de sa seule présence manqua paralyser Mylielle. Marine comprit tout de suite qu’il s’agirait d’un adversaire bien plus problématique que celui qu’elle avait défait à l’Académie Sacrée. La jeune Saintia de bronze se porta néanmoins en avant.

— Je m’occupe d’eux, annonça-t-elle à Marine d’un ton ferme. Profites-en pour te charger de leur maître.

Ce n’était plus le ton d’une élève envers son professeur, juste une décision prise entre deux chevaliers sacrés accomplis. Marine décida de faire confiance à son ancienne disciple et attendit que les Aléas mineurs suivent Mylielle pour se porter au-devant de l’Aléa majeur. La Saintia de bronze n’eut besoin d’aucun stratagème. Les Aléas mineurs avaient visiblement reçu l’ordre de ne pas s’attaquer à la femme chevalier d’or. Ils se ruèrent sur elle. Elle esquiva sans peine leurs premières attaques, les bienfaits d’un entraînement intensif et exigeant. Quand elle se fut suffisamment éloignée de Marine, elle se retourna. Élevant son cosmos, des fils dorés jaillirent de sa main et filèrent s’enchevêtrer sur les corps de ses assaillants.

— Golden Death Hair ! [Cheveux dorés mortels]

Les fils dorés, aussi fins que des cheveux, entaillèrent les chairs de ses ennemis. Lorsqu’elle y infusa sa cosmo-énergie, une explosion ardente se produisit. Nombre d’entre eux périrent. Des exclamations dans son dos retinrent son attention. Une toile sombre de fils de glace noire écartelait son lot d’Aléas. Le Saint de cendre de la Chevelure noire couvrait les arrières de sa protégée. Il rappela à lui sa toile, laissant les corps noirs d’engelures de ses adversaires se morceler, et ses fils s’enroulèrent autour de son bras puis de son corps, formant une armure au-dessus de son armure. Il se rua alors vers Mylielle, la dépassa et de jeta au sein d’une autre équipe d’Aléas mineurs qui était sur le point de porter atteinte à sa protégée. Un instant tétanisée par le constat de son manque de vigilance et par l’audace de son alter ego, elle ne put qu’assister à l’acharnement désespéré du chevalier noir à accaparer ses ennemis. Lorsqu’il fut clair qu’il ne s’en sortirait pas, il prit le temps d’un dernier regard qu’elle comprit aussitôt.

Elle tendit alors ses deux mains, les yeux noyés de larmes, et déploya d’innombrables fils tranchants d’orichalque qui formèrent une cage inextricable autour du groupe d’ennemis.

— Lost Children ! [Enfants perdus] invoqua-t-elle d’une voix triste.

D’un simple mouvement du poignet, elle trancha les membres et les têtes des Aléas mineurs, épargnant méticuleusement le corps de son protecteur que la vie avait déjà quitté.

De son côté, Marine n’attendit pas que son adversaire soit prêt.

— Cetus Ryusei Ken ! [poings météores de la baleine]

Sans bouger le moins du monde, sembla-t-il, l’Aléa majeur évita tous ses coups. Marine crut percevoir une distorsion dans les volutes éoliennes qui ondoyaient calmement autour de l’Aléa. Elle réitéra son geste pour vérifier son hypothèse. Le résultat fut le même. Ses météores semblaient avoir été aspirés par des trous d’air. L’Aléa ouvrit les yeux soudainement.

— Hurricane Centrifugal Ejection ! [éjection centrifuge de l’ouragan]

Tous les météores que la femme chevalier avait portés lui revinrent, plus rapides et plus puissants. Elle parvint à éviter les plus dangereux, mais les autres la mirent au tapis. Son masque se fendilla mais ne se brisa pas. Des pieds apparurent sous ses yeux. Elle réagit au quart de tour et se releva en s’éloignant prestement de l’Aléa majeur.

— Je suis l’incarnation du cyclone mortel de Calcutta, fit-il d’une voix suffisante. À qui ai-je l’honneur ?

— Marine, chevalier d’or de Cetus, répondit-elle essoufflée.

