Quand Sonne le Glas
– Chapitre V –
Chris s'éveilla en plein milieu de la nuit suite au bruit strident de l'alarme de son communicateur qui vibrait sur la table basse où elle s'était assoupie. Dans un sursaut, elle tenta de remettre en place les événements qui avaient précédé ; elle avait eu l'entraînement du club de chorale, après quoi elle était rentrée et s'était attelée à ses devoirs de vacances d'été... et s'était assoupie, encore dans son uniforme scolaire. Elle massa son crâne, une migraine menaçait de la prendre.
Puis elle réalisa que la séquence de vibration, ainsi que la sonnerie de l'alarme, indiquaient une situation particulière. Elle n'eut pas besoin d'attendre plus longtemps pour en comprendre la gravité.
Elle décrocha à l'appel, s'empressant dans la foulée de mettre ses chaussures dans l'entrée, grommelant d'avoir des talons aussi compliqués à nouer en cas d'urgence.
« Ici Chris. Je me dépêche de me rendre sur les lieux.
– Tsubasa, Kirika et Shirabe y sont déjà. Hibiki et Maria ne répondent pas.
– Compris, je me dépêche. »
Elle se rua hors de l'appartement, remerciant le verrou de sa porte d'entrée d'être automatique ; elle se moquait de réveiller les autres résidents avec qui elle partageait son couloir, c'était un mal pour un bien.
Par chance, le lieu de l'attaque n'était pas si loin que ça ; elle n'eut qu'à courir quelques minutes, à toute vitesse certes, mais quelques minutes seulement. Une voix lui disait de ne pas s'essouffler, de préserver ses forces, mais c'était là la seule chose à faire.
Elle parvint enfin au champ de bataille. Elle entendait déjà des voix s'élever au-delà des bruits des combats. Il ne lui fallut que peu de temps pour les rejoindre ; elle chanta son chant sacré, activant sa relique.
Killter ichaival tron...
Sa tenue vola en éclats dans un éclair de lumière, laissant son corps nu l'espace d'un instant, avant qu'il ne se retrouvât recouvert d'une armure aux teintes argentées, blanches et rouges, son Symphogear.
« Je t'attendais, Yukine, lâcha une jeune femme à la chevelure bleue, revêtant une tenue similaire à la sienne, cependant différente en aspect et en couleur.
– Ouais. Désolée, senpai ! »
Elles s'échangèrent un sourire, et partirent chacune de leur côté ; Chris dégaina de ses avant-bras deux arbalètes de couleur bordeaux, desquelles elle tirait sans nécessiter de recharger des flèches rosâtres translucides en direction des monstres qui affluaient de toutes parts.
« Bon sang, qu'est-ce qui ne va pas avec eux ?! Pourquoi il y en a autant ?! » grommela-t-elle en serrant les dents.
Cela faisait longtemps qu'ils n'en avaient pas eu un nombre aussi important. Elle entendait au loin Kirika et Shirabe chanter ensemble, des éclats de voix trahissant leurs efforts. Les pauvres devaient être à bout de forces, et pourtant elles continuaient de se battre.
Toutes quatre furent rapidement rejointes par les deux retardataires ; une fois à six, ce fut déjà bien plus aisé d'éliminer la menace, et il n'en resta bientôt plus que des tas de cendres et de carbone. Elles restèrent debout quelques instants, toutes aussi essoufflées les unes que les autres. Quelque chose n'allait pas. Cela n'avait jamais été aussi compliqué de se battre que cette nuit-là.
De retour au quartier général, elles furent accueillies par des mines sombres et exténuées.
« Maître ! Quelle est la situation ?
– Gjallarhorn, » répondit le commandant en les dévisageant tour à tour, un air grave ancré sur son visage.
Chris murmura quelque chose, un « c'était donc ça » que personne ne sembla entendre.
Il n'y eut aucun autre échange, un silence s'installa. Toutes les personnes présentes connaissaient la procédure, bien que de nombreuses inconnues se joignaient à l'équation.
« Qui s'en charge cette fois-ci ?
– Nous ! Laissez-nous y aller ! lança Kirika en tenant fermement la main de Shirabe. Ça fait longtemps qu'on a pas été chargées d'une mission.
