Quatorze Juillet

Chapitre 15 : - Partie I ~ Chrysanthème - - Chapitre XV -

3479 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 07/06/2019 01:14

- Chapitre XV -

« Est-ce que ça va ? » osa demander Raphaël, alors que Marie sortait de sa chambre, où elle s'était changée.

Elle le regarda avec hésitation, avant de répondre d'une manière qui lui était quelque peu étrangère.

« Une fille a tenté de me tuer, et tu l'as regardée faire sans réellement m'aider... Je pense que ça pourrait aller mieux. »

Était-ce le ton froid empli de reproches qui l'avait surpris ? Certainement. La Marie qu'il connaissait n'avait jamais autant porté de rancœur à son égard. D'un autre côté, jamais on n'avait attenté à sa vie d'une telle manière, sans qu'il ne pût la défendre...

Il ne pouvait rien répondre à cela. Il se contenta de baisser la tête, honteux, tel un enfant pris en flagrant délit de mensonge.

« Je vais faire du thé. Tu en veux ? »

Il acquiesça.

Malgré tous ses efforts, il ne parvenait à réaliser que cette voix accusatrice était celle de son amie.

Ils se rendirent dans la cuisine, ou du moins, dans l'immense pièce qui servait de cuisine. Que c'eût été dans les couloirs ou bien dans les escaliers, elle ne lui avait aucunement pris la main ou tenu le bras. Cela le surprenait, et le troublait.

Elle lui avait vaguement demandé ce qu'il préférait, d'un ton sec et amer. Il lui avait vaguement répondu de prendre celui qu'elle voulait. Il s'était assis au muret qui séparait la cuisine. Elle restait adossée près de la casserole où chauffait l'eau.

Un silence de plomb gagna la pièce. Seules leurs respirations ainsi que le bruissement de l'eau qui chauffait était audible.

Le manoir était vide. Ils étaient seuls.

« Est-ce que tu m'aurais sauvée ? »

Il releva la tête.

« Pardon ?

– Si elle n'était pas armée, si toi tu avais été armé, est-ce que tu m'aurais quand même sauvée ?

– Bien sûr, Marie, quelle question... »

Elle le fuyait du regard. Les bras croisés, elle fixait le pan de mur à sa gauche.

« Est-ce que tu m'aimes, ou est-ce que c'est par intérêt que tu restes avec moi ? »

Il ne répondit pas. Les mots de mélangeaient dans sa tête, impossible de penser correctement, et encore moins de lui répondre.

« J'ai un souvenir, de toi qui essaye de... tu vois quoi. Je ne sais pas d'où ça vient, je n'arrive pas à m'en souvenir comme il faut... »

Comment lui dire que dans un sens, cela était réel ? Cela avait été réel.

« Est-ce que tu m'aimes vraiment, Raphaël ? »

Elle tourna la tête vers lui. Les larmes lui montaient aux yeux.

Il se leva, et s'approcha d'elle. Il lui prit tendrement les mains, et lui sourit.

« Tu es la seule chose qui me rattache à la réalité » murmura-t-il.

Elle dégagea ses mains des siennes. Elle était hors d'elle.

« Justement ! Je ne veux pas que tu me voies comme une chose, mais comme une personne ! »

Sa voix avait tremblé. Elle était secouée. Et furieuse contre lui, aussi.

Il voulut la saisir par les épaules, fixer son regard dans le sien, lui expliquer. Elle ne lui en laissa pas l'occasion, elle se débattit, et dans un même mouvement, lui asséna une gifle qui le gela sur place. Un mélange de colère et de tristesse emplissait ses yeux bleus qui d'ordinaire pétillaient de joie.

« Je ne sais plus quoi penser de toi, souffla-t-elle en s'éloignant de lui. Tu as changé, Raphaël. »

Elle s'en alla en courant, l'abandonnant derrière elle. Il resta figé, incapable de bouger.

Est-ce qu'il avait rêvé ?

« Marie ! Attends !! »

Sa voix résonna dans les longs couloirs vides. Un écho qui se dissipa, laissant derrière lui un goût amer.

« Quand je te le disais que c'était peine perdue » se moqua une voix derrière lui.

Il fit rapidement volte-face, et découvrit, assise sur le muret, l'adolescente aux cheveux rouges. Le saphir de ses yeux brillait bien plus qu'à l'habitude. Était-ce par satisfaction ?

