Quatorze Juillet

Chapitre 3 : - Partie I ~ Chrysanthème - - Chapitre III -

2171 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 07/06/2019 01:02

- Chapitre III -

« Bonjour Raphaël ! Tiens, c'est pour toi ! »

Le jeune homme prit l'enveloppe que le postier lui tendait. Il regarda avec espoir l'écriture, mais déchanta en voyant que ce n'était pas celle de son père. Après quatre ans sans nouvelles, il espérait toujours recevoir quelque chose lui prouvant que son père était encore vivant, et pensait à lui.

Il remercia le facteur, et rentra à son appartement. Il était juste parti promener Fondue, et avait croisé l'employé de la Poste devant chez lui.

Il s'assit sur son lit, ouvrit grossièrement l'enveloppe, et en sortit son contenu. C'était une simple lettre, qui tenait sur un recto. Bien que l'écriture lui parût familière, il ne put mettre de nom dessus.

« R,

COMMENT TE PORTES-TU ? J'ESPÈRE QUE TU AS SU GARDER LA FORME GRÂCE À TES ACTIVITÉS EXERCÉES L'AN PASSÉ !

CETTE LETTRE A UN SIMPLE BUT QUE TU NE PEUX COMPRENDRE. MALGRÉ CELA, JE VAIS LA POURSUIVRE.

JE TE RENDRAI VISITE SOUS PEU. JE SAIS OÙ TU VIS, IL EST DONC AISÉ POUR MOI DE ME RENDRE À TA DEMEURE VÉTUSTE D'ÉTUDIANT ABANDONNÉ FAUCHÉ. TU N'AS PAS FORCÉMENT DE NÉCESSITÉ À ÊTRE PRÉSENT LORSQUE JE SONNERAI ; IL VAUDRAIT PEUT-ÊTRE MÊME MIEUX POUR TOI D'ÊTRE AILLEURS, CHEZ TA PETITE CHRÉTIENNE PAR EXEMPLE. VOUS POURRIEZ BOIRE UN VERRE EN TERRASSE ENSEMBLE, PRENDRE UN REPAS AVEC DES AMIS, OU ALLER ÉCOUTER QUELQUES CHANTEURS DE RUE PAR EXEMPLE. BIEN SÛR, CE NE SONT QUE DE SIMPLES IDÉES. PEUT-ÊTRE PRÉFÉRERAIS-TU PASSER DES MOMENTS PLUS PRIVÉS EN SA COMPAGNIE, AUQUEL CAS JE POURRAIS ME CHARGER DE NOURIR ET PROMENER TON STUPIDE BÂTARD.

SACHE QUE CECI EST UNE DEMI-LETTRE DE MENACE ; MÊME SI TU NE LA PRENDS PAS AU SÉRIEUX -CE QUE TU DEVRAIS- TU NE DEVRAIS PAS LA JETER.

SI TU DOUTES QUANT À MA FIABILITÉ, SACHE QUE J'EN SAIS BEAUCOUP SUR TOI. MAIS DANS CETTE MISSIVE, JE ME CONTENTERAI JUSTE DE TE DIRE QUE LA COURONNE DU DRAGON RÈGNE SUR LES CIEUX, LA PRINCESSE DE LA LUNE EST LA CLEF, ET QUE SEUL LE SANG BLEU OUVRE LA VOIE VERS LES NUAGES.

À BIENTÔT, SÛREMENT. »

La signature qui avait été griffonnée au bas de la feuille lui apparaissait illisible. Il chiffonna la lettre, et la jeta vers sa corbeille de bureau. La boule de papier manqua sa cible, il n'y prêta pas attention.

Il se leva de son lit, et au même moment, quelqu'un sonna à la porte de son appartement. Fondue s'y précipita et voulut aboyer, mais se stoppa net dans sa course lorsque son maître le lui demanda. Il s'assit donc, et attendit en remuant de la queue.

Raphaël haussa les épaules ; c'était normal pour un chien d'aboyer lorsque quelqu'un sonnait.

Il ouvrit la porte, le sourire aux lèvres. Il s'attendait à voir Marie sur le seuil de son appartement, il s'apprêtait à l'accueillir les bras ouverts.

Il resta figé un instant.

Son sourire s’effaça.

Une personne inconnue se tenait devant lui. Elle était vêtue d'habits foncés, une capuche lui dissimulait son visage.

Elle le poussa sur le côté, et s'avança à l'intérieur de l'appartement.

« Excusez-moi, mais vous n'avez pas le droit. »

Raphaël avait interpellé l'individu, d'une voix qu'il voulait la plus ferme possible.

L'intrus se retourna. Raphaël ne put mieux l'étudier, en partie à cause de leur situation.

