Pour une seconde chance
Elision.
Dans de sourds grondements le royaume souterrain d’Hadès semblait s’effondrer. Le sol tremblait, les temples se lézardaient et des morceaux de marbre se détachaient des gracieuses colonnes et s’abattaient sur le sol avec fracas.
Au cœur de ce royaume en perdition, Athéna, vêtue de sa resplendissante kamui d’or, serrait contre elle un jeune homme qui gisait sur le sol mortellement blessé. A quelques pas d’elle quatre jeunes gens vêtus d’étonnantes armures dorées, assistaient à ce triste spectacle. Seiya, leur frère et leur compagnon d’arme n’était plus. Complètement abasourdis, ils avaient peine à accepter cette nouvelle et semblaient plongée dans une étrange torpeur. Le royaume d’Hadès ne survivrait sans doute pas longtemps à la mort de son maître comme ce dernier l’avait annoncé, le sol tremblait et des crevasses de plus en plus profondes y apparaissaient. L’ensemble de temples d’Elision achevait sa destruction, le fracas devenait assourdissant et une poussière grise et étouffante envahissait l’air. Athéna ne paraissait pas s’en soucier. La fin était imminente mais cela lui semblait égal.
Hyoga sembla se réveiller le premier de sa torpeur. Le royaume d’Hadès s’effondrait et allait les engloutir dans sa destruction s’ils n’agissaient pas tout de suite. Certes, Seiya était mort mais il n’aurait pas voulu laisser Athéna disparaître avec lui : il fallait la sauver quoiqu’il arrive et lui faire rejoindre au plus vite un lieu sûr. Il s’avança timidement vers la jeune fille : « Athéna… » Murmura-t-il.
La jeune fille tressaillit, ils avaient risqué leur vie pour elle, elle ne pouvait pas se montrer aussi ingrate et les abandonner alors qu’ils avaient si cruellement besoin de son aide. Elle seule pouvait les ramener dans le monde des vivants.
La protectrice de l’humanité ne pouvait pas manquer à son devoir et quels que soient ses sentiments, elle devait accomplir son destin. Dans un incroyable effort de volonté elle releva la tête :
- Rentrons… vers notre monde de lumière… ». Des larmes cristallines roulèrent alors sur ses joues sans qu’elle ne cherche à les retenir.
- Seiya… je ne t’abandonnerai pas… Dit Athéna d’une voix à peine audible qui se perdit dans le fracas des blocs de marbres pulvérisés.
Athéna relâcha doucement le corps de Seiya et se redressa : « Shiryu, occupe-toi de lui… » Demanda t’elle doucement. L’intéressé hocha la tête et s’exécuta.
La jeune déesse tendit alors la main vers le sceptre d’or posé sur le sol à quelques mètres d’elle, semblant répondre à son appel muet le sceptre symbolisant Niké, la Victoire, encore maculé du sang d’Hadès rejoignit la main droite d’Athéna :
- « Nous allons quitter ce monde de destruction et retourner au sanctuaire. »
La jeune fille ferma les yeux et concentra ses dernières forces pour ouvrir un passage entre les dimensions qui leur permettrait de quitter Elision. Un cosmos doré l’entoura et s’intensifia jusqu’à devenir éblouissant. Les jeunes gens furent comme enveloppés par cette intense énergie. Shiryu tenait fermement le corps inerte de Seiya. Il se sentit nimbé par la vive lumière qui émanait d’Athéna et serra les paupières par réflexe. Il eut l’impression de tournoyer de plus en plus vite dans cette lumière éclatante et il sentait confusément le cosmos de ses frères autour de lui... Il n’eut pas le loisir d’y réfléchir davantage son corps fut happé avec celui de ses compagnons dans les méandres d’une autre dimension. Une étoile filante resplendit un instant dans le ciel d’Elision.
Avant de disparaître complètement, elle sembla se scinder en deux.
Ce qui restait d’Elision ressemblait à un triste champ de ruines où voletaient encore quelques blancs pétales de fleurs.
Quelque part à la croisée de plusieurs dimensions.