– Très bien. Mais vous ne pouvez pas partir juste toutes les deux.
– Dans ce cas si vous les laissez y aller, commença Chris, c'est à moi de les accompagner. Je veillerai sur elles. Après tout, ça ne sera pas la première fois. »
La plus âgée des six, une jeune femme aux alentours de la vingtaine aux longs cheveux rosés ondulant dans son dos lui lança un regard confiant, et acquiesça.
« Dans ce cas vous partez immédiatement. Désolé, que ça soit en pleine nuit.
– Ça va, fit Chris en haussant les épaules. Je n'avais pas tellement l'intention d'aller me recoucher après ça. »
Tous se dirigèrent vers une salle isolée, dont la lumière verdâtre accentuait leurs visages emprunts de fatigue. Au centre de celle-ci lévitait un objet étrange, aux teintes vertes accentuées par des parties dorées. Une chose semblable à un œil semblait fixer dans leur direction. À chaque fois qu'elle la voyait, Chris frissonnait.
« Bien. Il est temps de partir, souffla-t-elle en posant ses mains sur ses hanches.
– Vous devez aller dans ce monde et identifier la situation. Puis vous revenez nous la décrire dès que possible. Si vous avez un problème, revenez au plus vite.
– Compris, acquiesça Shirabe.
– Compris, death ! » s'exclama Kirika en même temps que sa comparse.
Il y eut des accolades, habituelles à ce genre de situation, ainsi que des mots d'encouragements échangés. Puis les trois concernées par la mission activèrent leurs armures, leurs Symphogear, avant de traverser le portail ouvert par la relique, disparaissant progressivement des yeux de leurs camarades.
Lorsque le paysage les entourant devint plus clair, elles contemplèrent une ruelle au style différent de celui qu'elles connaissaient ; alors que leur Symphogear se désactivait, elles notèrent aussi quelques sacs en plastique noirs, certains éventrés et répandant leur contenu – des déchets – sur le goudron. Chris en enjamba un ou deux afin de gagner la sortie de la ruelle.
« Je dois dire que ça ne ressemble en rien à chez nous, soupira Shirabe en la suivant de près.
– On se croirait dans un tout autre pays, rajouta Kirika qui traînait quelque peu derrière.
– C'est normal, on est dans un autre pays, » annonça leur aînée en levant les yeux vers le ciel au loin, où elle voyait une tour dont elle avait déjà entendu parler.
Ses deux acolytes se rapprochèrent, et retinrent un petit cri de joie en comprenant où elles s'étaient retrouvées. Elles sautèrent l'une dans les bras de l'autre, un immense sourire illuminant leurs visages.
« On est à Paris ! s'exclama la brunette.
– On est à Paris, death ! » renchérit la blonde.
Chris resta quelque peu songeuse. Cela n'était pas la première fois que Gjallarhorn les avait menés ailleurs que chez elles, mais Paris... ? N'était-ce pas là un peu trop éloigné ? De plus, l'Europe avait sombré et seule Londres tenait encore ; était-ce donc un nouvel univers parallèle ? Il fallait à tout prix trouver la différence avec le leur, en plus du fait qu'elles se trouvaient à l'autre bout du monde.
« Mais, attendez... Comment on va se faire comprendre ? demanda Kirika en ouvrant grand ses immenses yeux verts.
– Ça attendra. Écoutez ça. Il y a une attaque ! »
Au loin des cris de terreur se faisaient entendre, et résonnaient à travers les rues étonnamment vides. Elles n'attendirent pas un instant de plus et se précipitèrent dans cette direction. Elles se retrouvèrent rapidement dans une immense rue, dans laquelle une foule terrorisée cherchait à fuir, tous courant dans la même direction.
« Il faut remonter la foule, lança Shirabe, ils doivent être là-bas.
– Regardez là-bas... ! »
Kirika pointa du doigt deux jeunes adultes – un homme et une femme – stoppés dans la foule, qui se faisaient bousculer de toutes parts. Elle semblait être terrorisée, en état de choc, et lui paraissait tenter de la réconforter, de la convaincre de partir. Kirika remarqua un tas de carbone non loin d'eux, elle comprit ainsi ce qui s'était passé.
« Il ne faut pas rester ici ! Fuyez !! » cria-t-elle de toutes ses forces en leur direction, faisant de grands gestes.
