Woes Chapter
Chapitre 33 : Contre les Aléas désertiques de la deuxième Ceinture
9517 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 26/02/2023 10:05
Chapitre 33 : Contre les Aléas désertiques de la deuxième Ceinture.
Le sirocco déposa Shunreï et ses compagnons au beau milieu d'une vaste étendue désertique. La sécheresse, à la fois brûlante et glaçante, les étreignit aussitôt dans sa chape. La Pic s'aperçut immédiatement de ce qui n'allait pas.
— Où sont les chevaliers de bronze, de laiton, de cendre et de suie ? S'inquiéta-t-elle.
Shaina et Xiaoling sondèrent autour d'elles. Nyati du Taureau d'ébène et Inyoka de l'Ophiuchus noir scrutèrent les environs avec une tension palpable. Ils étaient seuls. Aucun chevalier en dessous du rang d'argent ou de charbon n'était présent.
— J'ai un mauvais pressentiment, souffla Zashchita, Saintia d'argent de l'Écu.
— Et tu as raison de t'inquiéter, déclara une voix sèche.
Un Aléa mineur était apparu devant eux. Était-il là depuis le début ? Sa protection se confondait admirablement avec le paysage environnant. Nyati s'avança, menaçant.
— Attends, ordonna Shunreï en stoppant l'imposant chevalier d'ébène et en se tournant vers leur interlocuteur. Où sont nos amis ?
— Dispersés au hasard dans la Ceinture des déserts, répondit-il en haussant les épaules distraitement.
Il eut un sourire amusé.
— Les Aléas majeurs voulaient jouer, reprit-il. Vos chevaliers inférieurs sont en ce moment même les proies d'une grande chasse à l'homme. Ce sera à qui en tuera le plus grand nombre !
Il éclata d'un rire de dément… stoppé violemment par le chevalier du Taureau noir qui, sans prévenir, lui broya le crâne. Shunreï frémit… mais pas à cause de l'acte de Nyati. Les chevaliers de bronze et de laiton, mais aussi leurs alter egos, n'étaient pas de taille face aux Aléas majeurs. Un massacre se préparait. Elle prit sa décision.
— Laissez-moi rejoindre le Spéos seule et allez porter secours à nos camarades.
Shaina hésita, indécise.
— Mais… nous devons t'accompagner, fit-elle remarquer. C'est notre priorité.
Shunreï secoua doucement la tête.
— Je ne veux pas être surprotégée si c'est aux dépens de la vie des chevaliers du Sanctuaire. Nous devons réduire les pertes. Si les Aléas majeurs veulent… jouer… ils ne chercheront pas à me ralentir. Et je doute que les Aléas mineurs me posent réellement problème ou osent s'attaquer à moi.
Xiaoling apprécia la situation.
— Tu ne peux pas te permettre de combattre un Aléa majeur, dusses-tu en rencontrer un avant ton affrontement contre Xirasía. Zashchita et Saïla t'accompagneront, imposa-t-elle.
Les deux Saintias d'argent opinèrent du chef et, d'instinct, les chevaliers de charbon de l'Écu et de l'Horloge se rapprochèrent de leurs protégées.
— Nous autres, continua la Saintia du Taureau d'or, nous partirons à la recherche de nos compagnons.
Shunreï accepta la concession. Les deux Saintias d'argent étaient parmi les plus puissantes de leur ordre et leurs alter egos étaient du même acabit. L'accord étant trouvé, le groupe se sépara prestement.
**
Chaque seconde comptait et Lexa de l'Autel ainsi que Roland de la Coupe étaient bien décidés à en perdre le moins possible. Les deux chevaliers d'argent comptaient un certain nombre de disciples ou d'anciens élèves parmi les chevaliers de bronze et de laiton. S'ils pouvaient les sauver tout en éliminant un Aléa majeur, ils feraient d'une pierre deux coups pour aider les Pics. Une projection de cosmos désespéré les guida. Arrivés au sommet d'une dune, ils découvrirent quatre chevaliers de laiton, Silas de la Tarière, Yoram de l'Araignée, Béotos de l'Écureuil Volant et Blake du Pangolin aux prises avec une femme à l'allure redoutable.
— Core Drilling Kick ! [Coup de pied de la tarière]
— Anteater Claws Slash ! [Taillade des griffes du pangolin]
— Eight Poisonous Chelicerae ! [Huit chélicères venimeux]
— Flying Squirrel Pounce ! [Attaque sautée de l'écureuil volant]
Blessés et mal en point, les quatre chevaliers, qui ne pouvaient plus bénéficier de la protection de leurs alter egos de suie gisant non loin de là, tentaient visiblement un ultime assaut.
— Al Hamad Sakhri Alghadab ! [Colère rocailleuse de l'hamad]
Sous les yeux impuissants des chevaliers d'argent et de charbon, une projection de rochers lapida les Saints de laiton qui s'écroulèrent, morts. Lexa vit rouge.
— Avec moi ! Ordonna-t-elle.
Et elle se rua vers l'Aléa majeur incarnant le désert de Syrie.
— Tu vas payer tes crimes, Aléa ! Prends ça ! Ikenie no Saidan ! [Autel sacrificiel]
Une plaque rougeoyante apparut derrière l'Aléa et des liens brûlants ligotèrent ses membres. Roland vint la seconder :
— Keiji Kurētā ! [Coupe de la révélation]
Une coupe emplie d'un liquide glacé vint baigner l'autel sacrificiel de Lexa. L'arcane combiné permettait de mettre l'ennemi face à ses crimes et, s'il ne s'en repentait pas, prenait sa vie. Une technique imparable face à n'importe quel esprit malfaisant. Mais cela ne fonctionna pas contre Syrie qui regardait, étonnée, ce que l'attaque était censée lui faire subir. Tout laissait croire qu'elle ne considérait pas ses actes comme criminels mais comme vertueux. Elle jeta un œil interrogateur à ses nouveaux adversaires.
— Qui êtes-vous ? Demanda-t-elle pas le moins du monde perturbée par sa situation en apparence mauvaise. Vous n'êtes pas sur ma liste.
Elle se libéra nonchalamment, comme si elle n'avait jamais été liée. Elle s'épousseta simplement et fit la moue.
— Vous allez me faire perdre du temps, soupira-t-elle. Je dois trouver et tuer le plus de chevaliers de bronze et de laiton possibles. Je risque de perdre la course, sans ça. Les chevaliers d'argent ne sont pas dans ma liste. Laissez-moi tranquille et je n'aurai pas besoin de m'occuper de vous.
Elle commença à sonder les environs à la recherche de ses futures victimes, ignorant superbement les nouveaux arrivants. Piqués au vif, les chevaliers de charbon attaquèrent. Syrie les regarda et, instantanément, ils s'écartèrent, circonspects. Lexa et Roland les rejoignirent.
— Impossible d'approcher, déclara le Saint de l'Autel noir.
— Quelque chose ne va pas, poursuivit le chevalier de charbon de la Coupe noire.
— Comment ça ? S'enquit Roland.
Son alter ego reprit :
— Il y a comme une dissociation entre elle et son cosmos, une imprécision dans son entité. Cela rend ses réactions imprévisibles. C'est ce qui nous a fait reculer.
— Et ça explique pourquoi votre attaque n'a pas fonctionné, conclut l'Autel de charbon. Elle ne porte pas les crimes de son cosmos. Il s'agit d'un ennemi très complexe.
— Qu'importe, elle a anéanti nos camarades. Nous devons nous débarrasser d'... Commença Lexa. Où est-elle ?
