Quatorze Juillet

Chapitre 27 : - Partie II ~ Retourner vers le passé - - Chapitre XXVI -

3884 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 07/06/2019 01:35

- Chapitre XXVI -

« Allez, dépêche-toi, sors de là ! » pressa Hélène d'un ton exaspéré.

Raphaël retint un gémissement de protestation.

« C'était obligé, le costume ?

– Sinon ils nous dégagent. C'est ton choix. »

Elle poussa la porte de la cabine où il s'était enfermé, et le vit se retourner d'un air gêné. Elle resta songeuse un instant. Le queue-de-pie était-il de trop comme ce qu'il lui avait répété à plusieurs reprises ?

« Je préférerais rester habillé normalement...

– C'est hors de question. Soit le smoking, soit le queue-de-pie.

– Ces longues basques me dérangent...

– Alors smoking. Dépêche-toi de te changer. »

Elle claqua la fine porte, le laissant seul avec le costume noir ; elle s'installa dans une cabine non loin et se changea elle aussi, en silence.

Il fallut à Raphaël plusieurs tentatives avant de pouvoir faire correctement son nœud papillon. En s'observant face au miroir, il dut admettre qu'il était à l'aise dans la tenue qu'Hélène lui avait trouvée. Il tira légèrement sur le blazer qui s'arrêtait à la taille, il n'avait pas l'habitude de porter une telle veste. Son costume de Fantôme R lui manquait presque. Il maudissait cependant ses cheveux roux d'être d'une couleur aussi vive, on le remarquait à des kilomètres, et il ne voulait en aucun cas être repéré.

Il soupira. Si c'était pour un soir, il pouvait peut-être s'autoriser de sortir de ses habitudes.

« T'es prête, toi ? » demanda-t-il en sortant de la cabine.

Il vit Hélène tournoyer sur elle-même. Le bas de sa robe volait légèrement, dévoilant discrètement sa paire d'escarpins noirs. Le rouquin écarquilla les yeux, la jeune femme était méconnaissable. Elle s'était dégoté d'il ne savait où une splendide robe bustier noire qui touchait le sol et qui épousait parfaitement ses formes –il s'étonna de voir sa taille aussi fine, il ne l'avait jusqu'alors jamais vue porter de vêtements taillés de sorte à autant la mettre en valeur. Ses longs cheveux flamboyants étaient coiffés en une tresse lâche partant sur le côté droit qui se reposait sur son épaule, et de laquelle s'échappaient quelques mèches.

Lorsqu'elle l'aperçut, un large sourire illumina son visage. En la voyant de face, il vit qu'elle avait raccourci la chaîne de son pendentif, la pyramide renversée reposait à présent au creux de sa poitrine, cependant elle ne portait plus son bracelet. Elle s'avança vers lui, et lui tourna autour, l'étudiant sous toutes les coutures.

« Y a pas à dire, le smoking te va le mieux. »

Il haussa les épaules. Ils s'étaient rendus à Versailles en fin de journée, avant le coucher du soleil, et bien avant l’arrivée de son passé. Hélène était convaincue qu'elle saurait obtenir la couronne du dragon complète ce soir-là. Son plan avait été de s'infiltrer et se glisser dans les jardins du château pour dérober la croix, avant de prendre le passé de Raphaël en embuscade pour récupérer le reste des éléments. Mais avant tout, il leur avait fallu entrer dans l'enceinte du Château, et la sécurité ne leur avait pas permis ce luxe, au vu de leur non-invitation à la soirée. Hélène avait su persuader les vigiles, en affirmant être la représentante de la duchesse Élisabeth, et bien qu'ils parurent peu convaincus au premier abord, ils changèrent rapidement d'avis et les laissèrent entrer.

Cela avait surtout surpris Raphaël car il était clairement visible qu'ils n'étaient pas prévus à cette fête par leurs simples vêtements décontractés ; il se demandait comment les deux hommes avaient pu croire aux mensonges d'Hélène. Certes il avait pu l'an passé entrer avec Marie, mais uniquement parce que l'aide de son amie avait été nécessaire pour l'orchestre. Et il avait fini par revêtir sa tenue de Fantôme R en milieu de soirée. Puisqu'ils n'avaient pas la chance de bénéficier d'un tel traitement de faveur, il leur avait fallu changer de tenues, et opter pour quelque chose de plus adéquat. La rouquine l'avait alors guidé jusqu'à une sorte de vestiaires, où elle avait trouvé toute une panoplie de tenues, chose improbable dans un tel endroit. C'est là qu'elle l'avait forcé à revêtir, tour à tour, un queue-de-pie bleu foncé lui rappelant beaucoup la tenue qu’il avait portée à l’opéra, puis le smoking noir qu'il portait à présent.