Ils regardèrent dans sa direction, l'air hagard.
« Kiri-chan, fit Shirabe en l'attrapant par la manche, ça ne servira à rien, il faut remonter à la source. »
Elle acquiesça ; elles se précipitèrent à travers une rue parallèle afin de remonter vers l'attaque. Ce ne fut cependant qu'après quelques pas qu'elles remarquèrent que Chris n'était plus avec elles ; elles avaient dû être séparées dans leur course pour retrouver l'origine de l'attaque. Mais elles savaient qu'il était inutile de s'inquiéter ; elles se retrouveraient plus vite que ce qu'elles pouvaient croire.
« Merde ! » cracha Chris.
Alors qu'elle suivait Kirika et Shirabe sur leurs talons, un groupe de personnes en fuite l'avait bousculée, et le temps qu'elle reprenne ses esprits, non seulement ses partenaires avaient disparu, mais aussi des monstres avait pointé le bout de leur nez – pour peu qu'ils en eussent un – et leur bruit insupportable l'avaient figée de terreur. Elle n'avait pas tellement le choix ; elle aurait aimé pouvoir faire ça discrètement, mais elle devait se battre.
Killter ichaival tron...
Elle sentit rapidement l'énergie du Symphogear inonder son corps ; son armure lui procurait une sensation de protection – le field coating dont il était doté la protégeait de la capacité destructrice de ces choses d'un autre monde – et sitôt la revêtait-elle qu'elle se sentait capable d'affronter n'importe quel ennemi.
C'est à ton tour de souffrir par les missiles
de l'arme dangereuse qu'est mon corps entier.
Elle dégaina aussitôt ses deux arbalètes reposant d'ordinaire sur ses avant-bras ; les pointant vers ses ennemis rampants, elle n'en fit qu'une bouchée si l'on pût dire. Elle s'essoufflait en chantant alors qu'elle tentait par moments de les esquiver alors qu'ils se jetaient sur elle.
Goûte aux baisers de mes balles
que je tirerai à en vider mon barillet.
Une fois les plus faibles mis hors d'état de nuire, elle s'occupa des humanoïdes orange. Ses arbalètes prirent alors la forme de deux mitraillettes qu'elle prenait à pleine poigne et pointait droit vers eux.
Je suis une hit girl avec un taux d'ascension de cent pourcents.
Il n'en resta rapidement plus que quelques tas de cendres et de carbone. Des ailes arrière de son armure, elle lança un missile sur lequel elle monta afin de prendre de la hauteur ; de là-haut, elle vit qu'il n'y avait pas une, mais plusieurs attaques dispersées à travers les quartiers voisins. Elle voyait au loin le nombre de créatures diminuer à vue d’œil ; c'était là le travail de Kirika et Shirabe, comme ce à quoi on pouvait s'y attendre.
Elle prit la direction du second plus gros rassemblement de monstres ; le missile fila à travers les airs alors que derrière des centaines de milliers de cristaux pourpres piquaient vers les monticules isolés dont elle ne pouvait s'occuper en descendant.
Elle sauta en plein vol, et son véhicule improvisé explosa dans son dos, se changeant en de milliers de petits éclats qui finirent comme les précédents par transpercer les monstres qui la guettaient à l'arrivée. Ses mitraillettes en main, elle reprit sa chanson, sentant ses capacités diminuer avec son silence.
En ce jour où, en cachant ma faiblesse, j'ai demandé
À cette horloge qui ne reviendra pas en arrière, « Qu'en est-il de demain ? »
Elle se trouvait à présent dans une ruelle et en venait presque au corps à corps avec les divers monstres alors qu'ils se jetaient pour certains sur elle ; un coup d'arbalète suffisait à les repousser, et pour certains, à les détruire.
Elle crut entendre dans son dos quelqu'un – tout du moins, un léger cri – mais elle ne put se retourner par crainte de laisser son dos exposé à ses ennemis, ce qui pouvait s'avérer être fatal.
Ah... Même si je ne peux dessiner « maintenant, » si j'y crois,
Quelqu'un chantera que ça deviendra une force.
