Woes Chapter
Chapitre 26 : La motivation du dragon quetzal.
2181 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 16/12/2022 06:29
Chapitre 26 : La motivation du dragon quetzal.
Les jours précédant les émanations de Planitaíos sur le Sanctuaire, en Chine, Qi Lao Feng, Mont du Vent, cascade de Yǔ Shí.
Ryufeng n’arrivait pas à se concentrer suffisamment pour atteindre l’état d’esprit qu’il percevait de ses frères. Il n’avait jamais été doué pour la méditation. Sa jeunesse jouait probablement contre lui, mais s’il se comparait à Ryuho au même âge, il arrivait inévitablement à la conclusion qu’un tel exercice ne lui correspondait pas. Sa Shield avait rejoint le pied de la cascade sinueuse qui s’écoulait de surplomb rocheux en surplomb rocheux, donnant l’impression d’être un serpent aqueux glissant le long d’une muraille, à ceci près que les éclaboussures qui se formaient à chaque ressaut enveloppaient la chute d’eau d’embruns lui donnant un aspect hirsute. Le jeune garçon n’avait toujours pas compris d’où venait cette armure, une Nahual avait dit son père, et avait du mal à appréhender son rôle dans toute cette histoire. Comment pouvait-il être un Pic alors qu’il n’avait pas fini son entraînement ? Comment pouvait-il être digne de défendre la Terre alors qu’il était plus jeune, même de peu, que son père lorsqu’il avait endossé l’armure du Dragon ? Comment pouvait-il même porter une armure, quelle qu’elle soit, alors qu’il avait toujours cru qu’il ne serait jamais chevalier, toutes les Cloth ayant un porteur ? Il ne savait même pas lui-même ce qu’il ferait à la fin de son entraînement !
Shiryu avait décidé de le former comme il l’avait fait de chacun de ses fils, sans arrière-pensée, sans leur imposer un avenir de Saint, principalement pour leur transmettre de grands préceptes, une philosophie de vie et, dans le cas de Ryufeng, un moyen de canaliser cette incroyable énergie qui le rendait si dynamique. Motivé par ses frères qu’il admirait, le benjamin de la famille avait fait de son mieux pour ne pas être en reste et faire honneur à son père. Pourtant, ce dernier l’avait toujours mis à l’aise, lui avait toujours signifié que s’il ne souhaitait pas suivre l’entraînement, il ne le lui reprocherait pas, le comprendrait même, vu les responsabilités que l’acquisition des pouvoirs d’un chevalier suscitait. Mais Ryufeng désirait ardemment suivre cet apprentissage. Sans ambition de devenir un Saint, il ressentait qu’il devait le suivre. De ses frères, il avait même été le premier à générer son tatouage, fait marquant qui le plaça dans la lignée directe des Taonias de la Contrée Mystique dont l’environnement de Lushan était l’héritier sur Terre. Shiryu lui avait tellement raconté d’histoire sur les origines de son propre maître, Dohko de la Balance, que cela avait peut-être orienté sa façon d’en recevoir les enseignements. Et pourtant, sa Shield n’était pas un Tattoo. Alors pourquoi ?
— Tu te poses trop de questions, mon fils.
Shiryu s’approcha de son benjamin.
— Papa ? Tu n’es pas à ta cascade ? s’étonna Ryufeng.
— Je l’étais, mais j’ai perçu ton désarroi et ton agitation. Ta mère étant elle-même en pleine méditation, je ne pouvais pas te laisser sans guidance. Raconte-moi, qu’est-ce qui te perturbe à ce point ?
Ryufeng s’ouvrit à son père sur ses incertitudes et ses doutes. Il s’épancha sur son sentiment de ne pas être compétent pour endosser le rôle qui était attendu de lui, sur son manque indiscutable d’expérience, sur son illégitimité à porter une Shield. Et il enchaîna avec sa sensation de ne pas savoir à quelle catégorie appartenir : Saint, Taonia, Jaguar ? Il avait l’impression d’être en équilibre sur une crête en point triple, tanguant inexorablement sans que son avenir ne prenne parti. Il ne savait parfois plus qui il était vraiment ! Il se sentait perdu. Shiryu le prit dans ses bras.