Il leur restait un peu de temps avant que le Raphaël du passé –ainsi que Marie– n'arrivassent, si bien qu'Hélène se permit de se promener tranquillement dans les nombreuses allées de la vieille bâtisse, savourant les jeux de lumières autour d'elle. Elle était telle une enfant, découvrant avec émerveillement les riches décorations scintillantes qui l'entouraient de toutes parts. Ses yeux brillaient d'excitation, deux saphirs dans un océan de dorures. Raphaël la suivait, tout en essayant de se fondre dans la masse, toujours sur ses gardes.

Hélène lui avait paru bien trop à l'aise, elle avait complètement changé d'attitude et d'expression. Elle souriait, elle riait, innocemment, comme si elle avait décidé de laisser tomber ses plans, et profitait de leur privilège d'être de la partie. S'il n'y avait pas prêté attention, il l'aurait vue foncer tout droit vers son passé lorsque ce dernier arriva dans le hall d’entrée ; il fut soulagé d'avoir pu empêcher le drame –mais pour combien de temps ?

« Regarde ça ! J'arrive pas à croire que ça soit aussi vieux ! »

Un autre détail avait surpris Raphaël. Elle lui parlait sans animosité, elle semblait sincèrement amicale. Cela l'étonnait tout autant que ça l'inquiétait ; elle essayait très problème d'endormir sa confiance pour mieux frapper, et cela lui déplaisait fortement. Elle savait être très convaincante. Pourtant, il l'avait clairement vue perdre facilement patience dès que quelque chose n'allait pas. Elle ne savait pas jouer la comédie –sinon, pourquoi s'embêter à montrer des faiblesses aussi rapidement ?– aussi était-il convaincu que les sentiments qu'elle exprimait en ces lieux étaient réels. Et cela l'effrayait.

« La représentation va bientôt commencer, annonça un homme en une tenue soignée. Nous vous prions de bien vouloir vous rendre à la Galerie des Glaces. »

Hélène retint un rire léger, en se couvrant légèrement les lèvres de sa main, et monta les escaliers, aux côtés de nombreux invités qui souhaitaient assister au concert et danser au rythmes des mélodies jouées. Elle tenait fermement Raphaël au poignet, le forçant à l'accompagner. Il n'avait pas réellement le choix, il ne voulait en aucun cas la perdre de vue.

Seul un petit comité d'heureux élus pouvait prendre place sur la piste. À chaque fin de danse, avant que l'orchestre ne changeât de morceau, ceux qui venaient de danser devaient se retirer et laisser place aux suivants, et ainsi de suite. Lorsque Raphaël vit les musiciens s'installer, il resta obnubilé par Marie, installée avec d'autres violonistes, dans une splendide robe de bal blanche et légèrement teintée de rose. Elle ne sembla pas le voir, par chance. Il écouta silencieusement les morceaux qu'elle se mit à jouer avec tous les autres, le son de son violon se mêlant aux nombreux instruments autour d'elle.

Au bout du troisième ou du quatrième morceau, Hélène sembla perdre patience, et l'entraîna avec elle au cœur de la danse. Il tenta tant bien que mal de reculer et de quitter la piste, mais elle s'empressa de glisser sa main gauche sur l'épaule du rouquin, et lui prit sa main gauche. Il n'eut pas d'autre choix que de se mettre en position pour danser une valse qui se préparait, et posa sa main droite sur les hanches de la jeune femme. Elle ne lui disait rien, mais son regard parlait de lui-même ; elle paraissait tout bonnement heureuse d'être là. Et il devait admettre qu'il ne détestait pas non plus sa compagnie et–

Non. Elle le bernait. Il ne supportait pas d'être avec elle. Elle était dangereuse, elle avait déjà menacé de tuer Marie ou lui-même –elle y était même parvenue plusieurs fois ! Il ne pouvait pas lui faire confiance.

Avant qu'il ne pût le réaliser, il fut entraîné par Hélène dans la danse. Au début hésitants, ses pas se firent plus réguliers, et il put aisément mener leur valse. La jeune femme le regardait, ses yeux cherchant profondément au fond des siens. Il ne parvenait pas à rester calme et concentré lorsqu'il croisait ce regard fixe et muet. Il jetait de temps à autre un coup d’œil en direction de la scène où jouaient les musiciens afin d'apercevoir Marie. Concentrée sur ce qu'elle jouait, elle ne pouvait le voir. Cela le réjouissait et l'attristait tout à la fois.

