Pour une seconde chance

Chapitre 2 : De l'autre côté du miroir...

10415 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a environ 6 ans

Un petit restaurant de plats à emporter à Tokyo, Japon.

Seiya

 

-         Seiya ! Seiya ! Que fais-tu ? Dépêche-toi un peu ! Tu vas être en retard, ces repas doivent être livrés dans dix minutes ! S’écria une jeune fille rousse en tablier blanc, debout derrière le petit comptoir. 

-         C’est important, c’est notre plus gros client tu sais… Continua-t-elle.

-         T’inquiète Seika, je serai dans les temps… 

Le garçon enfila son blouson et adressa un grand sourire à sa sœur aînée avant d’empoigner les boites et de filer vers l’extérieur où il enfourcha une mobylette rouge et blanche sans même mettre son casque. Vu le bruit que fit l’engin en démarrant, tout laissait à penser qu’il avait été « amélioré » par son jeune propriétaire.

-         « Seiya, fais attention et… » s’écria Seika dont la voix se perdit dans le bruit du moteur. « …Ne roule pas trop vite. » Termina-t-elle en secouant la tête, consciente du fait que non seulement, il ne tiendrait pas compte de ses recommandations, mais qu’en plus il était de toute façon déjà trop loin pour les entendre.

Seika rentra dans le petit restaurant et alluma la radio pour éviter de penser à son petit frère et à sa façon de prendre impulsivement des risques inutiles. La voix modulée du présentateur résonna dans la salle vide :

« … et la police est toujours sur la piste des tueurs en série qui ont déjà fait plusieurs dizaines de victimes dans tout le Japon. Les victimes sont exclusivement de jeunes garçons âgés de 13 à 19 ans. C’était la fin de notre flash spécial, maintenant place à la musique… »

Un air rythmé remplit la pièce accompagnant la voix d’une star de la pop américaine. Seika frissonna malgré la chaleur qui régnait dans la cuisine accolée à la minuscule salle du restaurant complètement déserte.

 

Au même instant, filant comme une flèche dans les rues encombrées et n’hésitant pas, occasionnellement, à rouler sur les trottoirs en faisant du slalom entre les piétons et à griller quelques feux rouges ce qui lui valut des coups de klaxon rageurs de la part des automobilistes contraints de freiner, Seiya gagnait en un temps record le quartier des affaires.

Il prit sans hésiter un raccourci entre deux buildings rutilants qui l’obligea à enfreindre un sens unique, et adressa en passant un doigt d’honneur aux automobilistes qui klaxonnaient. Plus qu’un passage à niveau et une longue avenue et il serait arrivé à destination. « Vraiment trop facile… » Murmura pour lui-même l’adolescent.

Au même instant, un signal sonore retentit, intimant aux véhicules l’ordre de s’arrêter, et la barrière du passage à niveau commença à descendre. « Oh, non ! Si je laisse passer ce fichu train, j’en aurais pour dix minutes et ce ne sera même plus la peine, j’arriverai trop tard et vu notre situation financière, je ne peux pas me permettre de rater une livraison, c’est notre plus grosse commande depuis des semaines » pensa le jeune garçon.

Il déboîta, accéléra de toute la puissance de son engin débridé et dépassa les véhicules qui s’étaient rangés devant la barrière. Les conducteurs à l’arrêt lancèrent des regards affolés à ce gamin imprudent qui s’apprêtait à se jeter sous un train, mais ce dernier n’en avait cure il continua d’accélérer bien que la barrière soit à présent refermée.

Le garçon s’aplatit sur le guidon et fut soudain entouré d’une étrange aura brillante. À toute vitesse, le deux-roues passa de justesse sous les barrières et traversa les voies in extremis devant le train dont le chauffeur, surpris, n’eût même pas le temps de faire retentir l’avertisseur.


Moins de deux minutes plus tard, Seiya parvint devant l’immense immeuble de la fondation Kido. Il leva le nez en direction du sommet du building qui lui semblait presque invisible tant il était haut et d’un pas décidé avança sur le dallage de marbre du hall en direction de l’accueil où une jolie réceptionniste le renseigna. Une voix retentit derrière lui :

-         Hé ! Toi, le livreur ! Qui t’as autorisé à laisser ton tas de ferraille ici !

Seiya se retourna pour découvrir un homme chauve et colérique qu’il reconnut immédiatement comme étant Tatsumi, le majordome de la famille Kido.

-         Parce que c’est à moi que tu parles ?

-         En plus tu me manques encore de respect ! Sale gosse ! Tu vas voir si je t’attrape !

-         Vraiment ? Ben essaie toujours… S’écria Seiya, goguenard, en s’élançant vivement vers les ascenseurs malgré la douzaine de boites de repas qui l’encombrait.

Tatsumi hors de lui se lança à ses trousses mais il ne fut pas assez rapide et s’écrasa sur la porte métallique que le jeune garçon venait prestement de refermer et, vert de rage, hurla pour appeler la sécurité.

Pendant ce temps, Seiya, hilare, arrivait sans encombre à l’étage où il devait s’acquitter de sa livraison sans remarquer que tapis dans l’ombre, un individu étrange le surveillait.

 

                                                                         ***

URSS, une forêt au nord de la Russie.

Hyoga

 

Une dizaine d’hommes accompagné de chiens de chasse, marchaient depuis près d’une heure déjà dans la forêt enneigée. A l’avant du groupe deux hommes d’une cinquantaine d’années et un adolescent marchaient de front. Le jeune garçon aux cheveux blonds et aux grands yeux bleus remonta machinalement le col de sa veste pour se protéger du vent froid, et réajusta sa chapka, tout en se demandant quand il aurait l’occasion de tirer. L’adolescent issu d’une classe privilégiée de la société avait toujours eu ce qu’il voulait et en enfant gâté, il supportait mal de devoir patienter. Depuis le matin, il rêvait d’étrenner la carabine flambant neuve que venait de lui offrir son père adoptif Nicolaï, un géant blond au rire communicatif, que tout le monde surnommait Kolia. En attendant, il s’ennuyait ferme, dans cette partie de chasse qui était surtout prétexte à une discussion politique entre son père adoptif et son meilleur ami, Sergueï, qui était l’un des hauts dignitaires du régime et ne se déplaçait jamais sans sa garde rapprochée armée jusqu’aux dents par crainte des attentats. L’adolescent soupira bruyamment. Kolia, qui marchait près de lui, l’entendit. Il se mit à rire et posa affectueusement la main sur l’épaule du jeune homme et lui dit :

-         Ne t’inquiète pas Hyoga, tu auras l’occasion de l’essayer cette carabine !