Le dernier vola en éclats de carbone, formant un léger tas. Elle prit quelque peu sa respiration, et se retourna ; elle vit au sol une jeune femme évanouie et un jeune homme penché au-dessus d'elle. Sans hésiter plus longtemps, elle activa son communicateur pour contacter ses deux acolytes afin de connaître leur situation.
Ça n'était que le début de cette histoire.
*
« Et donc ? grommela Raphaël en levant les yeux vers les trois adolescentes qui le dévisageaient d'un air sérieux. Vous voulez nous faire gober ça ?
– On dit la vérité, death, s'emporta Kirika.
– Que faut-il vous apporter comme preuves ? demanda Shirabe de son air éternellement calme.
– Le portail qui mène à votre monde, s'il existe vraiment. »
Chris soupira, et se frotta la tête.
« Le problème est que seules nous pouvons le franchir. Gjallarhorn ne permet qu'à des candidates de voyager à travers les univers.
– Comme par hasard. C'est bien pratique. »
Il ne croisa pas le regard de Marie, qui l'observait avec un air de tristesse. Ne pouvait-il pas les voir comme elle les voyait, des sauveurs inespérés pouvant les libérer de la menace qui pesait sur eux ? Elle comprenait qu'il se méfiât autant, mais elles ne semblaient pas leur vouloir de mal, au contraire. Elle sentait qu'elles étaient dignes de confiance.
« Qu'est-ce que Gjallarhorn ? demanda-t-elle avec intérêt, cherchant à comprendre les mots dont le sens lui échappait.
– Pour faire simple, c'est une relique qui s'active lorsqu'un monde parallèle au nôtre est en danger. En l’occurrence, le vôtre.
– Je suis assez étonné que dans un élan de bonté vous vous en alliez protéger des mondes parallèles, ricana Raphaël.
– La menace qui pèse sur votre monde a des répercussions sur le nôtre. Nous faisons ça pour nous tous. »
Ce fut à ces mots que le rouquin éclata de rire ; ce rire traduisait sa nervosité, son anxiété face à cette situation qui le dépassait. Personne ne pouvait se sentir à l'abri nulle part, et voilà que ces personnes se disaient avoir été envoyées pour les protéger, et même les sauver. Quelle histoire. Comme s'il allait croire qu'il était possible de vaincre ces choses. Les informations avaient été claires, il était impossible de tuer ces monstres.
« Et que sont les... candidates, c'est bien ça ? »
Shirabe lui sourit. Elle semblait particulièrement intéressée par leur identité, cela la rassurait.
« Ce sont les personnes qui, comme nous, peuvent utiliser cette force permettant de nous battre contre le noise.
– Le noise ? répéta-t-elle en fronçant les sourcils.
– Ces monstres qui transforment les gens en carbone, death, expliqua Kirika avec un air sérieux. Il est impossible de les détruire sans ça.
– Nous les appelions bruit. Mais si vous nous dites que ça n'appelle noise, alors je pense que nous pouvons utiliser ce terme aussi... »
Raphaël fronça un peu plus les sourcils. C'était louche. Très louche.
« Vous connaissez ces choses ?
– Le noise a déjà fait des ravages chez nous, expliqua Chris. Nous avons pu nous débarrasser d'eux, ils ne peuvent plus rien contre nous... à moins d'apparaître dans un monde parallèle auquel le nôtre est lié. »
Marie vit le teint de Raphaël devenir pivoine ; la colère le gagnait et il menaçait d'exploser à tout instant.
« Nous voulons vous aider à vous débarrasser à votre tour du noise. Il faut juste que vous nous aidiez en retour...
– Vous n'avez que ce mot à la bouche, pas vrai ? ricana Raphaël, la tête baissée. « Aider, » c'est un bien beau mot. Qu'est-ce qui nous prouve que vous êtes dignes de confiance ? Vous ne savez rien de ce monde, vous ne savez rien de nous, vous ne savez rien de tout ce qu'on a pu endurer ! Rien n'est aussi rose que vous pouvez vous l'imaginer ! Vous pensez vraiment qu'on va vous laisser faire ? Jamais on ne laissera des inconnus venus d'ailleurs nous sauver. »
Le jeune homme s'était emporté, avait même tapé du poing sur la table. Marie l'appela doucement par son prénom et jeta un coup d’œil autour d'elle, constatant que les regards s'étaient tournés vers eux. Elle prit la main de Raphaël et le fixa dans ses yeux couleur noisette dans lesquelles brûlait une émotion indescriptible. Elle tenta de le rassurer, lui expliqua qu'il pouvait ne pas leur faire confiance dans l'immédiat, mais qu'il devait leur laisser tout de même une chance de faire leurs preuves. Il accepta en maugréant, c'était bien parce qu'elle lui demandait de faire cet effort, et elle proposa ainsi aux personnes assises à cette table de se rendre dans un endroit bien plus privé afin d'être à l'abri d'oreilles indiscrètes et des regards insistants.
