Quatorze Juillet

Chapitre 28 : - Partie II ~ Retourner vers le passé - - Chapitre XXVII -

3654 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 07/06/2019 01:35

- Chapitre XXVII -

Une odeur caractéristique, ainsi qu'un bruit continu atroce.

Elle avançait difficilement à travers les couloirs, la vue brouillée par la fumée qui lui faisait monter les larmes aux yeux. Elle respirait difficilement, l'oxygène lui manquait terriblement. La main couvrant sa bouche, elle tenta de voir un peu plus loin, le regard tourné vers la sortie.

Encore un pas. Puis un autre...

Lorsqu'elle parvint enfin à quitter les lieux, elle ne put que se retourner et constater l'horreur autour d'elle. Le couvent était en feu. Seules quelques personnes avaient pu s'en échapper avant qu'il ne fût trop tard. Elle tomba à genoux, et fixa le spectacle qui s'offrait à ses yeux grands ouverts. Autour d'elle, on criait. Des pompiers étaient intervenus et tentaient désespérément de contenir les flammes. Et elle, elle restait là à les regarder.

« C'est elle ! C'est de sa faute tout ça ! »

On la pointait du doigt, on la tenait pour responsable. Leur principal argument était l'odeur d'essence qui lui collait à la peau.

Non ! Elle voulut protester, mais il lui était impossible de parler. Vous vous trompez...

Des policiers vinrent l'arrêter. On tenta de lui passer les menottes, elle se débattit, bien que la force lui manquait. Elle parvint à se libérer et prit la fuite. Puis...

Hélène secoua la tête. C'était encore une de ces visions tordues. Cela lui déplaisait, ce n'était pas supposé survenir aussi souvent.

« Mademoiselle ? Souhaitez-vous une autre flûte ? »

Elle sursauta presque lorsqu'un homme tenant un plateau vint lui parler. Lorsqu'elle comprit qu'il ne lui voulait aucun mal, elle s'apaisa, et prit un des verres qu'il lui proposa. Il tourna ensuite les talons, et alla aborder d'autres invités de la même manière.

Son regard se tourna vers la fenêtre à côté d'elle. Elle s'était accoudée à un muret, et regardait les environs sans trop y prêter attention. De là où elle se trouvait, elle pouvait voir les jardins de Versailles, ce qui ne lui plaisait pas plus que ça. Raphaël devait toujours y être, elle ne l'avait pas vu revenir. Elle s'en moquait. Elle ne voulait plus entendre parler de lui.

Elle crut apercevoir une tignasse rouge accompagnée d'une autre, blonde, traverser la Galerie des Anges. Cela la frappa comme un éclair, elle avait complètement oublié de récupérer cette maudite croix du Roi Soleil. Elle posa la flûte encore pleine sur le rebord du muret, et se précipita derrière eux, en manquant de trébucher à cause de ses escarpins à talons hauts qui la gênaient plus qu'autre chose.

Elle parvint à passer devant un gardien qui ne tenta même pas de la stopper. Au loin, elle put voir Fantôme R se pencher sur la fontaine du parterre de Latone pour appuyer sur les grenouilles et ainsi jouer la mélodie de la comptine des amaryllis. Elle arrivait trop tard, elle ne pouvait plus les arrêter.

Elle n'avait plus le choix, elle devait avertir Jean-François, pour la plus grande joie de ce dernier. Elle fit demi-tour, se rua vers l'intérieur du château. En entrant dans la Cour du Prince, elle tomba nez à nez avec Napoléon.

« Tiens, Hélène, sourit agréablement ce dernier. J'aurais dû me douter que je te croiserais ici ce soir.

– Mon empereur, je viens vous avertir, articula-t-elle difficilement en récupérant sa respiration. Ils se trouvent au parterre, ils vont découvrir la croix. Si vous y allez maintenant, vous pourrez les séparer, et nous pourrons récupérer la fille ici. Je me chargerai de la couronne... »

Il posa sa main gantée sur son épaule. Elle se tut, bien trop surprise par la tendresse de son geste.

« Si nous parvenons à capturer la fille, tu pourras t'en occuper ? » demanda-t-il simplement dans un sourire.

Elle acquiesça timidement.

« Alors vas-y, prépare ton piège » ordonna-t-il en prenant la direction des jardins.

