Woes Chapter

Chapitre 12 : Pour les morts.

3640 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 06/11/2022 20:24

Chapitre 12 : Pour les morts.


Assis sur le promontoire où le Vieux Maître était lui-même resté plus de deux cents ans pour surveiller la tour des cent huit Spectres, Shiryu se lamenta en regardant les étoiles. Déjà une dizaine d’étoiles filantes rejoignant leur constellation. Déjà une dizaine de chevaliers morts pour un conflit qui ne concernait pas Athéna. Shunreï perçut sa détresse.

— Tu ne peux pas tout te reprocher, Shiryu, lui dit-elle.

— Je n’arrive pas à m’empêcher de me sentir responsable de leurs morts, avoua-t-il. Je suis le Grand Pope, je donne les ordres en l’absence d’Athéna et je me suis permis d’engager le Sanctuaire dans ce conflit qui ne regarde que notre famille. Qu’est-ce que cela fait de moi ?

— Un homme qui doit prendre les décisions dévolues à un dieu. Tu vas perdre des chevaliers, mais combien de vies sauveras-tu ? Aucun de tes confrères, aucune de tes consœurs, aucun Saint n’a refusé cette mission. Dans leur cœur, ils savent qu’il est juste d’agir, même s’il ne s’agit pas d’une menace divine. Ils ont accepté de soutenir les Pics et ils l’ont fait en pleine conscience des risques encourus. Honore leur abnégation.

Elle vint s’asseoir contre son compagnon. Shiryu accueillit sa chaleur avec soulagement.

— Comment vont nos enfants ? Okko et Genbu ?

— Chacun d’entre eux se recueille sur son mont et communie avec sa Quiddité. Ne sens-tu pas leur puissance s’affirmer de jour en jour ?

Shiryu se concentra. Il avait tellement été accaparé par le devenir de ses camarades du Sanctuaire depuis le retour de sa mission d’émissaire auprès de Yuhuangdadi qu’il ne s’était pas aperçu des cosmos qui s’élevaient des Qi Lao Feng. Il sentait maintenant un potentiel énorme se libérer petit à petit chez ses fils et ses condisciples.

— Magnifique, murmura-t-il les yeux fermés.

Puis il les rouvrit brusquement.

— Mais, et toi ?

Shunreï sourit et se concentra. Une essence boisée l’enveloppa et toute la majesté et la plénitude de l’Arbre émana d’elle. Shiryu eut la sensation de se retrouver en pleine forêt primaire, une forêt mère et farouchement protectrice. Il perçut la présence d’une vouivre gardienne sinuer entre les arbres évanescents. Il regarda sa compagne avec un étonnement non feint.

— Je suis ouverte à la Nature depuis très longtemps, expliqua-t-elle. Je prie pour ta survie et ton bien-être depuis que tu es devenu le disciple du Vieux Maître. Les esprits de la Nature sont à mon écoute depuis des années maintenant. Il n’a pas été difficile pour moi de communier avec la Quiddité de l’Arbre. Cela compensera certainement les années d’entraînement que je n’ai pas eues…

— C’est impressionnant.

Shunreï rougit. Puis elle reprit une expression sérieuse et ordonna :

— Tu ferais mieux d’imiter nos enfants et tes compagnons, d’ailleurs. Tu as accompli ta mission de chevalier d’or. Éveille-toi pleinement à ta position de Pic maintenant. Je veille sur Lushan, ne t’en fais pas.

Shiryu la regarda intensément. Que ferait-il sans elle ?

— Tu as raison, répondit-il.

Il regarda une dernière fois les étoiles en priant qu’un miracle se produise et qu’il ne perde pas tous ses chevaliers avant le grand affrontement. Enfin, il s’ouvrit à la Nature et se concentra sur la Quiddité de l’Or. Shunreï l’observa un instant, hocha la tête et repartit vers sa propre montagne. Les sept Pics communiant, Lushan devint territoire inviolable.


**


Ikki revint sur l’île de la Reine Morte. Il avait délivré son message à Wakan Tanka. Il découvrit tout de suite les huit nouvelles tombes qui ornaient le cimetière des chevaliers noirs. Il serra les poings.

— Maître, fit l’un de ses disciples en s’agenouillant. Ils ont reçu tous les honneurs qu’ils méritaient.