Elle avait du mal à trouver sa respiration, comme si elle se trouvait dans une zone pauvre en dioxygène. Du coin de l'œil, elle aperçut Mylielle perdre connaissance. L’Aléa pouffa.

— Bien, nous ne serons plus dérangés, constata-t-il. Ne t’en fais pas pour elle, elle mourra, asphyxiée en pleine inconscience, sans aucune souffrance. Mais… je doute qu’il en aille de même pour toi. Je suppose que tu ne te laisseras pas mourir comme ça.

— Je n’ai pas plus peur de la douleur que de la mort, Aléa. Qu’importe l’une ou l’autre si je peux t’emmener avec moi ! Prends ça ! Kaitos Spouting Bomber ! [jet explosif de la baleine]

Elle voulut projeter Calcutta dans les airs, mais il répondit avec une attaque contraire :

— Downdraft Cold Squall ! [froide tourmente descendante]

Non seulement, l’attaque de Marine fut annulée, mais elle subit les affres restantes de la technique de l’Aléa majeur. Le manque de dioxygène l’épuisant, elle ne put esquiver et se retrouva écrasée au sol par une masse d’air glacée. Tremblotante, elle réussit néanmoins à se remettre sur ses jambes. Elle n’avait jamais baissé les bras, inculquant cette même obstination à tous ses élèves. Son cosmos d’or s’amplifia, répondant à cette volonté inébranlable qui l’avait gardée en vie à travers tous les affrontements qu’elle avait menés jusque-là.

— Cetus Fins Flashes ! [nageoires éclaires de la baleine]

Sa technique phare revisitée la projeta contre Calcutta. Elle le percuta violemment et il recula. Croyant l’avoir sévèrement touché, elle ressentit un soulagement immédiat. Mais quand elle s’aperçut que son adversaire avait simplement accompagné son mouvement et lui tenait le pied, elle déchanta. Elle sentit qu’il concentra son cosmos. Un vent brûlant l’enveloppa et elle se sentit emportée dans les cieux.

— Updraft Hot Puff ! [chaude bourrasque ascendante] cria-t-il. Tu ne résisteras pas aux puissants courants d’un cyclone ! Abandonne, Saintia !

Le qualificatif réveilla sa détermination. Son cosmos doré explosa et elle se décida à utiliser la moindre parcelle de son pouvoir. Elle sentit le septième sens l’investir jusqu’au plus profond de son corps et de sa cosmo-énergie. Calcutta douta pour la première fois de sa victoire. L’énergie qu’il percevait de son adversaire n’avait rien à voir avec celle d’une mourante. Lorsque celle-ci cessa d’augmenter, il sut qu’il n’aurait aucune chance s’il n’usait pas lui-même de toutes ses ressources. Il rappela à lui l’ouragan qu’il avait généré et en absorba les forces. Marine fondit sur lui à la vitesse de la lumière. Tout aussi rapidement, il croisa ses bras au-dessus de sa tête et lança son arcane.

— Kítos Mitéra Teráton ! [Cetus, mère des monstres]

— Turbulent Typhoon Tuba ! [Entonnoir venteux turbulent du typhon]

Les douze coups monstrueux de Marine s’opposèrent aux masses cycloniques à la fois chaudes et froides de l’Aléa. La femme chevalier ne laissa aucune chance de survie à Calcutta qu’elle écrasa implacablement. Pourtant, quand elle retomba au sol, elle ne parvint pas à rester debout. Le manque durable de dioxygène et la consommation immense d’énergie l’avait affaiblie plus que de raison. Elle chuta face contre terre. Refusant pour autant de perdre connaissance, elle s’appliqua à se maintenir éveillée, attendant que le gaz salvateur se répande de nouveau dans ses organes. Un sourire invisible derrière son masque illumina son visage caché quand elle aperçut la main de Mylielle frémir. Elles avaient survécu à cet affrontement aussi bref qu’intense.


**


— Papa, commença Kôga.

— Ne t'inquiète pas pour elle, sourit Seiya. Marine est l'une des femmes les plus puissantes que je connaisse. Elle m'a entraîné et tu n'imagines même pas à quel point elle est obstinée. Laisse-lui le temps et elle nous rejoindra, sois en certain.

