Woes Chapter

Chapitre 6 : Retrouvailles et rassemblement.

4154 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/10/2022 14:59

Chapitre 6 : Retrouvailles et rassemblement.


 Shiryu eut beaucoup de mal à contenir les larmes qui lui montèrent spontanément aux yeux. Il avait du mal à y croire. Comment leur présence était-elle seulement possible ? Mais, dans l’harmonie qui unissait les sept Shields et qui rendait accessibles des informations transcendant ce qui était perceptible par leurs sens, le Grand Pope sut que ce n’était pas une illusion. Ils n’étaient pas une apparition issue de la mémoire atavique des Shields. Ils n’étaient pas une projection des limbes dans la réalité. Ils étaient bien là, en chair et en os, aussi réels que sa compagne et leurs enfants dans son dos… Une main fine se posa sur son épaule. Il la recouvrit de la sienne par simple réflexe de tendresse envers celle qui partageait sa vie.

— Shiryu… murmura Shunreï avec toute l’émotion dont elle était capable.

Le chevalier de la Balance se tourna alors vers elle. Il admira sa femme et l’armure qu’elle portait et qui lui allait si bien. Elle semblait si naturelle dedans, la portait avec une telle grâce alors même qu’elle venait d’en être sacrée, qu’il était difficile de croire qu’elle n’avait jamais été entraînée pour le combat. Elle avait assisté à ses entraînements depuis leur plus tendre enfance, l’encourageant dans les moments les plus difficiles, lui remontant le moral lorsqu’il était en passe d’abandonner ; elle était la principale raison, à ses yeux, de son accession au rang de chevalier. Puis elle avait assisté aux entraînements de leurs trois fils, inlassablement pour les soutenir, les enhardir et les applaudir, quels que fussent leurs échecs ou leurs exploits. Témoin permanent en retrait de l’enseignement des disciples de Lushan… et disciple elle-même à son insu.

Délaissant un instant le miracle des revenants, il inspecta sa famille, caressant sa femme et enlaçant ses fils. Qu’ils étaient beaux et fiers dans leurs atours de Pics ! Mais ils auraient besoin de soins. Ils tenaient bon, aussi solides que le paysage séculaire qui les entourait, mais ils n’en étaient pas moins blessés.

— Reposez-vous, les garçons. J’ai avec moi les chevaliers de la Coupe et de l’Autel. Ils vont s’occuper de vous.

Erda, qui avait quitté l’hélicoptère avec ses compagnons, anticipa les ordres de Shiryu et ils se rapprochèrent des jeunes garçons tandis que Shunreï et son compagnon rejoignaient les deux hommes sortis du néant, surgis comme par miracle d’un passé lointain. La main de sa compagne vint se caler dans la sienne, fébrile. Leurs doigts s’entrelacèrent tendrement.

— Tu es magnifique, lui dit-il.

— On dirait que tu sais ce qu’il se passe… Shiryu, explique-moi. Pourquoi ai-je été choisie par une armure ? Et cette forme ? Ce n’est pas une Cloth.

— Non, ça n’en est pas une… Je crois que c’est une Fane de dryade d’Éris. La déesse de la discorde semble t’avoir accordé sa protection. Et maintenant, c’est une Shield. Je vais t’expliquer, mais avant…

Ils arrivèrent à la hauteur des deux hommes qui étaient venus à leur rescousse par deux fois déjà. Car Shiryu n’avait plus de doute. C’était forcément eux qui lui avaient apporté les premiers soins en attendant l’arrivée d’Erda et ses compagnons. Les deux hommes leur sourirent amicalement.

— Okko, Genbu… commença Shiryu.

Shunreï ne put retenir ses larmes plus longtemps. Les deux anciens condisciples de Shiryu étaient là, devant eux. Les autres garçons recueillis par le Vieux Maître. Celui qui abandonna la voie du chevalier et celui à qui elle fut refusée… Pourtant, le Vieux Maître ne leur avait jamais retiré son amour et avait beaucoup regretté leur départ… et leur mort. Shiryu avait vaincu Okko et la guerre contre Pallas avait emporté Genbu. Comment pouvaient-ils être présents aujourd’hui ?

