Quand Sonne le Glas

Chapitre 9 : – Chapitre VIII –

3876 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/06/2019 17:17

Chapitre VIII –



« J'ai un mauvais pressentiment...

Moi aussi... On ne devrait pas lui faire confiance aveuglément...

Que dites-vous d'une filature ?

Une filature ?

J'espère me tromper. Mais si quelque chose se trame à notre insu, il faut être au courant.

Je suis d'accord.

Je m'en remets à vous. Je vais essayer d'en apprendre plus de mon côté. Tenez-moi au courant si vous avez du nouveau, ou si vous avez un problème.

Compris. »


*


« Ne vous foutez pas de moi, grommela l'inspecteur en pointant le canon de son arme de service en direction des monstres. Crevez ! »


Il eut beau presser la gâchette, les balles ne firent que traverser les créatures pour venir se loger dans le mur derrière elles. Quant à Fantôme R et Charlie, tous deux reculaient en tremblotant. Le rouquin déglutit en sentant la pierre froide d'un mur heurter son dos ; il était dans une impasse. Lui qui avait espéré que l'une de ces filles vînt à faire son apparition et les sauvât, il se retrouvait tout penaud face à la mort certaine qui l'attendait. Le pire dans cette histoire aura été qu'il s'était mis lui-même dans cette situation. La réalisation qu'il eut ensuite ne le ravit pas tant que ça ; il n'avait même pas fait ses adieux à Marie, et ses dernières paroles auraient été adressées aux Vergier... Quelle tristesse.

Fondue ne cessait de grogner et aboyer à ses côtés. Son poil était hérissé, et il serrait les dents comme jamais. Lui qui était d'ordinaire une véritable poule mouillée, voilà qu'il se dressait face à l'ennemi afin de protéger son maître.


« Je te ferai payer de m'avoir embarquée là-dedans, menaça Charlie.

– Dans ce cas je préférerais mourir plutôt que de subir le courroux de Charlotte Vergier, ricana amèrement Raphaël.

– Même aux portes de la mort, ne m'appelle pas ainsi, rugit-elle. Personne ne— »


Elle fut coupée net par l'arrivée subite d'une de ces créatures face à eux. Ils eurent juste assez de temps pour la voir foncer sur eux après s'être élancée, et vint heurter le mur contre lequel ils s'étaient adossés, formant une marque circulaire sur ce dernier, et se désagrégeant en cendres dans son acte.


« Au moins ça en fait un de moins, lança le jeune homme en se redressant. Si seulement on pouvait se débarrasser des autres comme ça.

– Économise ta salive, ordonna la blonde. Voilà les autres. »


Ils s'étaient, semblait-il, lassés de l'inspecteur, car tous se dirigeaient vers eux, formant une ligne orangée et bleuâtre. Tous se stoppèrent subitement, et s'écartèrent pour laisser Vergier rejoindre les deux jeunes gens. Il se posta devant eux, tel un bouclier humain, espérant futilement pouvoir les protéger.


« Désolé de vous avoir entraînés là-dedans, sourit tristement Fantôme R. Ce n'est pas ce que je voulais.

– J'attends que tes amis sauveurs du monde viennent nous saluer, siffla Charlie en croisant les bras. Si on survit, je te refais le portrait. »


Son père lui fit signe de se taire. Ce fut comme un signal pour les monstres, qui se ruèrent soudainement vers eux sous la forme d'épais fils de couleurs. Ils eurent à peine le temps d'inspirer, tous se préparaient au choc de l'impact et à la froideur de la mort.

Dans un élan de désespoir, Raphaël tendit le bras gauche devant lui. À quoi bon ? Il allait mourir.


Une chaleur réconfortante enveloppa son corps tandis qu'une intense lumière l'éblouit. Il se risqua d'y jeter un œil.


Il laissa s'échapper un hoquet de surprise lorsqu'il comprit ce qui venait de se passer.