« Qu'est-ce que tu fais là !? »

Il tentait de contenir sa rage. Tout ça était à cause d'elle !

« Je ne fais que passer, j'attends. J'observe » sourit-elle en découvrant ses dents blanches qui contrastaient avec le rouge brûlant de ses lèvres.

Il serra le poing. Il devait se retenir. Il devait lui soutirer le maximum d'informations.

Elle décroisa les bras. Il remarqua qu'elle n'avait plus la manche maculée de sang.

« Qu'est-ce que tu observes ? grogna-t-il en évaluant la distance qui les séparait.

– Le temps qui passe. C'est dingue tout ce qui change à chaque instant. »

Un silence.

« Comment est-ce que t'es entrée ? »

Elle lui fit signe de se retourner. Il vit l'eau en ébullition qui s'échappait de la casserole. Il tenta tant bien que mal d'arrêter la gazinière, et parvint avec soulagement à stopper la machine infernale.

Lorsqu'il voulut à nouveau lui faire face, il vit qu'elle avait disparu.

*

« Est-ce que ça va ? »

Marie se retourna, et aperçut dans l'entrebâillement de l'entrée de sa chambre le visage de la fille qui avait plus tôt tenté de la tuer.

Elle tenta de reculer, se décaler, s'éloigner, s'enfuir. L'autre ne réagit pas, ne franchit même pas l'encadrement de la porte.

« Je voulais m'excuser. Et excuser l'autre abruti en bas. »

Souriait-elle par politesse, ou bien était-elle réellement sincère ? Marie l'ignorait.

« Je ne voulais pas te tuer, juste vous effrayer, vous deux –surtout lui. Quand j'ai vu que tu étais inconsciente, je t'ai immédiatement réanimée. »

Fallait-il la croire, ou bien était-ce un mensonge ? Impossible de savoir quoi faire.

« Je vous ai entendus, tout à l'heure. Désolée. »

Elle entra dans la pièce, ne fit qu'un pas. Ferma la porte, s'y adossa.

« Je sais qu'il peut être très têtu. Il l'a toujours été...

– Qui es-tu ? »

La rouquine esquissa un sourire discret, quelque peu embarrassé.

« Je comprends qu'il n'ait jamais parlé de moi. Il a toujours eu honte de sa petite sœur... »

Marie écarquilla les yeux. Cette fille était la sœur de Raphaël ?

Maintenant qu'elle le disait... il y avait une petite ressemblance. Mais la question était pourquoi il ne lui avait jamais dit qu'il avait toujours de la famille. Et surtout, que lui voulait-elle ?

« Et justement, je veux réparer les dégâts, et t'aider.

– Pourquoi ? »

Elle vit la rouquine rougir, et fuir son regard.

« C'est de sa faute si notre famille s'est détruite. Je veux l'empêcher de te détruire toi aussi. »

L'adolescente l'invita à se rapprocher.

« Pourquoi tu dis ça ? Qu'est-ce qu'il a fait ?

– Il vaudrait mieux que ça ne soit pas moi qui en parle. Peut-être Isaac, mais surtout pas moi. »

Un air triste s'était dessiné sur son visage. Elle gardait les yeux dans le vague, loin de ceux de Marie, qui la dévisageait avec encore plus d'intérêt.

« De quoi est-ce que tu veux me protéger ? Raphaël ne m'a jamais fait de mal, au contraire ! C'est lui qui m'a sauvée !

– Tu te souviens de ce souvenir flou, dont tu parlais ? »

Elle affichait désormais un air grave, un air sérieux.

Mais jusqu'où nous a-t-elle écoutés ?

« Ce n'est pas un rêve. Il a vraiment tenté de coucher avec toi, peu importe ton avis sur la question. Je le connais, il t'a certainement fait boire. Il l'a déjà fait avec d’autres.

– Pas possible... »

La voix de Marie se fondit en un sanglot qu'elle ne tenta pas d'étouffer. La rouquine vint placer une main amicale sur son épaule.

« Tu n'es pas la première, et encore moins la dernière... Il a toujours été une ordure, aussi loin que je m'en souvienne. »

La seule réponse qu'elle eut fut un gémissement de la part de l'adolescente, qui enfouissait son visage entre ses mains, sous la honte qui grandissait en elle.

« Je suis désolée... »

Elle serra Marie dans ses bras, la berça, lui répétant qu'elle était désolée. C'était tout ce qu'elle pouvait faire...