-         Oui, j’ai hâte de te montrer, j’ai encore fait des progrès en tir.

Kolia se retourna vers son ami Sergueï, le regard empli de fierté :

-         Tu te rends compte ! Hyoga est déjà un aussi bon tireur que moi et il n’a que 15 ans !

-         Ha ! Ha ! Tu as vraiment beaucoup de chance Kolia. Non seulement tu as la plus ravissante des épouses mais en plus tu as gagné dans l’affaire un fils exceptionnel !

 

Hyoga devint écarlate sous cette avalanche de compliments, ce qui fit encore plus rire les deux quadragénaires. Soudain, un léger bruit de branches brisées, les fit taire et ils échangèrent des regards pleins d’espoir s’attendant à voir apparaître un ours. Mais ce fut une belle jeune femme aux longs cheveux noirs et brillants qui apparut devant eux. Sa longue robe soyeuse couleur de jais cintrée à la taille puis évasée en bas mettait en valeur sa silhouette parfaite. Elle riva ses yeux sombres sur Hyoga qui ressentit une sensation de malaise et resta tétanisé sans pouvoir se dégager de ce regard noir et froid comme la mort. L’étrange femme au visage d’albâtre était accompagnée d’un homme vêtu d’une sorte d’armure noire de son casque qui lui cachait une partie du visage, s’échappaient de longs cheveux gris.

-         Tu vois Minos, je t’avais bien dit que nous en trouverions un ici… 

-         Oui, en effet. Souhaitez-vous que je m’occupe de lui.

-         Pff ! Inutile de perdre notre temps, il n’a qu’un cosmos peu développé.... Tes hommes s’en chargeront. 

-         Très bien. Nous remplirons cette tâche, déclarèrent d’une seule voix les hommes en armures noires restés jusque-là en retrait.

-         Mais enfin qui êtes-vous ? S’écria Sergueï, alors que ses gardes du corps mettaient en joug les deux inconnus.

La jeune femme n’éprouvait visiblement aucune crainte malgré les armes braquées sur elle. Elle eut un sourire méprisant et daigna répondre à la question qui lui était posée :

-         Je m’appelle Pandore et je suis venue chercher ce garçon… pour le conduire en sa dernière demeure... 

Hyoga se sentit soudain soulevé dans les airs puis projeté sur le sol enneigé alors que des coups de feu retentissaient en rafale et faisaient voler la neige dans tous les sens autour des deux étranges personnages. Kolia s’était rapproché de lui, tout en le maintenant au sol pour le protéger il murmura à son attention :

-         Tu verras, les hommes de Sergueï ne vont en faire qu’une bouchée…

Sans qu’il sache pourquoi Hyoga ne partageait pas son optimisme. A quelques mètres d’eux, Sergueï, accroupis sur le sol, le sourire aux lèvres, fit un geste de la main aux hommes de sa garde et le silence se fit. La neige que les balles avaient fait voler autour des deux intrus se redéposa lentement sur le sol laissant apparaître Pandore et Minos indemnes. Les centaines de balles semblaient suspendues dans l’air autour d’eux comme retenues par un champ de force invisible.

-         Je vous laisse disposer d’eux comme bon vous semble, mes spectres dit Pandore en s’éloignant, mais aucun d’entre eux ne doit en réchapper.

Un sourire cruel se dessina sur le visage de Minos : « Misérables mortels…Comment osez-vous vous dressez contre nous…Rugit-il alors qu’une aura violacée l’entourait et devenait de plus en plus brillante.

Les projectiles qui semblaient en suspend autour de lui se retournèrent vers leurs tireurs dont les corps, criblés de balles s’effondrèrent l’un après l’autre dans la neige qui se teintait lentement de rouge... Sergueï qui avait été légèrement blessé et deux de ses hommes encore vivants se redressèrent et tentèrent de se mettre à l’abri, mais leurs trois corps furent soulevés de terre ; comme maintenus par des fils invisibles. Les trois malheureux hurlèrent tandis que leurs membres se tordaient, leur os craquèrent puis leurs corps ensanglantés retombèrent inertes sur la neige immaculée et un silence de mort succéda aux cris de douleur.

Pandore regarda ce carnage d’un air satisfait puis dit doucement :

-         Cela suffit Minos. Suis-moi, inutile de perdre notre temps avec eux, ce n’est pas le garçon que nous cherchons…

-         Terminez le travail ! Ordonna Minos au spectre et à la demi-douzaine de garde squelettes qui l’accompagnaient. A regret, il rejoignit Pandore et tous deux se volatilisèrent dans un éclair de lumière violacée.

 

Hyoga et son père se redressèrent. Le jeune homme qui avait ramassé sa carabine, tira plusieurs fois. Les plombs furent arrêtés dans leur course et immédiatement retournés au jeune garçon qui fit un bond sur le côté pour tenter de les éviter. Mais il ne fut cependant pas assez rapide et certains projectiles l’atteignirent au bras et à l’épaule gauche il retomba dans la neige avec un cri de douleur. Il retira sa chapka et l’utilisa pour éponger le sang qui coulait de sa blessure.

-         Ça suffit ! Laissez-le ce n’est encore qu’un enfant !

Malgré sa peur, Kolia qui s’était avancé et s’interposait de toute sa stature entre son fils adoptif et les hommes en armures noires. Il leur cria :

-         Quel genre de démon êtes-vous ? Que lui voulez-vous ?