La personne tendait le bras vers lui, une arme à feu -revolver ou simple pistolet, il n'avait pas le temps de l'étudier- pointée droit sur lui. Il remarqua l'appendice sur le canon –un silencieux.

À côté d'eux, Fondue ne bougea pas, bien trop effrayé par la menace qui planait sur son maître.

L'intrus sembla sourire de toutes ses dents, puis pressa la détente.

Il n'y eut qu'un petit bruit. Une simple, courte, brève détonation.

Raphaël sentit la balle percer sa chemise, ainsi que sa peau. Il sentit une intense douleur se propageant dans tout son corps. L'individu avait visé le cœur, il l'avait touché.

Durant ce même instant, Raphaël se sentit poussé en arrière. Il heurta le mur –douleur ravivée– et y glissa tout du long, à être étendu au sol, sur son côté droit.

Ses sens s'affolèrent. Il ne décela bientôt plus aucun son, un goût de sang lui imprégnait alors la bouche et la gorge, il sentit le froid le gagner, alors que peu à peu sa vision de l'intrus souriant se brouillait et se fondait dans le noir.

*

Le réveil sonna huit heures, extirpant Raphaël de son cauchemar, pour son plus grand bonheur. Il porta sa main sur son cœur, et alla jusqu'à ôter le haut de son pyjama afin de vérifier qu'il n'avait pas reçu la moindre balle. Il lâcha un soupir de soulagement ; cela n'avait été qu'un rêve.

Il se leva, se frotta les yeux. Fondue lui réclamait une promenade matinale, assis devant lui, les yeux pétillants, la queue battante. Son maître soupira, et se leva.

Il mit en marche la cafetière, et profita de ce laps de temps pour prendre une douche. Il se sentit étrangement libéré d'un poids tandis que l'eau coulait le long de son corps. Il ne put s'empêcher de regarder à plusieurs reprises son torse ; ce cauchemar lui avait semblé si réel...

Fondue jappa lorsque le "ding" de la cafetière indiquant qu'elle avait fini retentit. Ce chien, après un certain temps, ne s'était toujours pas fait à certains sons du quotidien, songea Raphaël avec déception.

Il boutonna sa chemise blanche, enfila son pull par-dessus, et boucla sa ceinture, avant de rejoindre son compagnon à quatre pattes qui s'excitait contre la machine. Il appuya sur le bouton off, ce qui calma immédiatement le canidé. Alors qu'il sirotait sa boisson matinale, Fondue lui faisait de l’œil, pressé de se promener. Il n'était que huit heures trente lorsqu'ils franchirent le seuil de l'appartement.

Pourtant, malgré le dicton, l’avenir ne semblait pas leur être favorable. Raphaël remarqua qu’il avait piétiné une fleur tombée là, sur son paillasson. Mais il se crispa en voyant que c’était encore et toujours la même sorte de fleur. Cela n’en finissait jamais.

À leur retour, après une promenade sans autre incident, ils croisèrent le facteur.

« Bonjour Raphaël ! Tiens, c'est pour toi ! » annonça l'employé de la Poste avec entrain.

Raphaël déglutit ; c'était mot pour mot, note pour note, la même mélodie joviale que celle de son rêve.

Il s'empara de l'enveloppe, le remercia, et rentra prestement chez lui.

Il scruta la lettre. Même écriture, même contenu. C'était bien trop inquiétant, il n'avait pas pu faire un rêve prémonitoire, c'était impossible qu’il lui pût arriver de telles choses !

Fondue l'observa, intrigué.

« Fondue, fit Raphaël avec une inquiétude on ne pouvait plus claire audible dans sa voix, on part chez Marie ! »

Le chien s'ébroua, et se dirigea vers la porte que Raphaël tenait ouverte, et qu'il ferma à clé avant de s'en aller.

« ... Et c'est pour ça que je suis là ! » expliqua le rouquin à Alfred, le majordome du manoir d'Élisabeth, qui le fixait d'un air suspicieux.

L'adolescent se frotta les yeux, et réajusta ses lunettes.

« Alfred, il faut que je voie Marie, implora-t-il.

– Je suis navré, répondit l'homme, mais elle et la duchesse ont annoncé désirer passer une journée seules, entre mère et fille. Je me dois de respecter cette décision. »

Raphaël trépigna ; un mélange d'inquiétude et de caprice.

« Mais je dois la voir ! Elle est peut-être en danger !

– Ceci est impossible, puisque le manoir est infaillible. Nul ne peut y pénétrer. »

Raphaël se retint de lui rappeler la fois où il était parvenu à arpenter les couloirs dudit manoir, avant d'y trouver des chevaliers diaboliques en son sein même.