La lumière émanait de lui, ou plutôt, de son poignet. Le bracelet de Tiamat brillait de mille feux, et autour d'eux une lumière intense semblait les protéger du bruit. Il en sentait la chaleur inonder petit à petit son corps, commençant par le poignet pour progresser jusqu'à son torse, et accéder à chaque articulation, chaque cellule, chaque once de lui.

Il vit quelques monstres se jeter sur eux ; ils ne firent que se heurter au mur de lumière, les réduisant en cendres. Un sourire se dessina sur ses lèvres.


« Est-ce que vous voyez ça ?! » hurla-t-il.


Son sourire se changea en un rictus, avait qu'il n'éclatât de rire, d'un rire mauvais.

À ses côtés, les Vergier sentirent une inquiétude les gagner.


« Qu'attendez-vous pour sortir et finir le travail, Symphogear !? »


Génocide dentelé, le bruit de mes scies pointues,


Une silhouette à la teinte rose fila à toute vitesse devant leurs yeux, laissant derrière elle une traînée de cendres.


Je ne te permettrai pas de pleurer.


Raphaël fut si surpris qu'il manqua d'attention un instant, juste assez pour que la barrière protectrice cessât de briller aussi intensément qu'elle l'avait fait jusque-là. Il se reprit à temps, empêchant un énième monstre de se jeter sur eux. Derrière lui, Charlie retint un hurlement de terreur, qui fut rapidement rattrapé par un juron peu élégant lorsque le bruit disparut sous leurs yeux.


Ne me sous-estime pas à cause de ma petite taille,

Les scies circulaires sont les plus douloureuses, Understand?


« Qui peut trouver le courage de chanter dans une situation pareille ? »


La question de l'inspecteur était terriblement porteuse de sens. Il n'y avait aucune logique à cela, et malgré tout, ces filles s'épuisaient avec des chansons aux paroles peu anodines.


« Vous vouliez les voir, non ? Vous allez être servis. Les voilà, » annonça sobrement Raphaël dans un sourire.


Il reconnut la silhouette de Kirika, dont la couleur verte de son armure sautait aux yeux. À ses côtés tournoyait une autre personne, que Raphaël identifia lorsqu'elle se stoppa ; c'était Shirabe.


J'ignore pourquoi, mon cœur rejette cette synchro,

Mais il se réchauffe


Il ne fut pas tant surpris que cela en la voyant vêtue de sa si belle armure ; peut-être s'était-il attendu à ce qu'elle semblât complémentaire à celle de Kirika au vu de la complémentarité de leurs caractères.

Bien entendu, son Symphogear était rose, tout comme le chouchou qu'elle gardait à son poignet ou bien les rubans qui maintenaient habituellement ses couettes. Si les composants en tissu de son armure ressemblaient fortement à ceux qui recouvraient le corps de Kirika, les parties métalliques étaient toutes autres.

Pour commencer, ses couettes avaient été remplacées par deux immenses segments roses. En l'observant se battre, le jeune homme comprit que c'était en réalité deux bras mécaniques repliés sur eux-mêmes, au bout desquels tournaient deux grandes scies noires aux bords roses. À quelques reprises, il vit des multitudes de scies roses et noires aux dents aiguisées être projetées être projetées de ces mêmes segments. Un propulseur en forme de nœud situé dans son cou crachait parfois des flammes lorsqu'elle s'élançait à toute vitesse sur les roulettes situées sous ses talons. Elle se déplaçait avec aisance sur cette sorte de rollers, bien qu'elle n'eût pas à jouer des jambes pour avancer ; elles semblaient rouler toutes seules.

En observant avec plus d'attention les jambes de l'adolescente, Raphaël nota qu'elles étaient recouvertes de gigantesques bottines du genou jusqu'au pied, et les roues devaient se situer sous le talon quelque peu rehaussé, puisqu'elle sembla avoir pris quelques centimètres. Il la regarda faire des axels et d'autres figures, coupant de ses scies le bruit comme de vulgaires feuilles de papier. Il fut même étonné – une fois de plus, il avait perdu le compte – lorsqu'il la vit se projeter dans les airs et foncer sur un ennemi en le découpant de sa jupe qui s'était changée en un clignement d'yeux en une scie.