-         Pfff ! Ecarte-toi de là, ce garçon va mourir aujourd’hui, que tu le veuilles ou non. Si tu cesses de t’opposer à moi dès maintenant tu auras peut être la vie sauve… Enfin, pour quelques instants de plus… Ah ! Ah ! Ah !

-         Non, papa…

-         Hyoga, cours ! Vite !

-         Parce que tu crois que cela va suffire à le protéger… Ricana le spectre en saisissant l’homme par le cou et en le soulevant d’une seule main.

-         Va-t’en Hyoga... Ne t’occupe pas de moi… articula péniblement Kolia

-         Tu es vraiment pathétique vieil homme… dit le spectre.

 

Un sinistre bruit d’os retentit et le spectre jeta sur le sol le corps de Kolia, la nuque brisée. Il retomba aux pieds de Hyoga qui recula horrifié.

L’adolescent prit de panique, obéit machinalement au dernier ordre de son père et couru à perdre haleine à travers la forêt enneigée sans trop savoir où il allait. Il entendait résonner derrière lui le rire lugubre des meurtriers qui semblaient lui laisser de l’avance pour mieux profiter de leur chasse à l’homme. Dans sa course effrénée, il glissa sur le sentier enneigé mais se releva prestement, juste à temps pour éviter l’attaque de l’un de ses poursuivants dont le trait de lumière violacée réduisit en cendre un arbre qui se trouvait près de lui. Surprit, l’adolescent trébucha sur une racine et roula au bas d’un talus de plusieurs mètres. Une lumière blanche aveuglante déchira le ciel puis à quelques mètres de lui, projetant des gerbes de neige elle creusa une sorte de cratère.

Cette fois c’était fini, il allait mourir comme Kolia quelques instants auparavant. Il pensa à sa mère, qui ne le reverrait jamais. La veille, il avait refusé de l’embrasser en partant car il en avait assez qu’elle le traite toujours comme un enfant. Elle l’avait regardé avec un air triste et l’avait laissé partir sans rien ajouter. Hyoga réalisa qu’il donnerait tout pour être près d’elle, l’embrasser une dernière fois et lui dire combien il tenait à elle… Etendu dans la neige il sentit un grand calme l’envahir et trouva la force de se redresser.

 

Le spectre et les guerriers qui l’accompagnaient arrivèrent peu après :

-         Il est plutôt coriace ce gamin, je ne pensais pas qu’il survivrait à la chute. 

Hyoga les regarda, conscient de vivre ses derniers instants. Le spectre le plus proche lança son attaque qui fut stoppée net par un mur de glace qui s’était dressé devant le jeune homme.

-         Mais c’est impossible ! Ce n’est tout de même pas lui qui fait cela…

-         Non en effet.

Tous se retournèrent vers le cratère d’où provenait la voix. Un jeune homme blond vêtu d’une resplendissante armure blanche en sortit. Il était entouré d’une aura blanche étincelante.

-         Qui es-tu ? 

-         Je suis Hyoga, le chevalier du cygne.

-         Et bien tu vas mourir ici, toi aussi.

-         Cela m’étonnerait. Puis se tournant vers son sosie il ajouta : Quoi qu’il arrive ne bouge pas d’ici durant le combat.

Son double trop éprouvé pour parler lui répondit d’un hochement de tête.

Le spectre et les guerriers squelettes qui l’accompagnaient se mirent en position de combat et lancèrent simultanément leurs attaques que le chevalier du cygne évita aisément. Il exécuta alors une sorte de chorégraphie compliquée durant laquelle la lumière qui l’entourait devint encore plus aveuglante :

- Par la poussière de diamant !

Le spectre et ceux qui l’accompagnaient, laminés par la puissance de l’attaque, s’écroulèrent morts.

 

Hyoga ôta son casque et s’approcha de son double qui n’avait pas bougé et semblait complètement tétanisé. Ils restèrent face à face quelques instants aussi surprit l’un que l’autre.

C’était incroyable ils étaient tous deux de la même taille, la même couleur de cheveux et se ressemblait trait pour trait comme deux jumeaux.

-         Je… Je m’appelle Hyoga Nicolaïevitch Gretchenko, articula péniblement son double en grelottant.

-         Et moi je suis Hyoga, le chevalier du cygne.

Son sosie le regardait incrédule de ses yeux fiévreux, et semblait sur le point de défaillir. Il murmura :

-         J’ai froid… Je… 

Hyoga rattrapa son double qui venait de perdre connaissance suite à sa blessure et aux fortes émotions qu’il venait de vivre. Il était très pâle et ses lèvres avaient bleui sous l’effet du froid intense. Le chevalier du cygne avait du mal à se départir d’une étrange sensation de malaise comme si la fièvre de son sosie le touchait lui aussi.

 

Quelques instants plus tard, Hyoga portant son double dans ses bras arriva devant une vaste maison entourée d’un jardin clos dans une petite ville située à quelques kilomètres de là, et dont il avait trouvé l’adresse dans le portefeuille du jeune homme. Il avait retiré son armure pour être plus discret, autant que pouvait l’être un garçon qui se baladait en manches courtes en plein hiver sous la neige avec un blessé dans les bras et un coffre métallique sur le dos. Connaissant mal la ville, il avait dû plusieurs fois demander son chemin et avait également dû fuir la police qui, le trouvant suspect, avait tenté de l’interpeller.

La demeure des Gretchenko, paraissait visiblement assez ancienne. Un haut mur aux pierres apparentes entourait un petit jardin planté d’arbres dont les cimes dépassaient le toit de la demeure. Hyoga regarda rapidement autour de lui et voyant la rue déserte il franchit le mur d’un bond, traversa le jardin enneigé et après une courte hésitation, il sonna à la porte. Une femme âgée vint ouvrir elle écarquilla les yeux devant cet adolescent trempé et en reconnaissant le garçon inanimé qu’il tenait dans ses bras elle se mit à hurler :

-         Madame ! Madame !

Hyoga écarta doucement la femme et posa son double sur un divan qui trônait dans l’immense entrée et se tourna vers la domestique qui continuait d’appeler sa maîtresse de façon hystérique :

-         Il faut le réchauffer. Apportez-lui des vêtements secs et appeler un médecin, il a déjà perdu beaucoup de sang !