Syrie se tenait derrière eux, les écoutant maintenant attentivement. Elle sourit lorsqu'ils s'aperçurent de sa présence.
— Vous ne pouvez pas rester immobiles face à moi, humains. Le désert que j'incarne empêche toute sédentarité. Al Chombol Namat Alhayaat Almustaqirat Alqati ! [Sédentarité mortelle du Chombol]
Une gangue de chaleur se mit à les étouffer. Leur sang allait se mettre à bouillir s'ils ne bougeaient pas. Mais ils ne parvenaient pas à trouver la force de se déplacer, pris au piège de leur propre manque de mouvement. Sans le réflexe du désespoir de leurs alter egos, Roland et Lexa se seraient laissés aller à la mort. Mais les chevaliers noirs les projetèrent violemment hors de portée de la technique de l'Aléa. Roland reprit ses esprits et réalisa amèrement leur sacrifice… malheureusement trop tardivement pour agir. Leurs corps desséchés restèrent debout un moment, jusqu'à ce que Syrie les effleure du doigt, apparemment intriguée par l'action de son cosmos. Lexa versa des larmes d'impuissance lorsqu'elle prit conscience à son tour que leurs protecteurs avaient perdu la vie pour sauvegarder les leurs. Roland lui posa une main sur l'épaule.
— Nous avons une raison de nous ressaisir, Lexa.
Il éleva son cosmos et une aura bleutée l'environna.
— C'est à notre tour, continua-t-il, déterminé.
Sa compagne se releva aussitôt, faisait flamber elle aussi sa cosmo-énergie.
— Soyons sur nos gardes, Roland. C'est comme si nous combattions deux adversaires totalement asynchrones.
Ils passèrent à l'attaque et perçurent nettement l'instant où le cosmos de l'Aléa majeur réagit alors même que sa propriétaire était encore en train d'admirer ses victimes. Les deux chevaliers d'argent esquivèrent d'instinct l'émanation cosmique qui tenta de les sonder.
— Hiōsō Byaku Renge ! [Lotus blanc des lances de glace] lança Roland.
— Hi Yari Kuretake ! [bambou écarlate des lances de feu] Clama Lexa.
Les techniques aboutirent et Syrie dut se replier. Blessée, elle porta sa main devant ses yeux, contemplant son sang. Toujours cette sensation dérangeante de détachement de la réalité, comme si elle ne comprenait pas pourquoi elle avait été attaquée.
— Ça marche ! S'exclama Lexa.
— Oui, si on évite son cosmos, nous pouvons la battre. Elle ne se défend pas elle-même ! Fit remarquer Roland.
Ils recommencèrent et aboutirent au même résultat. Le cosmos de Syrie réagit et l'Aléa prononça :
— Al Manader Laylat Min Alrukham. [La vigilance de marbre du Manader]
Sans se laisser distraire, les deux chevaliers sacrés enchaînèrent… mais une vague de cosmos aride et chaud les cingla. Ils sentirent leur peau se parcheminer. Un champ de protection englobait Syrie, comme si toute la siccité du désert syrien était concentrée autour d'elle. Roland et Lexa reculèrent, essoufflés, assoiffés. Ils devaient en finir rapidement ou, à ce rythme… Déjà les affres de la soif se faisaient sentir. Des tâches colorées flottaient devant leurs yeux et la fatigue se faisait difficilement compensable.
— Que se passe-t-il ? Demanda Syrie pour elle-même dans son cocon aride.
Elle regardait toujours ses mains ensanglantées. Elle leva les yeux vers les chevaliers. Et un éclair de lucidité les éclaira pour la première fois du combat. Alors, une chose incroyable se produisit au grand dam des Saints d'Athéna. La dissociation entre l'Aléa et son cosmos disparut. Les deux se synchronisèrent et une énergie sans précédent se dégagea. Roland et Lexa tremblèrent malgré eux.
— Vous avez osé, chevaliers, déclara-t-elle. Je m'étais coupée de mon cosmos pour laisser une chance à vos camarades, mais vous avez visiblement réussi à ce qu'il vous considère comme des adversaires de taille. Vous n'avez plus aucune chance maintenant que je suis de nouveau une et indivisible.
La chaleur et la sécheresse devinrent insupportables. Les deux chevaliers d'argent passèrent à l'action sans laisser le temps à l'Aléa majeur de prendre l'initiative.
— Hi Yari Futtō Dai Uzu ! [maelstrom bouillant de griffes de feu] hurla Lexa.
— Hiōsō Hyakuga Senran ! [Tempête tourbillonnante des cent crocs de glace] cria Roland.
Leurs deux plus puissantes attaques fondirent sur Syrie qui se protégea. Elle n'en ressortit pas indemne, loin de là, mais elle survécut alors que les deux Saints s'étaient épuisés pour obtenir ce résultat. Ils se regardèrent et se positionnèrent en désespoir de cause.
— Vous paierez cet affront ! Brailla leur ennemie sans plus aucune retenue. Al Cham Hilal Qahil ! [Croissant stérile de la Chamiyé]
À l'instar du désert syrien qui s'opposait au Croissant Fertile le jouxtant, l'arcane de l'Aléa empêcha toute pérennisation de la vie alentour.
— Athena Silver Grace ! [Grâce argentée d'Athéna] clamèrent-ils.
À deux, cette technique interdite aurait dû être inaccessible, mais leur détermination fit un miracle. Ils pulvérisèrent l'Aléa majeur… en s'atomisant eux-mêmes.
**
Leur sacrifice retentit très loin dans la Ceinture des déserts. Isolé des autres avec son alter ego de suie, Elnath, chevalier de laiton du Taureau de Poniatowski, s'arrêta un court instant. Il se força à rester aussi stoïque que les modèles dont il s'était inspiré en devenant aspirant chevalier. Il avait épluché la liste des chevaliers du Taureau : Francisca, Rasgado, Teneo, Ox, Aldébaran, Harbinger, Xiaoling… autant de guerriers illustres qui étaient dignes de son admiration. Il était fier de porter une armure qui y fît écho. Et malgré la mort de ses compagnons, laquelle s'accompagnait de la douleur irrépressible de la perte irrémédiable de ses amis proches, il devait aller de l'avant. Une énorme pression manqua soudain le faire défaillir et son protecteur de suie s'effondra, mort sur le coup comme si son cœur avait reçu l'ordre de s'arrêter. Rien de physique pourtant, mais une émanation de cosmos d'une domination sans pareille. Seule sa volonté l'empêcha de s'agenouiller, mais elle ne fut pas suffisante pour lui permettre de regarder autour de lui. Une sueur froide coula le long de son dos… aussitôt évaporée.
— Petit chevalier égaré, susurra une voix à son oreille. Sais-tu ce qui arrive aux animaux faibles et isolés ?
Elnath domina difficilement la peur qui menaçait de le submerger. Il déglutit, incapable de prononcer un mot.
— Ils meurent… souffla la présence, à peine audible.
L'instinct de survie fut le plus fort et grand bien lui fit. Il réussit à débloquer son corps figé et échappa in extremis au coup de l'Aléa qui l'avait attaqué.
— Oh ? Admira ce dernier. Le sursaut du condamné. J'ai vu ça tant de fois ! Mais pour autant, la proie acculée finit toujours par mourir.
Elnath préféra ne pas tenir compte des paroles de son adversaire et prit l'initiative.