— Frère, la nécessité nous réunit, nous qui avons été séparés. Nous allons enfin pouvoir nous montrer digne du Vieux Maître, dit Genbu.

L’émotion perlait également dans sa voix. Okko n’osait pas regarder Shiryu.

— Sauras-tu me pardonner pour les affronts que je t’ai fait subir ? demanda-t-il en détournant la tête. Que je vous ai fait subir à Shunreï et toi ?

Il les regarda enfin. La férocité était toujours là. Mais une férocité farouche, anxieuse de la réponse du couple de Lushan.

— Mes amis, dit Shiryu. Non, mes frères, car même si notre sang n’est pas identique, nous sommes les fils spirituels du même maître. Je ne saurais vous décrire la joie que je ressens de vous revoir.

Il entoura leurs épaules de ses bras.

— Merci d’être de retour. Il n’y a rien à vous pardonner. Chacun suit sa voie, l’essentiel étant de se retrouver. Merci d’avoir pris soin de moi et d’avoir veillé sur ma famille.

— Shiryu, intervint Shunreï amusée. Laisse-les respirer… Puis-je les accueillir à mon tour d’ailleurs ?

Elle rit de bon cœur lorsque les deux hommes lui donnèrent l’accolade. Ils s’écartèrent et se regardèrent, comme pour entériner ce souvenir de pur bonheur. Mais le regard d’Okko redevint sérieux.

— Shiryu. Sais-tu ce qui nous a fait revenir ?

— Rentrons, soupira Shiryu. Je veux savoir comment se portent les garçons. Et ils vont avoir besoin de la même explication que vous.

Okko, Genbu, Shunreï et Shiryu retournèrent vers la maison, gardée par Leoni et Toma. Les deux Saints de bronze saluèrent respectueusement le Grand Pope, avisant avec méfiance ses acolytes, et les laissèrent entrer.

— Papa ! s’écria Ryufeng, déjà sur pieds. L’eau de la Coupe est miraculeuse !

Shiryu passa un bras affectueux autour du cou de son benjamin. Il jeta un œil à la scène de soins. Shoryu et Ryuho se reposaient. Les trois Shields avaient quitté leurs porteurs et s’étaient assemblées dans un coin de la pièce, armures majestueuses protectrices de la Nature. Celles de Shiryu, Shunreï, Okko et Genbu suivirent spontanément le même chemin. Une vibration douce et chaleureuse s’éleva. Elles semblaient communiquer.

— Erda. Je ne vous remercierai jamais assez d’être venus à mon secours et d’avoir soigné mes enfants. Mais, pour l’heure, je vais devoir te renvoyer au Sanctuaire. Emmène tes compagnons avec toi et demande à Shun qu’il fasse rassembler tous les chevaliers sans exception. Même ceux qui sont en mission. C’est un ordre prioritaire et quiconque n’y répondra pas sera accusé de trahison. Aucune autre assignation ne peut prévaloir sur ce qui va suivre. Je vous dois à tous la vérité et je m’acquitterai de cette tâche. Pour le moment, tu as juste besoin de savoir que le Sanctuaire va entrer en guerre, même sans Athéna.

Erda le contempla gravement, jeta un œil intrigué aux Shields rassemblées.

— Il en sera fait selon tes ordres, Grand Pope, s’inclina-t-elle finalement.

— Ah, et demande à Saori si elle peut être présente. J’aurais besoin des moyens de la Fondation Graad.

Elle acquiesça et s’en fut, emmenant les deux chevaliers de bronze et les deux chevaliers d’argent avec elle. Quand ils furent seuls, Shiryu invita tout le monde à s’asseoir.

— Désolée, fit Shunreï à Okko et Genbu. Le tremblement de terre a abîmé beaucoup de choses.

— Ce n’est rien, Shunreï, la rassura Genbu.

À peine furent-ils installés que Shiryu présenta ses anciens condisciples à ses enfants.

— Shoryu, Ryuho, Ryufeng, voici Okko et Genbu. Comme moi, ils ont suivi l’entraînement de Maître Dohko, ici aux Cinq Pics. Ce sont mes frères d’armes.