La vielle femme obéit et partit précipitamment.

-         Olga que se passe-t-il ? Demanda une voix féminine depuis l’étage.

Hyoga tressaillit en l’entendant. Non. Ce ne pouvait pas être elle !?

Il monta rapidement l’escalier qui donnait sur un vaste couloir élégamment décoré. Une porte s’ouvrit à quelques mètres de lui et une belle femme aux longues boucles blondes apparut. Vêtue d’une élégante robe de chambre de cashmere bordée de fourrure, sur laquelle retombait une croix d’or ciselée attachée à une chaîne du même métal, sa mère était encore plus belle que dans ses souvenirs. Après l’avoir regardé pendant quelques secondes elle s’écria :

-         Hyoga ! C’est toi? 

-         …

-         Mon Dieu ! Mais c’est du sang ? Que t’est-il arrivé ? 

-         Ce n’est rien je… 

Elle s’était approchée et l’avait pris dans ses bras. Il la serra contre lui également et se mit à pleurer. Au bout de quelques minutes il se reprit, se dégagea doucement de son étreinte et murmura :

-         Je ne suis pas votre fils, je n’ai fait que le raccompagner ici…

Elle le regarda sans comprendre :

-         Mais que veux-tu dire ?

-         Je vous expliquerai plus tard… votre fils est blessé et il a besoin de vous…

Elle le regardait toujours avec de grands yeux incrédules et il évita soigneusement son regard pour ne pas se mettre à pleurer à nouveau.

L’arrivée d’Olga les interrompit :

-         Madame Natassya, le médecin sera là d’une minute à l’autre. Monsieur Hyoga… Il est au plus mal, je crois qu’il délire…

-         J’arrive Olga. Puis se retournant vers Hyoga elle ajouta avec insistance en lui prenant la main : Qui que tu sois reste ici, je t’en prie… 

-         D’accord.

-         Olga ! Donnez des vêtements secs et un repas à ce garçon, ordonna Natassya en dévalant l’escalier pour rejoindre son fils.

 

                                                                  

Quelques heures plus tard, assis devant la cheminée du salon, une tasse de thé brûlant posée près de lui, Hyoga contemplait les flammes. Perdu dans ses pensées, il n’entendit pas Natassya entrer doucement dans la pièce. Elle s’arrêta pour le regarder. C’était le portrait de son fils. Une telle ressemblance était incroyable, elle serait elle-même incapable de les différencier d’autant plus que l’adolescent portait à présent des vêtements appartenant à son fils. Le jeune garçon jouait distraitement avec un objet qu’elle ne pouvait clairement distinguer. Sentant son regard, il finit par se retourner et demanda :

-         Comment va-t-il ?

-         Beaucoup mieux. Le médecin lui a fait une injection, sa fièvre a baissé et Olga est auprès de lui, elle me préviendra s’il reprend connaissances, dit Natassya en s’approchant lentement.

-         Je suis heureux qu’il soit hors de danger.

La jeune femme à présent à quelques pas, détailla l’objet que tenait Hyoga.

-         Mais ce rosaire ! Comment se fait-il que tu l’aies en ta possession? Il est impossible qu’il existe en deux exemplaires ! S’écria Natassya en posant la main sur le pendentif identique qu’elle portait au cou…

-         Il appartenait à ma mère, elle me l’a donné il y a très longtemps….

 

Surprise, elle s’assit près de lui et demanda doucement : Mais… Qui es-tu ? Explique-moi.

Il lui narra rapidement son enfance, son entrainement auprès de Camus du Verseau, les combats qu’il avait mené en tant que chevalier pour sauver Athéna, la guerre contre Hadès, son arrivée dans cette dimension et sa rencontre avec son double.

Elle l’écouta sans mots dire. A la fin de son récit, elle avait les larmes aux yeux.

-         Je connais une personne qui pourra sans doute t’aider. Mais il y a une chose que j’aimerai te demander…

-         Laquelle ?

-         Emmène mon fils avec toi. Il est en danger ici…

-         D’accord, nous partirons dès qu’il sera en état de voyager.

-         Merci.

Elle déposa un baiser sur sa joue puis se leva.

-         Tu devrais aller te reposer, j’ai demandé à Olga de te préparer une chambre. Viens, je vais te montrer où elle se trouve.

                                             

 

Quelques jours plus tard, Hyoga était à bord d’un avion assis à côté de son double. Natassya le visage triste mais déterminé, les avait accompagné jusqu’à l’aéroport et leur avait donné de l’argent pour le voyage. Elle les avait ensuite serré dans ses bras tous les deux avant de les regarder s’éloigner vers le terminal. Munis de faux papiers, ils avaient sans difficulté franchi la sécurité, personne n’avait mis en doute le fait qu’ils étaient frères et partaient pour un voyage d’étude.

Les deux jeunes gens étaient à présent en route pour le Japon où se trouvait la seule personne qui, aux dires de Natassya, pourrait les aider. Le chevalier du cygne regarda discrètement son double. Ce dernier encore très pâle, portait son bras blessé en écharpe mais il avait cependant insisté pour partir au plus vite et à présent il regardait d’un air mélancolique le sol s’éloigner au fur et à mesure que l’avion prenait de l’altitude. Quand il ne vit plus que des nuages, il se détourna du hublot et soupira en serrant dans sa main valide le rosaire d’or que sa mère lui avait donné.

 

 

Un cimetière dans la banlieue d’Osaka au Japon.

Shun

 

Shun tomba brutalement à plat ventre sur le sol, sa tête heurta une stèle de marbre qui se fendit sous l’impact et son casque vola à quelques mètres de lui. Un peu sonné, il se redressa sur les genoux, massa sa tête endolorie où une bosse commençait à poindre et regarda autour de lui.