— Tu es tellement jeune, Ryufeng. Mais ne vas pas croire que c’est une faiblesse. Tu as tellement de possibilités devant toi ! Et tu as le pouvoir de choisir quelle sera ta destinée.
— Mais on attend de moi la même prouesse que pour toi ! C’est juste impossible ! Tu es un guerrier émérite, Genbu et Okko également même si je ne les connais pas plus que ça, Shoryu et Ryuho ont fait leurs preuves, mais moi…
— Et que dire de votre mère ? l’interrompit Shiryu.
Il se voulait calme et rassurant mais dans cette dernière question sourdait une certaine inquiétude malgré la confiance qu’il avait en le choix des Quiddités. Après tout, n’avait-il pas combattu par le passé des adversaires simplement éveillés à leurs statuts de Marina ou de Spectre mais qui s’était avéré des guerriers redoutables ?
— Tu as reçu mon enseignement, celui-là même que je tiens du Vieux Maître Dohko, lui-même le tenant du dragon millénaire de Lushan et du dragon blanc de la Contrée Mystique. Cet enseignement n’est pas à prendre à la légère et ne se cantonne pas à l’apprentissage de l’art de manier le cosmos. Il s’ancre dans une philosophie beaucoup plus profonde. Tu as autant appris à maîtriser ta cosmo-énergie qu’à comprendre les lois de la Nature. C’est un avantage que tu possèdes sur Maman qui est une néophyte dans l’usage du Cosmos.
Ryufeng s’apprêta à faire une remarque.
— Mais ne t’inquiète pas pour elle, le stoppa son père en souriant malicieusement. Elle baigne dans l’esprit de Lushan depuis aussi longtemps que moi et je ne pense pas mentir en disant qu’elle a assisté à tous mes entraînements. Elle s’en sortira, fait confiance aux Quiddités. Si l’une d’entre elles t’a choisi, c’est que tu le mérites.
Ryufeng pesa les paroles de son père. Comme d’habitude, elles étaient empreintes de bon sens.
— Mais pour ma Shield ? Comment expliquer que cela soit une Nahual ? J’aurais pu m’attendre à un Tattoo !
— À cela, je peux apporter une réponse, Maître de Lushan, fit une voix derrière eux.
Shiryu se retourna en prenant son temps, montrant par là même qu’il n’avait perçu aucune menace de la part de la femme qui venait d’apparaître… ou qu’il ne la considérait pas comme une menace. Elle s’agenouilla respectueusement.
— Je me présente, je suis Huespada, hiérophante de Quetzalcoatl. Je suis venue vous apporter des explications de la part de mon dieu et maître.
— Nous t'écoutons, Huespada, dit le Grand Pope en reprenant son rôle de représentant officiel du Sanctuaire mais aussi de père.
Huespada se tourna vers Ryufeng.
— Jeune homme, commença-t-elle en souriant malgré elle lorsqu'il rougit du qualificatif. La Shield que tu détiens provient de la Nahual du Serpent à Plumes. La divinité que je sers la porte tout particulièrement en son cœur car c'est la première Nahual qu'il a élaborée, il y a des milliers d'années de cela. Je suis une descendante d'êtres s'étant installés sur Terre après un long voyage dans l'espace. Quetzalcoatl et son frère Tezcatlipoca sont venus s'installer sur cette planète. En découvrant les humains, Tezcatlipoca est parti du principe qu'il faudrait les détruire s'ils s'avéraient indignes. Quetzalcoatl s'est opposé à son frère et une guerre de faction s'est installée. Nos guerriers, les Jaguars, se sont vus dotés de Nahuals pour se protéger des terribles coups qu'ils pouvaient infliger et recevoir. La première Nahual a été sculptée à l'effigie de Quetzalcoatl lui-même. Le dieu dont je porte la parole a développé une forte affinité avec l'élément du vent, dont il a loué les pouvoirs à la Quiddité idoine. Cette Nahual était donc toute indiquée pour évoluer en la Shield du dragon quetzal.
En écoutant l'histoire de sa Shield, Ryufeng se sentit plus en accord avec elle. Il s'en trouva mieux, plus légitime. Depuis toujours, il aimait sentir la caresse du vent sur sa peau, n'hésitant pas à se mettre torse nu au sommet des reliefs de Lushan pour mieux percevoir la brise des montagnes. Ses parents lui avaient souvent reproché d'être aussi insaisissable qu'un souffle. De fait, il avait eu tendance à être bien plus dissipé que ses frères, esquivant les corvées de façon si discrète que Shoryu et Ryuho l'appelaient le courant d'air. Oui, ce que Huespada lui apprenait faisait sens et cela le rassura.