« Ça ne sert à rien d'espérer qu'elle te voit, murmura Hélène à son attention. Profite un peu du spectacle. »

Elle lui glissa un sourire discret, il la fit tournoyer. Elle revint se coller à lui, peut-être même un peu trop. Il sentait son souffle dans son cou, et son doux parfum l'enivrait. Il tenta de rester neutre, de faire semblant de s'amuser. Il restait tiraillé par le déroulement du plan qu’elle avait prévu, en espérant que jamais il ne pût se produire.

« Désolée si je te dérange » soupira-t-elle en baissant les yeux.

Sa main glissa de celle de Raphaël, et elle lui lâcha l'épaule. Ils cessèrent de danser, tous les regards se tournèrent vers eux. Le jeune homme était terriblement gêné, il ne savait pas quoi faire, ni quoi dire.

Les yeux bleus d'Hélène se promenaient sur le sol, et elle battait des cils, comme pour chasser des larmes qui montaient. Elle s'excusa brièvement, et quitta la piste de danse, prenant la direction de la grande porte de la Galerie des Glaces. Raphaël s'empressa de la rattraper en-dehors, elle s'était adossée à une colonne et regardait des petits groupes d'invités qui discutaient. Peu importait qui avait organisé ce gala, il y avait eu énormément de noms réputés dans la liste, et les distractions étaient nombreuses. Ils virent une silhouette rousse passer rapidement près d'eux. Raphaël reconnut immédiatement son père, qui arrivait d'un pas pressé du rez-de-chaussée. Il le prit en chasse immédiatement, bien que précédé par Hélène, et le suivit jusqu'à la salle de réception. Il ne l'y trouva pas, de même qu’il ne vit pas Hélène, et tenta de se dissimuler dans le peu de personnes présentent dans la pièce afin d'échapper au regard de son passé, qui venait d'arriver. Ce dernier alla demander à une jeune femme si elle avait vu son père, ce à quoi elle répondit en s'énervant qu'elle l'avait perdu de vue. Il repartit d'un air penaud vers la Galerie des Glaces pour retrouver Marie, le concert touchant à sa fin.

Alors que Raphaël reprenait doucement son souffle, il entendit une porte claquer, suivie d’éclats de voix.

« C'était toi depuis le début ?! »

Il reconnut sans mal Hélène, hors d’elle, qui avait fait taire les autres personnes présentes.

Il se dépêcha de la rejoindre, afin de limiter les problèmes qu'elle pouvait causer, et resta figé en voyant la scène qui se dessinait devant lui.

Hélène faisait face à son père, la fureur dessinée sur son visage, et le tenait par le col de sa chemise blanc cassé. Isaac semblait vouloir se justifier de quelque chose, mais elle ne prit pas le temps de l'écouter, et le coupa.

« À cause de toi mes journées ont été un enfer ! Tu mériterais que je te fasse la même chose ! »

Raphaël intervint et parvint difficilement à les séparer.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-il, espérant avoir une réponse digne de ce nom.

– Sache que celui qui a fermé la porte derrière nous n'était autre que ton père ! » grogna la jeune femme en croisant les bras, l'air complètement exaspéré.

Il dévisagea l'accusé, qui ne la quittait pas des yeux ; il restait muet et imperturbable. Raphaël sentit un frisson glisser le long de son dos en constatant son regard froid.

« Pourquoi t'as fait ça !? cria-t-elle en manquant de se jeter sur lui, rattrapée de peu par Raphaël. Bordel j'aurais pu réussir !

– J'ai mes raisons d'agir seul. Je veux que le plan se déroule comme il se doit, je n'ai pas besoin que tu viennes me déranger. »

Isaac recula de quelque peu. Des murmures s’élevèrent autour d'eux, les gens les dévisageaient, intrigués et dérangés par la scène qui se jouait devant eux.

« J'aurais dû m'en douter. Tu vaux pas mieux que JF !

– Hélène ! Calme-toi ! »

Raphaël la tenait par les épaules, dans son dos. Elle se débattait, et tentait de frapper l'homme en face d'elle. À chaque nouveau mouvement, elle lui échappait un peu plus de son contrôle...

« Tu n'aurais jamais dû nous rejoindre. »

Les mots d'Isaac la stoppèrent dès l'instant où il les prononça.

« Tu n'es vraiment d'aucune utilité. Je n'arrive pas à croire qu'on ait pu avoir pitié de toi au point de te laisser nous aider. »

Les épaules de la jeune femme s'affaissèrent subitement, elle cessa tout mouvement. Elle chercha un signe, quelque chose dans les yeux bleus froids de l'homme qui trahirait cet air sérieux et lui dirait qu'il mentait. Il restait droit, il ne cillait pas. Et plutôt que de garder le silence, il reprit la parole.