C’était le soir et le cimetière dans lequel il venait d’arriver semblait désert. Malgré tout, il retira son armure pour ne pas se faire trop remarquer. Que faisait-il ici ? Où était Athéna ? Et Hyoga qui avait franchit le vortex presqu’en même temps que lui ? Il allait se relever quand ses yeux tombèrent sur la stèle de marbre qu’il avait heurté à son arrivée. C’était une pierre funéraire tout à fait ordinaire indiquant le nom du défunt et une petite épitaphe. Sous le choc, il relut plusieurs fois l’inscription : « Shun Haneda ».

Cela ne pouvait pas être une coïncidence, ce garçon qui avait son prénom et était né tout comme lui le 15 septembre 1973, c’était forcément lui, du moins son double. Autrement dit, il se trouvait sur sa propre tombe dans une dimension parallèle…

 

Surpris de ce constat, Shun fit malgré lui quelques pas en arrière. Il comprenait à présent ce que lui avait dit Kanon avant de disparaître dans le vortex « surtout pas toi Shun… ». Dans cette dimension, son double était déjà mort il n’était donc pas l’hôte d’Hadès. Cependant, en franchissant le vortex, il avait peut être donné au dieu des enfers l’occasion de se réincarner en utilisant son corps… Autrement dit, son arrivée ici allait peut être donné à Hadès le moyen de gagner la guerre. Il repensa au rêve funeste qui le hantait depuis plusieurs semaines.

Il avançait dans une pièce sombre soutenue par de hautes colonnes noires. Il ne voyait personne, mais il savait qu’il n’était pas seul et qu’une présence menaçante se cachait dans l’ombre. Soudain, une vive lumière violacée apparaissait devant lui et il entendait cette voix… Hadès lui parlait :

« Quoi que tu fasses, tu es destiné à revenir vers moi, Shun, et cette fois tu m’appartiendras entièrement et pour toujours ! » Le rire cruel du dieu des enfers résonnait ensuite dans la pièce.

 

C’est alors qu’il sentit le cosmos de son frère apparaître. Il devait être à peine à quelques kilomètres de lui. Sans réfléchir, il se mit à courir vers cette présence familière.

 

 

La bibliothèque d’un lycée d’Osaka.

Ikki.

 

-         Monsieur Haneda ! Quand vous aurez enregistré tous ces volumes dans la base de données vous refermerez la bibliothèque et vous remettrez les clés au concierge. C’est compris ? 

-         Oui, monsieur le directeur, répondit à contrecœur un adolescent blasé aux cheveux bleus qui ajouta entre ses dents : au moins pour une fois, ce travail sera fait correctement… 

-         Comment ? A ce que je vois, vous êtes toujours aussi insolent… Puisque c’est comme ça, vous nettoierez également le labo et vous rangerez ensuite chacun de ces livres à leur place. Vous ne rentrerez chez vous que lorsque ce travail sera terminé. Et bien sûr, vous resterez aussi en retenue deux heures demain après-midi.

-         Si cela peut vous faire plaisir... répondit le garçon en le gratifiant d’un regard méprisant.

Le directeur, excédé, tourna les talons en sermonnant au passage quelques élèves qui, levant les yeux de leur livre, avaient suivis la scène.

L’adolescent avisa le chariot plein de livres en désordre et soupira. Au lieu de sortir dans dix minutes comme les autres, il allait devoir passer une partie de sa soirée à ranger ces fichus bouquins...

A la sonnerie ses camarades de classe se dirigèrent rapidement vers la sortie mais son meilleur ami Yosuke, un grand garçon maigre aux cheveux noirs en bataille, s’attarda près de lui, le regard grave :

-         Tu sais que tu exagères ! Tu ne devrais pas le provoquer comme ça…Il t’a déjà collé combien de fois cette semaine ? 

-         Bof… deux ou trois fois, je crois, mais j’ai encore de la place dans mon emploi du temps pour quelques heures de plus… » Ironisa Ikki.

Son ami secoua la tête et soupira :

-         Si tu continues comme ça, ils vont finir par te renvoyer du lycée !

-         Pfff ! J’en doute… Ils ne vont pas risquer renvoyer l’un de leurs sportifs les plus talentueux en plein milieux de la saison. N’oublie pas que je suis le joueur vedette de leur équipe de base-ball et le meilleur gardien de leur équipe de foot, fanfaronna Ikki.

-         Ouai… C’est vrai que dans les buts tu es doué… Capitula son ami. Je ne sais pas comment tu fais mais on dirait que tu sais toujours par avance de quel côté plonger ! 

-         Inutile de m’attendre, tu sais, je crois que j’en ai pour un moment… 

 

Yosuke salua son ami et s’éloigna pensif. Ikki faisait vraiment n’importe quoi ces derniers temps. Il avait commencé à avoir cette attitude après le suicide de son frère il y a quelques semaines.

 

Quelques heures plus tard, la nuit était tombée. Ikki achevait le classement des volumes sur les étagères, lorsqu’un brusque pressentiment le saisit. Il se retourna et inquiet parcourut du regard la bibliothèque : elle était déserte. Il haussa les épaules se disant qu’il se faisait encore une fois des idées et il enfila sa veste d’uniforme qui trainait sur une chaise. Quand soudain, une vive lumière dorée et le bruit d’une chute attirèrent son attention. L’adolescent se dirigea vers l’origine de ce bruit et tomba nez à nez avec un garçon qui lui ressemblait trait pour trait. Il et recula vivement et trébucha, heurtant au passage une étagère qui s’effondra entrainant dans sa chute l’étagère la plus proche. Leur contenu déferla bruyamment sur le sol.

Il ne pouvait détacher les yeux de son sosie. C’était incroyable… Ils faisaient tous les deux la même taille et arboraient à peu près la même coupe et la même couleur de cheveux. En fait, ils étaient identiques si ce n’est que l’inconnu portait une longue cicatrice sur le front et une sorte d’armure…

Le nouveau venu, le considéra quelques instants puis prit ensuite la parole d’une voix qui se voulait rassurante :

-         N’aies pas peur. Je ne te veux aucun mal dit l’inconnu tout en jetant un regard circulaire autour de lui.

-         Je…Je n’ai pas peur… Balbutia le lycéen.