— Parfait, répondit froidement le chevalier d’or du Lion. Que leurs armures soient redistribuées à qui le mérite.

— Mais… les chevaliers qu’ils devaient seconder sont morts également.

— Qu’importe. Les chevaliers noirs peuvent remplacer leurs protégés s’il le faut. Toujours dans l’ombre, ça va de soi, mais toutes les constellations doivent être représentées le plus longtemps possible. Officiellement ou officieusement, la voûte céleste sera complète contre les Calamités ! J’en fais le serment !

— Bien, maître, s’inclina le chevalier noir avant de se volatiliser.

Ikki attendit de ne plus ressentir la présence proche d’un seul de ses disciples.

— Tu peux sortir de ta cachette, Kiki. Je sais que tu es là.

Le chevalier d’or du Bélier sortit de l’ombre.

— Jolie armée d’appoint, mon ami, le félicita-t-il.

— Merci, dit simplement Ikki. Qu’es-tu venu faire ici ?

— J’ai laissé la missive de Shiryu à Inti. Mais j’ai une autre mission. Pour cela, j’ai besoin de mon ancienne disciple. Elle s’est avérée plus… productive que je ne l’avais jugée. J’étais visiblement dans l’erreur à son égard, admit Kiki.

— Mavry est très douée. Mais tu avais raison sur sa faculté d’assombrir ses productions. Dans tous les sens du terme d’ailleurs. Ses armures ne pourraient pas être portées par les Saints officiels. Ils seraient… contaminés par une certaine noirceur… celle-là même que je cultive chez mes chevaliers.

— Tu es redoutable, Ikki.

Il eut un sourire carnassier.

— Mes adversaires me l’ont souvent dit.

Kiki eut un rire franc.

— Je m’en souviens bien ! Il n’empêche que tu m’impressionnes. Tu as réussi à utiliser pour le bien du Sanctuaire des défauts que nous rejetons. Peut-être nous sommes-nous fourvoyés.

— Je ne pense pas. Ça fonctionne parce que c’est moi, répondit Ikki sans fausse modestie. Mais j’ai eu un entraînement différent de tous les autres jusque-là. Pour intégrer durablement les chevaliers noirs dans le Sanctuaire, il faudrait qu’un apprenti chevalier subisse la même chose à chaque génération et prenne ma suite. Je ne peux le souhaiter à qui que ce soit.

Kiki opina. Les maîtres des futurs chevaliers étaient sévères, exigeants et stricts mais habituellement bienveillants. Le maître d’Ikki, à l’époque sous l’influence de l’illusion démoniaque de Saga, avait été un maître d’une cruauté inégalée.

— Mavry ? appela le chevalier d’or du Lion. Tu as tout entendu, je le sais, alors présente-toi devant nous.

Une femme revêtue d’une armure d’ébène apparut aux côtés de Kiki, légèrement en retrait. Le chevalier d’or du Bélier sursauta malgré lui.

— Elle était là depuis le début, précisa Ikki à son pair. C’est ton… étoile double si tu veux.

Mavry s’agenouilla devant son maître et salua Kiki en se relevant. Elle portait l’armure d’ébène du Bélier Noir. Kiki la fixa un instant et la salua à son tour… en égale. Elle le comprit et la tension palpable qui la tenaillait s’évanouit. Après tout, elle avait été rejetée par lui. Et maintenant, il la reconnaissait comme jamais. Elle lui pardonna d’emblée l’humiliation qu’il lui avait fait subir en la renvoyant.

— Pourquoi as-tu besoin de moi ? lui demanda-t-elle.

— Je ne peux rien affirmer pour le moment, répondit-il. J’ai reçu une information que je ressens le besoin de vérifier. Ça pourrait n’être qu’un rêve, une légende ou un mythe qui n’aboutit à rien, mais j’ai besoin de ta présence. Je ne peux pas me passer d’une personne aussi talentueuse que toi, même si j’ai mis du temps à le reconnaître.

Ikki le contempla, scrutateur.

— Tu n’en diras pas plus que lors de notre réunion ? s’enquit-il.

— Pour la même raison déjà évoquée, non. Je ne veux donner de faux espoirs à personne.