« Si ça peut te consoler, j'ai pu arriver à temps et l'empêcher de faire quoi que ce soit. Je l'ai éloigné, et t'ai ramenée chez toi.

– Vraiment ? »

L'inquiétude qui résonnait dans ces deux maigres syllabes déchirait le cœur de la rouquine, qui hocha la tête en souriant.

« Tu n'as pas à t'en faire. Dieu sait que tu n'y es pour rien. »

*

Une voix faisait écho dans l'immense manoir, vide de toute forme de vie.

« Marie ! »

Il avait oublié le chemin vers sa chambre, il errait à tâtons dans le dédale du manoir. Pas un signe de vie.

Il appela encore une fois son prénom. Elle ne lui répondit pas.

« C'est nous que tu cherches ? »

Il se retourna, et vit, postée à quelques mètres de lui, la rouquine, bras croisés, sourcils froncés et regard fixe. Derrière elle se tenait Marie, hésitante, mais déterminée.

Le sang de Raphaël ne fit qu'un tour. Quelque chose d'étrange s'était passé pour que Marie restât aux côtés de la folle meurtrière. Il serra les poings, et se tint prêt à réagir en cas de besoin.

Mais étrangement, la rouquine n'avait pas l'air de vouloir les attaquer, aussi bien lui que Marie.

« Il faut que ça cesse, lança-t-elle avec détermination.

– De quoi tu parles ? rétorqua-t-il en retour.

– De tout ce que tu as fait » répondit Marie en sortant de sa cachette.

Il la regarda sans comprendre.

« Tout ce que tu as fait à ces personnes, toutes ces familles que tu as détruites...

– Je ne comprends pas » grogna-t-il en tentant de se retentir de se jeter sur la rouquine.

Marie recula. Pourquoi le craignait-elle autant ? Qu'est-ce qu'elle lui avait dit ?

« Je lui ai tout raconté, lança-t-elle comme si elle avait pu deviner ses pensées. Toute la vérité.

– Sors de chez moi » ordonna l'adolescente d'un ton hésitant.

La rouquine s'avança vers lui, et saisit son bras. Elle le tira vers elle, et fit demi-tour sans le lâcher, l'emmenant vers la porte d'entrée. Il se débattit, la força à le lâcher. Elle ne broncha pas, le laissa s’échapper de sa poigne.

Dès qu'il ne sentit plus le contact de la peau gelée de l'adolescente, il retourna aux côtés de Marie, et la serra dans ses bras. Elle le dévisagea avec crainte, mais ne tenta pas de se dégager de son étreinte.

« Je ne sais pas ce qu'elle t'a raconté, mais ne la crois pas, d'accord ? »

Elle acquiesça timidement, c'était à peine s'il l'avait perçu.

De son côté, sa sœur les observait, les bras croisés.

« Reviens ici maintenant, ordonna-t-elle. Ne m'oblige pas à faire quelque chose qu'on regretterait tous les deux. »

Sur ces mots, elle montra le holster qu'elle dissimulait dans le bas de son dos.

Un frisson glacial le parcourut. Jusqu'où allait-elle aller ? De quoi était-elle capable ?

« J'ai besoin de toi pour réparer ton erreur, et sauver la famille.

– Quelle famille ? répliqua-il en retenant la rage qui montait en lui, et devenait difficile à contenir.

– La vôtre, Raphaël. »

Contre toute attente, c'était Marie qui lui avait répondu. Elle semblait en savoir énormément sur la situation.

« Pourquoi tu ne m'as jamais parlé de ta sœur ? demanda-t-elle avec cet air interrogateur.

– Tu te trompes. Cette fille n'est pas ma sœur. »

Il s'était violemment renfermé sur lui-même, et même si cela avait été imperceptible, elle l'avait vu serrer les poings. Pourquoi s'obstinait-il ainsi à ne pas les écouter ?

« Je te l'avais dit, murmura la rouquine à Marie. Il refuse de me considérer comme telle.

– Ne crois pas à ses mensonges ! Elle n'a aucun lien avec moi ! »

Elle lâcha un long soupir face à l'obstination du jeune homme à ne pas la suivre. Elle relâcha sa veste, le holster et son passager retournèrent dans l'obscurité.

« Tu ne me laisses pas vraiment le choix » grommela-t-elle en tournant les talons, et en claquant la porte principale derrière elle.