— Small Horn ! [Petit corne]
Le coup atteignit sa cible… qui ne bougea pas plus que si un moustique l'avait percutée. L'Aléa saisit le poignet du garçon et le brisa net. Elnath hurla mais se ressaisit aussitôt. Toujours tenu par son adversaire, il projeta ses jambes :
— Horned Stampede ! [Cavalcade cornue]
Une fois de plus, l'Aléa majeur ne cilla pas. De son autre main, il agrippa la cheville du Saint et celle-ci subit le même sort que le poignet. Elnath étouffa son gémissement et l'Aléa le projeta violemment. Le jeune chevalier de laiton réussit tant bien que mal à se relever. Il se savait au pied du mur, mais il ne serait pas dit qu'il ferait de l'ombre à ses idoles. Il porta son cosmos au maximum de ses capacités, qu'il savait insuffisantes mais qu'importe. Croisant les bras, il prit la décision d'imiter ses modèles avant de mourir.
— Great Horn ! [Grande corne]
La puissance dégagée ne représenta qu'un fragment du véritable arcane du Taureau d'or mais c'était tout ce qu'il pouvait faire avant la fin. Toujours sans broncher, son adversaire fit même un pas vers lui en souriant cruellement… puis stoppa en reprenant une expression des plus sérieuses. Elnath sentit une main ferme sur son épaule.
— Tu as été bien brave, petit Taureau de laiton. Mais laisse faire les grands.
Le Saint du Taureau de Poniatowski leva les yeux vers la silhouette massive et sombre qui le dominait. Nyati du Taureau d'ébène. Le colosse frappa ses deux poings l'un contre l'autre, visiblement ravi d'en découdre.
— Je vais te faire passer l'envie de chasser une proie qui n'est pas à ta hauteur, Aléa.
— Je ne vois pas ce que tu me reproches, chevalier. Les prédateurs ne recherchent pas le défi, ils cherchent la quantité. Mais quand il faut se défendre, ils ne sont pas en reste.
Nyati éclata d'un rire que d'aucuns auraient qualifié de dément en se précipitant vers l'Aléa. Le choc fut brutal. Le chevalier d'ébène enchaîna les attaques physiques, sans utiliser d'arcane particulier. Juste la force brute. L'Aléa les para ou les contra toutes.
— Tu devrais cesser, l'avertit l'Aléa.
Nyati stoppa son assaut. Non pas pour respecter les conseils de son adversaire, mais parce qu'il ressentait une chose étrange. Il regarda ses mains. Ses doigts s'étaient amincis, comme desséchés. Il leva les yeux vers l'Aléa majeur.
— Kgalagadi Draining [l'assèchement de la grande soif] expliqua ce dernier. J'incarne le désert du Kalahari. Quiconque entre en contact avec moi commence immédiatement à perdre l'eau de son corps.
Nyati sourit.
— Alors il faut juste que je ne te touche pas directement ! Bullring Spike ! [Pointes de l'arène]
Le chevalier noir se rua tête en avant sur son adversaire. Il enroba les cornes de son casque et de ses épaules de son cosmos d'ébène et percuta Kalahari sans que sa peau ne le touche. L'Aléa majeur fut repoussé brutalement. Il se rattrapa d'une main, se redressa en creusant deux sillons au sol avec ses jambes. Une fois immobilisé, il tendit le tranchant des deux mains vers Nyati et clama :
— Omurambas Revelation ! [Révélation des omurambas]
Des ravines sèches et enchevêtrées correspondant au réseau sanguin sous cutané de Nyati se formèrent. La peau se craquela, dévoilant des veines et des artères vidées, au sang coagulé par le manque d'eau. Le Saint d'ébène trembla, sous la douleur mais aussi sous le coup de la détresse hydrique qui envahissait son corps. Il tomba à genoux.
— Où est passée ta verve, chevalier ? Se moqua Kalahari. Évaporée ?
Il ricana à sa propre touche d'humour. Nyati grogna et se redressa vaillamment.
— Tu devrais te laisser mourir. Tu souffrirais moins.
Puis il remarqua que le chevalier d'ébène se mouvait presque normalement.
— Comment… ?
— J'ai passé des années à développer ce corps de colosse. J'en maîtrise les moindres muscles… y compris ceux de mes vaisseaux sanguins. Je suis capable de rediriger mon flux sanguin vers les organes qui en ont besoin. Et devine quoi, cela ne m'affaiblit pas le moins du monde ! Bullring Horn ! [Corne de l'arène]
La technique frappa de plein fouet Kalahari qui fut projeté dans les airs. Cette fois, il ne se rattrapa pas et s'effondra. Mais lui aussi se releva. Un cosmos bestial s'agita autour de l'Aléa, comme si l'agressivité de toute une faune sauvage en émanait. Nyati éleva son cosmos jusqu'à son paroxysme. Elnath comprit qu'il s'agissait de l'assaut final. Les deux guerriers n'avaient de force que pour une ultime attaque.
— Kalagare Savagery ! [La Sauvagerie du lieu sans eau]
— Bullring Last Fury ! [La dernière rage de l'arène]
Les deux arcanes s'affrontèrent férocement sous les yeux du chevalier de laiton, complètement dépassé par la puissance des coups échangés. Un tourbillon de poussière et de sable engloba les deux adversaires et finit par retomber. Kalahari gisait aux pieds de Nyati. Ce dernier se retourna vers Elnath.
— Je m'attendais à mieux de la part d'un Aléa majeur, maugréa-t-il.
Il fit un pas vers le jeune Saint de laiton et jura avant de s'effondrer, emporté dans les limbes du coma.
**
De là où il se trouvait, Inyoka de l'Ophiuchus noir sentit le cosmos de son ami s'endormir et sourit, se moquant gentiment de son arrogance mal placée. De son côté, l'alter ego de Shaina avait successivement retrouvé les jumeaux Alphard et Raphaël, respectivement chevaliers de bronze de l'Hydre Femelle et de l'Hydre Mâle, puis Raiden, chevalier de laiton de la Machine Électrique, et enfin Eiji, chevalier de laiton de la Pile de Volta. Il les tenait maintenant sous sa protection, ainsi que leurs veilleurs de l'ombre. Quand ils apprirent la raison de leur séparation, ils mesurèrent leur chance d'être indemnes et redoublèrent de vigilance. S'ils étaient vraiment la cible des Aléas majeurs, ils ne tarderaient sûrement pas à croiser leur route.
— Où allons-nous ? Demanda Eiji.
Inyoka ne répondit pas tout de suite, sondant les environs pour éventuellement retrouver d'autres chevaliers, mais il n'y en avait aucun de perceptible. Et pourtant, ils n'étaient pas seuls. Se fiant à son instinct, il pointa du doigt une direction, sans décrocher un mot. La petite troupe se mit en route en courant. Régulièrement, le chevalier d'ébène changeait de direction, mais il finit par s'arrêter quand il fut clair qu'ils étaient cernés. Les chevaliers de bronze et de laiton le comprirent et se mirent en formation. Partout autour d'eux surgirent des Aléas mineurs. Pourtant, ils n'attaquèrent pas.
— Des rabatteurs, déclara le chevalier d'ébène de l'Ophiuchus noir.
Des applaudissements retentirent.
— Bravo ! Le désert que j'incarne, Gobi, est connu pour être une terre où il est impossible de maintenir la paix de façon constante. Célèbre également pour la dangerosité des tribus et autre bandes armées qui le sillonnent.
Inyoka resta de marbre, peu impressionné par la déclaration de l'Aléa majeur qui avait ouvert son chemin parmi ses subalternes.
