Quatorze Juillet

Chapitre 1 : - Partie I ~ Chrysanthème - - Chapitre I -

2570 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 07/06/2019 00:59

- Partie I ~ Chrysanthème -

- Chapitre I -

Raphaël s’éveilla en sursaut.

Il lui fallut un temps avant de se remémorer où il se trouvait.

Il reconnut le plafond ainsi que les murs de sa chambre. Cela le rassura.

Ce n’avait été qu’un cauchemar.

Mais le doute l’assaillit tout de même, si bien qu’il vérifia qu’il ne possédait plus le paquet cadeau qu’il avait voulu offrir à Marie. Et c’en était le cas.

Il laissa s’échapper un soupir de soulagement.

Il avait juste rêvé de cette voiture qui fonçait dessus ; il était rentré chez lui, s’était couché et endormi, et avait vécu à nouveau, en rêve, cette soirée. Il avait juste modifié la fin de l’histoire. C’était tout.

Second soupir de soulagement.

Fondue arriva. Il s’assit, et le regarda, sans comprendre ce qui se passait pour que son maître réagît ainsi. Mais cette incompréhension disparut lorsque son maître vint lui caresser le sommet du crâne. Il adorait lorsqu’il faisait ça.

Puis il regarda son maître ranger ses affaires trempées de la veille. Il tourna les oreilles lorsqu’il éternua.

« Ah, j’ai attrapé froid » fut la réaction simple et basique de son maître, bien que le chien ne comprît aucunement ce qu’il disait.

L’animal le suivit jusque dans la pièce de vie. Il vit le visage du jeune homme blêmir lorsqu’il vit un bouquet de fleurs posé sur la table de la cuisine, dans un vase. C’était un sublime bouquet de fleurs, même si Fondue ne voyait pas en quoi des fleurs pouvaient être belles. C’était juste un bouquet de fleurs en forme de boules de pétales, de couleur feu. Fondue ne comprenait pas pourquoi la couleur du visage de Raphaël avait changé. Ce que le pauvre chien ne pouvait comprendre était ce que ce bouquet de fleurs signifiait, car les fleurs avaient un langage, un sens, une particularité qui faisait qu’elles étaient appropriées dans certaines circonstances, et pas dans d’autres.

Mais ça, un chien ne pouvaient pas le comprendre.

Le rouquin s’approcha du bouquet avec crainte. On eût dit qu’il avait vu un fantôme. Si cela avait été le cas, il aurait peut-être moins craint la chose.

Il saisit le vase noir dans lequel étaient posées les fleurs, et remarqua une étiquette qui y était accrochée. Il déchiffra l’écriture manuscrite, soignée et d’une couleur noire comme le vase. Une belle calligraphie, qu’il pensait être celle d’une fille –ce ne pouvait qu’être l’écriture d’une fille ou d’une femme, aucun homme au monde ne pouvait écrire de cette manière.

À CELUI QUI NE CONNAÎT PAS LE VRAI SENS DE CES FLEURS.

C’était une mauvaise blague, ce ne pouvait qu’être ça. Il laissa s’échapper un rire nerveux.

Il empoigna le bouquet de fleurs, et les jeta au fond de la poubelle de la cuisine. Il hésita à envoyer le vase avec, mais se ravisa. Il ajouta juste l’étiquette au tas de déchets.

Fondue continuait de regarder son maître avec l’incompréhension la plus totale dessinée sur son visage canin. Il bailla, et laissa sonner un petit couinement en refermant sa gueule. Cela attira l’attention de l’adolescent.

« Oh, désolé Fondue. Je t’ai oublié, j’avais la tête ailleurs. »

Il vint lui grattouiller la tête, et s’imagina que si l’animal avait été un chat, il aurait ronronné. Mais Fondue n’était pas un chat, il ne pouvait pas ronronner.

Le rouquin soupira. La pluie dehors tombait encore. Elle n’avait cessé de tomber, depuis quelques jours déjà, et les prévisions météorologiques annonçaient que cela n’allait pas s’améliorer. Il s’en alla prendre une douche, espérant que le contact de l’eau chaude sur sa peau l’aidât à reprendre ses esprits et à complètement se réveiller.