Marie fixa Raphaël pendant un temps, espérant qu'il pût lui expliquer ce à quoi elle venait d'assister. Il lui retourna son regard interrogateur.

« Dis-moi tout ce qu'elle t'a dit. Depuis le début. »

*

Allongé sur son lit, la tête tournée vers le plafond, Raphaël réfléchissait.

Il était perplexe quant à la manière d'agir.

À ce que Marie lui avait raconté, cette adolescente s'était annoncée comme étant sa petite sœur. Or, il n'avait jamais eu le souvenir d'une troisième personne dans l'appartement, ce qui posait problème.

Malgré tout, il ne pouvait s'ôter cette idée de ses pensées, quelque chose l'en empêchait. Le visage de cette fille lui revenait sans cesse en mémoire, le hantait presque.

Mais pourquoi ?

Il était certain de l'avoir déjà vue quelque part.

À bien y réfléchir, son père lui avait caché de nombreuses choses, à commencer par la cave secrète, les contrefaçons d’œuvres d'art, puis son lien dans l'affaire de l'an passé. Un enfant illégitime n'était rien de plus qu'un autre secret dans la liste.

Mais c'était impossible, il ne parvenait pas à accepter cette idée comme vraie.

Il tenta de mettre des mots sur ce que lui évoquait cette fille. Au-delà de la crainte qu'elle lui inspirait, il revoyait des bribes de souvenirs refaire surface. La plupart dataient de l'été précédent. Un sentiment de mal-être s'en dégageait, comme un regret, une gêne, qui l'empêchait d'être fier de ce qui s'était passé. Pourquoi donc ? Tout avait fini au mieux, personne n'avait été blessé...

Il avait beau chercher, il ne comprenait pas. Et cela lui laissait ce sentiment dérangeant, mêlant regret et répulsion, comme s'il tentait inconsciemment de l'oublier.

Il tourna les yeux vers le réveil à côté de la tête de son lit. Il était déjà dix heures, le soleil déclinait à l'horizon, baignant à chaque instant sa chambre un peu plus dans les ténèbres d'une nuit d'été parisienne. Il sentait presque le sommeil l'appeler.

Puis il entendit les aboiements enragés de Fondue, depuis la pièce principale. Il n'attendit pas un instant de plus pour se précipiter vers lui.

Il vit son compagnon quadrupède qui jappait avec une certaine rage face à une porte, tout ce qu'il y avait de plus simple. Du bois vernis, sombre.

Raphaël tiqua cependant. Il n'y avait aucune pièce par-delà ce mur, et encore moins de porte à cet endroit-ci. Il devait halluciner, ce n'était pas possible.

Et pourtant, elle était bien là, palpable. La même sensation de bois vernis qu'il ressentait au toucher d'une vraie porte.

Fondue grognait toujours autant. Les poils du dos hérissés, il fixait l'élément perturbateur sans relâche. Ses oreilles étaient plaquées en arrière, et il n'hésitait pas à montrer les crocs. Raphaël n'en revenait pas ; il n'avait jamais vu son compagnon dans un tel état.

« Chut, Fondue, calme-toi ! Ça va aller, pépère. »

À l'appel de son nom, il se calma assez vite. Il baissa la tête, comme gêné, et partit épier la scène depuis sa cachette derrière un meuble.

Raphaël saisit la poignée de la porte, et tira. Rien ne se produisit. La porte resta bien close.

Il expira bruyamment, expulsant ainsi la tension qui était montée à la vue de l'étrange apparition. Ce n'était rien du tout. Il n'avait pas à s'inquiéter.

Il tourna les talons, retourna dans sa chambre. Alors qu'il en franchissait le seuil, il entendit quelqu'un se racler la gorge. Derrière lui.

Il pivota, et fit face à l'intrus, qui lui sourit lorsqu'il vit que le rouquin l'avait remarqué.

« Bonsoir, Raphaël » lança l'adolescente aux cheveux rouge feu en dévoilant ses dents blanches comme la neige.

Il retint un mouvement de recul. Cette fois-ci, il n'allait pas fuir. Il allait mettre fin à ce harcèlement. Ici, et maintenant.

« Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-il en gardant son sang-froid.

– Tu le sais très bien. Je n'ai pas besoin de me répéter encore et encore. »

Elle sortit un revolver. Le canon proéminent indiquait qu'elle y avait ajouté un silencieux. Et elle pointait le tout vers lui.