— J'aurais pu détruire un à un chacun de ces rats, poursuivit-il, pas démotivé le moins du monde, en désignant les Saints de bronze et de laiton.
Le chevalier d'ébène vérifia discrètement la position des chevaliers de cendre et de suie qu'il avait disposés non loin de là, prêts à intervenir.
— Mais cela m'aurait empêché de capturer le roi des rats, continua imperturbablement Gobi en fixant son regard dans celui d'Inyoka.
Ce dernier eut un rictus macabre.
— C'est drôle que tu évoques les rats, fit-il en s'avançant.
D'un regard, il intima à ses camarades de s'éloigner de lui, puis il reporta son attention vers son ennemi.
— Ils m'ont toujours fasciné, reprit-il. Leur intelligence, leur débrouillardise, leur résilience, leur influence dans le monde de la médecine, leur symbolisme de la mort. Des créatures époustouflantes, si tu veux mon avis. Alors nous comparer à eux est un honneur, et moi à leur roi est un compliment.
Gobi éclata d'un rire franc, presque amical, auquel Inyoka répondit en sortant étonnamment de sa taciturnité.
— Attaquez les sous-fifres, ordonna alors l'Aléa majeur. Y compris ceux qui tentent de se dissimuler. Je m'occupe du roi des rats.
— Défendez-vous au péril de votre vie, chevaliers, imposa le chevalier d'ébène. Mais ne vous mettez pas en travers de mon chemin.
Et le combat commença.
— Hydra Scalpere ! [Griffure de l'Hydre Femelle] hurla Alphard.
— Hydrus Mordere ! [Morsure de l'Hydre Mâle] cria Raphaël.
— Bipolar Flash ! [Éclair bipolaire] clama Eiji.
— Micare Ex Machina ! [Éclair sorti de la machine] lança Raiden.
Les quatre techniques creusèrent quatre tranchées dans les rangs des Aléas mineurs qui n'eurent même pas le temps de se reprendre que les chevaliers de cendre et de suie achevèrent les blessés. Inyoka vérifia un instant que ses compagnons géraient la situation de leur côté avant de s'élancer à la rencontre de l'Aléa majeur.
— Halberd Wall ! [Mur hallebarde] fit ce dernier.
L'offensive de but en blanc de Gobi surprit le Saint d'ébène qui eût l'impression de percuter une muraille tranchante. Inyoka fut projeté à des dizaines de mètres, une belle entaille pénétrant profondément dans son armure noire, jusque dans sa chair. Il se releva sans trop de peine pour autant et fit un pas en avant. Aussitôt une onde de flétrissure s'étala autour de lui… et à chaque autre pas qu'il fit vers son adversaire. D'instinct, Gobi recula avant de s'arrêter.
— Halberd Wall ! Répéta-t-il.
— Jamais deux fois la même attaque contre un chevalier ! Prévint Inyoka en esquivant adroitement l'attaque.
Il se rétablit derrière Gobi. L'onde de fanaison se répandit de nouveau. L'Aléa majeur préféra faire un bond en arrière.
— Alors autant changer… gronda-t-il. Flaming Cliffs ! [Falaises flamboyantes]
Inyoka sembla soudainement se trouver au bord d'un haut plateau brûlant et il fut précipité dans un à-pic de flammes. Il se reprit en pleine chute, altéra sa trajectoire pour fondre sur son adversaire et contre-attaqua :
— Thunder Venom Bite ! [Morsure venimeuse foudroyante]
La technique pénétra profondément dans le corps de l'Aléa qui fut pris de tremblements terribles.
— Chacun de tes nerfs est sur-stimulé et s'imprègne d'un poisson violent. La douleur doit être atroce pour un être tel que toi qui ne savait ce que c'était d'être vivant avant d'avoir été incarné !
Gobi râla, griffant le sol de rage. Inyoka s'approcha. L'Aléa majeur retrouva toute sa contenance et agrippa la cheville du chevalier d'ébène, qui tenta de se dégager en comprenant son erreur. Son adversaire n'était pas en difficulté. Ses tremblements n'étaient pas dus à la douleur, à la peur ou à la colère… mais à l'excitation.
— Tu es doué, chevalier. Digne d'un chevalier d'or en termes de puissance. Mais ta fascination pour le côté obscur de la médecine est trop évidente. Tu es voué à l'ombre… et au froid de la mort. Chilling Root ! [Racine glaçante]
Les ongles de Gobi s’allongèrent, transperçant l'armure d'ébène et se ramifièrent dans le corps d'Inyoka, prisonnier.
— On me surnomme la racine eurasienne. Je suis le désert le plus froid de la planète. Laisse-toi refroidir par ma puissance… dans tous les sens du terme.
Le chevalier d'ébène hurla. Il sentait la température de son organisme descendre en flèche. Déjà la torpeur le gagnait et ses membres avaient du mal à réagir. Mais il se força à se calmer. L'ennemi avait commis une grande erreur. Il était en contact avec lui. Gobi cessa de jubiler en sentant une sensation étrange l'envahir.
— Mon cosmos a une fâcheuse tendance à corrompre tout ce qui le touche si je ne le contrôle pas. À mon contact, tout se décompose. Et ton froid me fait perdre ce contrôle. Dommage pour toi que ta technique nécessite un contact. Rotting Talons Strike ! [Frappe des serres putréfiantes]
De ses deux mains, il frappa et propulsa son adversaire dans les airs au-dessus de lui. Déjà la décomposition gagnait la protection de l'Aléa. Puis il sauta à sa suite et frappa de nouveau, le renvoyant violemment au sol. Gobi mordit la poussière. Quand Inyoka atterrit non loin de lui, il s'affala et cracha des morceaux de sang gelé. Il se maudit lui-même, plus affaibli qu'il ne le pensait. Les deux antagonistes se relevèrent péniblement, chacun à l'article de la mort. Le chevalier d'ébène osa un coup d’œil vers ses compagnons dont le combat touchait à sa fin. Il assista à la mort du dernier chevalier noir de son équipe. Eiji gisait au beau milieu d'Aléas mineurs morts. Alphard pleurait sur la dépouille de son frère. Raiden donnait le coup de grâce à leur dernier assaillant. Il regarda Gobi. Le moment était venu. S'il en venait là, il ne pouvait garantir ni sa propre survie, ni celle des deux chevaliers survivants. Son cosmos envahirait et corroderait toute la zone sur des dizaines de mètres de diamètre. Il les rejoignit en un éclair.
— Partez le plus loin possible, ordonna-t-il.
Sa respiration était sifflante, douloureuse, difficile.
— Mais… commença Raiden en aidant Alphard à se relever.
— Obéissez, chevaliers sacrés. Je suis un chevalier noir. Même si vous n'êtes pas mes protégés désignés, je me dois de vous préserver. Alors partez où vous mourrez !
Devant la diatribe du chevalier d'ébène, ils reculèrent. L'effrayante cosmo-énergie qui se dégagea alors de l'Aléa majeur stoppa tout dialogue. La Saintia de bronze et le chevalier de laiton survivants hésitèrent encore une fois mais se rendirent à la raison. Après un dernier regard encourageant à Inyoka, ils filèrent loin de l'affrontement final. Le Saint d'ébène se concentra et embrasa son cosmos.
— Finissons-en, Gobi ! Même si je dois en mourir, je t'emporterai avec moi. Et après t'avoir initié aux affres des vivants, je serai ton bourreau dans l'au-delà !