On frappa à la porte. Machinalement, en bon chien de garde, Fondue se mit à aboyer. Il fallut à Raphaël de se hâter afin de le faire taire. Les cheveux encore trempés, il vint ouvrir au visiteur imprévu qui s’était annoncé.

Quelle fut sa surprise lorsqu’il reconnut le visage de la personne venue le voir !

« Salut Raphaël ! fit Marie, toute souriante. J’espère que je ne te dérange pas. »

Il lui sourit à son tour, et l’invita à entrer, avant de s’éclipser, préférant sécher ses cheveux afin de paraître présentable aux yeux de son amie.

Celle-ci hocha la tête lorsqu’il s’excusa. Elle attendit calmement que son ami fût prêt ; ils s’étaient décidés à tuer le temps en ville ensemble, afin de rattraper le temps perdu, en quelque sorte. Oui, c’était aussi un rendez-vous amoureux, dans un certain sens. Marie en rougit rien qu’à l’idée ; son premier vrai rendez-vous amoureux.

Fondue la tira de ses pensées. Il couinait et gémissait, en grattant le couvercle de la poubelle dans la cuisine de Raphaël. Intriguée, Marie le souleva, et fut étonnée d’y trouver un bouquet de fleurs comprenant ainsi la présence d’un vase sur la table. Le chien aboya, comme si ces fleurs le dérangeaient. La jeune blonde s’empressa de refermer le vide-ordures, et fit mine de ne rien avoir vu lorsque Raphaël arriva. Beaucoup de questions se posaient dans son esprit. Pourquoi y avait-il un bouquet de fleurs fraîches ? Pourquoi avait-il été jeté ? Était-ce Raphaël qui l’avait acheté, ou bien lui avait-il été offert ? Par qui ? Raphaël fréquentait-il une autre fille ?

Non, elle allait beaucoup trop loin. Elle s’imaginait des histoires. Tout cela n’avait aucun sens.

« Quelque chose ne va pas, Marie ? »

Elle esquissa un sourire et hocha la tête. Tout allait bien.

Il lui prit la main.

« Alors on peut y aller ? »

Nouveau hochement de tête.

*

Ils avaient pris un café en ville, sur une terrasse très agréable dont le nom n’avait jamais retenti aux oreilles de Marie. Ils poursuivirent leur conversation de la veille –ou plutôt du matin– autour de boissons chaudes et de pâtisseries. Un café pour lui, un chocolat viennois pour elle.

Le sol était sec, la pluie s’était arrêtée.

Ils discutaient de beaucoup de choses. Marie lui parlait de ce qui s’était passé durant l’année d’absence de Raphaël, et il l’écoutait. Il n’était pas très exact de dire qu’ils discutaient ; c’était plutôt un monologue de la jeune fille, entrecoupé parfois de maigres remarques de son ami.

Elle lui avait demandé, à de nombreuses reprises, ce qui l’avait retenu pendant près d’un an, pour qu’il ne lui eût donné aucune nouvelle. Mais à chaque tentative, sa mine se renfrognait, et il changeait le sujet de la conversation. Elle finit alors par abandonner l’idée de pouvoir en savoir plus.

Elle prit un peu de crème chantilly dans sa cuillère, et la porta à sa bouche. Il sirota son café, et promena son regard sur les environs.

Les gens marchaient, avançaient, trop pressés pour regarder où ils allaient. Ils s’amassaient tantôt sur le trottoir à quelques mètres d’eux, tantôt de l’autre côté de la chaussée. Au delà, ils apercevaient un petit parc où des enfants jouaient, sous la surveillance des parents qui discutaient entre eux.

Et eux deux, qui discutaient aussi.

« Dis, Marie, tu n’as pas des examens en ce moment ? C’est la période du bac là, non ? » demanda-t-il après avoir bu une nouvelle gorgée de sa boisson.

Elle le regarda, étonnée. Elle parut ne pas comprendre.

« Tu n’as pas le baccalauréat à passer ? »

Marie étouffa un rire amusé.

« Je ne te l’avais jamais dit ? J’ai un an d’avance, je l’ai passé l’an dernier, en même temps que toi. »

Il se mit à rire à son tour, amusé par sa propre bêtise.

« C’est vrai qu’on n’a jamais parlé de ça avant » ajouta-t-il en buvant à nouveau sa boisson, le regard tourné vers la foule.