Une bouffée de chaleur l'envahit. Il lui donnait une nouvelle chance ! Cette fois elle ne le décevrait pas, elle en était convaincue.

Elle n'eut qu'à trouver Jean-François à l'étage. Après lui avoir rapidement mis au courant de la situation, et expliqué qu'il n'aurait qu'à cueillir Marie au vol, il descendit patiemment les escaliers, et attendit sagement au rez-de-chaussée. Il ne lui avait pas fait la moindre remarque au sujet de sa tentative pour l'éliminer, et elle ne tenta aucunement de le provoquer. Napoléon voulait que tous fussent unis dans leur mission, aussi souhaitait-elle que tout se déroulât au mieux.

Alors qu'elle retournait vers l'extérieur pour coincer Fantôme R, elle vit Marie surgir dans l'immensité de la Galerie des Anges. Elle courrait à toute allure pour se cacher des hommes qui la cherchaient. Étrangement il n'y avait pas le moindre chevalier dans les environs –Hélène se doutait qu'ils gardaient chaque sortie. L'adolescente alla dans les escaliers, et ce fut là-bas qu'elle croisa Jean-François.

Il était évident qu'il avait pris son air des plus surpris en la voyant. Mais ce fut de courte durée, puisque le cri de terreur de Marie retentit alors que plusieurs individus habillés normalement se jetèrent sur elle. C'était donc ça la technique de Napoléon. Même sans avoir été prévenu par Hélène de la réussite de leurs plans, il avait pris les devants et fait s'infiltrer plusieurs de ses hommes de main au gala. Un frisson d'effroi glissa dans son dos. Il aurait pu lui arriver la même chose.

Elle chassa cela de ses pensées. Elle devait à présent s'occuper du rouquin. Celui-ci était occupé à discuter avec Napoléon, alors que ce dernier se vantait de l'avoir berné.

Hélène vit l'homme décrocher un téléphone portable. C'était Jean-François qui l'avertissait que, conformément au plan, il était parvenu à récupérer la première clé –il laissait par là entendre Marie. Cette dernière cria dans le téléphone, convaincue qu'elle pouvait avertir son ami du danger. Tout ce qu'elle y gagna fut une violente claque de la part de son ravisseur, qui résonna à travers la pièce. Aucun invité du gala ne semblait avoir vu tout cela, comme s'ils préféraient ignorer la scène qui se déroulait près d'eux. Tous devaient se dire que quelqu'un allait agir à leur place. Hélène les remercia silencieusement pour leur non-réactivité.

Elle se précipita en-dehors du château, et traversa les jardins pour arriver dans le dos du passé de Raphaël. Lorsqu'elle fut finalement près de lui, Napoléon venait de le quitter. Il s'assit sur le rebord de la fontaine, d'un air abattu. À côté de lui, son chien le regardait d'un air tout aussi désespéré. Le rouquin avait enfoui sa tête dans ses mains, abattu par l'échec qu'il venait d'essuyer. Il avait pu sauver la couronne, certes, mais en échange il avait perdu Marie. Qui savait ce qu'ils allaient lui faire ? Il n'avait pas la moindre idée pour la secourir, ni la moindre piste pouvant mener à l'endroit où ils la gardaient captive –bien que les catacombes lui effleurèrent rapidement l'esprit et n'étaient pas improbables.

Hélène serra le poing.

Avancer. L'assommer. Ou même le tuer. Le noyer ? Voler la couronne. Partir.

C'était simple.

Pourquoi hésitait-elle ?

Elle inspira profondément. Elle allait réussir. Au pire des cas elle avait toujours–

Ah non, son revolver était resté avec le reste de ses affaires dans les vestiaires. Elle ne se sentait pas suffisamment à l'aise dans cette robe pour en venir au corps à corps –pourquoi avait-elle insisté pour se changer d'ailleurs ?– mais s'il fallait en venir à une telle extrémité, elle n'hésiterait pas.

Elle fit un pas en avant dans sa direction. Elle ressentit une vive pression sur son crâne, comme si on l'écrasait, ou quelque chose de similaire. Elle porta ses mains à ses tempes, et se concentra pour tenter d'ignorer la douleur. Ce fut peine perdue, elle fut même forcée de s'agenouiller au sol. Le monde tournait autour d'elle. Elle ferma les yeux, tenta de contrôler sa respiration et de ne pas perdre connaissance. Elle devait rester calme, c'était la seule manière d'apaiser ces visions.