— Pourquoi ne nous en as-tu jamais parlé ? s’enquit l’aîné.

— Je les croyais morts et les souvenirs que cela évoquait m’étaient pénibles.

— Il faut dire, jeune homme, que ton père et moi ne nous sommes pas quittés dans de bonnes circonstances, reprit Okko amusé.

— C’est le moins que l’on puisse dire, confirma Shiryu. J’ai cru que je t’avais tué.

Les enfants regardèrent leur père avec stupéfaction.

— Quelques dissensions entre nous, expliqua ce dernier. Mais c’est fini. Que t’est-il arrivé ?

— Je pensais aussi être mort. Mais je me suis réveillé. J’ai mis du temps à me soigner, mais ma vitalité de sauvageon m’a bien rendu service sur ce coup-là. Et j’ai été récupéré par Arès. Il m’a offert une Armour et j’ai combattu les troupes d’Héphaïstos pour son compte. Une longue et sanglante guerre. Il y a quelque temps, il m’a remercié. Les combattants d’Arès sont des mercenaires. Il les engage quand il en a besoin et les libère de leur engagement après. Mais mon Armour ne m’a pas quitté, fidèle compagne de bataille. Elle a même évolué et je me suis senti appelé, comme une nécessité absolue, vers le Kilimandjaro. La suite, tu la connais. J’ai retrouvé Genbu et nous t’avons prodigué les premiers soins.

Shunreï leur offrir du thé de Lushan qu’ils partagèrent.

— Et toi Genbu ? J’ai appris ta mort lors de la guerre contre Pallas !

— Ça a bien été le cas. Mais l’âme d’Hadès est venue me chercher dans le Cocyte il y a quelques jours. Il m’a annoncé être obligé de me ressusciter et apporter sa contribution à la protection de la Nature. Après tout, il convoite la Terre. Qu’aurait-il à prendre à Athéna s’il n’y avait plus rien à dominer ? Il m’a remis une Surplis, celle du Genbu. Celle-ci a immédiatement évolué à mon contact, ce qui l’a conforté dans sa décision. Il m’a renvoyé parmi les vivants sans trop d’explication supplémentaire. J’ai moi aussi ressenti une attraction vers le Kilimandjaro.

— La Contrée Mystique… c’est elle qui nous a appelés, réfléchit Shiryu. Mais pourquoi ai-je été le seul à y entrer ?

— L’avantage du disciple prodigue, railla Okko.

— Le Vieux Maître nous reconnaît tous les trois comme ses disciples légitimes, renchérit le Grand Pope.

— Mais j’ai abandonné l’enseignement de notre maître, interrompit Genbu, le dernier disciple de Dohko.

— Et même s’il nous a recueillis en même temps, il m’a exclu, rappela Okko.

— Peu importe les circonstances, leur assura Shiryu. Le Vieux Maître ne vous a jamais reniés. Il se reprochait surtout son incompétence à vous convaincre. Avant de douter de vous, il doutait surtout de lui-même comme professeur. Il n’aurait pas dû, étant donné que vous avez reconnu son enseignement… à la fin.

Un silence s’installa.

— Et nous alors ? coupa Ryufeng.

Les trois disciples de Dohko regardèrent intensément Shunreï et ses trois fils.

— Vous êtes des disciples de Lushan, expliqua Shiryu.

Et il leur raconta tout ce que Dohko, Hakuryu et Sennenryu lui avaient appris. Les Calamités, les Quiddités, les Woes, les Shields, les sept Pics de Lushan… et tout ce que cela impliquait.

— Mes frères, Shunreï, les enfants. Nous sommes impliqués dans un conflit qui dure depuis des millions d’années.

— Et nous allons devoir combattre les catastrophes naturelles mêmes ! s’exclama Ryufeng.

Shunreï le serra contre elle.

— À nous sept ! renchérit Shoryu.

— Mais maman n’est pas une guerrière ! s’inquiéta Ryuho.

— Je comprends votre inquiétude, les enfants. Mais faites confiance à votre mère. Elle est une disciple de Lushan depuis plus longtemps que vous. Si la Shield l’a élue, c’est qu’elle en sera digne. Et nous ne serons pas seuls.