Inerte, les yeux clos, il flottait depuis d’interminables secondes sur les vagues du temps et de l’espace à la croisée de plusieurs dimensions. Son corps semblait être compressé, écrasé, la douleur devenait insupportable. Il voulut bouger mais il ne put esquisser aucun mouvement. Il voulut crier mais aucun son ne sortit de sa bouche. Des souvenirs lui revenaient en mémoire, tous si flous… Qui était-il ? Pourquoi était-il là ? Etait-il mort ? Il ne savait pas, il ne s’en souvenait plus, plus vraiment. Son esprit semblait être un inextricable labyrinthe. Une voix sembla résonner dans sa tête : « Un labyrinthe… »
Dans un flash, il vit une colline, le sanctuaire, puis l’une des douze maisons du zodiaque, il n’aurait pu dire laquelle…Athéna…Il était un chevalier d’Athéna…
Il intensifia son cosmos et se concentra sur les bribes de souvenir qui lui revenaient en mémoire, ils étaient de plus en plus précis. Il sentait confusément qu’il devait concentrer toute l’énergie qui lui restait s’il voulait quitter cet endroit.
La guerre sainte contre Hadès et les spectres… Il avait renvoyé son armure à Saga son frère jumeau… Sans elle, il n’avait plus qu’une solution : mourir et emporter son ennemi avec lui dans la mort, c’était la dernière chose qu’il puisse faire pour débarrasser la planète des forces du mal. Après cela, sa tâche serait terminée. La scène lui revint en mémoire :
Il avait immobilisé Rhadamanthe, ce dernier hurlait terrifié.
- Arrête Kanon !!!
- Tu vas recevoir avec moi le Galaxian explosion, Rhadamanthe !!!
Il se souvenait avoir alors utilisé sa plus puissante attaque, puis plus rien. Le vide. La nuit.
Kanon sentit toute énergie disparaître en lui. Il se dit que s’il avait pu revivre sa vie il aurait fait les choses différemment et ne se serait pas tourné vers le mal. Mais il était trop tard à présent, il n’aurait pas de seconde chance, c’était fini, il allait mourir. Il avait expié ses fautes et pour la première fois de sa vie il se sentait étrangement apaisé. Alors qu’il rassemblait ses dernières forces, il ressenti une immense explosion de cosmos. Il comprit confusément qu’il s’agissait de celui des chevaliers d’or. Les cosmos dorés brillèrent d’une intensité inégalée avant de disparaître. Soudain, tel un moment de calme après une tempête, la pression sur son corps s’amoindrit et la douleur qui en découlait s’atténua. Sans ouvrir les yeux, il sut que l’armure des Gémeaux était revenue jusqu’à lui et qu’elle venait de le sauver puis il se sentit soudain comme aspiré.
Grèce. Le sanctuaire.
Regroupés dans l’arène du sanctuaire, blessés et épuisés du combat qu’ils avaient livré contre le dieu Thanatos, Marine, Shaina, Kiki et les chevaliers de bronze entouraient Seika, agenouillée sur le sol, l’air désemparé. Pendant un long moment aucun n’osa prononcer une parole : ils ne pouvaient pas croire ce qui venait de se produire.
- Seiya, Seiya… Murmura doucement Seika avant de fondre en larmes.
- Il reviendra, c’est sûr… Dit Marine.
- C’est trop triste… Ca ne peut pas finir comme ça. Se lamenta le jeune Kiki.
- Mais je ne comprends pas, le soleil revient, l’ultime éclipse est terminée… cela veut dire qu’Hadès a été vaincu… Comment se fait-il que nos amis ne soient pas revenus ? Ils ne peuvent pas être tous morts… » Dit Shaina en secouant la tête.
- Et Saori, Athéna… Si elle a vaincu Hadès... Commença Jabu. Les yeux rivés sur la poussière de l’arène, droit devant lui, il laissa sa phrase en suspens. Seika le visage baigné de larme s’était redressée et avançait comme attirée par un aimant en direction du centre de l’arène.
La poussière rougeâtre de l’arène s’était mise à voleter étrangement dans les rayons du soleil. Un cosmos doré éblouissant que tous reconnurent apparu bientôt.
Jabu, aveuglé par la lumière, ferma les yeux une fraction de seconde. Quand il les ouvrit, Athéna et les quatre chevaliers divins, blessés, épuisés et l’air hagard se tenaient devant lui. Dans le même temps, onze étoiles filantes dorées fendirent le ciel et se dirigèrent chacune vers l’un des douze temples. Seul l’un d’entre eux resta vide de son armure : celui des gémeaux.