« Qu'est-ce qu'elle a sur les bras, la rose ? Ça ne ressemble pas à des gants, murmura Charlie avec fascination alors qu'elle ne perdait pas une miette du combat. C'est sa paume de main qu'on voit là ? »


Raphaël reporta son attention sur Shirabe. En observant bien, il nota en effet que les bras de la brune étaient recouverts de pièces métalliques du milieu du bras jusqu'aux mains, desquelles on pouvait entrevoir la paume ou bien les doigts. Une fois encore ces énormes segments semblaient lourds, d'autant plus qu'ils s'élargissaient au poignet et recouvraient le dos de la main et la quasi-totalité de ses doigts. Dans un dernier élan d'énergie, elle fit sortir de cette pièce de son armure, un yo-yo, dont elle se servit afin de trancher ses ennemis en le changeant en scie.


Avec cette mélodie d'amour à seules nous deux.


« Comment est-ce possible que le bruit ne les touche pas ? Interrogea Vergier en faisant quelques pas vers la zone de combat pour mieux observer. Elles ne portent que du tissu et un peu de métal... »


La lune ne peut—


« Attention !! »


Shirabe cessa de chanter pour se ruer vers Vergier alors qu'un des monstres s'approchait rapidement de lui. Il eut à peine le temps de réagir, et dans un réflexe, il tira une balle sur son assaillant. La balle ricocha contre une des scies que Shirabe venait d'envoyer en sa direction pour le sauver, et lui frôla la joue de peu, laissant une très légère entaille. Devant lui gisait un tas de cendres.


« C'était moins une, souffla l'adolescente avec soulagement. Kiri-chan, tu en es où ?

– Encore trois et c'est fini, death ! » répondit cette dernière en criant, quelques mètres plus loin.


Shirabe esquissa un sourire et se tourna vers les derniers gêneurs dont elle avait à s'occuper. Elle déploya deux grandes scies des supports situés sur sa tête, et commença à tourner sur elle-même.


Je déborde, tu sais... de « je t'aime. »

En s'entraidant, devenons plus fortes.


En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, il ne resta plus que des morceaux grisâtres réduits en poussière qui attendaient d'être emportés par le vent.


Les tenues des deux adolescentes disparurent dans un éclat de lumière, et elles se rapprochèrent d'un même pas des trois Parisiens qui les fixaient avec sidération et fascination, y compris Raphaël. Ce dernier sentait que la situation lui échapperait s'il exposait ses vrais sentiments.


« Zone débarrassée du noise, annonça Shirabe en appuyant sur son oreille, où logeait un communicateur.

Bravo, vous vous êtes bien débrouillées. Vous m'expliquerez tout à l'heure, répondit Chris à l'autre bout du fil.

– Compris. »


Vergier fut le premier des trois à s'avancer vers elles. Fidèle à lui-même, il brandissait son insigne afin qu'elles le vissent.


« Inspecteur Vergier brigade criminelle. J'enquête sur le bruit. Vous m'avez l'air de connaître quelques informations sur le sujet. Je vous demande votre coopération, j'ai à vous parler. »


*


Cela faisait à présent plus d'une heure que Chris faisait les cent pas dans l'immense salon de réception du manoir, à en scruter les moindres recoins. Elle était supposée enquêter sur l'origine de l'émergence du noise en se renseignant sur les événements des quelques mois précédents, ou peut-être plus, si les pistes ne suffisaient pas. Son premier choix s'était porté sur cette jeune femme, Marie, qui, le pensait-elle, était au courant des faits ayant eu lieu dans la ville et le pays. Après tout, n'était-elle pas la duchesse – ou bien la future duchesse – de ce pays ? Maintenant qu'elle y pensait, Chris croyait que la France avait lâché son gouvernement aristocratique depuis plusieurs siècles déjà ; c'était curieux de voir comment les univers parallèles pouvaient être différents. Quoi qu'il en était, de par sa position, elle devait très certainement connaître les événements majeurs s'étant déroulés dans l'enceinte de son pays.