— Vos Jaguars vont-ils nous prêter main forte ? Demanda-t-il, surprenant son père par le changement de ton dans sa voix.
— Je crains, jeune maître, que les Jaguars ne soient déjà que trop peu nombreux pour à peine réussir à défendre nos terres, répondit la femme, navrée.
— Alors nous ne pouvons vraiment compter que sur le Sanctuaire, c'est ça ?
Shiryu se rapprocha de son fils et lui posa une main sur l'épaule.
— Les Pics devront tout faire pour que les Calamités cessent d’œuvrer à la sixième extinction de masse, déclara le chevalier d'or de la Balance. Et cela passe par la protection des Saints.
Ryufeng fixa son père.
— Mais je pensais que c'était eux qui nous aidaient et pas l'inverse !
— Les chevaliers d'Athéna protégeront la Terre et tous ses habitants. Mais c'est aux Pics d'éviter l'extinction. Nous y œuvrerons au mieux de nos capacités.
Il pressa l'épaule de son fils, comme pris par une émotion soudainement plus forte.
— Il y aura des morts, papa. Je le sais, avoua Ryufeng en posant sa main sur celle de son père, tentant de la rassurer du haut de sa jeunesse. Mais j'ai compris que ce sera à nous de faire en sorte qu'il y en ait le moins possible. Nous protégerons ton Sanctuaire.
Shiryu fut profondément fier de son fils à ce moment-là. Il ne percevait plus la moindre hésitation dans sa voix. Il fut à peine étonné de le voir se mettre en position pour méditer. Il avait acquis un calme dont il était peu coutumier. Il vit soudainement en lui toute l'attitude d'un disciple de Lushan accompli.
— Ne le dérangeons plus, Huespada, fit-il à la hiérophante qui opina en suivant le Grand Pope.
Ryufeng se sentit flotter dans son inconscient. Il semblait porté par des nuages, son corps soumis au vent de ses pensées. Il les canalisa sans les contraindre.
— Ravi de faire enfin ta connaissance, jeune Ryufeng. Tu vogues depuis tellement longtemps aux limites de ma perception que c'en devenait presque frustrant !
Le jeune Pic se tourna vers la voix. Un homme au port altier, une autorité naturelle émanant de lui, se tenait devant lui. Un tatouage en forme de tête de tigre apparut dans son dos et Ryufeng sentit son propre tatouage y répondre.
— Je n'avais jamais vu ce tatouage de serpent, déclara une autre voix.
Ryufeng se retourna une fois de plus et vit un dragon immaculé se tenir derrière lui.
— Regardez ses écailles, on dirait des plumes… fit observer une troisième voix.
Le jeune garçon dirigea son regard du côté où un sombre hybride homme/dragon venait de se manifester. Il fixa tour à tour les trois individus qui s'étaient invités dans son subconscient. Il les reconnaissait. Son père lui en avait parlé comme des légendes. Dohko, Hakuryu et Sennenryu.
— As-tu trouvé les réponses aux questions que tu te posais ? Demanda Dohko.
— Oui, Vieux Maître.
— Si jeune et déjà un tel potentiel. Ton père t'a bien formé, admira Hakuryu.
— Il a transmis vos enseignements, Dragon Blanc.
— Tu respires Lushan à plein nez, déclara Sennenryu approbateur.
— Je tenterai d'en être aussi imprégné que vous, Dragon Millénaire.
— Tu ne seras pas imprégné que de ça, jeune Pic, Clama une voix si puissante que les présences des anciens maîtres s'évanouirent, soufflées.
Ryufeng fit face à la bise qui manquait le faire vaciller. Il tint bon, refusant de se laisser balayer. Il n'avait jamais cédé face au vent, affûtant sa motivation à son contact.
— Je n'en attendais pas moins de toi, je t'ai bien choisi. Je te confie donc mon essence, jeune dragon quetzal, gronda la voix de la Quiddité du Vent avant de se laisser emporter par la brise fondatrice qui soufflait sur les Qi Lao Feng.