Le chevalier de la licorne resta sans voix devant ces apparitions, s’il reconnut aisément les quatre chevaliers de bronze, ainsi que Saori, en revanche, il n’avait jamais vu de telles armures ! En effet ils étaient recouverts d’étonnantes armures ciselées, les plus étranges et les plus belles qu’il ait jamais vues. De longues ailes d’or tombaient dans leur dos presque jusqu’au sol. Et que dire de l’armure d’Athéna, elle était fabuleuse…
- Non ! Seiya !!?
Le cri de Seika arracha Jabu à la contemplation de ces armures resplendissantes et il se précipita comme ses compagnons, à la rencontre des vainqueurs d’Hadès.
Ils avaient réussi à vaincre le sombre monarque et à stopper l’ultime éclipse mais le prix avait été lourd à payer : Seiya avait perdu la vie. Seika en larmes comprit qu’elle ne reverrait plus jamais son frère.
Athéna, épuisée et le visage défait s’approcha d’elle, la prit doucement dans ses bras et murmura : Je suis désolée Seika, nous ne sommes même pas parvenu à le ramener… Son corps s’est comme volatilisé lorsque nous avons quitté le royaume d’Hadès, je n’ai rien pu faire... Elles restèrent ainsi quelques instants, toutes deux, partageant la même douleur puis le petit groupe rejoignit lentement le palais des grands popes. Saori redressa la tête. Elle n’avait pas le droit de se laisser abattre, même si Seiya n’était plus là, elle devait continuer à vivre pour tous ceux qui comptaient sur elle et surtout elle devait absolument reconstruire ce qui pouvait l’être.
Réveil difficile.
Le doux bruit des vagues, la chaleur du soleil et le contact du sable chaud sur son visage, le surprirent. Il était vivant ? Comment était-ce possible ? Kanon ouvrit les yeux puis se redressa péniblement. L’armure des gémeaux se tenait auprès de lui, étincelant de mille feux sous le soleil. Il se trouvait dans une petite crique rocheuse en bord de mer : un lieu qu’il eut tôt fait de reconnaître comme étant le cap Sounion, cette prison où Saga l’avait enfermé pendant si longtemps. Comme poussé par un désir incontrôlable, il se releva et marcha en chancelant en direction du petit cachot où il avait séjourné autrefois. Dans la semi pénombre de la grotte, derrière la lourde grille les restes d’un squelette, auquel s’accrochaient encore quelques lambeaux de vêtements et de longues mèches de cheveux bleu pâles, semblait lui lancer un sourire grimaçant. Celui à qui appartenaient ces restes devait faire à peu près sa taille. Kanon recula malgré lui. Cette dépouille lui laissa une impression de malaise indéfinissable, elle lui semblait étrangement familière. Il n’eût cependant pas le temps d’y réfléchir davantage car un bruit de pas précipités lui fit lever la tête. Sur la paroi rocheuse au-dessus de lui se dessinait la silhouette d’une demi-douzaine de gardes du sanctuaire. Il sentit également une présence familière derrière lui et ne fut donc pas surprit qu’on l’interpelle :
- Cela fait bien longtemps que l’on ne s’est pas vu.
Un sourire ironique au coin des lèvres, Kanon se retourna lentement pour faire face à son interlocuteur :
- Comment ? Cela fait, quelques heures à peine et je te manque déjà Milo ?
- Mais que dis-tu Saga ? Cela fait plusieurs années que l’on ne t’a pas vu au sanctuaire ! S’écria le chevalier du scorpion atterré.
- …
Ainsi donc il le prenait pour son frère jumeau ?!! Mais quand bien même, quelque chose ne collait pas… Le sourire s’effaça du visage de Kanon et l’espace d’un instant, un éclair de surprise traversa son regard. Cela n’échappa pas au chevalier du scorpion. Il détailla son interlocuteur dont les vêtements déchirés et le corps couvert de fractures et d’ecchymoses témoignait qu’il sortait d’un rude combat.
- Tu vas bien ?
- Oui… Articula péniblement Kanon.