— Très bien. Je respecterai ta discrétion… comme tu respecteras la mienne, je n’en doute pas…

Le sous-entendu sur la nécessité de garder le secret des chevaliers noirs fut très bien compris par le chevalier du Bélier. Kiki s’en fut, laissant le chevalier du Lion organiser la veillée funèbre de ses guerriers. Déjà huit disciples disparus à jamais, dans l’ombre, sans que ceux qu’ils avaient secondés ne se soient jamais doutés qu’ils avaient amplifié leurs attaques et participé à leur victoire macabre. Il rejoignit les survivants, qui avaient tous quitté leur double officiel pour se recueillir sur les cercueils des premières victimes des Calamités dans leurs rangs. C’était un hommage auquel eux-mêmes ne pourraient probablement pas prétendre une fois que l’affrontement battrait son plein.


**


Shôko, Matahi, Meherio et Corra s’occupèrent d’organiser le débarquement des corps des chevaliers rapatriés d’Afrique du Sud. Tous les chevaliers présents escortèrent la procession vers la colline du cimetière du Sanctuaire. Les quatre chevaliers d’argent, accompagnés de leurs pairs, transportaient les cadavres de leurs camarades. Un groupe de chevaliers de bronze s’occupaient des leurs. Les larmes coulaient, certains parmi les plus jeunes étaient tombés à genoux sous le coup de l’émotion. Jabu se tenait au sommet de la colline funéraire, digne malgré ses blessures. Sur des civières, Ban, Ichi, Nachi, Geki et les chevaliers de bronze blessés à la maison de la Bali s’étaient relevés sur leur coude pour suivre la cérémonie en dépit de leur état.

Shun, June, Erda, Mii, Xiaoling, Shaïna, Marine et Seiya se matérialisèrent, tout juste revenus de leur mission. Ils avaient remis l’injonction à la trêve panthéique à leurs destinataires, respectivement Brahmâ, Quetzalcoatl, Houbal, Ta'aroa, Olorun, Amon-rê, Saruta-Hiko Okami et Zeus. Ils laissèrent à Jabu l’honneur de conduire la cérémonie. Revenu le premier de sa mission auprès de Dagda et ayant combattu les assaillants du Sanctuaire, en l’absence de Shiryu, il était le plus indiqué pour diriger l’hommage aux premières victimes des Calamités. Il hésita avant de commencer, mais devant l’attente de l’assistance, il se lança.

— Nous sommes réunis pour inhumer nos premières sœurs et nos premiers frères tombés au combat. Ils se sont vaillamment battus contre les Aléas envoyés par les Calamités, faisant honneur à la chevalerie d’Athéna. Puisse leur vaillance nous inspirer dans nos combats à venir et leur sacrifice nous rappeler que donner sa vie pour protéger le plus grand nombre est la plus grande preuve d’amour que les Saints puissent exprimer envers les habitants de la Terre. Cet amour qu’Athéna elle-même ressent pour chacun d’entre nous et qui nous amène à nous améliorer, à surmonter toutes les difficultés et dépasser nos limites au-delà de notre condition d’humains. Chevaliers, rappelez-vous que votre cosmos peut être aussi brillant qu’une étoile et qu’il peut s’élever plus haut que les cieux eux-mêmes !

Les chevaliers du Sanctuaire s’agenouillèrent dans un même ensemble, honorant une dernière fois leurs camarades morts au combat.


**


Shun maudit son absence. En tant que médecin, il aurait pu aider à soigner les blessés. Il aurait peut-être pu au moins sauver le jeune Éryx, revenu vivant au Sanctuaire. Il projeta une énième fois son cosmos depuis la maison de la Vierge. Des chaînes dorées évanescentes parcoururent chaque recoin du domaine d’Athéna, comme autant de sondes qui lui permirent de surveiller l’état de tous les chevaliers, soldats et habitants. Il palpa la résistance de la barrière de roses bleues déployée par Mii, dont le cosmos s’élevait en permanence depuis la maison des Poissons. Elle aussi veillait sans relâche pour maintenir sa bulle de protection. À la vérité, tous les chevaliers d’or culpabilisaient de ne pas avoir été présents, d’avoir laissé leurs cadets prendre tous les risques. Ils avaient été des chevaliers de bronze et d’argent eux-mêmes et leurs aînés de l’époque s’étaient certainement inquiétés pour eux à ce moment-là. Avaient-ils connu cette frustration de ne pas avoir pu intervenir ?