Mais contre toute attente, la jeune blonde avait affaire avec des individus hauts placés. Une réunion, si Chris avait bien compris ; cela ne lui avait pas réellement plu, mais elle n'avait pas réellement le choix. On lui avait donc laissé en contrepartie le manoir à explorer à sa guise, sous quelques réserves. Elle ne s'était pas privée de visiter la bibliothèque immense dont disposait la riche famille, mais rien ne lui servit dans son enquête. Elle avait aussi songé à fouiller dans le bureau de la duchesse, ou bien celui de Marie, mais tous deux étaient fermés à clé. L'adolescente n'avait pas eu d'autre choix que de retourner dans le salon, où ne se trouvait pas la moindre piste susceptible de l'aider. Elle ne pouvait donc qu'attendre avec ennui dans ce salon.


Elle avait reçu un appel de Kirika et de Shirabe un peu plus tôt, qui s'étaient retrouvées dans une ruelle à se battre contre du noise. Lorsqu'elle reçut la confirmation que la menace avait été vaincue, elle poussa un soupir de soulagement. Il fallait qu'elle fît plus confiance à ces filles, elles en avaient vu d'autres, après tout.


« Quelque chose ne va pas ? demanda une voix douce, qu'elle reconnut comme étant celle de Marie.

– Les filles se sont retrouvées à se battre. Ne t'en fais pas, elles s'en sont sorties.

– Oh. »


La jeune femme afficha un air inquiet. Chris la rassura du mieux qu'elle put en quelques paroles.


« C'est fréquent, ces attaques ? enchaîna-t-elle l'air de rien en portant son attention sur un tableau nature morte accroché au mur.

– Pas vraiment... On a eu un pic d'attaques environ une semaine et demie après la première ; on en recensait en moyenne cinq par jour pendant deux semaines. Puis ça s'est calmé. Maintenant il y en a une de temps à autre... »


Chris fronça les sourcils. Pourquoi autant d'attaques d'un coup pour finalement se raréfier ? Ce noise ne semblait pas agir naturellement.


« Est-ce qu'il s'est passé quelque chose de spécial ? Comme, je ne sais pas...

– Des disparitions inexpliquées ?

– Pardon ? » interrompit Chris en se tournant soudainement vers elle, un air interrogateur mais néanmoins préoccupé dessiné sur son visage.


Marie avait joint ses mains ensemble et les gardait baissées sur sa longue robe bleu pâle. Ses épaules étaient elles aussi affaissées, et ses yeux fixaient le sol. Elle paraissait être terriblement inquiète.


« Depuis quelques mois, il y a des disparitions d’enfants à travers la France. Les premières s’étaient concentrées dans le Paris intra-muros, avant de peu à peu s’étendre en périphérie, puis dans les autres grandes villes. On compte plusieurs dizaines, voire des centaines d’enfants disparus. Et la majorité d’entre eux—

Nous avons été embarquées par la police, annonça la voix de Shirabe dans l'oreillette que portait Chris. Il est avec nous. L'homme est l'inspecteur Vergier, il était présent lors de l'attaque, potentiellement visé. Il y a une troisième personne. Je te donnerai plus de détails dès que possible.

– A–Attends ! Qu'est-ce que ça veut dire !? »


Chris hurla après le communicateur, dont aucun son ne sortait. Elle retint un juron. Cela n'annonçait rien de bon.


« Est-ce que... Est-ce qu'il y a un problème ? demanda timidement Marie, qui ne comprenait pas ce qui se passait.

– Les filles ont été arrêtées par la police. Merde !

– Peut-être qu'ils veulent juste les interroger parce qu'elles ont été vues se battre contre le bruit...?

– Ça craint. Je dois aller les chercher. J'en suis responsable ! »


Elle serra ses doigts en un poing tendu. S'il venait à leur arriver quoi que ce fût, elle ne se le pardonnerait jamais...