— Que comptes-tu faire ? s’enquit Okko.

— La déesse Athéna est la protectrice attitrée de la Terre. Je vais donc impliquer le Sanctuaire tout entier. Et je demanderai aux autres dieux de nous assister au mieux de leurs possibilités ou de leur volonté. J’invoquerai le laissez-passer des Pics. Et même s’ils ne nous secondent pas directement, ils seront obligés de nous laisser agir à notre guise. La portée de ce conflit dépasse les querelles divines. Comme le prouvent les Shields, qui ont évolué à partir d’armures de types complètement différents. Odin, Éris et Quetzalcoatl ont visiblement contribué à cette défense en vous confiant ta Robe, Shoryu, ta Nahual, Ryufeng et ta Fane, Shunreï. Et encore, confier est un bien grand mot. Il se peut que les Shields aient elles-mêmes décidé de venir à vous. Voyez comme elles communient depuis qu’elles sont rassemblées. Elles possèdent une volonté propre, imprégnées qu’elles sont du pouvoir des Quiddités.

Les sept Pics les contemplèrent.

— Vous ne trouvez pas qu’elles ne font pas que communier entre elles ? demanda Shunreï.

Elle s’approcha de la sienne, une vouivre enroulée autour de son arbre.

— Elles veulent nous dire quelque chose… poursuivit Genbu.

Ils se rapprochèrent de leur Shield respective. La Robe de Shoryu représentait deux dragons occidentaux jaillissant d’un foyer flamboyant. La Nahual de Ryufeng consistait en deux dragons à plumes, l’un maya, l’autre aztèque enroulés et sortant d’une double bourrasque. L’Armour d’Okko évoquait un tigre à deux têtes et huit pattes bondissant d’un rocher en forme de croc. La Surplis de Genbu figurait une tortue à double tête à la fois marine et terrestre avec un serpent se dressant au-dessus de la carapace. La Cloth de Ryuho symbolisait un dragon clair sautant hors des remous d’une chute d’eau avec un dragon sombre l’enserrant de ses anneaux. Celle de Shiryu incarnait un dragon divin à partir duquel se déployait une balance sacrée.

Les Shields se détachèrent et revêtirent leurs porteurs. Une onde de pure énergie se répandit dans leurs corps. Ils joignirent leurs mains sous l’impulsion de leurs armures et les sept Pics entrèrent en résonance. Ils perdirent la notion d’individualité, formant un tout, l’ensemble protecteur de la Nature. Ils comprirent leur rôle et leur mission. Encore une fois, une vibration créatrice se déploya et ils sentirent les éléments autour d’eux changer de configuration. Ils perçurent, plus qu’ils n’y assistèrent, les modifications de la région des Cinq Pics. Lushan se transforma sous l’influence des Quiddités imprégnant les porteurs de leurs Shields. Les deux pics érodés se reformèrent et, sur chacun des sept Pics que se mit à compter le massif, une cascade gronda, écumante de vitalité.

Les sept guerriers des Quiddités sortirent de leur torpeur et se fixèrent. Ils quittèrent la maison familiale et contemplèrent leur œuvre. Lushan était devenu un havre de la Nature, le paysage respirant la quiétude et la sérénité. Des sept cascades s’écoulait une rivière impétueuse et les sept rivières se rejoignaient en un fleuve bienfaiteur qui s’écoulait tranquillement dans ses méandres sinuant entre les sept monts sacrés d’un Lushan métamorphosé. Cela venait de se produire mais tout donnait l’impression de fonctionner ainsi depuis des milliers, voire des millions, d’années. La géomorphologie de la région avait été modifiée dans son histoire même, les Wu Lao Feng devenant les Qi Lao Feng : le mont de l’Or attribué à Shiryu, le mont de l’Arbre à Shunreï, le mont de la Terre à Genbu, le mont de l’Éther à Okko, le mont du Feu à Shoryu, le mont de l’Eau à Ryuho et le mont du Vent à Ryufeng.

— C’est fait, déclara Shiryu.

— Nous ne pouvons plus faire marche arrière à présent, estima Okko.