— Dusses-tu me défaire, dussions-nous nous entre-tuer, jamais tu ne me retrouveras dans l'autre monde. Si j'ai souffert comme un vivant, grâce ou à cause de toi, je ne suis qu'une incarnation. Désolé de te décevoir.
Les deux adversaires firent exploser leurs cosmos.
— Decomposition Battling Wings ! [Les ailes battantes de la décomposition] Clama Inyoka.
— Greatest Thermal Amplitude ! [La plus grande amplitude thermique] hurla Gobi.
Alphard et Raiden perçurent la mort des deux terribles combattants dans leur dos. Les vagues de flétrissure entremêlées d'ondes de chaleur et de froid faillirent les atteindre et la proximité du choc les fit vaciller. Ils reprirent leur équilibre, continuant leur course sans oser regarder en arrière. Une fois de plus, les larmes coulèrent devant le sacrifice ultime d'un chevalier d'Athéna.
**
Derrière son masque, Shaina réussit à cacher son émotion. Elle n'avait même pas réellement connu son alter ego, mais sa disparition la prit au cœur. Pourtant, elle aurait dû avoir l'habitude de vivre de telles pertes. Mais habitude ne signifie pas désensibilisation. Elle eut une pensée pour lui, promettant de faire vivre sa mémoire… ou de lui signifier sa reconnaissance quand elle le rejoindrait dans l'inframonde. Un cri féroce l'interrompit et une décharge de cosmos qu'elle reconnaîtrait entre mille éclata. Sa disciple, Xandra, femme chevalier de bronze du Serpent, se battait non loin de là où elle se trouvait. De suite, elle se dirigea vers l'affrontement potentiel. Elle y découvrit une troupe d'Aléas mineurs aux prises avec Xandra, mais aussi deux autres Saintias de bronze, Lyanne du Lièvre et Aubrée de la Dorade.
— Thunder Snap ! [Morsure foudroyante] rugit Xandra.
— Arneb Flash ! [L'illumination d'Arneb] cria Lyanne.
— Espada Aleta ! [Nageoire épée] lança Aubrée.
Elles avaient beau se battre admirablement, et bénéficier des interventions providentielles de leurs alter egos, leurs ennemis étaient trop nombreux. Shaina décida d'intervenir mais une main se posa sur son épaule.
— Je m'en occupe, fit une voix.
Un individu inconnu la dépassa prestement et fusa vers les Aléas mineurs.
— Erasing Sirocco ! [Sirocco effaceur]
Un vent chaud d'une chaleur et d'une sécheresse extrêmes se dispersa et faucha chacun des Aléas dont l'existence même fut effacée. Les volutes sableuses épargnèrent les chevaliers.
— Regenerating Calima [Calima régénératrice] fit-il ensuite.
Un souffle chaleureux enveloppa les guerrières et elles sentirent leurs forces revenir. Elles regardèrent l'inconnu avec une stupéfaction non dissimulée. Ce dernier revint vers Shaina. Il s'inclina élégamment devant elle.
— Je me présente, Sahara, Aléa majeur supérieur. Je me suis permis de corriger moi-même ces rustres qui ont osé désobéir à la Calamité Xirasía. J'espère que vous considérerez leur guérison comme une pénitence suffisante de ma part, femme chevalier d'or d'Ophiuchus.
Shaina resta un instant interdite. Les trois femmes de bronze en profitèrent pour se rapprocher d'elle.
— Maître Shaina, commencèrent-elles.
Celle-ci leva une main, leur intimant le silence. Elle réfléchit bien avant de parler.
— Je te sais gré de ta mansuétude, Sahara. Mais, sans vouloir abuser de la situation, accepteras-tu de laisser s'éloigner mes consœurs ?
Il sembla évaluer les tenants et aboutissants de la proposition.
— De toute façon, je ne voulais pas vraiment entrer dans le jeu de mes pairs. Mais j'aime faire appliquer les règles, d'où mon intervention. Pour autant, tu n'as pas à t'inquiéter que je les transgresse pour mon profit personnel, donc je vais bien sûr accéder à ta demande. À une seule condition…
— Laquelle ? Enchaîna la femme chevalier d'or.
— Je souhaite me mesurer à toi… toi qui a survécu à tellement de guerres intestines et divines.
— Je ne fonctionne pas à la flatterie, Aléa. Mais soit, si tu tiens parole, je serai ton adversaire à la loyale.
Xandra fit mine de s'insurger mais Shaina la stoppa.
— Retrouvez Shunreï. Elle aura davantage besoin de votre présence que moi.
Son ton ne souffrant aucune contestation, les trois femmes acquiescèrent promptement et s'en furent, accompagnées de leurs chevaliers noirs. Shaina reporta son attention vers Sahara.
— Excuse-moi pour ce contretemps, fit-il.
— Tu es toute excusée, répondit-il grand seigneur. Prenons place, veux-tu ?
Shaina opina et ils se firent face. Elle avait toujours tenu le code de la chevalerie pour son art de vivre. Les combats à un contre un étaient pour elle la quintessence d'un affrontement, la véritable nature d'une confrontation. Elle rappela à elle les souvenirs de tous ses combats passés et laissa libre cours à son tempérament électrique. Son cosmos s'éleva. Sahara déploya le sien. La femme chevalier bondit :
— Thunder Claw ! [Les griffes de tonnerre]
Porté à la vitesse de la lumière, l'Aléa majeur reçut le coup de plein fouet. Il contre-attaqua de suite :
— Tearing Simoun ! [Simoun déchirant]
Un vent chaud et acéré lacéra Shaina qui recula aussitôt, des grains de sable emplissant le moindre interstice de son armure. L'Aléa tendit la main. La femme chevalier sentit des millions de petites piqûres brûlantes s'éveiller.
— Burning Khamsin ! [Khamsin brûlant]
La gêne devint douleur. D'abord lancinante, puis pénétrante et enfin accablante. Chacun des grains de sable qui s'était inséré, chauffé à blanc, l'incinérait. Le sable devint verre et des millions d'aiguilles pénétrèrent sa peau et se fichèrent dans ses organes. La souffrance était atroce. Malgré tout, elle réussit à se lancer à l'attaque. Tournoyant sur elle-même, tel un serpent électrique, elle fondit sur Sahara.
— Lightening Serpentine Tail ! [Queue foudroyante du serpent]
Elle atteignit violemment l'Aléa, fendant sa protection. Chaque fissure se chargea d'électricité qui zébra son adversaire, surchargeant tout son circuit nerveux et calcinant ses nerfs. Les deux antagonistes s'écartèrent l'un de l'autre. Haletants, souffrants, ils se regardaient en chien de faïence, portés par le combat. De tendres volutes chaleureuses flottèrent autour de Sahara et s'insèrent dans les craquelures de sa protection.
— Regenerating Calima. [Calima régénératrice]. Tu te bats admirablement bien, Shaina de l'Ophiuchus d'or. Je n'en attendais pas moins de toi. C'est un véritable honneur pour moi.
Sa respiration se calma et son corps cessa de trembler. Il se redressa de toute sa hauteur, son organisme et son cosmos de nouveau intacts. Il s'était soigné comme il avait soigné les consœurs de Shaina auparavant. Cette dernière sut d'expérience qu'il allait passer à l'offensive.
— Erasing Sirocco ! [Sirocco effaceur] clama-t-il.
Les volutes sableuses se firent rafales cinglantes et il sembla à Shaina que son corps se faisait ronger en profondeur. Telle la roche qui se fait éroder par les grains de sable transportés par le vent, son armure et son organisme perdaient de la matière, arrachée douloureusement par la technique de Sahara.