 

Le nouveau venu ne se donna même pas la peine de le contredire bien qu’il ait certainement remarqué ses mains tremblantes et sa voix hésitante :

-         Qui… Qui es-tu ? 

-         Je suis Ikki chevalier du Phénix.

-         Mais… Tu me ressembles tellement que c’est presque incroyable… Qu’est-ce que cela veut dire ?

-         Que nous venons probablement de deux dimensions parallèles, répondit son double en se dirigeant vers les grandes fenêtres qui surplombaient la route. La ville illuminée s’étalait en contrebas. Il regarda longuement à l’extérieur comme s’il tentait de repérer quelque chose ou quelqu’un.

-         Attends, si je comprends bien, nous sommes les mêmes personnes mais chacun dans notre monde nous avons eu une vie différente. Analysa le lycéen à présent plus curieux qu’effrayé.

-         Je vois que tu n’es pas mon double pour rien… Où sommes-nous ?

-         A Osaka, au Japon. Et…heu… Au fait, je m’appelle Ikki Haneda se présenta le lycéen en s’approchant de son double.

 

Un bruit de pas venus du couloir les fit se retourner. Le concierge de l’école avait certainement été alerté par le vacarme et le lycéen regarda la pièce et avisa le désordre qui y régnait : plusieurs des étagères étaient renversées et les livres jonchaient le sol, on aurait dit qu’une tornade avait traversé la salle... Cette fois, sportif talentueux ou pas, il était bon pour un conseil de discipline suivi d’un renvoi… Le regard effaré du lycéen croisa brièvement celui de son double, avant de se tourner vers la porte où apparut bientôt le concierge, monsieur Ashita. C’était un petit homme placide et rondouillard au nez rouge. Il passait habituellement la plus grande partie de la soirée à boire dans sa loge…

-         Monsieur Haneda ?

-         Heu…Oui…

-         Oh ! Mais je vois que vous avez terminé, vous allez pouvoir rentrer chez vous.

-         Quoi ?!

 

Le lycéen, sidéré, se retourna vers la pièce et écarquilla les yeux. Tout semblait à nouveau en ordre : son double avait disparu et les livres se dressaient à nouveau sur les étagères. Il constata cependant que les volumes n’étaient pas classés. L’adolescent était perplexe. Un courant d’air frais l’incita à se retourner vers la fenêtre depuis laquelle quelques instants plus tôt son double avait regardé la ville… Avait-il rêvé ? Elle était grande ouverte alors qu’il ne se souvenait bien pas y avoir touché… Etait-il en train de perdre la raison ? Il récupéra ses affaires et partit en courant. Indifférent aux glapissements du concierge qu’il avait bousculé en sortant, il dévala les escaliers.

En arrivant dans la cour, il sut immédiatement qu’il n’avait pas rêvé. Son double, adossé à l’un des piliers du préau l’attendait, un sourire ironique sur les lèvres. Il ne portait plus son armure mais des vêtements ordinaires. En approchant le lycéen remarqua qu’il n’était pas seul et quand, il reconnut le garçon qui se tenait près de son double il eu un mouvement de recul et murmura :

-         Shun ? Ce… Ce n’est pas possible, tu… Tu es Mort… 

La jeune garçon aux cheveux verts sourit et s’approcha de lui.

-         Non, ne t’inquiète pas, tu n’es pas devant un fantôme. Apparemment je suis le double de ton frère comme toi tu es le double du mien, c’est difficile à expliquer mais nous venons d’une dimension différente de la tienne… 

 

Le lycéen se passa nerveusement la main dans les cheveux et regarda alternativement les deux garçons.

-         C’est incroyable…Comment cela est-il possible ?

-         Nous t’expliquerons mais pas ici. Déclara son double en regardant le petit homme rondouillard qui venait de franchir la porte du bâtiment. Allons dans un endroit plus tranquille. 

Monsieur Ashita, le concierge, était sorti du bâtiment et regardait d’un air étonné les trois adolescents qui se retournèrent vers lui. Il faut vraiment que j’arrête de boire, pensa-t-il. Non seulement il voyait des élèves en double mais en plus il voyait des fantômes… Il frotta ses yeux éberlués et quand il les rouvrit la vaste cour était déserte. Le concierge se gratta la tête et perplexe retourna à sa loge.

                                                                             

Plus tard dans la soirée, les trois jeunes gens étaient installés dans le séjour design de la famille Haneda dont l’appartement luxueux se trouvait dans un immeuble à l’architecture moderne qui surplombait la ville. La nuit était déjà bien avancée et les larges bais vitrés permettaient d’avoir une superbe vue.

-         Voilà, tu sais à peu près tout sur ce qui nous a amené ici, termina Shun après avoir fait le récit des événements. «Tu vois quelque chose à ajouter Ikki ?

 

Il se retourna vers son frère qui installé dans l’un des fauteuils du salon, feuilletait un des albums photos que leur hôte leur avait montrés plus tôt dans la soirée. Ce dernier, perdu dans ses pensées hocha négativement la tête sans même lever les yeux de la photo qu’il regardait : elle avait sans doute été prise il y a quelques années et représentait leurs doubles dans un parc d’attraction. Les deux frères arboraient des tee-shirts Mickey et semblaient complices et heureux. Ce qui l’intriguait sur cette photo c’était le pendentif en forme d’étoile que l’on distinguait à peine sur le tee-shirt du double de Shun.

-         Mon père est médecin. Ma mère et lui sont actuellement à un séminaire à Hawaï et ils ne rentreront pas avant la fin de la semaine. Expliquait leur hôte. Si vous voulez, vous pouvez rester ici. Demain nous irons à la fondation Kido, mon père y a longtemps travaillé et je crois que ses anciens collègues seront en mesure de retrouver la fille que vous cherchez.

-         Merci c’est gentil à toi dit Shun.

-         Qu’est-il arrivé à ton frère ? Interrogea brusquement Ikki.