— Les Quiddités sont vraiment réveillées et nous ont bel et bien imprégnés, précisa Shunreï.

— Les Calamités ne pourront plus agir impunément tant qu’il restera un souffle de vie dans nos corps, promit Genbu.

— Nous protégerons la biodiversité, jura Shoryu.

— Nous défendrons la Nature, assura Ryuho.

— Nous empêcherons la sixième grande extinction, déclama Ryufeng.

Et le serment des Quiddités fut complet. Shiryu, ses amis et sa famille observèrent un temps leur nouvel environnement, pesant tous les tenants et aboutissants de leur nouveau statut.

— Je dois rentrer au Sanctuaire, annonça finalement Shiryu. Ryuho, tu devras m’accompagner en tant que Saint. Okko, Genbu, Shunreï, Shoryu et Ryufeng, restez à Lushan pour le moment. Le temps pour moi d’organiser la défense de l’humanité par tous les moyens possibles du Sanctuaire et nous pourrons commencer à agir en tant que Pics. Apprêtez-vous à commander votre propre armée car les porteurs des Shields auront le commandement dans l’affrontement qui va suivre.

Ils se dirent au revoir et se séparèrent une fois de plus… trop rapidement au goût de tout le monde.


**


Quelques jours plus tard, tous les chevaliers d’Athéna étaient rassemblés. Pour la première fois de l’histoire mythologique, les quatre-vingt-huit chevaliers étaient présents au même endroit. Le Colisée du Sanctuaire était rempli. Shiryu attendait patiemment dans la tribune du Pope que les treize autres chevaliers d’or, les vingt-huit chevaliers d’argent et les quarante-six chevaliers de bronze soient à son écoute.

Il contempla son armée, celle qu’il avait réussi à reconstituer au complet pour la prochaine incarnation d’Athéna. Il savait que cela ne durerait pas et que lui ou quelqu’un d’autre devrait reprendre le flambeau sous peu. Combien de chevaliers allaient trouver la mort face aux Calamités ? Sa famille elle-même s’en tirerait-elle ? Mais il devait mener le combat ou personne n’en sortirait vivant, pas un seul humain, ni, plus largement, le moindre être vivant.

Le Sanctuaire qu’il avait rassemblé était différent des précédents. Les piliers actuels, les quatorze chevaliers d’or, étaient des survivants des récentes Guerres Saintes. Tous s’étaient élevés du rang de bronze ou d’argent au rang le plus haut de la chevalerie. Les deux maisons perdues d’Ophiuchus et de Cetus avaient été reconstruites. Le rang de certaines Clothes avait changé. Les armures d’argent du Serpentaire et de la Baleine avaient repris leur formes dorées d’Ophiuchus et de Cetus. Les dorénavant quatorze chevaliers d’or portaient des armures authentiques, marques d’évolution et d’élévation depuis un rang inférieur. Aucun d’eux n’avait été entraîné pour être chevalier d’or. Ils avaient tous accédé à ce statut par l’expérience du combat et de la souffrance, mais aussi par le dépassement de soi.

Traditionnellement, il y avait deux chevaliers d’argent pour un d’or. D’elles-mêmes, les armures de bronze avaient donc revu leur hiérarchie et six d’entre elles avaient accédé au rang d’argent. L’union des quatre-vingt-huit armures avait de plus fait éclore des propriétés supplémentaires. L’union des moyens dépasse leur simple somme… Shiryu était fier du résultat obtenu, mais pour combien de temps ?

— Shiryu ?

Shun, son second dans la mission de patriarche des chevaliers, le sortit de sa rêverie.

— Ils sont tous là, annonça-t-il à son ami en montrant de la main le Colisée.

Un arc d’or, une anse d’argent et couronne de bronze. Sublime. Shun alla se replacer parmi ses pairs et Shiryu, coiffant le casque du Grand Pope, s’approcha du rebord de la tribune. Dans un bruissement synchrone, quatre-vingt-sept chevaliers s’agenouillèrent face à lui. Shiryu soupira intérieurement.

