Woes Chapter

Chapitre 5 : Les Sept Pics de Lushan

3063 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 21/10/2022 09:51

Chapitre 5 : Les Sept Pics de Lushan.


— Rozan Sho Ryu Ha ! [la colère du dragon de Lushan] s’exclamèrent les trois garçons en même temps.

La cascade de Lushan s’éleva en trois dragons majestueux qui atteignirent le ciel avant de se désagréger pour retomber en une trombe torrentielle, une draperie aquatique scintillante.

— C’est mon dragon qui est allé le plus haut ! s’époumona Ryufeng, laissant éclater sa joie… ou son espoir d’avoir enfin supplanté ses deux grands frères.

Ryuho et Shoryu se regardèrent avec indulgence. Le fait est que les trois manifestations de leur technique avaient été d’égale verdeur. Ryufeng exagérait peut-être la vérité, mais il pouvait déjà être fier de parvenir au même niveau que ses frères tous deux plus âgés, notamment Ryuho, sacré chevalier de bronze du Dragon.

Shoryu était l’aîné. Entraîné depuis son plus jeune âge par leur père, Shiryu, il avait l’étoffe et le potentiel d’un Saint d’Athéna. Il maîtrisait les techniques de Lushan à la perfection. Pourtant, il avait toujours refusé de devenir un chevalier, préférant privilégier les études qu’il menait en temps normal en Norvège. Mais l’actualité étant ce qu’elle était, la Norvège avait connu une vague de tsunami et de glaciation extraordinaire. De nombreux fjords avaient été ravagés et étaient à présent ensevelis sous la glace. Il n’avait pas eu d’autre choix que de revenir chez lui, à Lushan, auprès de sa mère Shunreï et de ses frères, Ryuho le cadet et Ryufeng le benjamin.

Ryuho avait accédé au grade de chevalier de bronze du Dragon, héritant ainsi de la Cloth de leur père. Entraîné lui aussi par Shiryu, il avait dignement repris le flambeau au sein de la chevalerie de la déesse de la sagesse et de la guerre. Un peu trop sérieux pour son âge, il détonait avec leur plus petit frère, Ryufeng, l’espièglerie et la nonchalance incarnées. Le plus jeune des trois fils de Shiryu et Shunreï s’était montré très enthousiaste dans son entraînement, réussissant à imiter et rattraper ses grands frères dans la maîtrise du cosmos et des techniques des guerriers de Lushan. Mais sa concentration était aussi changeante que le vent, ce qui l’avait empêché d’être pressenti pour devenir un Saint. La chevalerie d’Athéna n’avait pas besoin d’un gamin, eût-il les capacités de combat d’un adulte. Cela n’avait pas entamé pour autant le moral du jeune garçon, lui-même considérant que ce n’était pas l’armure qui faisait le chevalier. En un sens, il n’avait pas tort.

— Les garçons ! À table ! appela Shunreï.

Passant du coq à l’âne, Ryufeng s’exclama, ravi de pouvoir aller manger. Sa jovialité amusa ses frères qui le suivirent vers le domicile familial, une maison sans prétention, mais confortable, chaleureuse et accueillante. Shunreï enseignait dans les villages les plus proches, mettant sa patience et sa maternalité au service des enfants des plus démunis. Les habitants, n’ayant pas les moyens de payer une instruction classique à leurs enfants, offraient à Shunreï tout ce qu’il fallait pour vivre agréablement en remerciement de ses services. Elle avait acquis une réputation de professeure respectable et dévouée à sa cause qui était de se battre contre l’ignorance. Le savoir, c’est le pouvoir, répétait-elle souvent.

La compagne de Shiryu regarda ses fils revenir vers elle. La complicité et l’amour qui les unissaient la rendaient fière. Shiryu et elle avaient toujours eu à cœur de les élever dans le respect des principes fondamentaux de la fraternité. Et les trois frères étaient aussi unis que les doigts de la main. Shoryu surtout prenait son rôle d’aîné très au sérieux. Enfant recueilli et adopté par les protégés du Vieux Maître, il n’avait jamais douté de sa légitimité de grand frère. Et ni Ryuho, ni Ryufeng ne l’avaient jamais considéré comme un enfant illégitime.

— Allez-vous sécher, leur dit-elle quand ils arrivèrent à la maison. Combien de fois allez-vous encore inverser le courant de cette pauvre cascade ? On dirait que vous voulez renvoyer son eau dans les galaxies d’où elle provient.

— Si nous y parvenions, maman, nous aurions dépassé tous les disciples de Lushan qui ont existé, railla Ryufeng.