— Cellular Stimulation Surge ! Hurla-t-elle péniblement.
Sahara recula, mais cessa interloqué. Il ne ressentait rien. Il regarda la femme chevalier, interrogateur, presque déçu que son attaque n'ait pas porté. Shaina, quant à elle, s'était redressée.
— Que…
— Ma technique ne t'était pas destinée.
Alors seulement, il remarqua qu'elle ne semblait plus souffrir, que son corps avait repris de sa superbe.
— Tu n'es pas le seul à pouvoir te régénérer.
Le bâton d'Asclépios, l'héritage du treizième chevalier d'or, se matérialisa dans sa main.
— Il n'y a eu que trois porteurs à mon armure, indiqua-t-elle. Asclépios lui-même, le premier chevalier d'or d'Ophiuchus, celui des temps mythologiques. Puis Odysseus et moi-même. Mes deux prédécesseurs étaient d'illustres médecins. J'ai hérité de leur art. J'hésite toujours à m'en servir, préférant le combat, mais tant que tu te soigneras, je ferai de même.
— Notre combat risque de durer longtemps, sourit Sahara. Aussi, je te promets que je ne me guérirai plus. De toute façon, tu mourras à mon prochain assaut. Il est temps que tu goûtes à ma plus puissante attaque, au cœur même du désert que j'incarne, sa partie la plus terrible, la plus inhospitalière, la plus mortelle.
Son cosmos s'embrasa puis implosa, se recroquevillant sur lui-même en une boule incandescente d'une puissance incommensurable. La chair même de l'Aléa commença à fondre. Shaina leva son bâton devant elle. Sahara tiqua.
— Tu avais promis, Shaina…
— J'ai bien trop de fierté et d'honneur pour ne pas tenir ma promesse, Sahara, le rassura la femme chevalier. Mais ce bâton ne sert pas qu'à la guérison. Il est un pouvoir qui y est enfermé depuis la chute d'Asclépios. Vois-tu, il a été foudroyé par Zeus lui-même. Depuis lors, une portion de cette foudre divine est enfermée dans ce bâton. Odysseus ne s'est pas servi de ce pouvoir. Il est donc encore intact et convient parfaitement à ma maîtrise de l'électricité.
— Les dieux n'ont plus aucun pouvoir ! Fit remarquer Sahara, dédaigneux. Les Calamités y ont veillé ! Disparais, Ophiuchus d'or ! Tenere Core ! [Cœur du Ténéré]
— C'est donc à moi de le réveiller ! Rugit Shaina. Unchained Zeus Thunder ! [Foudre déchaînée de Zeus]
Les deux arcanes suprêmes s'entrechoquèrent. L'éclat lumineux fut tel qu'on aurait cru qu'un petit soleil était descendu sur Terre. Quand la lumière s'éteignit, Sahara avait disparu, volatilisé par la foudre divine. L'armure d'or d'Ophiuchus se dressa un instant dans sa forme humaine, vide de tout porteur, avant de reprendre sa forme originelle. On ne jouait pas impunément avec les pouvoirs divins.
**
— Même toi, Shaina… déplora tristement Xiaoling de là où elle était.
Les larmes s'écoulèrent sur ses joues et elle ne tenta pas de les arrêter. Qu'importe la présence de Nuutui et Naoki, respectivement Saintias de bronze de la Petite Ourse et de la Grande Ourse. La Saintia du Taureau d'or les avait retrouvées après que leurs alter egos avaient été occis par une troupe d'Aléas mineurs zélés, permettant par là même à leurs protégées de poursuivre leur chemin. Xiaoling s'était occupée de ces fourbes et, ensemble, elles avaient pris le temps d'enterrer les chevaliers noirs. Il ne leur fallut pas attendre longtemps avant de percevoir une autre avancée de cosmos. Décidément, il y avait des Aléas mineurs qui ne se souciaient pas des ordres de leur Calamité. Mais quand Xiaoling pivota pour faire face à leurs nouveaux adversaires, elle découvrit une bande de hyènes rayées. Énormes, investies indubitablement d'un cosmos désertique, elles se déployaient stratégiquement pour les encercler. Leurs ricanements et leurs glapissements étaient lugubres. Cela ne présageait rien de bon.
— Leur comportement n'est pas normal, fit remarquer Nuutui.
— Elles sont contrôlées, déclara Naoki.
Sur un signal perçu d'elles seules, les bêtes fondirent à l'assaut des Saintias. Le cosmos d'un Aléa, qui ne pouvait qu'être majeur, luisait sur leurs crocs dévoilés.
— La Frappe de l'Ours ! Cria Naoki.
— Kyokuten Kōkō Ken ! [poing éblouissant de l'étoile polaire] hurla Nuutui.
Une dizaine de hyènes fut emportée par les attaques des deux Saintias de bronze. Xiaoling allait passer à l'action pour se débarrasser du reste de la meute lorsque, surgissant de derrière une hyène, un individu à l'allure sauvage se manifesta en rugissant sauvagement. La Saintia du Taureau n'eut que le temps de l'esquiver. Il se rétablit souplement sur ses quatre membres, ses doigts creusant de profondes rigoles dans le sol dur et sec. L'intensité de son cosmos ne laissait planer aucun doute quant à son identité. Il était l'Aléa majeur, chef de la troupe bestiale qui les assaillait. Une aura de violence et de cruauté le baignait. La sauvagerie à l'état pur. Il bondit et l'un de ses bras se referma sur l'abdomen de Xiaoling. Il les emporta loin de Nuutui et Naoki. Xiaoling se dégagea brutalement et parvint à rétablir une certaine distance de sécurité entre elle et son adversaire.
— Occupez-vous des hyènes ! Cria-t-elle à ses compagnes de bronze.
Déjà, l'Aléa majeur se ruait de nouveau sur elle et elle dut se désintéresser de ses consœurs.
— Il suffit ! Rugit-elle, en colère. Great Horn ! [Corne du Taureau]
La technique phare des chevaliers du Taureau propulsa l'Aléa majeur au loin. La frénésie de ce dernier sembla s'être calmée lorsqu'il se releva. La bestialité se lisait toujours dans son regard, mais une bestialité intelligence, circonspecte, réfléchie. D'un geste, il traça un arc de cercle devant lui. Son arc de cosmos se mit à briller d'une lueur cramoisie.
— Ad-Dahna Red Bow ! [Arc rouge d'Ad-Dahna]
L'émanation cosmique fila sur Xiaoling et la percuta violemment, l'envoyant à terre. Le souffle court, elle se releva. Il n'avait pas encore prononcé un seul mot, se contentant d'attaquer.
— Qui es-tu ? demanda-t-elle.
— Ad-Dahna Red Bow ! fut la réponse.
Peine perdue, pensa la Saintia d’or.
— Great Horn ! Contra-t-elle.
Sa technique annula celle de son ennemi.
— Je t'obligerai à me répondre, Aléa ! Glorious Horn ! [Corne glorieuse du Taureau] enchaîna-t-elle.
— Tuwaiq Red Cliff ! [Escarpement rouge du Tuwaiq] Gronda l'Aléa.
La corne du Taureau se brisa contre un mur de cosmos qui s'avança à toute allure vers Xiaoling. Celle-ci fut percutée, plaquée puis projetée.
— Xiaoling ! S'écrièrent Naoki ou Nuutui qui en avaient terminé avec les hyènes rayées.
Les deux Saintias de bronze se précipitèrent vers la Saintia d'or alors même que l'Aléa faisait un pas vers sa victime.