« Elles ont été arrêtées par l'inspecteur Vergier, annonça Chris, une lueur d'espoir brillant dans ses yeux aux couleurs d'améthystes. Tu le connais ? »


La jeune femme hocha timidement la tête.


« Alors s'il te plaît, mène-moi à lui ! »


*


Raphaël, Kirika et Shirabe suivirent docilement l'inspecteur jusqu'à une voiture garée un peu plus loin. Elle était de la marque Peugeot, c'était une 308 de couleur noire. En voyant les phares s'allumer, tous comprirent que c'était la voiture de fonction de Vergier, qui prit place au volant, Charlie s'installant sur le siège passager avant. Les trois jeunes gens n'eurent pas d'autre choix que de s'asseoir à l'arrière, Raphaël à gauche, Shirabe au milieu, et Kirika sur le côté droit.

Le rouquin fulminait tandis que la voiture arpentait les routes de la capitale. Comment allait-il bien pouvoir se sortir de là ? Il n'avait pas été arrêté, il n'était pas impliqué dans cette affaire-là comme l'étaient les deux adolescentes. Cependant, il se sentait responsable d'elles, comme si c'était de sa faute si elles avaient révélé leur existence aux yeux des Vergier, même si, dans un sens, c'était bel et bien de sa faute à lui.


« Qu'est-ce qui va nous arriver, death ? chuchota Kirika avec une mine inquiète.

– Je vais juste vous poser quelques questions, répondit Vergier en sortant une énième cigarette de son paquet avant de l'allumer avec l'allume-cigare de la voiture, sous l’œil mauvais de Charlie. Ensuite je vous laisserai peut-être repartir.

– Où allons-nous ? demanda calmement Shirabe, ses mains jointes sur ses genoux se resserrant, trahissant son inquiétude.

– C'est évident, non ? répondit froidement le rouquin. Au commissariat de Paris. À quel autre endroit veux-tu qu'il nous emmène ? »


Il avait haussé le ton involontairement. Bon sang, cinq ans à agir impunément sous l'identité de Fantôme R, et il allait se faire coffrer à cause de ces deux filles. Il était prêt à parier qu'elles l'avaient suivi depuis le manoir ; il avait ce désagréable sentiment d'être épié depuis un moment à présent, et ce sentiment avait disparu à leur apparition, même s'il s'était plutôt imaginé que ce serait Chris qui le suivrait. En tout cas, l'idée ne venait sûrement pas de ces filles. Il devait assurer ses arrières.


Il sortit de la poche intérieure de sa veste un bloc-notes dans lequel il avait griffonné des signes maladroits. Il tentait le tout pour le tout.


L’œil de Shirabe fut attiré par ce calepin, et elle fut surprise par le contenu de la page. L'écriture était tremblante, hésitante, et visiblement extrêmement maladroite, et la formulation était toute aussi étrange.


« 何が起こっても、私の名前はいかなる状況下でも発音しないでください。私はファントムRです、誰もいません。 »


Elle prit le carnet pour le relire une seconde fois, et pour discrètement transmettre le message à Kirika. « Peu importe ce qui arrive, ne prononcez mon nom sous aucun prétexte. Je suis Fantôme R, je ne suis personne, » tel fut le message qu'il avait voulu leur faire passer. Elle lui lança un regard consterné ; pourquoi avait-il écrit ça en japonais à l'avance au lieu de leur dire de vive voix ?


« Il ne peut pas, death, murmura Kirika, alors en pleine réflexion sur la même question que sa comparse.

– Il ne peut pas... ? »


La réponse lui sauta aux yeux. Si elles pouvaient le comprendre quand il leur parlait, alors l'inspecteur aussi le pouvait. Après tout, lui-même parlait français. Cela sonnait pourtant comme évidence. Ainsi, s'il leur avait adressé ces mots à voix haute, il révélait qu'il avait un lien un tant fût peu intime avec elles. Pourtant, elles avaient entendu sa conversation avec l'agent de police, et il avait affirmé qu'il les connaissait C'était à ne rien y comprendre.