-         La police a conclu à un suicide. Répondit son double en baissant les yeux. Ils disent qu’il se serait jeté sous un train. Mais je n’y crois pas, mon petit frère n’aurait jamais fait ça… Il n’avait aucune raison de faire une chose pareille... Au bord des larmes, il traversa la pièce et s’accouda à la rambarde du balcon.

 

Shun adressa un regard de reproche à son frère qui haussa les épaules et se replongea dans la contemplation de l’album photo. Les trois garçons restèrent quelques instants silencieux. Quand soudain, Ikki Haneda se retourna vers son double et répondit :

-         Non jamais. Mais pourquoi tu me demandes ça ?

-         Mais je n’ai rien dit, répondit son double surpris. Il referma l’album d’un coup sec et vint se planter devant son sosie qui bafouilla :

-         Et bien… J’ai cru que tu m’avais parlé… Désolé, cela m'arrive parfois. Je dois être fatigué.

Il se reprit et ajouta pour clore la conversation :

-         Venez, je vais vous montrer où vous allez dormir.

 


-         Ikki, que s’est-il passé tout à l’heure avec ton double ? Interrogea Shun dès qu’ils furent installés dans la petite chambre d’amis.

-         Je crois qu’il a lu dans mes pensées, répondit son frère songeur.

-         Vraiment ? Pourtant, il ne s’en est même pas rendu compte.

-         En effet, il semble encore ignorer qu’il a des facultés psychiques…

-         Au fait, à quelle question a-t-il répondu tout à l’heure ?

-         Oh, rien d’important…

 

Son frère n’insista pas. Ikki eut beaucoup de mal à s’endormir cette nuit-là. Il s’était demandé si son double avait déjà quitté le Japon et la réponse s’était avérée négative. Son double n’avait donc jamais rencontré Esméralda et si elle existait dans cette dimension elle était peut-être toujours en vie…

 

  

Un jardin de fleurs dans un grand parc. Japon.

Shiryu.

 

Le vortex s’ouvrit et recracha Shiryu sur une pelouse bien entretenue au cœur d’un jardin fleuri avant de se refermer.

-         Vite ! Mettez le patron en sécurité !

-         Alertez les renforts.

Shiryu constata que son arrivée avait provoqué une intense agitation. Des hommes couraient en tous sens, des ordres étaient donnés, des cris et des coups de feu retentissaient sans aucune sommation, fauchant les roses, criblant les arbres d’impacts et transformant le parc paisible en un chaos indescriptible.

-         Cernez-le !

-         Emparez-vous de lui et tuez-le s’il résiste !

Le jeune chevalier roula sur le sol pour éviter les balles et attrapa au vol celles qu’il n’avait pas pu éviter. Il se redressa sur les genoux puis rencontra en levant les yeux le canon d’un fusil d’assaut. Il se releva vivement et désarma l’homme qui glissa sur le sol stupéfait. Un jeu d’enfant…

Il s’immobilisa quelques secondes pour analyser la situation alors qu’autour de lui. Les hommes stupéfaits murmuraient incrédule en serrant leurs armes. 

-         Vous avez vu ça ? Il arrête les balles…

-         Il se déplace tellement vite qu’il est presque impossible de le voir

-         Comment-a-t-il fait ?

Shiryu, regarda autour de lui. Ceux qui l’entouraient n’étaient pas des chevaliers mais une escouade d’hommes dont les uniformes rappelaient la police. Ils étaient vingtaine au total, tous équipés de casques et de gilets par balles. Munis de fusils d’assaut, ils l’entouraient et le tenaient en joug. Nerveux et inquiets. Derrière ces hommes, il distinguait un parc qui avait dû être bien entretenu il y a encore quelques minutes… Ces arbres, ce jardin, ils lui rappelaient quelque chose… Il pivota sur lui-même et confirma son impression de départ : c’était le jardin de Saori au manoir Kido ! La demeure se dressait majestueusement derrière le cercles d’homme armés jusqu’aux dents. C’était le même manoir que celui qu’il connaissait et pourtant quelques détails semblaient différents… Ces rampes de projecteurs, ces barreaux sur les fenêtres…

Shiryu considéra ses assaillants. Bien sûr, il pouvait se débarrasser facilement de ces hommes mais il ne souhaitait pas les blesser. Et surtout, il était là pour retrouver Athéna. Bien qu’il ne ressente pas son cosmos pour l’instant, il était possible qu’elle soit ici. Une voix sèche le fit revenir à la réalité :

-         Mets tes mains bien en évidence ! Pas de gestes brusques !

-         Attendez. Je ne suis pas une menace pour vous… Vous faites erreur…

-         Tais-toi et fais ce qu’on te dit !

Dans le parc fleuri, Shiryu se redressa sans remarquer que des caméras de surveillance suivaient ces déplacements.

 

 

Non loin de là, dans un QG situé dans les sous sols du manoir Kido, Tatsumi médusé, suivait la scène sur un écran de surveillance. Devant lui dans un grand fauteuil de cuir sombre se tenait son patron qui, lui non plus, ne manquait rien de l’arrestation du jeune homme. De là où il était, le majordome ne pouvait pas voir l’expression du visage de monsieur Kido. Il ne distinguait que sa main droite crispée sur l’accoudoir. A la façon dont cette main tremblait, il pouvait deviner que la scène qu’il voyait ne laissait pas son patron indifférent. Le majordome se racla la gorge :

-         Monsieur Kido. Souhaitez-vous que je l’interroge avant de le remettre à la police?

-         …

-         Monsieur ?

-         Non, Tatsumi, va le chercher et emmène-le dans mon bureau, tout de suite.

-         Comment ? Mais Monsieur… Vous n’y pensez pas il est certainement dangereux…

-         C’est un ordre !

-         Très bien, capitula le majordome en s’inclinant prestement.

 

 

En laissant ces hommes l’arrêter, Shiryu avait peut être une chance de savoir qui les dirigeait et surtout si cette personne avait un lien avec Athéna. Il leva les mains.

-         D’accord, je me rends.

-         La police sera là dans quelques minutes alors inutile de faire le malin ! Hurla le chef du groupe. Visiblement sûr de lui et de la supériorité de son équipe il sortit une paire de menottes.