— Kyokuten Hokushin Kō ! [lumière de l'étoile polaire] fit la Saintia de la Petite Ourse.
Un flash lumineux jaillit de son cosmos, aveuglant l'Aléa qui s'arrêta et s'abrita le visage. La Saintia de la Grande Ourse profita de ce double angle mort pour le saisir par le cou.
— La Prise de l'Ours ! Grogna-t-elle en serrant de toutes ses forces.
— Écartez-vous ! Hurla Xiaoling qui anticipa ce qui allait suivre.
L'Aléa se dégagea d'une explosion de cosmos qui souffla Nuutui, la projetant à des dizaines de mètres de là, et carbonisant Naoki, dont la prise se desserra lentement. La Saintia s'effondra comme une poupée de chiffons. La colère flamba dans l'esprit de Xiaoling qui réveilla toute la violence d'un taureau sauvage. Elle plaqua sa main au sol et lança :
— Titan's Nova ! [La nova du titan]
L'onde de choc chargea vers l'Aléa majeur. Lui aussi plaqua sa propre main qui s'enfonça dans le sol comme dans de l'eau saumâtre.
— Al Samim Red Quicksand ! [Les sables mouvants rouges d'Al Samim]
Toute la puissance de la technique de Xiaoling fut absorbée par celle de l'Aléa. La Saintia du Taureau ne fut son salut qu'à ses réflexes de vétérane. Avant que le sol animé du cosmos de son adversaire ne l'engloutisse, elle se mit hors de portée. L'Aléa se redressa, préparant déjà sa prochaine offensive. Il n'attendit pas qu'elle se rétablisse :
— Wahiba Red Sandsea ! [Mer de sable rouge de Wahiba]
Une vague de sable rouge et brûlant se rua sur elle.
— Kyokuten Shichi Sei Senkō Geki ! [attaque des rayons de lumière des 7 étoiles du pôle céleste] contra-t-elle.
Une de ses plus puissantes techniques. Les deux attaques se contrecarrèrent. La Saintia n'en pouvait plus. La domination sans conteste de son adversaire la laissait presque à sa merci. Elle passait pour l'une des plus puissantes, en termes de force brute, parmi les chevaliers d'or. Comment pouvait-elle n'être capable que de se défendre face à lui ?
— Je suis l'incarnation du désert d'Arabie, petite Saintia d'or, annonça-t-il enfin d'une voix animale, visiblement peu habituée à être utilisée. Je voulais que tu le saches avant de disparaître.
Son cosmos s'éleva encore, si c'était possible. Xiaoling trembla un instant, mais se reprit en voyant Nuutui frémir dans son inconscience. Elle était vivante ! La Saintia du Taureau raffermit sa volonté. Elle ne pouvait abandonner sa seule disciple restante. Elle devait inspirer la génération suivante, comme l'avait dit Shiryu !
— Brûle, mon cosmos. Et qu'un miracle se produise ! Chevaliers du Taureau du passé, prêtez-moi vos forces…
Arabie attaqua.
— Rub Al-Khali Red Void ! [Vide rouge de Rub Al-Khali]
Un vortex de sable rouge se mit à tourbillonner sur lui-même, formant un trou noir écarlate qui se précipita sur elle.
— Lumière de la constellation du Taureau, remplis cette obscurité et anéantis mon ennemi ! White Bull Pleiades Rain [la pluie des Pléiades du Taureau blanc]
Un déluge de trois-mille gouttes lumineuses en forme de corne s'abattit sur Arabie dont le trou noir cramoisi disparut, effacé par l'étincelance du cosmos de la Saintia. L'Aléa majeur fut désintégré sans avoir eu le temps d'émettre le moindre son. Exténuée, Xiaoling s'affala sur le sol… entendant à peine l'exclamation inquiète de Nuutui qui courait vers elle.
**
Le cœur de Shunreï se serra une fois de plus. Elle ressentait chacune des morts de ses accompagnateurs. Elle savait maintenant ce que Shiryu avait vécu et ressenti au cours des affrontements successifs auquel il avait participé. Elle avait également conscience dorénavant de ce qu'il lui avait tu. Et elle ne l'en admira que davantage. Elle s'était toujours inquiétée de perdre un seul homme. Il avait toujours vécu dans la crainte d'en perdre bien plus, amis et frères. Maintenant, elle aussi s'en faisait pour tous ceux et toutes celles qui la secondaient. Parmi eux, à part Zashchita de l'Écu et Saïla de l'Horloge, l'avaient rejointe Xandra du Serpent, Aubrée de la Dorade, Lyanne du Lièvre et ils avaient retrouvé Rodin du Chêne. Elle était donc accompagnée de deux chevaliers d'argent, trois chevaliers de bronze et un chevalier de laiton, sans oublier bien sûr leurs alter egos, les chevaliers noirs. Douze Saints comme garde rapprochée. Elle se sentait honorée… et responsable. Sentiment paradoxal lorsqu'elle se rappelait qu'elle devait rester en retrait en cas de combat, sauf si Xirasía elle-même se montrait. Et elle n'en était plus très loin. Elle sentait que son Spéos était proche. Bientôt, elle pourrait la combattre… et peut-être sauver ceux qui pourraient encore l'être.
Une secousse interrompit ses pensées. Puis une autre. Et encore une autre. Enfin, se montrant au sommet d'un escarpement rocheux et nu, apparut un être à la taille démesurée. L'aura qu'il dégageait ne pouvait appartenir qu’à un Aléa majeur. Il avait probablement été attiré par la présence des chevaliers de bronze et de laiton. Il sauta de sa corniche et sa silhouette assombrit le ciel au-dessus de la petite troupe.
— Dispersion ! Ordonna Zashchita.
L'ennemi retomba au sol qui trembla sous son poids. Puis, avec une vitesse et une agilité que ne lui laissait pas présager sa corpulence, il fouetta l'air de son pied géant. Il allait atteindre Lyanne quand son alter ego s'interposa. L'armure noire explosa sous le choc et le chevalier de cendre perdit la vie sur le coup. Lyanne hurla et se précipita, faisant flamber son cosmos.
— Arneb Flash ! [L'illumination d'Arneb]
L'Aléa stoppa le pied de la Saintia d'un seul doigt, lui agrippa le corps et serra. Le craquement sinistre qui accompagna la pression ne laissa aucun doute sur le sort de Lyanne dont le corps devint mou. Le géant balança son cadavre comme s'il s'agissait d'une chose inutile. Tout cela n'avait pris qu'un instant. Un instant qui laissa l'assistance médusée par un tel déferlement de violence brute. Aubrée et Xandra virent rouge et se ruèrent sur l'ennemi. Il resta insensible à leurs attaques, ne les considérant visiblement pas plus gênantes que des insectes qu'il faut juste écraser. Il s'y appliqua mais là encore les chevaliers noirs prirent les dégâts à la place des chevaliers sacrés. Cela ne suffit pourtant pas à sauver Aubrée qui s'effondra mais ne se releva pas. Xandra grièvement blessées, allait y passer également lorsque Rodin, chevalier de laiton du Chêne, s'interposa. Lui aussi de grande stature, il concentra son cosmos au moment où l'Aléa majeur allait écraser la femme chevalier du Serpent. Il réussit à dévier le coup et contre-attaqua :
— Oak Bark Splinters ! [Échardes d'écorce du chêne]
Le géant dut se protéger, bien que pas plus que pour empêcher des poussières de lui entrer dans ses yeux, mais cela suffit.