« Faut croire que ça refuse de rentrer » répondit-il avec un air de défi.

Elle lui jeta un regard mauvais.

« Tu dois venir avec moi » grogna-t-elle en serrant un peu plus l'arme dans ses mains.

Il croisa les bras.

« Et pourquoi je devrais ? rit-il. J'ai quoi en échange ?

– Tu n'as pas le choix. »

Il lui fallut une fraction de seconde, réellement. Il avait juste baissé sa garde.

Erreur fatale.

Elle rangea en un rapide mouvement le revolver dans son holster, pivota, et saisit la barre de fer qui se trouvait juste a côté d'elle –l'avait-elle ramenée ?– et se jeta sur Raphaël. Elle le plaqua contre le mur, en collant le métal contre sa gorge, en appuyant doucement. L'éclat métallique argenté se reflétait dans ses yeux bleus étincelants. Les coins de ses lèvres remontèrent dans un sourire narquois.

« Tu penses toujours avoir le choix, là ? » demanda-t-elle avec ironie.

Il voulut répondre, mais elle fit pression avec encore plus de force.

« Si tu ne veux pas y passer, tu dois me suivre. »

Il sembla hocher de la tête, ce qui la fit lâcher prise. Elle garda cependant sa barre de fer dans une main, et se servit de l'autre pour reprendre son arme à feu.

« J'ai une question à te poser, avant de te suivre » articula-t-il avec quelques difficultés.

Elle leva un sourcil, intriguée.

« Qui es-tu, et qu'est-ce que tu me veux ?

– Ça fait deux questions » remarqua la rouquine avec condescendance.

Elle lui jeta un sac de voyage dans les bras. Il l'ouvrit, et vit qu'il était plein –presque à craquer– d'affaires de rechange, qu'il reconnut comme étant les siennes.

Quand avait-elle préparé ce sac ?

« Je ne répondrai qu'à l'une d'elles. Choisis bien. »

Il la dévisagea. Elle tenait la barre derrière elle de sa main droite, et pointait le canon de son revolver en direction de son visage.

« Pourquoi t'en as après moi ? finit-il par demander.

– Si tu changes les questions aussi... » soupira-t-elle avec agacement.

Elle rangea son arme, et passa une main nonchalante dans ses cheveux.

« Ma mission est de tuer le toi présent, annonça-t-elle avec un sourire qui contrastait avec son regard sérieux.

– Et tu as besoin de moi pour ça ?

– C'est plus complexe que ça. Un simple mortel ne comprendrait pas. »

Il ne releva pas le sous-entendu.

Quelque chose, un détail, l'avait interpellé.

« Je t'ai déjà vue, avant que tu n'essaies de me tuer » murmura-t-il en fronçant les sourcils.

Ses neurones travaillaient à plein régime, tentant de retrouver le tiroir dans lequel ils avaient rangé tous ses souvenirs étranges des derniers jours. Un parfum s'en dégageait. Le parfum des fleurs. Son parfum.

Et une voix. Un cri, tout comme une mélodie. Une chanson, et un hurlement. Des cordes qui vivraient. Sur la guitare un dessin. Sur la fille, un parfum. Des chrysanthèmes.

La chanteuse de rue du parc, bien sûr !

Il tituba. Sa tête lui faisait mal. Il lâcha le sac de voyage, et se massa le crâne. La douleur l'irradiait.

Une fleur encore. Un restaurant. Un café aussi. Une addition, un vase. Une serveuse étrange.

Non, c'était impossible. C'était improbable que de telles coïncidences pussent aussi bien coïncider !

Et cette imposture de Marie. C'était elle aussi... ?

Mais comment !?

« Je vois que tu commences à comprendre, sourit la rouquine en s'approchant de lui. Tant mieux. »

Il recula, heurta le mur. Ou plutôt, une porte.

« Qui es-tu ? » demanda-t-il en tentant de se redresser afin de lui faire face.

Elle sourit à pleine dents. Un sourire cruel et satisfaisait.

« Ce n'est que le cadet de tes soucis » souffla-t-elle en tournant la poignée.

Il ne vit que trop tard que la porte en bois sombre avait disparu.

Celle contre laquelle il avait été adossé l'instant d'avant s'ouvrit dans le vide, sombre et froid. Il tomba vers un puits sans fond, alors que dans l'ouverture de lumière qu'il distinguait se dessinait ce regard assassin, et ce sourire de satisfaction.


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