— Chevaliers, je vous dois une explication. Le Sanctuaire va faire face à sa plus grande bataille depuis sa création lors de la toute première Guerre Sainte contre Poséidon.

Des murmures naquirent, vite réprimés par la curiosité et le respect qu’imposait une telle assemblée.

— Aucun dieu à combattre. Athéna n’est pas réincarnée. Votre abnégation sera mise à rude épreuve car il faudra se passer de la protection de notre déesse tout en étendant notre mission protectrice aux autres dieux. Ils ont perdu leur pouvoir au profit d’une menace bien plus grande. En cela, les dieux n’ont qu’à peine plus de pouvoir que chacun d’entre nous ici présent. À part leur immortalité et leur éveil au Big Will, ils ne peuvent plus commander aux forces de la Nature qu’ils semblaient gouverner. Ces forces ont repris leurs droits, les unes, les Calamités, pour détruire la Vie, les autres, les Quiddités, pour la préserver. Je vais déclarer la trêve panthéique, ce droit transcendant toute velléité et imposant un pacte de non-agression d’un panthéon sur un autre. Une caste de guerriers porteurs de Woes attaque sans distinction d’appartenance, d’engagement ou de dévotion. Une autre caste de guerriers, porteurs de Shields, leur feront face. De l’issu de ce conflit dépendra la pérennité de la biodiversité actuelle, dont nous faisons partie, ou sa précarité. La loyauté aux divinités ne rentre pas en ligne de compte. Les Quiddités ont imprégné des armures de catégories très différentes : Clothes, Nahual, Surplis, Armour, Robe et Fane. Le Sanctuaire doit impérativement seconder leur action. Athéna s’est vue attribuer la protection de la Terre et de tous ses habitants, quoi qu’en disent les autres dieux, quelle que soit leur convoitise. À ce titre, j’engage le Sanctuaire dans ce conflit. Vos ennemis, les Calamités incarnées, ne peuvent être éliminés que par les Pics, porteurs des Shields et représentants des Quiddités. Mais vous pouvez leur donner le goût de la défaite. Vous devrez les vaincre, eux, leurs armées et leurs manifestations. Sans vous et tous les moyens que les humains et les dieux pourront mettre à la disposition de cette cause, une sixième extinction de masse se produira. Mais seul un Pic porteur de sa Shield pourra désincarner une Calamité. Je suis l’un de ces Pics. Les sept disciples de Lushan sont les sept Pics. Nous ne l’avons pas choisi mais nous avons été choisis, Lushan étant en réalité le lieu de villégiature des Quiddités. Nous avons essuyé les premières agressions de la part des Calamités. Mes trois fils et moi avons frôlé la mort. Croyez-moi concernant nos adversaires, leur puissance est telle que votre entière coopération sera nécessaire… en espérant qu’elle soit suffisante. Je donnerai mes ordres par l’intermédiaire des chevaliers d’or que vous suivrez. Je nommerai sept armées, chacune d’elle commandée par quatre chevaliers d’argent. Les chevaliers d’or se verront assigner des missions spéciales qui les amèneront à prendre le contrôle d’armées en cas de nécessité pour atteindre leurs objectifs.

Un silence de mort pesait sur l’assemblée.

— Le Sanctuaire n’en ressortira pas entier. Je ne peux pas vous promettre de tous vous protéger mais je peux vous promettre de faire tout ce qui sera en mon pouvoir pour préserver la vie d’un maximum d’entre vous. J’ai confiance en votre engagement de chevalier. Je sais que vous risquerez votre vie pour la Vie. Faites brûler votre cosmos, Saints d’Athéna, et que l’univers entier sache que le Sanctuaire s’élèvera contre les Calamités !

Shiryu embrasa sa cosmo-énergie à son paroxysme et la projeta vers le ciel. Les chevaliers d’or firent de même, suivis de près par les chevaliers d’argent et de bronze.

— Sanctuary Beacon ! [La Balise du Sanctuaire]

Il ne s’agissait pas d’une attaque, mais d’un signal qui se voulait fort, à l’intention de toute menace. Le Sanctuaire était prêt à combattre et irait jusqu’au bout de ses forces pour annihiler l’ennemi… ou être annihilé par lui.

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