-         Attendez !

Tous se tournèrent vers un homme chauve en costume noir, visiblement essoufflé par une longue course. Shiryu reconnut sans peine Tatsumi, le fidèle majordome de la famille Kido :

-         Attendez, le patron veut le voir ! Amenez- le dans son bureau…

Le chef de la troupe hocha la tête et s’exécuta sans poser de questions.

Quelques instants plus tard, Shiryu pénétrait dans un luxueux bureau décoré avec goût. La spacieuse table de travail était surplombée d’un immense portrait de Matsumasa Kido. La grande pièce semblait vide. Le chevalier du dragon s’attarda devant la peinture, songeur.

-        C’est le portrait de mon père.

Shiryu tressaillit… Cette voix, c’était la sienne ! Il se retourna et découvrit son double : un garçon de son âge et de sa taille lui faisait face. Très digne, il portait un costume sombre bien coupé et ses long cheveux noirs était attachés sur sa nuque, mis à part ce détail, ils se ressemblaient comme des jumeaux.

-        Je suis Shiryu Kido, le fils de Matsumasa Kido. Au vu de tes aptitudes et de ton armure je suppose que tu es un chevalier.

Shiryu acquiesça et se présenta à son tour.

-        Puisque les chevaliers existent, il reste peut être un espoir de sauver le monde. Sois le bienvenu et pardonne moi pour cet accueil musclé, mais tout porte à croire, que ma vie est en danger, comme celle de tous les autres fils de Matsumasa Kido.

-        Que veux-tu dire ? demanda le chevalier du dragon. « Et où est Saori Kido c’est elle l’héritière… »

 

Son sosie le regarda surpris.

-        Mais… Elle est morte il y a des années ! Voyant la surprise se peindre sur le visage de son double, il expliqua.

-         Alors qu’elle n’avait que trois ans, Saori, a été poignardée par un mystérieux criminel qui n’a jamais été retrouvé. Cependant, il a laissé un objet sur le lieu du crime...

Le jeune héritier prit un coffret de bois ouvragé qui se trouvait dans un meuble près du bureau et l’ouvrit : la lumière du soleil fit miroiter la lame d’une dague en or délicatement ouvragée que le chevalier du dragon reconnu immédiatement : c’était la dague du grand pope.

      - Suite au meurtre de Saori, continua le jeune homme, mon père, Matsumasa Kido, a abandonnée l’idée de former de nouveaux chevaliers puisqu’il n’y avait plus de déesse à protéger. Il a fait adopter ses enfants puis il m’a choisi car il pensait que j’étais le plus à même de lui succéder. Je n’oublierai jamais ce moment…

 

Il se revit enfant, regardant partir ses compagnons qui avaient tous été adoptés. Seiya s’était approché de lui pour lui dire au revoir.

-         Je suis sûr que tu seras adopté toi aussi Shiryu.

-         Oui, peut-être. On verra bien. En tout cas je suis très content pour toi et Seika, vos nouveaux parents ont l’air très gentil.

-         Oh ! ça oui. Et en plus, ils dirigent un restaurant, je crois qu’on va se régaler.

-         Je crois que vous allez être très heureux tous ensemble.

Seika était ensuite arrivée puis elle avait pris Seiya par la main pour l’emmener jusqu’à la grosse berline où les attendaient, Hichiro Mori et son épouse Ai, leurs nouveaux parents.

Shiryu s’était assis sur les marches du porche songeur. Monsieur Kido s’était installé près de lui et lui avait expliqué qu’il était son véritable père et qu’il souhaitait faire de lui son héritier. Ce jour-là, sa vie avait basculée : non seulement il était devenu l’héritier d’une immense fortune mais aussi celui qui allait devoir réaliser un difficile projet.

 

-        Je comprends, n’ayant plus Athéna à protéger, il a préféré permettre à ses enfants d’avoir une vie normale, plutôt que d’en faire des chevaliers.

-         Oui, c’est à peu près ce qu’il prévoyait, mais il semble que pour certains d’entre eux cela n’ai pas changé grand-chose… Regarde ça ». D’un secrétaire, il sortit une épaisse pochette dont il étala le contenu sur le bureau.

Il s’agissait des dossiers personnels d’enfants qui avaient été élevés à l’orphelinat de la fondation. Shiryu y reconnut les noms de certains de ses anciens compagnons : Ichi, Ban, Jabu… Il prit le dossier de ce dernier et l’examina. Contrairement au Jabu qu’il connaissait, Il avait été adopté par un couple de diplomates et avait passé la plus grande partie de sa vie à l’étranger principalement en Europe et aux États-Unis où… il avait trouvé la mort dans des circonstances mystérieuses quelques semaines plus tôt ! Il en allait de même pour les autres, tous avait été assassinés dans des circonstances étranges. Le chevalier du dragon interloqué leva les yeux sur son double. Ce dernier reprit la parole :

-         Au total, il y a déjà eu 90 morts. 58 au Japon et 32 à l’étranger. La police pense qu’il y a plusieurs tueurs mais elle ne sait rien sur eux.

-         Tu penses être menacé toi aussi et tu attends donc de moi que j’arrête ces assassins.

Shiryu Kido sourit et continua :

-         En effet. Mais le plus inquiétant dans ces meurtres, c’est que personne n’a rien vu ou entendu alors que certains ont été commis dans des lieux publics. La presse les a surnommés « les Tueurs Fantômes », ils semblent être extrêmement rapides et après ce que je t’ai vu accomplir tout à l’heure…

-         Tu penses qu’ils ont les mêmes pouvoirs que les chevaliers, termina son double.

-         C’est possible…

 

Des coups discrets à la porte les interrompirent. Tatsumi entra : 

-         Monsieur Kido, il est arrivé au Japon… Souhaitez-vous que j’envoie une voiture pour aller le chercher ? 

-         Préparez ma limousine Tatsumi. Je tiens à l’accueillir personnellement.

Le majordome quitta la pièce et le jeune homme se tourna vers son double : « Si tu veux bien m’accompagner, je t’expliquerai la situation en chemin. 



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