Vint alors le moment de régler leurs consommations. Raphaël et Marie sortirent chacun de leur portefeuille la somme nécessaire pour payer chacun leur part, tandis que les trois Japonaises se regardèrent dans le blanc des yeux, comme si...
« Comment on fait pour l'argent ? » souffla Shirabe à ses deux comparses, un air inquiet dessiné sur ses fins traits.
Elles n'ont pas un rond, soupira Raphaël. Sérieux...
Pourtant, Kirika s'approcha de la caisse, affichant un sourire en coin, et tendit près du lecteur de carte bleue un petit appareil grisâtre et rectangulaire duquel pendait un straps coloré à l'image d'une tête de mort. Sitôt cet étrange objet probablement technologique s'approcha de la borne, un petit son en trois notes légères fut émis, et l'homme tenant la caisse leur annonça, non sans un air surpris, que le paiement était valide. À ces mots, la blondinette se retourna, un immense sourire dessiné sur son visage, et laissa s'échapper un cri de victoire. Tous, hormis Chris et Shirabe, l'observèrent avec un intérêt curieux, qui se dissipa sitôt eut-elle pris à nouveau un air normal.
Ils prirent sans un mot de plus la route pour se rendre là où Marie le souhaitait, ce lieu plus privé ; Raphaël avait apostrophé sa petite amie discrètement, lui demandant où elle comptait les emmener, ce à quoi elle répondit avec un sourire que c'était là pourtant évident, ce qui lui fit comprendre que son intention était de se rendre chez elle, au manoir. Pour sûr que cela était privé, mais qu'elle fît preuve de bon sens, elle amenait ces étrangers, ces inconnus chez elle, c'était bien trop dangereux. Qu'allait dire Élisabeth ?
« Contrairement à toi, je suis convaincue qu'elles sont là pour nous aider. C'est la seule manière de se battre contre ces monstres, et de sauver tout le monde. Fais-moi confiance, fais-leur confiance, s'il te plaît. »
Il ne répondit pas, et le reste du trajet se fit en silence.
Lorsqu'ils arrivèrent face au portail principal du manoir, Kirika ne put cacher son excitation, comparant le bâtiment à un château de conte de fées. Cela fit rougir Marie, qui les invita à la suivre à travers le chemin de graviers dont la couleur beigne luisait au soleil.
Les trois Japonaises restèrent silencieuses, même si on pouvait entendre Kirika retenir quelques gémissements d'excitation à l'approche du palace qui s'étendait sous ses yeux.
Ce fut Alfred, le majordome des de France qui vint leur ouvrir la porte. Il semblait ravi de voir les deux jeunes gens ainsi que Fondue, mais afficha un air inquisiteur en constatant qu'ils étaient accompagnés. Marie les présenta comme étant des amies, et qu'il fallait que tous cinq discutassent de beaucoup de choses. Il leur proposa de se rendre dans la salle de thé afin d'être à leur aise, Marie acquiesça.
La discussion ne reprit que lorsqu'ils furent installés confortablement dans de luxueux sièges et canapés en cuir, recouverts chacun d'un plaid à la couleur pastel différent entre chacun. Instinctivement, Kirika s'assit sur celui de couleur verte, et Shirabe opta pour celui de couleur rosée. Elles se regardèrent avec surprise, avant de constater le hasard des choses, et de rire ensemble.
Alfred les rejoignit rapidement, servant une tasse de thé à chacun, et disposant sur la table gâteaux et théière pleine. Chris, en constatant cela, laissa s'échapper involontairement un soupir ; elle n'en pouvait plus d'avaler des choses, son rythme était complètement décalé... ! De plus, la fatigue commençait à la prendre, et visiblement ici, il n'était encore que seize ou dix-sept heures.