« Est-ce que je peux au moins–

– Alfred ? Venez ici je vous prie » appela Élisabeth.

Le majordome hocha la tête, et pria Raphaël de bien vouloir s'en aller, ce qu'il fit sans demander son reste. Ils se saluèrent poliment, avant que la fermeture de la porte d'entrée ne les sépare.

« Et maintenant, on fait quoi, Fondue ? »

Le chien lui jeta un regard à l'expression vide tel celui d'un bovin.

« On va pas s'exposer, réfléchit le rouquin en se tenant le menton de la main droite. Si quelque chose devait nous arriver, on aurait un bel effet du témoin, et ce psychopathe n'en serait que trop ravi. »

Un couinement d'incompréhension se fit entendre de la part de Fondue.

« Le phénomène qui veut que plus il y a de gens amassés autour d'un crime, moins il y aura de gens pour intervenir, soupira Raphaël, déçu par la stupidité de son ami quadrupède. Si on se fait agresser en pleine rue, personne ne viendra nous sauver. »

Et qui sait ce qui arrivera... se dit-il, avec angoisse.

Il retint un frisson. Il valait mieux trouver un endroit où se réfugier, et au plus vite.

Étrangement, ses pensées se tournèrent vers la cathédrale Notre-Dame de Paris. Il eut un pressentiment lui indiquant qu'il y serait en sécurité. C'est pour cela qu'il s'empressa de monter dans le premier wagon de métro qui l'y emmènerait. Il y parvint en un rien de temps, ce qui le rassura. La cathédrale lui inspirait du réconfort, de la tranquillité ; que de bonnes choses.

Suivi de près par Fondue, il s'aventura dans l'immensité de la cathédrale. Face à une représentation de la vierge Marie, il saisit un cierge et l'alluma, sans oublier le dû. Il joignit ses mains un instant, et pria pour Marie. Il espérait que la jeune blonde n'eût été en aucun cas la cible de cet étrange individu. Bien qu'il ne fût pas croyant, il espéra que cette maigre prière à l'attention de l'adolescente pût être entendue.

Il se trouva ensuite une place sur un banc, et attendit, en scrutant les vitraux, les touristes qui passaient là, les bougies et cierges qui se consumaient...

« Tiens, je me disais bien que tu serais là ! »

Une voix féminine lui parvint. Il ne la reconnut pas, bien qu'elle lui évoquât bon nombre de souvenirs.

Il voulut se retourner, et voir son visiteur, mais cette même voix se fit menaçante.

« Ne te retourne surtout pas. Il sait que je suis là, il nous voit.

– Mais de quoi tu parles !? »

Quelques passants lui jetèrent un regard mauvais. Il parlait bien trop fort dans ce lieu de recueil.

« Je suis là pour te tuer, et il ne manquera pas de me surveiller là-dessus » fit-elle.

Elle lui ordonna de rester immobile encore un peu, le temps de s'en aller. Il finit par ne plus attendre, et se retourner, désireux de connaître l'identité de la personne qui attentait à ses jours, et qui n’avait pas profité de cet instant pour exécuter son plan. Il la vit s'éloigner. Une jeune femme, dont les cheveux et la chemise flottaient au vent à l'entrée de la cathédrale.

À ses oreilles, il crut entendre son rire. Non, c'était une hallucination.

Il ôta ses lunettes et se frotta les yeux, et remarqua que la jeune femme s'était volatilisée, littéralement. Elle n'avait aucune autre possibilité de chemin à prendre qui s'était offerte, elle ne pouvait pas avoir disparu ainsi !

Il appela Fondue. Lui au moins pouvait lui faire comprendre ce qui s'était passé.

Mais le regard vide et embrumé du chien qui venait de se réveiller, assoupi par leur pause, lui fit comprendre que lui seul avait vu cette personne. Il n'osa pas aller jusqu'à demander aux touristes. Il se contenta d'arpenter les rues de Paris pour rentrer chez lui, mains dans les poches, Fondue à ses côtés.

Il resta longtemps songeur quant à l’identité de cette femme.

Qui était-elle ? Que lui voulait-elle ? Pourquoi désirait-elle le tuer ?

Pourquoi lui ravivait-elle autant de souvenirs portant sur l’an précédent ?

Mais surtout, pourquoi l’avait-elle prévenu qu’elle désirait le tuer ?

Étendu sur son lit, le visage tourné vers le plafond, il repensa à elle. Il ne connaissait que vaguement sa voix, mais il avait le sentiment de déjà la connaître. Il n’avait vu que sa silhouette, mais il était convaincu d’avoir déjà côtoyé cette femme.

Il laissa s’échapper un soupir.

Décidément, cette ville renfermait bien trop de mystères.


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