La douleur s'évapora d'un coup, comme si elle n'avait jamais existé. Hélène se releva, et constata avec surprise –et néanmoins méfiance– qu'elle était seule. Tout était éteint autour d'elle, même le château, et seule la lune qui se reflétait timidement dans l'eau de la fontaine amenait assez de lumière pour permettre de voir les environs sans trébucher sur de quelconques obstacles. Elle avança d'un pas, avant d'être tirée vers l'arrière. Elle sentit une main se glisser dans la sienne et agripper ses doigts, avant de la forcer à faire demi-tour. Elle tenta de discerner la personne qui l'entraînait avec elle, il n'y avait personne. Alors comment pouvait-elle sentir cette main ?

Elle entendait quelqu'un lui parler. C'était une voix difforme, tantôt grave, tantôt aiguë, qui lui articulait des mots incompréhensibles. Elle ignorait qui c'était, elle n'avait pas la moindre idée de l'endroit où elle l'emmenait, mais elle la suivait aveuglément. La jeune femme parvint néanmoins à formuler une question, et demanda jusqu'où la personne comptait la mener. Elle crut comprendre une réponse vague, telle que « loin des regards » ; c'était suffisant pour elle, même si elle ne voyait pas la moindre âme vivante dans les environs.

La sensation de chaleur de cette main qu'elle tenait se dissipa, la laissant seule. Elle se stoppa, et chercha dans les rayons de la lune la silhouette qui l'avait menée jusque là. Elle appela, un prénom –lequel ?– mais rien n'y fit.

« Pardonne-moi, Hélène. »

Elle distingua enfin un visage en face d'elle, celui de son tuteur. Était-il revenu la voir... ? Malgré tous ses échecs, il tenait encore à elle ?

« J'espère que tu comprendras pourquoi je fais ça. »

Sa voix était faible, presque irréelle, et venait de partout à la fois.

Elle sentit quelque chose s'ouvrir dans son esprit, à la manière d'une porte la menant à ses souvenirs. Elle vit un nombre incalculable de scènes se jouer simultanément, et revivait tous ces souvenirs avec douleur. Un haut-le-cœur la prit, elle se plia en deux. Ses yeux s'écarquillèrent alors que des centaines de souvenirs ressurgissaient. Autour d'elle, le décor changeait, et oscillait, tantôt dans l'obscurité, tantôt éclairé de toutes parts.

Une voix l'appela par son prénom, lui faisant relever la tête et en chercher le détenteur ; quelqu'un courrait dans sa direction. Elle tenta de faire un pas vers lui, avant de tituber et de s'évanouir.

*

Après qu'Hélène l'eut laissé seul au fond des jardins de Versailles, Raphaël y était resté seul quelques instants. Il avait apprécié la douceur de la nuit, en respirant à plein poumons l'air qui se rafraîchissait. Sa joue était encore chaude, il y sentait toujours l'impact du coup de pied qu'elle lui avait infligé. Il avait longuement songé à retourner prendre part à la fête, mais le cœur n'y était pas ; il ne pouvait s'amuser en sachant que Marie allait être enlevée et trahie par Jean-François non loin de lui. Il pouvait peut-être empêcher justement ça, et s'assurer que les jardins suspendus de Babylone ne fussent jamais éveillés.

Il secoua la tête ; c'était aussi stupide, si ce n'était plus, que de laisser Bonar gagner. Il ne fallait pas changer le cours du temps. Jusque là il s'en était plutôt bien sorti, alors pourquoi abandonnerait-il ses principes ? Il était parvenu à empêcher Hélène de mettre la ville sens dessus dessous, il n'avait plus que deux jours à tenir, et tout rentrerait dans l'ordre.

Une faible mélodie le tira de ses pensées. Il crut vaguement la reconnaître, et en se concentrant suffisamment, il parvint à entendre le coassement des statuettes aux formes de grenouilles disposées sur la fontaine du parterre de Latone. Il ne restait que peu de temps avant que son passé ne découvrît la croix du Roi Soleil, et avant d'être interrompu par Napoléon. Il valait mieux pour lui de ne pas se faire voir, si bien qu'il retourna dans le château en attendant la fin des événements.