— Chrono Immortal ! [L'immortalité temporelle] lança Saïla, Saintia d'argent de l'Horloge.
Une gangue temporelle figea Rodin et Xandra, arrêtant leurs atomes, stoppant même la moindre possibilité de nouveau mouvement de ces atomes, les transformant en une matière indestructible mais inerte. L'Aléa abattit sa main sur les chevaliers figés. Mais il ne se passa rien. Briser un corps revient à bouger ses atomes… quand cela n'est plus possible, rien ne peut plus se passer. Le chevalier de suie, protecteur de Rodin, s'avança.
— Non, l'interrompit Zashchita. Ils ne craignent plus rien dans cet état. Poursuis ta route avec Shunreï et protège-la. Saïla et moi allons nous occuper de cet Aléa.
Comprenant qu'aucune parole ne changerait la situation, Shunreï fit signe au chevalier noir de la suivre. Ils laissèrent ainsi les deux Saintias d'argent et leurs alter egos de charbon, priant intérieurement pour leur victoire.
— Ça m'en fait cinq, compta l'Aléa majeur. J'espère que je suis en tête… Dommage qu'un s'en aille avec la Pic.
Il semblait véritablement contrit.
— Nous ne te laisserons pas augmenter ton palmarès, défia Zashchita.
— Comment des êtres minuscules tels que vous pourraient me vaincre ? Moi l'incarnation de la terre des géants, le désert de Patagonie !
Il partit d'un rire tonitruant ! Le chevalier de charbon de l'Horloge n'en attendit pas plus pour passer à l'offensive :
— Deathwatch Countdown ! [Le compte à rebours de l'horloge de la mort]
Atteignant Mach 5, le chevalier noir compta trois-mille-six-cent coups, chacun d'eux une fraction plus puissant que le précédent. Son acolyte l'assista :
— Grim Reaper Twirling Shield ! [Le bouclier tournoyant de la grande faucheuse]
L'Aléa grogna en recevant les attaques et fut obligé de reculer en se protégeant. Il parut honnêtement surpris et un éclair inquiétant traversa son regard. Il planta brutalement un pied de géant dans le sol, comme pour s'ancrer.
— Je vais vous balayer, petits êtres… Pathoagón Pisoteando ! [Piétinement de Pathoagón]
Il projeta son deuxième pied en avant vers les deux chevaliers qui ne purent rien éviter. L'impact fut d'une puissance inouïe. Un seul coup suffit pour percuter les thorax des deux Saints de charbon. Leurs armures éclatèrent et leurs cages thoraciques craquèrent, leurs os broyés. Saïla se porta immédiatement entre eux et Patagonie.
— Chrono Divide ! [Division temporelle]
Le cosmos qui jaillit du tranchant de sa main percuta l'Aléa majeur. Ce dernier perçut la dangerosité de l'attaque et porta ses mains à son abdomen. Quand il constata qu'aucun dommage n'était visible, il ricana.
— Vous n'êtes que des bons à rien, méjugea-t-il.
— Tu crois ? Sourit Saïla. Ma technique vient de te priver de la moitié de ton temps de vie restant.
Le ricanement cessa aussitôt. Incrédule, il regarda la Saintia d'argent. Celle-ci leva de nouveau sa main.
— Chrono Divide !
Une fois, deux fois, trois fois ! Plus encore ! Patagonie tenta d'esquiver mais une bonne moitié des coups porta. Il s'éloigna. Dès qu'il fut à une distance raisonnable, la Saintia de l'Horloge en profita pour figer le temps de ses compagnons blessés, en espérant que ça les sauverait. Zashchita se rapprocha, prête à défendre sa camarade pendant qu'elle s'exécutait. Enragé, l'Aléa bondit dans les airs, il replia ses quatre membres et, en pleine chute, les tendit vers les deux Saintias.
— Ira de la Tierra de los Gigantes ! [Colère de la terre des géants]
Alliant sa puissance physique à son énorme cosmos, la collision fut violente et éjecta les deux femmes. Elles ne s'en sortirent pas indemne. Leurs armures fêlées et leurs corps abîmés criaient leur souffrance. Pourtant, elles se relevèrent, chancelantes. Elles se propulsèrent vers Patagonie, ignorant la douleur.
— Astral Gravitation ! [Gravitation astrale] hurla Zashchita.
— Chrono Dominion ! [Domination temporelle] Clama Saïla.
La pression exercée par la technique de la Saintia de l'Écu immobilisa l'Aléa majeur et exerça une contrainte telle sur son corps que ce dernier sentit son squelette se fendre. En parallèle, il perçut son temps se faire déchirer. Combien lui en restait-il avant d'être désincarné ? Comment deux chevaliers d'argent pouvaient-ils lui tenir tête à ce point ? Il aurait pu s'y attendre de la part d'un chevalier d'or, mais là… Il raffermit sa volonté et repassa à l'attaque, elles étaient à sa portée :
— Pathoagón Pisoteando !
Surprises, Saïla et Zashchita ne réussirent pas à esquiver. La Saintia de l'Écu se plaça devant sa consœur et leva son bouclier. Le pied géant le percuta de plein fouet. L'écu absorba tous les dégâts, mais se brisa… en même temps que le bras de sa propriétaire. Saïla emmena sa comparse hurlante plus loin. Elles haletaient péniblement. Leur adversaire avait une respiration sifflante de vieillard. Le moment final était proche. Elles déglutirent lorsqu'elles sentirent le cosmos grandissant de Patagonie. Un cosmos écrasant, pantagruélique.
— La Patagonie est surtout un désert humain, Saintias. La vie y est rude, la mort facile. C'est comme une malédiction que seuls les élus peuvent supporter. Vos vies vont déserter vos corps avec cette ultime attaque. Maldición del Desierto Humano ! [Malédiction du désert humain]
— Les chevaliers valent mieux que tu ne le crois, Aléa. Même morts, certains continuent le combat, contra Zashchita. Lethal Gravitation ! [Gravitation létale]
— Jusqu'à la fin des temps ! Rugit Saïla. Chrono Execution ! [Exécution temporelle]
Une zone où toute vie humaine devenait impossible se propagea depuis Patagonie. Zashchita, quant à elle, savait qu'elle devait être en contact avec son adversaire pour que sa technique soit effective. Au cœur de la zone inhabitable, elle sentait ses forces la déserter. La gravitation qu'elle exerçait comprima l'existence même de l'Aléa. La Saintia de l'Écu sourit tendrement à sa compagne lorsque le cosmos temporel frappa. Elle savait qu'elle serait emportée par l'arcane de sa consœur. Saïla n'eut pas le temps d'annuler son geste. Le canon temporel les emporta jusqu'à la fin des temps.
La Saintia de l'Horloge tomba à genoux, ne parvenant pas à empêcher ses larmes de couler, défaite par la perte de son amie. Elle se promit de faire vivre sa mémoire jusqu'à la fin de sa vie. Sa vision se troubla soudainement, effets secondaires de ses blessures. Elle se força à rester éveillée. Lorsque l’inconscience l'emporta néanmoins, elle n'eut que le temps de se promettre de survivre, pour Zashchita, mais aussi pour ses camarades figés dans le temps. Si elle mourait, l'effet de sa technique se dissiperait et la mort emporterait les blessés qui ne pourraient être soignés. Une dernière pensée, à peine un songe, la poussa à souhaiter la victoire de Shunreï, cette femme sans aucune formation de Saint, devenue malgré tout une combattante, qui devrait affronter un ennemi bien plus redoutable que celui qui venait de tomber.