« Excuse-moi, souffla Shirabe d'une petite voix lorsque tous furent posés, mais nous avons gardé nos chaussures à l'intérieur...
– Tu n'as pas à t'en faire, sourit Marie. Ce n'est pas un problème de les garder ici. »
Elle l'observa avec un air intrigué, mais avant tout désolé. Que pouvait-il bien se passer dans sa tête pour qu'elle se sentît ainsi ?
« Ne t'en fais pas. Ça ne me dérange vraiment pas, assura-t-elle.
– … D'accord... »
Alfred fit une énième courbette, et sortir de la pièce, tout en prenant soin de fermer la porte à double battant. Les Japonaises prirent le temps d'observer la pièce, qui leur donnait le tournis. Le sol était en parquet en point de Hongrie de couleur plutôt foncée, et les murs étaient recouverts de tapisserie de couleur beige ; une immense peinture habillait un mur de tout son long, tandis que le plus long des quatre murs était recouvert de fenêtres, une immense baie vitrée permettant de voir le jardin richement entretenu. Au centre de la pièce se trouvaient ainsi ces fauteuils et canapés, disposés autour d'une table basse rectangulaire en bois sculpté. En dessous de ceci, un immense tapis aux couleurs chatoyantes mais néanmoins discrètes protégeait le parquet, en plus d'habiller un peu plus la pièce.
« Bien, fit finalement Marie en croisant les jambes et en se tournant vers ses trois invitées, où en étions-nous ? »
Tous se regardèrent sans oser prendre la parole. Finalement, ce fut à Chris de le faire.
« Je me disais juste... vous ne vous êtes pas tellement présentés non plus... sans vouloir être impolie.
– Oh, oui, c'est vrai. Excusez-moi. »
Marie affichait une mine ravie, un sourire réconfortant, qu'elle ne perdait pas au moindre des instants.
« Je suis Marie de France, fille de la duchesse Élisabeth, et future héritière de la famille.
– Je suis Raphaël. C'est tout ce qu'il y a à savoir.
– Quant à lui, c'est Fondue, le chien de Raphaël. Enchantée. »
Chris les remercia d'un hochement de tête, et jeta un regard en coin vers Raphaël. Quelque chose lui disait de ne pas faire totalement confiance à ce type, pour une raison qu'elle ignorait. Pourtant s'il était avec cette fille, il devait être de confiance aussi, dans un sens, non ?
« Je ne vous ai pas demandé, tout à l'heure, comment faites-vous pour vous battre contre le noise ? Je veux dire, tout homme qui entre en contact avec eux se retrouve changé en cendres, et les armes à feu les traversent...
– Nous avons une arme particulière... Nous appelons ça le Symphogear. Pour faire simple, il s'agit de fragments d'anciennes reliques que l'on active et qui forme une armure nous protégeant du noise. À cela s'ajoutent des armes qui sont propres à chaque relique. Par exemple, la mienne est Ichaival, l'arc d'Ullr ; je peux donc me servir d'arcs, arbalètes ou armes à feu en tant qu'armes grâce à cela. »
Marie la regarda avec étonnement ; elle pencha sa tête sur le côté, cherchant à vérifier si elle avait bien tout compris. Face à sa mine perdue, Chris soupira.
« Je savais que ça allait être dur à expliquer...
– Est-ce que tu peux nous montrer ? »
Chris fut prise d'un rougissement soudain, et eut un mouvement de recul ; elle bégaya un peu, avant de baisser la tête quelques secondes, et d'accepter. Le pourpre de ses joues ne disparaissait pas.
Elle se leva, et s'éloigna quelque peu du cercle de sièges ; face à eux, elle se tint droite, et sortit du col de sa chemise un pendentif rouge ressemblant à un cristal. Elle ferma les yeux, et le tenant dans sa main droite collée à sa poitrine, elle chanta.
Killter ichaival tron...