Alors qu'il rentrait dans l'immense bâtisse d'un pas léger, il croisa Hélène. Elle ne l'avait pas vu, bien trop pressée de sortir. Il se doutait qu'elle voulait intercepter la croix avant son passé ; la voir se stopper soudainement à l'entrée des jardins le fit comprendre qu'il était trop tard. Elle se tourna violemment et se dépêcha de retourner sur ses pas, sûrement pour prévenir Bonar ou encore Jean-François. Mais à bien y réfléchir, elle n'était plus censée être avec eux. Peut-être voulait-elle se racheter pour ses erreurs passées. Quoi qu'il pouvait en être, cela ne le regardait plus ; tout se déroulait comme il se le devait, et ce n'était pas plus mal.

Un gargouillis de son estomac lui rappela son régime forcé des derniers jours, et avant même qu'il ne s'en rendît compte, il se dirigea dans la salle à manger où s'étendait une immense table garnie de dizaines de plats tous aussi appétissants les uns que les autres. Il n'attendit pas d'autorisation et se permit de piquer dans quelques plats. Le cuisinier qui s'était attelé à cette tâche avait du mérite, en témoignaient les petits fours qui avaient été réalisés pièce par pièce. Un succulent rôti coupé en tranches encore chaudes attendait dans son plat que quelques affamés s'en servissent une part, ce que fit sans attendre Raphaël. L'arrière-goût de poivrons le ravit, il regrettait presque de ne pas avoir les moyens de cuisiner aussi bien. Il trouva aussi non-loin de là un saladier dans lequel se trouvait un punch sucré dont il sirota un verre.

Lorsqu'il fut repus, il se décida à retourner dans les jardins. Il ne voulait plus prendre part au gala –auquel il n'était, dans un premier temps, même pas invité– et avait le pressentiment qu'Hélène tenterait quelque chose malgré tout. Elle était vraiment têtue, et surtout déterminée à changer les événements –ce dernier point lui faisait même assez peur, elle était capable de n'importe quoi pour parvenir à ses fins.

Il la trouva dans un coin faiblement éclairé des jardins, seule. Elle était pliée sur elle-même et se tordait de douleur –il l'entendait même pousser quelques gémissements. Il n'attendit pas plus longtemps, et courut vers elle. Avant même qu'il ne s'en rendît compte, il l'appela par son prénom. Il la vit relever difficilement la tête et tenter d'avancer vers lui. Elle tituba, et s'effondra au sol dans un bruit étouffé sans qu'il ne pût la rattraper.

Il s'agenouilla à ses côtés et la tourna sur le dos. Il fallait en un premier temps vérifier qu'elle respirait toujours, il passa donc le dos de la paume de sa main près des lèvres d'Hélène. Il sentit un faible souffle en sortir –c'était toujours mieux que rien.

Peut-être devait-il l'amener voir quelqu'un, un docteur ou bien les urgences, elle n'avait certes aucune blessure apparente, mais rien ne lui disait qu'elle n'avait pas quelque chose de fêlé ou même pire. Mais que dirait-il ? Il ignorait son identité, il n'avait que son prénom et une vague tranche d'âge. Hélène n'avait de plus aucun papier d'identité, cela ne l'aidait pas...

Un garde arriva vers eux, et commença à hausser le ton, criant qu'ils n'avaient pas le droit de se trouver là puisque les jardins étaient fermés pour le gala et interdits de visite. Il planta la lumière de sa lampe torche dans les yeux de Raphaël qui, aveuglé, tentait de se défendre.

« Il faut de l'aide, bredouilla-t-il, elle ne se sentait pas bien et puis–

– Comment êtes-vous entrés dans les jardins ? » coupa l'officier, visiblement peu enclin à être d'une quelconque aide.

Raphaël se releva lentement, en portant Hélène du mieux qu'il pouvait dans ses bras, et se tourna vers l'homme.

« Elle pourrait être en danger de mort, il lui faut quelqu'un, supplia-t-il en espérant pouvoir faire le réagir. Vous ne pouvez pas appeler une ambulance ou un médecin ? »

Il parut hésiter et réfléchir. Raphaël espérait pouvoir gagner un peu de temps, et échapper à la vigilance du garde. Là il emmènerait Hélène loin de Versailles et trouverait un moyen de la réveiller. Et après–

« Ils sont avec moi, je vais m'en occuper. »

Il tourna la tête vers la voix qui était soudainement apparue près d'eux, et se figea. Le garde protesta quelque peu, mais tourna les talons, le laissant seul avec le nouvel arrivant. Il restait quelque peu dissimulé dans l'ombre, mais Raphaël pouvait reconnaître cette silhouette entre mille. Son père était revenu, tel un fantôme.