— Si nous y parvenions, petit frère, nous perdrions toute la richesse des Cinq Pics, le reprit Ryuho avec amusement.

— Peut-être ne vaut-il mieux pas le souhaiter alors, tu as raison !

Quand les garçons arrivèrent à table, Shunreï avait déjà tout préparé.

— Merci pour tout le mal que tu te donnes, maman, déclara Shoryu.

Shunreï lui sourit, pleine d’amour pour ses fils. Adoptés ou non, ils lui rappelaient tellement Shiryu quand il était enfant puis adolescent. De son côté, son compagnon ne cessait de la retrouver en eux et lui affirmait que grâce à cela, ils seraient meilleurs que lui ne le serait jamais. Shiryu lui manquait beaucoup. Il revenait très souvent, mais il devait repartir tout aussi souvent, accaparé qu’il était par son statut de Grand Pope. Et ces derniers temps, elle ne pouvait se départir d’un mauvais pressentiment. La dernière fois qu’elle avait ressenti cela, c’était lors de ses batailles contre le Sanctuaire, Asgard, Poséidon ou Hadès. Elle savait qu’il s’en était sorti à chaque fois, un vrai miracle, mais combien de fois avait-il été blessé et avait-il frôlé la mort ?

— Maman ? la coupa Ryuho. Tu penses encore à papa ?

Ryufeng pouffa, imité rapidement par Shoryu.

— C’est vrai, avoua-t-elle. Excusez-moi, les enfants. Je suis avec vous. Passons à table.

Ils s’installèrent et s’apprêtèrent à passer un bon moment en famille lorsqu’une secousse fit trembler la maison. Shoryu fut le premier debout, précipitant son plus jeune frère sous la table pour le protéger d’une éventuelle chute du plafond. Ryuho fit de même avec sa mère et tous deux élevèrent leur cosmos, prêts à protéger leur famille contre un possible effondrement de la maison. Le tremblement s’arrêta. Shunreï et Ryufeng sortirent de sous la table et toute la famille se rendit dehors.

— Un séisme à Lushan ? On aura tout vu, se désola Shunreï en vérifiant d’un coup d’œil l’état de la maison et des alentours. La Nature est devenue folle avec toutes ces catastrophes naturelles.

— Pas la Nature, ma jolie, seulement ses Calamités, entendirent-ils alors ricaner.

Ils se tournèrent vers l’origine de cette voix. Une individue fine, au teint hâlé, se tenait assise sur un rebord rocheux et les fixait nonchalamment. Revêtue d’une armure d’un violet noirâtre aux reflets dorés, des sphères noires et blanches accrochées à sa pièce dorsale, elle dégageait une présence inquiétante. Ses yeux brillaient d’un éclat jaune vif déconcertant.

Shoryu se plaça devant sa mère et ses frères. Ryuho et Ryufeng, ce dernier dégageant un sérieux qu’il n’incarnait pas au quotidien, le sentirent se concentrer.

— Qui êtes-vous ? demanda l’aîné.

— Je suis ce qui fait gronder la terre, je suis la maîtresse des mécanismes au foyer, l’origine des ondes destructrices qui déchirent le sol. Je suis une Calamité. Je suis les séismes. Et je suis venue détruire le lieu de repos des Quiddités.

— Que… commença Ryuho en s’avançant à son tour.

— Compressionnal Primary Waves ! [Ondes Primaires de Compression] lança-t-elle sans prévenir.

Une onde de volume se dilata depuis la main grande ouverte de la Calamité, se comprimant aussitôt rythmiquement à une vitesse phénoménale. La montagne elle-même se mit à trembler. Les ondes atteignirent Shoryu qui tenta de les arrêter d’une barrière de cosmos, tout en restant devant sa famille. À peine les ondes eurent-elles atteint ses pieds, qu’elles se propagèrent à tout son corps, comprimant et dilatant solides et liquides qui le constituaient. Shoryu hurla et s’affala au sol.

— Shoryu ! cria Shunreï en dépassant son cadet et en s’agenouillant auprès de son fils adoptif.

Elle rêvait, ce n’était pas possible ! Shoryu ne réagissait plus. Elle se redressa, les larmes aux yeux.

— Pourquoi avoir fait cela ? Nous ne vous connaissons même pas ! Pourquoi nous attaquer ?

La Calamité la considéra, presque étonnée de la voir debout. Elle regarda plus loin derrière Shunreï, puis ses yeux revinrent se poser sur la compagne de Shiryu pour terminer sur le corps inanimé de Shoryu.

— Étrange… murmura-t-elle comme pour elle-même. Je pensais détruire ce joli paysage mais il semblerait que ce jeune homme ait réussi à atténuer mon attaque.