Il jeta un coup d'œil rassurant à son fils. Qu'il était fier de l'avoir à ses côtés, malgré la dangerosité de la situation. Son ancienne armure avait belle allure sur le jeune garçon. Parfois, il lui semblait qu'elle résonnait encore en sa présence, comme si elle se rappelait tous leurs combats avant qu'il ne devienne le chevalier d'or du Sagittaire. Plus rarement encore, l'armure d'or paraissait émettre une aura bienveillante envers sa prédécesseure.

Était-ce lié au fait que Kôga n'était plus un chevalier de bronze comme les autres ? Lui et ses amis, Ryuho, Haruto, Yuna, Éden et Soma, s'étaient après tout éveillés au pouvoir de l'Omega durant leur guerre contre Mars. Ils s'étaient tous les six élevés temporairement à un pouvoir dépassant même le septième sens. La différence résidait dans l'aspect transitoire et collectif de cet éveil, là où les chevaliers d'or étaient en permanence, mais individuellement, investis de leur ultime cosmos. Mais cette transcendance de l'état de bronze, ajouté au passé de l'armure de Pégase qui avait successivement reçu du sang de chevalier d'or puis celui d'Athéna, incitait sûrement l'armure du Sagittaire à la reconnaître comme une égale.

— Nous y sommes, fit le chevalier de cendre de Pégase noir.

Les quatre compagnons s'arrêtèrent devant le dernier typhon de l'Est. Le dernier rempart entre Ryufeng et Kataigída. Le jeune Pic observa la colonne qui tournait lentement sur elle-même, comme au ralenti… à moins que cela ne soit de la nonchalance.

— Attends nous ici, fit Seiya au fils de Shiryu.

Ryufeng s'assit en tailleur et inspira profondément comme le lui avait appris son père. Il regarda les trois chevaliers s'avancer vers la masse d'air. Celle-ci s'ouvrit sur toute sa hauteur, fente semblant déchirer le ciel jusqu'au firmament. Elle se referma une fois que les Saints l'eurent franchie.

À l'intérieur, les masses d'air ne tournaient même plus, comme figées dans le temps. Pour autant, Seiya sut de suite que cette immobilité n'était qu'une façade. Il percevait les infimes va-et-vient de la matière éolienne, comme si le temps ne cessait d'alterner avancée et recul, inlassablement. L'Aléa majeur leur faisait dos, seul. Aucune trace d'Aléa mineur.

— Crois-tu pouvoir nous vaincre seul ? Demanda Seiya.

Aucune réponse. Le chevalier noir de Pégase s'avança.

— Seiya, me permets-tu de tester quelque chose ?

Lorsque le Saint du Sagittaire eut donné son aval, il lança :

— Ankoku Ryusei Ken ! [Poings météores des ténèbres]

La technique porta et l'Aléa s'écroula, son corps noirci. Seiya ne connaissait que trop bien cette noirceur. Le chevalier de cendre s'approcha de la dépouille et s'agenouilla.

— Il est… mort, annonça-t-il perplexe.

Lui-même savait que son attaque avait peu de chance d'être effective sur un Aléa majeur. Quelque chose clochait. Une silhouette dépassa Kôga et son père, restés en retrait. Quand le chevalier noir l'aperçut, il marqua un temps d'arrêt. Il voulut vérifier de nouveau le cadavre, mais celui-ci avait disparu. Seiya et son fils restèrent un instant interdits. Instinctivement, ils reculèrent d'un saut, se mettant en garde d'un même mouvement.

— Ankoku Suisei Ken ! [Poing comète des ténèbres] hurla alors le chevalier de cendre, la peur perlant dans sa voix.

Le poing de la mort noire frappa de nouveau l'Aléa majeur dont le corps s'effondra encore plus rapidement que précédemment. Cette fois, ce fut Seiya qui s'en approcha. Il constata le décès de leur adversaire. Il détourna le regard pour en aviser ses compagnons lorsqu'une silhouette se manifesta aux limites de son champ de vision. Un rapide coup d'œil vers le sol lui confirma qu'il n'y avait plus de corps. Il se para de son cosmos d'or, féroce et investi de toute son expérience de déicide.

— Comment ? S'enquit-il. Ce n'était pas une illusion, j'en suis certain. Alors, comment ?