« Ne m'adresse plus la parole. »

La respiration d'Hélène s'accéléra. Elle n'attendit pas plus longtemps, et se libéra complètement de Raphaël.

Il la vit s'enfuir en courant et quitter la salle de réception, le laissant seul face à son père. Il crut un instant l'entendre lui dire d'aller la rattraper, mais tout ce qu'affichait son visage était un air neutre, insensible. Il resta impassible, alors que Raphaël l'abandonnait là pour suivre les traces d'Hélène.

Les autres invités présents aux alentours ne purent lui dire la direction qu'elle avait prise, certains avaient même complètement ignoré sa question, bien trop occupés à montrer leur influence à qui voulait l'entendre. Raphaël dut fouiller chaque recoin du rez-de-chaussée, avant de réaliser qu'il savait exactement où elle avait pu se rendre. Il échappa à la surveillance des gardiens, et se faufila dans les jardins de Versailles.

Il n'y avait pas le moindre réverbère d'allumé, puisque l'accès aux jardins était interdit, mais la lune et les étoiles permirent à Raphaël de trouver aisément son chemin. Il passa entre de nombreuses haies et parterres de fleurs, et appela à plusieurs reprises le nom d'Hélène, dans l'espoir qu'elle lui répondît. Il se dirigea jusqu'au parterre de Latone, éclairé inlassablement par plusieurs petits projecteurs, la fontaine dorée jaillissant, et brillant tout autant que le reste du château. Il y fit une halte, et observa les alentours. Il était convaincu qu'Hélène s'était rendue dans ce coin-ci du domaine.

Il cria une nouvelle fois son nom. Le silence de la nuit lui indiqua qu'elle ne s'y cachait pas.

Il s'apprêtait à faire demi-tour et à retourner à l'intérieur lorsqu'il la trouva finalement, assise entre deux bosquets.

Elle était à même le sol, les genoux repliés contre elle, les bras les serrant. Il put remarquer qu'elle avait détaché ses cheveux, et que sa robe était déchirée le long d'une jambe. Elle sursauta en le voyant s'approcher, elle devait sûrement croire qu'il ne l'avait pas trouvée. Elle ne lui dit rien, garda le silence comme elle l'avait fait tout au long de la soirée.

« Tu veux parler ? » demanda-t-il doucement, en s'accroupissant face à elle.

Il se surprenait de lui-même ; il tentait de réconforter quelqu'un qui ne lui rendrait probablement jamais la pareille. Malgré tout ce qu'elle avait pu lui faire, il se sentait mal pour elle.

Mais Hélène ne sembla aucunement participative, et l'ignora simplement.

« Écoute, souffla-t-il en tentant de trouver les mots justes. Tu ne m'aimes pas, et c'est réciproque. »

Ça commençait déjà mal.

« Mais je vois clairement qu'il y a un problème avec Jean-François, mon père et même avec Bonar. »

Elle fronça les sourcils à l'énonciation du dernier nom, comme s'il lui posait problème.

« Je sais que je comprends pas tout ce qui se passe, mais je vois très bien que rien ne va comme tu le veux. Entre Jean-François qui a tenté de te tuer et mon père qui t'a trahie, y a peut-être tout de même quelqu'un qui peut t'aider, non ? »

Elle ne répondit pas.

« Tu as ton tuteur, non ? Tu m'as déjà évoqué son existence... »

Elle retint un rire nerveux, et lui répondit enfin.

« Si cet enfoiré venait à m'aider enfin, ça se saurait. »

Il soupira. Elle n'avait donc réellement personne à qui accorder sa confiance. Cela expliquait son attitude renfermée.

Et c'était sûr qu'elle n'allait pas tout lui dévoiler. Pas à lui.

« Tu sais pourquoi ils te haïssent autant, alors que tu les aides ?

– Ils savent que je ne suis pas censée être là. Si tout allait bien, ils n'auraient pas eu besoin d'avoir cette fille qui connaissait tout leur avenir et qui devait absolument ne rien leur dire. »

Ce qui, d'un autre côté, était logique.

« Ma simple présence parle d'elle-même » ajouta-t-elle en se levant.