De fait, le cosmos de Shoryu avait visiblement évité aux montagnes dans leur dos d’être détruites. La destruction par les ondes sismiques développées par l’individue s’était arrêtée à l’espace devant le jeune homme et sur ses côtés. Un cône épargné de nature préservée s’étalait et s’élargissait derrière Shunreï et ses fils.

— Se pourrait-il que ce jeune soit un chevalier ? demanda-t-elle encore pour elle-même.

Elle se leva de son rocher et commença à s’avancer. Ryuho se précipita devant sa mère et son grand frère, faisant brûler son cosmos. Un dragon d’un blanc bleuté s’épanouit dans son aura.

— Toi aussi, soupira la Calamité. Compressionnal Primary Waves !

Averti, le fils cadet de Shiryu et Shunreï porta sa cosmo-énergie à son paroxysme et s’apprêta à attaquer lorsque les ondes le fauchèrent. L’attaque était beaucoup plus concentrée que pour Shoryu. Le jeune chevalier de bronze du Dragon fut projeté jusque dans la cascade de Lushan. Il gémit. Un scintillement venu du fond de la cascade… Un dragon se jeta sur lui et l’enveloppa de sa protection. Sa Cloth vint le revêtir et il sentit ses forces revenir. Le courant s’inversa sous l’effet de son cosmos et il sortit de la trombe d’eau, revenant vers son adversaire. Galvanisé par le revirement de situation, il rugit :

— À mon tour maintenant ! Rozan Sho Ryu Ha !

Son poing fila vers la Calamité, enrobé d’un dragon asiatique grondant comme une cataracte. Son adversaire esquiva sans effort. Ryuho atterrit devant sa famille.

— Tu ne pourras plus les atteindre, menaça-t-il.

L’individue dévoila un sourire cruel.

— Vraiment ? paria-t-elle. Compressionnel Primary Waves !

— Ton attaque ne fonctionnera pas une deuxième fois ! déclama Ryuho en brandissant son bouclier.

Les ondes vinrent percuter le bouclier du Dragon qui tint bon. L’attaque fit ciller le jeune chevalier de bronze, mais il campa sur sa position. La Calamité sembla apprécier la situation un instant.

— Je vois. Il va falloir que je passe à des ondes plus spécifiques. Que dis-tu de ça ?

Ryuho poussa de nouveau son cosmos pour résister à ce qui viendrait.

— Shear Secondary Waves ! [Ondes Secondaires de Cisaillement], fit son adversaire en brandissant ses deux mains.

Un train d’ondes, plus lent que les premières, fusa vers Ryuho. Ce dernier maintint une nouvelle fois son bouclier devant lui. Il lui sembla que son bras se disloquait. Les ondes pénétrèrent profondément dans son bouclier, puis dans son membre et se propagèrent dans tous son corps à travers ses os. Ryuho ne put même pas crier, il s’effondra, vaincu.

— Oh non ! Ryuho ! s’écria Shunreï. Je vous en prie !

Ryufeng se plaça lui-même devant sa mère.

— Vous vous enchaînez comme des pestes, commenta la Calamité. Mais que comptes-tu faire sans armure ? Tu ne vaudras pas mieux que ton aîné.

La Calamité leva la main et Ryufeng, tremblant mais persistant, tenta le tout pour le tout. Maximisant son cosmos, il lança :

— Rozan Ryu Hi Sho ! [L’envol du Dragon de Lushan]

Il se projeta contre son adversaire avec une fureur alimentée par la défaite de ses frères et la détresse de sa mère.

— Sismic Focus Breakage, [Rupture du Foyer Sismique] entonna la Calamité en posant simplement sa main sur la poitrine du jeune garçon.

Il y eut un craquement sinistre et Ryufeng fut stoppé net dans son élan. Il s’écroula aux pieds de son adversaire sans réagir. Shunreï poussa un cri déchirant et tomba à genoux.

— Bien. C’est terminé maintenant ? s’enquit simplement l’individue qui avait vaincu ses trois fils.

Elle regarda autour d’elle satisfaite de ne voir apparaître personne d’autre, et s’avança vers Shunreï.

— Tu comprends que vous n’êtes que des dommages collatéraux, n’est-ce pas ? Si vous n’habitiez pas à l’endroit même où les Quiddités reposent, tu as conscience que tu n’aurais pas perdu tes fils ? Mais ne t’en fais pas… tu vas les rejoindre tout de suite.