L'Aléa majeur ricana, amusé.

— Ce n'était effectivement pas une illusion. La technique de ton compagnon noir a bien fonctionné. Je suis mort deux fois. Mais, pose-toi la question, chevalier d'or, un cyclone meurt-il ? Il se disperse, il se dissipe, il s'estompe, mais la saison des cyclones revient invariablement. Le temps n'arrête pas le mauvais temps, il l'alimente, lui permet de revenir, encore et encore. Inéluctablement.

— Tu veux dire que… commença Kôga.

— Everreturning Birth Whirlwind. [Tourbillon de vent de la naissance récurrente] expliqua l'Aléa. Dans ce cyclone qui tourne lentement, je suis immortel.

Et il éclata de rire.

— Pegasus Ryusei Ken ! [Poings météores de Pégase]

— Sagittarius Ryusei Ken ! [Poings météores de Sagittaire]

L'Aléa se releva après chacune des deux attaques, Seiya ayant pourtant fait en sorte que la sienne porte au moment de la réapparition de leur ennemi, se disant qu'il pourrait étouffer sa résurrection dans l’œuf. Peine perdue.

— Je suis l'incarnation d'un cyclone qui a marqué les annales comme le plus meurtrier de l'histoire humaine. Le cyclone de Bhola. Je transcende le temps, alimenté par la peur que ma tragédie ne se reproduise. Que pouvez-vous contre le temps, chevaliers ? Gnawing Lifespan Gusts ! [Rafales rongeant l'espérance de vie]

Des bourrasques d'une lenteur insoupçonnée se dirigèrent vers les trois chevaliers. Et pourtant, à cause de l'instabilité de l'écoulement de leur temps, ils ne purent les éviter. La douleur les étreignit, celle ordinairement psychologique qu'on ressent face à l'inéluctabilité du temps qui passe rendue physique. Le Saint de cendre de Pégase noir s'écroula.

— Il semblerait que son espérance de vie était déjà bien entamée, fit remarquer Bhola. Ma technique vole à ses victimes la durée équivalente à la plus faible espérance de vie restante parmi elles. Il ne reste que vous deux… D'après vous, qui a l'espérance de vie restante la plus petite ? Gnawing…

— Pegasus Suisei Ken ! [Poing comète de Pégase]

— Sagittarius Suisei Ken ! [Poing comète du Sagittaire]

Kôga et Seiya tuèrent Bhola avant qu'il ne puisse user de son arcane. S'il y parvenait, l'un des deux mourrait à coup sûr. Quelle capacité cruelle ! L'Aléa majeur revint à la vie, leva le bras… et mourut de nouveau sous les météores de ses deux adversaires. Le ballet continua ainsi de nombreuses minutes. D'épuisement, Kôga posa un genou à terre. Seiya le regarda.

— Relève-toi, mon fils ! S'exclama-t-il, presque une supplication.

Kôga réussit à se redresser. Ils tuèrent une fois de plus l'Aléa majeur qui ne semblait pas se lasser le moins du monde de cet exercice. Il avait le temps avec lui. Ses adversaires finiraient bien par épuiser leur cosmos. Et quand ils ne pourraient plus le tuer, il les occirait l'un après l'autre. Les coups du jeune chevalier de bronze perdirent de leur superbe. Ses deux genoux touchèrent terre.

— Désolé, Papa. Je n'ai presque plus de force. Ne t'occupe pas de moi.

Seiya se rapprocha de son fils.

— Je ne t'abandonnerai pas. Tu ne mourras pas sous mes yeux.

Et il porta sa cosmo-énergie à son paroxysme. Il sentit son cœur fragilisé par l'épée d'Hadès crier sa peine. L'angor le saisit mais il tint bon. Kôga tenta de l'empêcher d'aller plus loin.

— Papa, non ! Si tu continues… ton cœur… je ne veux pas…

Mais Seiya ne l'écoutait plus. Pour sauver son fils, il était prêt à tous les sacrifices. Et pourtant, il avait encore tant de choses à vivre avec lui ! Il dégaina son arc. Son idée devait marcher… il ne pourrait y avoir qu'un seul essai. Bhola reparut et le chevalier d'or du Sagittaire frappa.