Milo échangea un regard avec un adolescent, qui se tenait derrière lui. Kanon retint un hoquet de surprise en remarquant l’armure qui revêtait ce garçon. Ce n’était pas possible… Il devait rêver…
C’était un garçon au visage fier encadré de longs cheveux bruns ondulés. Ses yeux verts, perçants tranchaient avec son teint mat, il portait une armure que Kanon identifia immédiatement comme étant celle du loup.
- C’est vrai, tu es parti depuis tellement longtemps que tu ne connais pas nos nouveaux chevaliers de bronze, dit Milo. Je te présente Mekhnès du loup…
Kanon salua de la tête l’adolescent qui répondit de même. Mais où étaient les autres bronzes ? C’est Nachi qui aurait dû porter l’armure du loup, à moins que…
Un bruit d’éboulement, interrompit le cours de ses pensées. Une fillette aux cheveux noirs ondulés, venait dans une avalanche de pierres, de dégringoler de la falaise où elle se cachait. Elle se redressa en faisant une grimace qui arracha un sourire au jeune chevalier du loup.
- Et cette petite espionne maladroite, continua Milo avec un sourire, c’est sa sœur Lila qui est l’apprentie de Marine.
La fillette était vêtue d’une tunique élimée. D’épais cheveux noirs ondulés maintenus par un bandeau de toile, tombaient en cascade sur ses épaules et encadraient un visage mat aux traits fins et réguliers.
- Maintenant suis nous, le grand pope a ressenti ta présence et nous a demandé de t’escorter jusqu’au sanctuaire.
- Le grand pope ? Je penserai à le remercier pour son chaleureux comité d’accueil… murmura Kanon.
Il cala sur son dos la boite contenant l’armure des gémeaux et suivit Milo et ses compagnons entre les colonnes en ruine et les bâtiments du sanctuaire jusqu’à la colline où se dressaient les douze maisons du zodiaque. Son esprit tentait d’analyser cette étrange situation. Ils traversèrent rapidement la maison du bélier déserte depuis longtemps semblait-t-il, puis celle du taureau où Aldébaran lui jeta un regard méfiant puis arrivèrent à celle des gémeaux devant laquelle se tenait la haute silhouette d’un homme masqué vêtu d’une toge blanche. De longs cheveux d’un bleu pâles s’échappaient de son casque et ruisselaient dans son dos. Un puissant cosmos l’auréolait. Kanon sut immédiatement de qui il s’agissait.
Milo, Mekhnès et les gardes s’inclinèrent respectueusement devant lui. Kanon ne bougea pas.
- Grand pope, conformément à vos instructions voici le chevalier des gémeaux.
- Bien. Vous pouvez vous retirer.
- Grand Pope, êtes-vous sûr que… Commença le chevalier du scorpion.
- Laissez-nous maintenant ! Ordonna le pope. Quant à toi, dit-il en se retournant vers Kanon, suis-moi.
Ce dernier le suivi sans mot dire à l’intérieur. Dans la salle principale, le grand pope s’approcha du mur du fond et poussa l’une des pierres qui le composaient. La muraille coulissa et découvrit une petite pièce secrète dans laquelle l’armure d’or aux deux visages étincelait.
Soudain Kanon comprit, il ne pouvait pas y avoir deux armures des gémeaux ! Il n’y avait qu’une seule explication à tout cela : il avait bien rejoint le monde des vivants mais il se trouvait dans une autre dimension, une dimension parallèle à celle d’où il venait. Durant son combat contre Radhamante, il avait d’une manière ou d’une autre ouvert une brèche vers cet endroit…
- Nous savons tous les deux que tu n’es pas le chevalier d’or des gémeaux, déclara le grand pope. Il est à présent temps de laisser tomber les masques.
Joignant le geste à la parole, le chef des chevaliers d’or découvrit son visage pâle et angélique. C’était bien Saga mais Kanon fut surpris de la grande douceur qui émanait de lui, il ne ressentait nulle trace du côté noir et maléfique de sa personnalité, cet homme était foncièrement bon ou alors il était extrêmement doué pour cacher ses démons...
- Tu ressembles trait pour trait à mon frère jumeau Kanon, dit le grand pope, mais pourtant ton cosmos est… différent, je ne ressens pas son agressivité, son instabilité… Dis-moi qui tu es vraiment ? Continua Saga visiblement tendu.
- Toi aussi tu me sembles bien différent du Saga que j’ai connu... Et pour répondre à ta question, oui je suis bien Kanon.