June rejoignit son compagnon. Quand elle eut vérifié qu’ils étaient seuls, elle retira son masque. Marine, Shaïna et elle n’avaient pas adopté l’habitude de certaines femmes-chevaliers de ne pas porter leur masque. L’obligation de cacher leur féminité n’était plus de mise pour les guerrières du Sanctuaire. Qu’elles soient Saintias ou non, la gent féminine n’avait plus besoin de s’asexuer. Seules celles qui avaient été entraînées ainsi, ou celles qui vouaient aux traditions un profond respect, continuaient de cacher leurs visages. Mais bon nombre de la nouvelle génération et la totalité des aspirantes avaient sauté sur la levée de cette interdiction pour lâcher le masque.

Sachant d’ailleurs d’où cette coutume venait réellement et connaissant sa signification véritable, June ne se résoudrait jamais à lâcher l’attribut qui lui couvrait le visage. Elle avait bien trop de respect pour la première femme en ayant porté un. Phébée, également la première porteuse de l’armure d’Andromède. Cette guerrière d’Athéna avait sacrifié sa vie pour retenir, seule, les Marinas de Poséidon, lors de la première Guerre Sainte. À l’époque, elle avait offert aux armées du Sanctuaire le temps d’organiser leurs défenses, ce qui leur avait permis d’obtenir la victoire. Mais c’est un cadavre défiguré que les chevaliers avaient récupéré en découvrant le corps de l’héroïne. Athéna lui avait alors fait fabriquer un masque post-mortem, censé rappeler la grande beauté de cette combattante de légende.

June se força à revenir à l’instant présent, non sans caresser avec nostalgie son faux visage qu’elle ne considérait pas comme un item masculinisant ou asexualisant. Cette histoire réveillait immanquablement sa féminité et elle n’était pas venue voir son compagnon sans arrière-pensée.

— J’ai senti tes chaînes contre ma peau, fit-elle tendrement. Tu veilles sur moi ?

— Sur toi et sur nos filles plus que sur tout autre, admit-il.

June se pressa contre Shun. Il la serra de son bras libre, l’autre attaché dans son dos comme toujours. Il avait choisi de se passer de son bras le plus fort, comme tout chevalier de la Vierge qui se respecte devait abandonner l’un de ses sens afin d’accumuler du cosmos. Il remplaçait ce bras immobilisé par un bras éthérique de cosmos concentré qu’il avait appris à manipuler comme son vrai membre. Tout le cosmos utilisé pour ce bras évanescent lui était indisponible pour combattre, sauf s’il décidait de l’en libérer pour engendrer sa plus terrible attaque. Cela faisait des années qu’il détournait ainsi une partie de son énergie et son bras reconstitué avait presque acquis la consistance d’un bras physique.

— J’aimerais qu’il n’y ait plus de mort, déclara-t-il. Je sais que c’est impossible, mais ce serait mon souhait le plus cher.

— Je sais. Mais nous ne combattons pas un adversaire que nous pouvons raisonner. La raison d’être des catastrophes naturelles est de détruire et de tuer. Les dieux que nous avons combattus pouvaient être convaincus, j’en suis persuadée. Mais nous avons affaire à des phénomènes naturels incarnés, pas à des êtres qui ont tout à perdre de la destruction. Tout ça pour dire qu’il y aura des morts. Malgré tout ton talent de défenseur et de guérisseur, tu ne pourras pas l’empêcher.

— J’en suis conscient. Et je ne suis pas le plus à plaindre. Erda s’en veut terriblement. Elle a mis en place une veille des morts qui n’a pas pu aboutir du fait de son absence. Elle ne cesse d’affirmer que si elle avait été disponible, elle aurait eu une chance de récupérer les âmes de nos camarades.

— La pauvre, ça doit être un sacré fardeau qu’elle s’est imposée.

Ils restèrent ainsi, l’un contre l’autre, observant le jardin des Saules Jumeaux. Les deux arbres avaient repoussé, preuve qu’ils acceptaient Shun comme héritier légitime de l’armure de la Vierge.

— Shun ? fit une voix hésitante dans leur dos.

Ils se retournèrent, June remettant son masque sur son visage et se ravisant en voyant qu’il s’agissait d’Erda. Son visage était grave.

— Qu’y a-t-il ? interrogea le chevalier d’or de la Vierge.