Elle rendit en silence au rouquin le calepin, ses yeux brillant d'interrogations. Elle ne parvenait pas à comprendre la raison de ses actions. Il se révélait plus hostile qu'amical à leur égard. Mais pourquoi ?


Elle n'eut pas le temps d'y réfléchir plus longtemps ; le véhicule se stoppa dans un crissement de pneus, et l'inspecteur leur ordonna de descendre pour pénétrer dans l'immense commissariat qui se dressait devant les yeux ébahis des adolescentes. C'était un bâtiment ancien, certes, mais bien entretenu. Il se trouvait sur l'île de la Cité, non-loin de la cathédrale de Notre-Dame. Sa devanture affichait des drapeaux français flottant avec la douce brise, et une grande enseigne à l'allure moderne sur laquelle on lisait « commissariat de Paris, » et au-dessus de laquelle s'affichaient les mots « liberté, égalité, fraternité » gravés dans la pierre. Quelques plates-bandes donnaient un peu plus de vie au lieu, mais ils n'eurent pas la possibilité de le contempler plus longtemps, l'inspecteur les pressa de pénétrer dans l'enceinte du commissariat.


Ils rencontrèrent quelques agents affairés à leurs obligations, certains portant dans leurs bras des dossiers de paperasse qui semblaient bien trop lourds pour leurs bras chétifs. Bien que cela semblât être la pagaille dans les bureaux, un sentiment d'ordre y régnait tout aussi bien. Les deux Japonaises ne pensaient pas qu'elles auraient passé le seuil d'un commissariat français un jour, et encore moins dans de telles conditions.


« Si Maria apprend ça, je me demande quelle tête elle va faire, death.

– Je pense plutôt à Chris-senpai... Je suis sûre qu'elle va s'en vouloir de nous avoir laissées y aller...

– Quelque chose me dit que ça va aussi nous retomber dessus, death... »


Kirika affichait une mine un peu abattue ; plutôt que du ressenti de son aînée de qui elle était sous la responsabilité, elle semblait s'inquiéter uniquement de ce que cette dernière allait lui infliger comme punition.

Elle n'eut pas l'occasion de s'en préoccuper quelques instants de plus, puisque Vergier les pressa d'accélérer le pas jusqu'à une cage d'ascenseur où ils entrèrent tous les six, Fondue se glissant docilement entre leurs jambes. Ils descendirent au deuxième étage, et se dirigèrent jusqu'à ce qui sembla être le bureau de l'inspecteur Vergier.



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Sidenotes


(1) Pour revenir sur le message écrit par Raphaël, il m'a fait particulièrement mal au cœur. Car cela est une pâle traduction made in google de la phrase "Quoi qu'il arrive, ne prononcez mon nom sous aucune circonstance. Je suis Fantôme R, je ne suis personne." En réalité, la phrase se dirait plutôt : "何が起こっても、必ず僕の名前を言わないで。僕は怪盗R。僕は何もない。" (Nani ga okotte mo, kanarazu boku no namae wo iwanaide. Boku wa Kaitô R. Boku wa nani mo nai.) C'était très frustrant d'écrire japonais et de devoir faire des fautes aussi grossières. Mais il faut se dire que c'est exactement ce qu'il aurait fait : pour ne pas que Vergier comprenne le mot il fallait l'écrire en japonais. Et Raphaël ne parlant pas japonais, il devait utiliser un outil de traduction, et nous savons tous à quel point ils peuvent être défectueux quand on ne connaît absolument pas la langue cible/source. Heureusement que les filles l'ont compris, sinon je ne vous dis pas quel bazar ce serait entre eux !


(2) La chanson chantée dans ce chapitre est Melodious Moonlight (メロディアス・ムーンライト), chantée par Tsukuyomi Shirabe (CV. Nanjô Yoshino), et c'est sa chanson d'attaque dans AXZ !


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