- C’est impossible ! Il est mort, j’en ai la certitude. Son corps repose sous le cap Sounion depuis des années…
- C’est toujours le cas… Du moins celui de cette dimension n’est plus qu’un tas d’os…
- De cette dimension ? !
- Oui, visiblement, ma dernière attaque a été suffisamment puissante pour ouvrir une brèche entre mon univers et le tien, j’ignore ce qu’il s’est passé… Dans la dimension d’où je viens bien des choses sont différentes Saga a sans doute disparu avec les autres chevaliers d’or durant la guerre sainte contre Hadès… J’ai senti leurs cosmo énergie exploser puis s’éteindre.
- La guerre sainte ? Mais d’où viens-tu exactement ?
- ça, c’est une longue histoire… Répondit Kanon en s’adossant à l’une des colonnes.
- Nous avons tout notre temps, répliqua Saga.
Il lui conta alors son aventure, la guerre sainte entre Athéna et Hadès et ce qu’elle avait engendrés. Il termina en racontant son combat contre Rhadamanthe…
Le double de Saga l’écouta avec attention sans l’interrompre, puis à la fin du récit il murmura les larmes aux yeux :
- Ton monde est magnifique…
- Vraiment ? Railla Kanon agacé par la sensiblerie de son compagnon. Les chevaliers d’or ont probablement tous disparu et pour ce qui est d’Athéna… J’ignore même si elle a survécu… Et tu trouves cela magnifique ?!!
- Oui, car vous avez eu la chance de connaître la protection d’Athéna, elle a combattu Poséidon et Hadès. Ici, cela n’arrivera jamais… Du moins pas avant plusieurs siècles, mais à ce moment-là le monde tel que nous le connaissons n’existera probablement plus.
Kanon tressaillit en entendant ces mots.
- Tu veux dire que dans cette dimension Athéna ne s’est pas réincarnée ?
Un voile de tristesse traversa les yeux de Saga. Il secoua la tête et enchaîna d’un ton qui se voulait détaché :
- Si, mais elle est morte il y a quatre ans.
Il fallut quelque instant à Kanon pour digérer l’information. Il posa sur Saga un regard incrédule puis prit d’une soudaine inspiration, demanda d’une voix blanche :
- Mais en quelle année sommes-nous ?
- Nous sommes en 1980, répondit Saga en posant sur lui un regard compatissant.
Ainsi donc, quand il avait rejoint cette dimension, il n’avait pas seulement voyagé dans l’espace mais aussi dans le temps. Cependant, cela n’expliquait toujours pas la mort d’Athéna.
- Mais comment est-elle morte?
- Peu importe, cela ne te concerne en rien. Tu seras certainement retourné dans ta dimension avant que ce monde ne disparaisse… En attendant viens avec moi, tu as visiblement besoin de soigner tes blessures et de te reposer. Je ne te demanderai qu’une chose : surtout ne dis à personne qui je suis réellement.
Bien qu’il n’ait pas encore eu de réponses à toutes les questions qu’il se posait Kanon décida d’accepter la proposition et emboîta le pas au grand pope, persuadé qu’il parviendrait d’ici peu à comprendre ce que Saga essayait de lui cacher sur cette dimension.
Grèce. Le sanctuaire, six mois après le retour d’Elision.
- Cela fait plusieurs mois que l’on est revenu Hyoga, et bien qu’elle essaie de le cacher, Saori est encore plus déprimée qu’avant, cela m’inquiète… déplora Shun.
Les deux jeunes gens étaient assis au soleil sur les marches devant la maison du verseau où logeait Hyoga depuis leur retour d’Elision. Ils étaient les seuls chevaliers divins à être restés au sanctuaire. Shiryu était retourné aux cinq Pics avec Shunrei il y a quelques semaines et Ikki était parti le mois précédent pour une destination inconnue.
Le chevalier du cygne sourit tristement :
- Tu croyais peut être que tout allait s’arranger comme par magie Shun ?
- Non, bien sûr mais je pensais que ça s’améliorerait tout de même un peu... Saori fait beaucoup d’efforts pour tenter de nous le cacher mais je sais qu’elle souffre terriblement, je le sens et ce qui m’inquiète le plus c’est qu’elle refuse de l’admettre et même d’en parler.