Elle le contourna et commença une promenade nocturne dans les jardins. Il se releva, et la suivit. Il vit que la déchirure de la robe remontait le long de la jambe gauche, jusqu'en haut des cuisses. Il voulut demander à la jeune femme la raison pour laquelle elle s'était retrouvée ainsi, ce à quoi elle lui répondit rapidement qu'elle avait eu besoin de courir, et que c'était plus aisé ainsi. Puisque le tissu était trop serré, il l'empêchait de faire de grands pas, aussi avait-elle pris l'initiative de gâcher une robe plutôt que d'avancer plus lentement qu'une mamie en déambulateur, comme elle disait.

Raphaël continuait de l'examiner par-delà son silence. Il tentait de se récapituler mentalement tout ce qu'il savait à son sujet.

Elle avait été élevée par un tuteur dont l'identité était inconnue, qui lui avait laissé l'appartement –et par extension la machine– et l'avait menée à rejoindre l'organisation de Bonar, où elle l'avait rencontré, aux côtés de Jean-François et sûrement d'Isaac aussi, même si à bien y réfléchir, il se pouvait qu'elle eût rencontré son père avant les autres. Il se souvenait de bribes des conversations échangées entre l'un d'eux et Hélène, dans lesquelles il avait souvent entendu dire qu'Isaac avait beaucoup aidé à la faire rejoindre l'organisation. Il devait certainement être un ami de son tuteur, ou bien connaître Hélène lui aussi. Cette dernière idée n'était pas complètement improbable puisqu'il avait quelques souvenirs d'Hélène aux côtés de son père, peu avant sa disparition. Mais avec cette machine permettant de voyager dans le temps, il aurait été facile pour elle de développer une amitié de longue date en quelques instants.

« Encore à te demander qui je suis, pas vrai ? grommela-t-elle en respirant le parfum d'une fleur à demi fermée. Tu ne comprendras jamais rien.

– Ça ne m'empêche pas d'essayer » répliqua-t-il sur le même ton.

Elle leva les yeux au ciel, et se détourna de la fleur.

« Tu ferais mieux d'arrêter tes recherches. Tu vas trouver des choses que tu préférerais ne pas savoir.

– Comme quoi ? »

Sa question eut un air de défi, et fut perçue comme un affront par Hélène, qui lui fit face.

« N'oublie pas que c'est moi qui décide où et quand on agit, cracha-t-elle en plantant son regard assassin dans les yeux de Raphaël.

– Je n'oublie pas non plus que c'est mon père qui possède la machine surtout » lâcha-t-il en retour avec un large sourire moqueur.

Ce fut la remarque de trop pour Hélène, qui le gifla. Sa paume bouillante vint claquer violemment la joue de Raphaël rafraîchie par le début de la nuit. Cela le calma immédiatement. Il porta sa main à sa joue endolorie et la massa ; elle le fixait avec autant d'intensité et de rage qu'aux premiers jours où il l'avait connue.

Il sourit. Elle voulait jouer à ça ? Alors ils allaient jouer.

« À part me frapper, est-ce que tu sais faire autre chose pour affirmer ton autorité ? »

Elle eut un mouvement de recul, et bien qu'elle le dissimula de son mieux, Raphaël la vit serrer les dents.

« C'est ça la différence entre toi et moi, ajouta-t-il en conservant son air supérieur. Seuls les faibles utilisent la violence pour se sentir forts. »

Hélène serra le poing, et se jeta sur lui. Il l'esquiva de justesse en se déplaçant sur sa gauche. Elle le manqua de peu, mais revint rapidement à la charge, tentant de le frapper à plusieurs reprises. Il évita cette fois-ci sans mal chacun de ses coups, à croire qu'elle faisait exprès de le rater.

Puis elle finit par cesser toute offensive. Elle était exténuée, elle respirait avec difficulté. Ses épaules s'affaissèrent, sa tête aussi.

« Tu abandonnes déjà ? railla Raphaël en prenant quelques peu ses distances. Quel dommage, je commençais à m'amuser.

– Depuis quand... »

Elle leva la tête, et prit ses appuis.

« ...a-t-on échangé nos places ?! »

Il ne la vit pas arriver, elle fonça à travers l'obscurité pour lui asséner un violent coup de pied circulaire en plein visage, qui le projeta à terre. Lorsqu'il tourna ses yeux vers elle, il la vit le dévisager de haut, la colère brûlant dans son regard.

« N'essaie plus jamais de te montrer meilleur que moi » cracha-t-elle avant de tourner les talons, et de retourner à l'intérieur du château.

Il la regarda sans pouvoir bouger ; il avait horriblement mal. Il avait espéré pouvoir la faire parler, la pousser à se trahir, mais au final, il n'avait fait que raviver la haine qu'elle lui portait.

Il soupira.

Est-ce que je ne suis pas allé trop loin... ?


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