« Donne-la-moi, je vais la porter. »

Il passa doucement Hélène dans les bras d'Isaac, qui la prit sans faire réellement attention à ses gestes. Le jeune homme se mordit la lèvre, peut-être aurait-il mieux fait de ne pas obéir, il avait peur pour la rouquine.

« Qu'est-ce que tu faisais là ? demanda-t-il à son père alors que celui-ci jetait des regards aux alentours. Je croyais que tu étais avec Bonar et les autres.

– Je suis resté derrière, pour m'occuper d'elle. »

Il ne reconnaissait pas là son père. Son ton était glacial, et il parlait d'Hélène avec mépris, ou peut-être même était-ce du dégoût.

« Si vous continuez comme ça, vous allez me gêner, grogna-t-il.

– Qu'est-ce que tu veux dire ? »

Chacun restait sur la défensive, c'était impossible d'établir un réel dialogue. Isaac semblait vouloir en profiter puisqu'il s'en alla prestement, revenant d'un pas décidé dans le château de Versailles. Raphaël le rattrapa, et le suivit à la trace.

« Si je laissais les choses telles qu'elles étaient, vous auriez empêché le vrai plan de fonctionner.

– Le vrai plan ? »

Il écarquilla les yeux. Son père prévoyait un coup encore plus gros que celui de Bonar ?

« Attends, de quoi tu me parles là ? »

Il dut se heurter au silence d'Isaac, déterminé à ne pas lui répondre. Ils rejoignirent à nouveau la foule présente pour le gala, et trouvèrent refuge dans un coin de la salle de réception. Il reconnut sans mal le lieu où Hélène s'était emportée un peu plus tôt, lorsqu'elle avait découvert que c'était Isaac le responsable de la fermeture de la porte qui leur avait permis de voyager dans le temps le premier soir. Tout cela parut tellement lointain à Raphaël, il se représentait difficilement le faible nombre de jours qui s'étaient écoulés depuis le début de ce voyage peu ordinaire.

Il resta surpris de voir une porte dissimulée des regards par un rideau, par laquelle Isaac sortit de l'immense salle richement décorée. Raphaël lui colla aux talons sans réellement réfléchir, et fut forcé de constater que cette porte qui paraissait un peu bizarre au premier abord menait vers l'appartement d'Hélène. Il la ferma derrière lui, puisqu'il valait mieux garder ce passage secret, et chercha son père du regard. Celui-ci revint dans la pièce principale, les bras vides –il venait de déposer Hélène dans sa chambre. Son fils ne le quittait pas des yeux et le surveillait alors qu'il se penchait dans l'armoire à vaisselle et y bidouillait quelque chose. Quelques secondes s'écoulèrent, puis il ferma les placards du meuble, et s'assit sur le canapé, l'air de rien.

« Qu'est-ce qui est arrivé à Hélène ?

– Elle s'est juste souvenue de sa mission. Il se peut qu'elle ait oublié certaines choses que vous avez vécues. »

Il croisa son regard froid.

« De toute façon elle est sans importance. Je n'aurais jamais dû la laisser nous rejoindre.

– Tu connais son tuteur, pas vrai ? »

Silence.

« Il a le même avis que moi sur la question. Hélène est un problème pour tous. »

Il se leva.

« Elle aurait mieux fait de ne jamais naître, lâcha-t-il d'un air lourd de reproches.

– Comment peux-tu dire ça ?! »

Raphaël serra le poing, et se retint de se jeter sur son père.

« Elle a tout fait pour vous aider et–

– Est-ce que tu sais pourquoi elle fait ça ? »

Le ton sec d'Isaac coupa net Raphaël dans son éclat de voix, le laissant muet.

« Elle veut vous aider, non ?

– Elle ne fait que mentir, depuis des années. »

Il se leva et s'approcha de la porte, forçant Raphaël à se décaler sur sa droite.

« Vos affaires sont dans vos chambres respectives, lança-t-il en ouvrant la porte qui menait à présent dans une rue sombre. Vous ne pourrez plus voyager. N'essayez plus d'interférer avec nous. »

Ce furent ses derniers mots avant de fermer la porte derrière lui, et de disparaître dans la nuit.


Laisser un commentaire ?