— Infinity Break ! [Désintégration infinie]

Des milliers de flèches d'or jaillirent de son arc et de son cosmos. Il ne visa pas seulement l'Aléa, mais tout le cyclone. La technique, qui avait vaincu Typhon du temps d'Aiolos, balaya Bhola et fit voler l'ouragan en éclat. Kôga regarda son père, ce chevalier incroyable. Seiya mit un genou en terre et s'appuya sur son arc, encore vivant, mais de justesse. Son cœur battait la chamade et ne semblait pas vouloir se calmer. Un instant de plus et il aurait lâché. Mais cela avait fonctionné. Il avait vaincu Bhola et le cyclone n'alimentait plus la barrière entourant le Spéos de Kataigída. Ryufeng avait le champ libre à présent.

Un nuage de poussière, un ricanement, et la peur s'immisça dans les esprits du père et de son fils.

— Bien joué, chevalier d'or du Sagittaire. Bien joué. Mais tu aurais dû viser mon cyclone avant de me prendre pour cible.

— Si je l'avais fait, répondit Seiya, l'un de nous deux serait mort.

— Mais là, vous allez mourir tous les deux ! S'exclama Bhola avec allégresse.

Seiya serra les dents et embrasa une nouvelle fois son cosmos. Il ignora la douleur et l'emballement cardiaque qui le prirent aussitôt.

— Qu'il en soit ainsi, murmura-t-il pour lui-même. Une dernière fois, encore une dernière fois. Mon cosmos, brûle comme tu n'as jamais brûlé.

Une main sur son épaule le ramena à la réalité. Kôga. Son armure… la Cloth de Pégase avait changé. Elle brillait d'une lueur qui dépassait même celle des armures d'or et sa forme était d’une majesté que seule pouvait égaler une kamui.

— Tu te trompes, Bhola, fit le jeune garçon. Nous pouvons te vaincre. Tu n'es pas invincible, du moins tu ne l'es plus sans ton cyclone…

— Sans mon cyclone ? Coupa l'Aléa majeur. Mais ton père n'a fait que le disperser, mon garçon.

Il pointa son pouce sur sa propre poitrine.

— Ses volutes sont en moi, à présent. Et leurs propriétés également.

Effectivement, Seiya ressentait chez l'Aléa ces mêmes alternances d'écoulement du temps en avant et en arrière qu'il avait perçues dans le mur éolien en y pénétrant précédemment. Il vint aux côtés de son fils, son cosmos toujours porté à son maximum. Kôga prit la main de son père et leurs poings s'entrelacèrent en un poing unique. L'aura de Pégase et celle du Sagittaire s'unirent, formant un cheval ailé sur lequel se juchait un éphèbe lui-même ailé et brandissant un arc. L'Omega de Kôga et le septième sens de Seiya s'entremêlèrent. Bhola ouvrit grand ses bras au moment où les deux chevaliers tendirent leurs bras vers lui.

— Ensemble, Papa ? Demanda Kôga.

— Toujours, mon fils, confirma Seiya.

— Je vais effacer votre existence, chevaliers. Quand vous aurez subi mon ultime arcane, vous n'aurez comme jamais vécu ! Unraveling Time Hurricane ! [Ouragan démêlant le Temps]

Le père et le fils ne firent qu'un en cet instant. Il n'y eut plus ni ascendant, ni descendant mais deux générations de Saints nimbées d'une aura phénoménale.

— Bellerophon Shōwakusei Ken ! [Poing astéroïde de Bellérophon]

L'arcane combiné désintégra l'Aléa majeur avant qu'il n'eut le temps de relâcher son pouvoir. Lentement, doucement, subrepticement, le cosmos transgénérationnel s'amenuisa. L'armure de Kôga redevint une simple Cloth de bronze et l'aura de Pégase se détacha de celle du Sagittaire, qui reprit elle-même son identité d'or. Seiya regarda son fils. Ils se sourirent.

Saori, fit par la pensée le chevalier d'or du Sagittaire en levant les yeux vers le ciel. Je te promets que je te ramènerai notre fils… À moins que ce ne soit lui qui me ramène à toi.

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