— Je reviens de Yomotsu Hirasaka et…

— Seigneur Hadès, firent révérencieusement trois silhouettes qui s’agenouillèrent humblement derrière Erda.

Aussitôt, Shun déploya son cosmos, June se masqua et dégaina le fouet du Scorpion, faisant flamboyer sa cosmo-énergie.

— Qu’est-ce que… ? Vous ! s’écria Shun. Comment ? La barrière…

— Calme-toi, Shun. Je t’en prie. Laisse-moi t’expliquer, implora Erda.

— Comment justifies-tu cette trahison ! gronda June.

— Seigneur Hadès, répéta Rhadamanthe de la Wyverne, l’un des trois Juges des Enfers.

— Ne m’appelez pas comme ça, intima Shun. Que faites-vous ici, dans ma maison en plein cœur du Sanctuaire ? Rhadamanthe, Minos, Eaque… expliquez-vous avant que je ne vous pulvérise.

Il avait commencé à défaire les liens de son bras, s’apprêtant à livrer un âpre combat contre les trois Juges en même temps.

— Shun, dit Erda. Ce n’est pas une trahison. J’étais au Yomotsu Hirasaka, cherchant une ultime façon de ramener nos morts, quand ces trois Spectres m’ont intercepté. Ils n’ont eu aucune attitude menaçante. Je m’apprêtais à les renvoyer dans le puits des âmes quand ils se sont agenouillés devant moi, me priant de les mener à toi. Je n’ai ressenti aucune mauvaise intention et, comme nous sommes en trêve panthéique, j’ai pensé qu’il valait mieux que tu les écoutes.

Shun fixa intensément les trois guerriers les plus fidèles d’Hadès. Il resserra les liens de son bras et calma son cosmos. June lui jeta un coup d’œil puis l’imita. Les trois Juges des Enfers semblèrent soulagés.

— Seigneur, les Enfers sont attaqués par l’armée d’une Calamité. Presque tous les Spectres sont tombés. Nos troupes sont décimées, annonça Eaque du Garuda.

— Et qu’attendez-vous de moi ?

— Nos dieux sont réfugiés en Élysion. Ils défendront leur dernière demeure avec âpreté mais ils n’ont plus le pouvoir suffisant pour s’occuper des Prisons et nous ont laissé leur défense. Nous sommes submergés. En tant qu’hôte de notre seigneur, nous vous suivrons et obéirons à vos ordres. S’il vous plaît, aidez-nous à renvoyer les Aléas épidémiques hors des Enfers, supplia Minos du Griffon.

— Nous avons d’autres chats à fouetter, dit June pour toute réponse. Le Sanctuaire s’occupe de la Terre. Occupez-vous de vos Enfers.

Les trois Juges restèrent inclinés face à Shun, ne jetant même pas un regard à sa compagne. Shun sembla réfléchir.

— Hadès est-il prêt à négocier ? s’enquit-il une idée en tête.

Minos releva la tête, intrigué.

— Quels seraient les termes de ces négociations ?

— Hadès sait que le Sanctuaire est déjà engagé dans un affrontement dont il va beaucoup souffrir. Cet engagement est naturel car ce sont les habitants de la Terre, sous la protection des troupes d’Athéna, qui sont attaqués. Les chevaliers sont prêts à sacrifier leur vie pour eux. Mais là, vous nous demandez de nous battre pour les Enfers. Votre seigneur devra comprendre que nous ne pourrons lui apporter notre aide sans rétribution.

Erda et June se taisaient, bien conscientes que Shun venait de penser à un plan qui pourrait bénéficier au Sanctuaire.

— Notre seigneur a promis qu’il accorderait une faveur, quelle qu’elle soit et dans la limite de ses pouvoirs, au Sanctuaire, avoua Rhadamanthe.

— Ce que j’ai en tête, lui seul en est capable, déclara l’ancien hôte d’Hadès. En tant que second du Grand Pope, j’accepte de venir à votre aide mais nous ne serons que trois. June et Erda, vous m’accompagnerez.

Son ton ne souffrant aucune discussion, les deux chevaliers d’or inclinèrent la tête en signe d’assentiment. Les trois Juges des Enfers se relevèrent.

— Nous vous remercions profondément, seigneur. Pour les morts ! clamèrent-ils d’une même voix.

— Pour les morts, répéta Shun.

Pour nos morts, précisa-t-il en son for intérieur.

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