- Tu sais, ce ne doit pas être évident pour elle. L’absence de Seiya lui pèse encore plus qu’à nous et j’imagine qu’elle culpabilise...
- Oui sans doute. Pourtant elle n’y est pour rien. Tout cela est notre faute si nous avions réagi avant, nous aurions peut-être pu sauver Seiya, il ne se serait pas retrouvé seul devant le glaive d’Hadès et…
Sa voix se brisa dans un sanglot, l’empêchant de poursuivre. Son compagnon posa sa main sur son épaule pour l’apaiser mais au fond il partageait son opinion, s’ils étaient parvenus à sortir plus vite des bulles protectrices mises en place par Athéna, Seiya serait certainement toujours en vie aujourd’hui. Shun n’était pas le seul à se sentir responsable mais il était le seul capable d’en parler ouvertement, le seul à ne pas fuir la réalité. Hyoga soupira, il aurait tout fait pour avoir une seconde chance et sauver Seiya.
- Au fait, que voulais-tu me dire tout à l’heure ? Demanda Shun quelques minutes plus tard en espérant changer de sujet et détendre l’atmosphère.
- Ah, oui ! Je pensais partir dès demain pour la Sibérie.
- Oh ! C’est bien, je suis content pour toi, Hyoga murmura Shun avec un sourire triste.
- Tu devrais changer d’air toi aussi. Après tout, Saori nous a demandé de mener une vie « normale ».
- C’est aussi ce que m’a dit mon frère avant de partir. Il m’a même proposé de l’accompagner pour une fois…
- Il a raison, tu ne devrais pas rester ici…
- Ça je le sais ! Coupa vivement Shun. J’ignore pourquoi mais j’ai l’impression que ma place est ici et que je ne dois pas m’éloigner du sanctuaire ! C’est comme si… Comme si quelque chose m’empêchait de partir ! Cria-t-il en se relevant brusquement.
- Tu es sûr que ça va ? Demanda Hyoga inquiet par cette réaction pour le moins inhabituelle. Tu sais mon départ n’est pas si urgent, je peux…
- Fais ce que tu as prévu et ne t’occupes pas de moi, je vais très bien ! Coupa Shun avant de s’éloigner vivement.
Le chevalier du cygne lui jeta un regard dubitatif mais n’insista pas. Ce dont il était sûr c’est qu’il retarderait son voyage de quelques jours car le pressentiment de Shun et son étrange comportement l’inquiétait. Tout n’était peut-être pas terminé...
***
A quelque distance de là, dans le palais des grands popes, Athéna, était assise derrière une immense table de travail. Plongée depuis un long moment dans la lecture d’un vieux traité sur les armures, rédigé il y plus de 800 ans par l’un des précédents grands popes, elle espérait y trouver des réponses concernant les cinq armures de bronze qui étaient devenues des kamui à Elision avant de reprendre quelques jours plus tard leur apparence ordinaire.
Elle espérait également y trouver des indices à propos de la disparition mystérieuse de l’armure des gémeaux qui n’était pas revenu au sanctuaire avec les autres.
La jeune fille soupira. Depuis son retour elle n’avait pas arrêté une minute, mangeant à peine et ne dormant que très peu, elle ne cessait de s’activer pour reconstituer la chevalerie, reconstruire le sanctuaire et surtout pour ne pas penser à la mort des chevaliers d’or ou à celle de Seiya. Mais tout cela avait été inutile. Elle se sentait terriblement seule. Tous ceux qui auraient pu la conseiller avaient péri.
Elle le referma l’épais volume d’un coup sec. Cela ne servait à rien. Visiblement, elle n’y trouverait rien de plus que ce qu’elle savait déjà : l’armure était sans doute allée rejoindre son propriétaire. Saga avait disparu avec les autres chevaliers d’or ce qui signifiait que c’était certainement son frère jumeau que l’armure avait rejoint. Il était peut-être encore vivant, quelque part depuis tout ce temps.
Elle se leva et se dirigea vers la grande fenêtre surplombant le sanctuaire et les douze maisons du zodiaque. Si Kanon était vivant, elle devait trouver un moyen de le ramener. Bien sûr, cela ne lui rendrait pas Seiya, mais sauver au moins l’un de ceux qui avaient risqué leur vie pour elle l’aiderait à se libérer de la culpabilité qui la rongeait et, en cas d’échec, elle mourrait peut être et rejoindrait Seiya dans la mort. Maintenant qu’elle avait repris des forces, en concentrant son cosmos elle serait peut être en mesure de retrouver Kanon.