Elle leva une main. À ce moment précis, Shoryu, Ryuho et Ryufeng se relevèrent, portés par leur cosmos qui s’éleva à des hauteurs qu’ils n’avaient encore jamais atteintes.

— Tu ne feras pas de mal à notre mère !

Et ils s’interposèrent. Des embruns de la cascade semblèrent voler vers eux, comme attirés par leur volonté de protection et leur cosmos. Les fines gouttelettes se mirent à tourbillonner de plus en plus vite, les enveloppant comme de la poussière issue des neuf galaxies dont on disait que Lushan tirait son eau. Instinctivement, la Calamité recula. Qu’arrivait-il à ces trois jeunes gens, plus morts que vifs ? Deux étoiles filantes, l’une aux lueurs rouges et l’autre aux nuances vertes, jaillirent des deux pics les plus proches. Un rai de lumière bleutée émana du pied de la cascade. Le rayon rouge enveloppa Shoryu, le vert Ryufeng et le bleu Ryuho.

Quand la lumière s’atténua, les embruns avaient disparu et les trois garçons portaient une armure. Ryuho s’observa, éberlué. Son armure de bronze du Dragon avait changé de forme, prenant une allure d’une majesté que seule égalait l’armure d’or authentique de son père. Shoryu était revêtu d’une armure rougeoyante rappelant des écailles de magma. Ryufeng était recouvert d’une armure d’un vert profond, comme des plumes émeraude. La Calamité recula de nouveau.

— Impossible… Une Cloth, une Robe et une Nahual, ensemble ?

Puis elle sembla observer un détail qui lui fit ressentir clairement de la peur. Chaque armure comportait un bouclier.

— Non… des Shields… Vous êtes… les représentants des Quiddités !

Les trois garçons ne comprenaient pas le moindre mot de leur adversaire mais ils se mirent en position de combat, néanmoins chancelants. Leurs armures étaient intactes, pas leurs corps. La Calamité se reprit.

— Qu’importe. J’allais vous tuer de toute façon. Et quand bien même je vous aurais laissés agonisants, je n’ai plus de doute à présent. Il faut que je vous achève. Vous ne résisterez pas à ma prochaine attaque. Il est temps de vous prendre au sérieux.

Une énergie phénoménale se dégagea de son être. La puissance colossale de deux plaques tectoniques qui entrent en collision. Les garçons surent que, dans leur état, ils ne pourraient pas s’en sortir en protégeant leur mère. Shunreï le perçut.

— Mes fils, ne vous occupez pas de moi. Battez-vous sans vous préoccuper de ma survie. Cet être peut détruire des millions de vies humaines, si la mienne seule peut servir, je suis prête.

Sa passion et sa résolution se mêlaient à sa frustration de ne pas pouvoir aider ses enfants. Si seulement j’avais les moyens de les protéger, pensa-t-elle. N’importe quoi, dieux, je vous en prie. À ce moment-là, un éclair brun provenant d’un quatrième pic la frappa et un nuage l’enveloppa. Quelques secondes plus tard, Shunreï se relevait, estomaquée mais dignement revêtue d’une armure d’un brun profond aux reflets pourprés.

— Une Fane… commenta la Calamité.

— Et ce n’est pas terminé, grondèrent deux voix.

Deux silhouettes apparurent derrière l’agresseur de Lushan qui se retourna vivement, son regard aussitôt attiré par les boucliers qui ornaient les bras gauches des nouveaux venus.

— Une Armour et une Surplis ?

Cette fois, il n’y avait plus de doute. La peur sourdait de sa voix. Shunreï trembla, d’émotion cette fois, en reconnaissant les deux hommes. Des larmes de joie envahirent son regard et floutèrent sa vision. Elle les essuya, transportée de bonheur. Le bruit d’un moteur souffla le silence qui venait de tomber sur cette scène incroyable. Une lueur dorée et Shiryu atterrit devant sa femme et ses fils, brandissant les deux boucliers de la Balance. Shunreï remarqua qu’il semblait blessé, mais sa posture avouait toute la colère qu’il ressentait envers celle qui avait osé malmener ses enfants. La Calamité, jusque-là toujours en posture d’attaque, relâcha ses bras.

— Ainsi commence un nouvel affrontement. Je ne pensais pas que ça irait si vite. Mais même moi je ne suis pas assez inconsciente pour combattre seul les sept Pics de Lushan.

Une brume la dissipa.

— Nous nous reverrons, porteurs des Shields. Et nous nous affronterons sérieusement cette fois.

Et elle disparut. Shiryu rengaina les boucliers sur son armure et se tourna vers les deux hommes qui étaient venus seconder sa famille.

— Vous, déclara-t-il.

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