Sous les yeux stupéfaits de Marie et Raphaël, ainsi que de Fondue, le corps de Chris fut enveloppé d'une intense lumière, à la suite de laquelle ses vêtements volèrent en éclat ; la lumière semblait cacher sa peau, mais cela ne l'empêchait pas de placer son avant-bras gauche sur sa poitrine pour la dissimuler des regards. En un battement de cils, sa peau nue fut recouverte par la même armure étrange que celle qu'elle avait revêtu lorsqu'elle avait rencontré Raphaël et Marie quelques heures auparavant.
Lorsque la lumière fut dissipée, elle rouvrit les yeux, et regarda dans leur direction.
« Voilà mon Symphogear. C'est avec ça que je me bats contre le noise. »
Marie et Raphaël restèrent bouche bée.
« Nous aussi on en a un, annonça Shirabe. Shul Shagana...
– Et Igalima, death ! »
Chris tendit le bras gauche, et la partie métallique qui recouvrait son avant-bras se détacha, pour former une arbalète. Trois flèches roses translucides y étaient apprêtées.
« Le contrôle du Symphogear est à la fois physique et mental. Il me suffit de penser à ce que je veux faire pour pouvoir le faire. Par exemple, si je veux que cette arbalète devienne une arme à feu... »
En un clin d’œil, sa suggestion devint réalité, et une lourde mitraillette pris la place de l'arbalète dans sa main.
« Il me suffit de le désirer. Et si je presse la détente... les balles sortent. C'est aussi simple que ça. Mais il y a aussi une part de mécanique là-dedans... je ne saurais pas tellement tout expliquer. »
Raphaël leva un sourcil. Cela semblait intéressant.
À côté de lui, les yeux de Marie brillaient.
« C'est fantastique. Comment avez-vous eu ça ? Est-ce qu'on peut en avoir nous aussi et les donner aux autres afin que chacun puisse se défendre ?
– L'ennui c'est que ça ne marche pas comme ça, soupira Shirabe. Chris-senpai a la chance d'être naturellement apte à utiliser sa relique...
– Mais pour nous deux, il nous faut prendre un médicament, death. Et puis il n'y a pas autant de reliques que d'habitants, c'est même le contraire...
– Il n'y a que très peu de reliques dont on avait assez de fragments pour créer des Symphogear. Et la seule personne capable de les créer est décédée...
– Nous sommes désolées... »
Le corps de Chris fut à nouveau entouré de lumière alors que le procédé se fit dans le sens inverse ; elle retrouva sa tenue habituelle, et le pendentif se retrouva à nouveau autour de son cou. Elle revint s'asseoir à sa place et but une gorgée du thé qui refroidissait dans sa tasse.
« Notre mission est d'identifier la source du noise dans votre monde et de l'éliminer. Grâce à cela, vous n'aurez plus jamais besoin de notre aide, puisqu'il n'y aura plus de noise. »
Marie sembla réfléchir quelques instants, et se tourna vers Raphaël. Ce dernier lui afficha un sourire bienveillant et encourageant. Lui-même semblait convaincu par les propos de Chris, Shirabe et Kirika.
« Dans ce cas, si vous le voulez bien, nous aimerions vous apporter notre aide, » déclara-t-elle d'un air espiègle.
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Sidenotes
(1) La chanson utilisée ici est GUN BULLET XXX ("Gun bullet kiss") chantée par Yukine Chris (CV. Takagaki Ayahi), et c'est la chanson de combat de Chris dans la saison 4 de Symphogear ! ;) C'est aussi celle que l'on avait dans le chapitre III !
(2) Pourquoi Shirabe s'inquiète-t-elle de ne pas avoir enlevé ses chaussures à l'intérieur, me demanderez-vous. Tout simplement car au Japon, on ôte ses chaussures quand on entre dans une maison, une auberge etc. La raison est que, dans la maison traditionnelle avant le passage à la modernité au XIXe siècle, la maison se découpe en deux parties. Le "doma", coin cuisine et entrée, fait de terre-battue, et le reste, monté sur pilotis, avec un plancher en bois. En gardant ses chaussures en entrant dans la partie surélevée, on la salirait avec les saletés de l'extérieur. En plus, ça permet de faire une séparation entre l'intérieur et l'extérieur, qui est un point essentiel de la culture japonaise. Je pourrais en disserter pendant longtemps (vive les cours de civi) mais en gros, (TLDR) les Japonais se déchaussent avant d'entrer dans une maison.