Cependant, elle n’eût pas le temps de mettre son projet à exécution car un puissant cosmos qu’elle reconnut immédiatement fit son apparition au cœur du sanctuaire. Surprise, la jeune fille courut en direction de la grande salle, d’où ce cosmos doré semblait irradier et s’arrêta médusée près du trône. Un immense vortex doré était ouvert au centre de la pièce et elle reconnut aussitôt celui qui apparut en son centre.
- Kanon ! Tu es vivant… Je le savais… depuis la mort d’Hadès j’ai tenté de te retrouver.
- Merci. Je suis si heureux de vous revoir dit-il doucement, les yeux emplis de reconnaissance. Je n’ai pas beaucoup de temps, si je veux repartir avant que Saga et les autres ne doivent refermer ce vortex…
- Mais de quoi parles-tu ?
- Je reviens d’une autre dimension, d’un monde parallèle qui va bientôt tomber aux mains des spectres. Dans cette autre dimension il n’y a pas de réincarnation d’Athéna et personne n’empêchera l’avènement d’Hadès ! La population de la planète, les chevaliers d’or, Seika et Seiya… Tous vont mourir.
- Seiya… Tu l’as vu là-bas ? murmura Athéna. Oui, bien sûr mais…
Le vortex doré diminua d’intensité. Kanon se tut quelque seconde avant de reprendre :
- Je dois repartir. Vous avez vaincu Hadès ici et si vous acceptez de venir dans cet autre monde avec moi, il sera peut être possible de remporter la victoire contre les spectres et... »
Les portes de la grande salle s’ouvrirent brusquement et Shun et Hyoga déjà vêtus de leurs armures firent irruption dans la pièce :
- Athéna !!!
La jeune femme se retourna vers les deux jeunes chevaliers :
- Je refuse de mettre votre vie en danger une nouvelle fois…. Restez tous les deux en dehors de ça !
- Faites ce qu’elle dit, cria Kanon. Surtout toi Shun !
- Moi ? Mais… commença le chevalier d’Andromède interloqué.
- Allons-y, dit Athéna. Tendant la main à Kanon elle disparut avec lui dans le vortex.
- Non Athéna ! Attendez… Ne faites pas ça ! Hurla Hyoga.
Les deux chevaliers se regardèrent incrédules puis malgré l’ordre donné par leur déesse, ils plongèrent à sa suite dans le vortex.
***
Non loin de là, assit seul dans une crique isolée de l’archipel des Cyclades, Ikki avait lui aussi sentit les cosmos d’Athéna, Hyoga et Shun s’intensifier puis disparaître. Il se redressa et prit la direction du sanctuaire. Quoi qu’il se soit passé, ils auraient sûrement besoin de lui.
***
Au Cinq Pics en Chine, Kiki, Shunrei et Shiryu finissaient de dîner quand soudain le jeune homme s’interrompit au milieu d’une phrase les yeux fixes.
- Shiryu ? Qu’est-ce qui ne va pas ? S’inquiéta Shunrei
- …
- Que se passe-t-il ?
- Il est arrivé quelque chose à Athéna… Son cosmos s’est amplifié puis il a totalement disparu…Ainsi que ceux de Shun et Hyoga…
- Je l’ai ressenti aussi dit Kiki en finissant d’avaler une grosse bouchée.
- Peux-tu nous téléporter au sanctuaire Kiki ?
Le petit garçon, encore la bouche pleine, hocha affirmativement la tête. Shunrei, se tourna vers Shiryu les larmes aux yeux et lui prit les mains.
- Mais, tu viens à peine de rentrer et…
- Je sais, je suis désolé Shunrei… Mais Athéna a certainement besoin de moi. Je dois y aller.
Le jeune homme se dégagea doucement, prit sa pandora box et avant de disparaître avec Kiki, il murmura :
- Attends-moi Shunrei et surtout pardonne-moi…
- Oui…
Lorsqu’elle les vit tous deux disparaître dans une lumière aveuglante, ses forces l’abandonnèrent. Désespérée, Shunrei tomba à genou sur le sol et se mit à pleurer.