La jeune fille vida le contenu de sa tasse, en dévorant Raphaël du regard. Elle le trouva différent, changé, par rapport aux souvenirs qu’elle avait de lui. Il semblait s’être assagi, il lui paraissait être plus sérieux qu’avant.

« Josette m’a harcelée avant que je parte, ce matin, dit-elle en souriant. Elle voulait limite venir avec moi.

– Tu sais comment elle est. Tu es comme une sœur pour elle, répondit-il sans lâcher le paysage des yeux.

– Oui, c’est vrai. »

Le silence s’installa à nouveau, lourd et gênant.

Elle chercha l’endroit qu’il fixait, en vain.

Cela ne faisait aucun doute, Raphaël avait changé en un an.

Une serveuse vint leur apporter l’addition, et posa dans un même mouvement la plaquette tenant le maigre ticket ainsi qu’un petit vase comportant une fleur. Marie trouva l’intention louable, même si elle était gênée du fait que la fleur posée au centre de la table, entre eux, fût la même que celles qui composaient le bouquet qu’elle avait trouvé chez Raphaël.

Celui-ci, en voyant ladite fleur, blêmit. Il bégaya quelque protestation, mais la femme ne se retourna même pas.

« Il y a un problème ? s’enquit Marie, inquiétée par la mine de son ami.

– Non, non, ce n’est rien » fit-il, sans grande conviction dans sa voix.

Elle le vit frissonner ; Fondue laissa s’échapper un couinement d’encouragement.

Il se leva, alla payer l’addition, et pressa son amie de quitter les lieux. Elle le suivit, laissant la fleur derrière elle.

*

« Excuse-moi pour... tout ça. Je suis un peu stressé, aujourd’hui, fit Raphaël alors qu’ils entraient dans un parc.

– Pourtant tout allait bien cette nuit, répondit l’adolescente blonde. Qu’est-ce qui t’est arrivé ? »

Il jeta un coup d’œil inquiet autour d’eux. Puis il se décida.

« Je sais que ça va te paraître bizarre, mais... »

Un cri retentit.

Une voix féminine, qui parut quelque peu familière aux oreilles du jeune homme.

Les sens en alerte, tous trois se ruèrent vers l’origine du cri. Fondue le premier.

Le sol terreux s’était transformé en boue, et gardait les traces de leurs pas pressés à travers les haies. Le vent se leva, faisant frémir les branchages des arbres, et tomber les goutter des pluie reposant sur leurs feuilles. Quelques unes de ces perles se mêlèrent à la chevelure de Marie, et d’autres vinrent s’éclater contre les verres des lunettes de Raphaël. Aucun d’eux ne s’en préoccupa, ils continuèrent leur course.

Le chemin les mena vers une petite clairière. Le cri était parti de là, ils en étaient sûrs. Mais il n’y avait personne.

Ils remarquèrent juste quelques traces dans la boue. Rien de plus.

Marie se laissa tomber de fatigue sur un banc.

« Cette voix me dit quelque chose, fit Raphaël.

– J’avoue que quand j’y repense... » commença Marie, avant de se taire, hésitante.

Il hocha la tête, et termina sa phrase à sa place.

« Elle t’évoque Napoléon. »

Elle acquiesça.

« Et toute cette histoire –et ton père, Isaac. »

Il ne réagit pas à l’énonciation de ce prénom. Il se contenta de s’asseoir à côté d’elle, sur le banc, le nez vers le ciel, les yeux perdus dans les nuages blancs et cotonneux.

Oui, son père. C’était lui qui avait déclenché tous ces événements, plus ou moins directement. Sa disparition avait mené Raphaël à créer Fantôme R, et par la suite l’avait mené sur la piste de la pièce. Il avait rencontré Marie, ce soir-là, alors qu’il avait suivi ladite pièce, et ils s’étaient embarqués dans cette histoire. Napoléon qui s’était révélé être un imposteur du nom de Léonard Bonar, la duchesse Élisabeth –la mère de Marie– qui les avait guidés avant de révéler son lien de parenté avec l’adolescente, Jean-François, le cousin d’Élisabeth, avide de pouvoir, qui avait voulu utiliser Marie pour accéder au trésor perdu de Babylone. Et Babylone, cette ville mystérieuse, dont l’empire avait laissé des traces jusqu’à Paris. Tout ceci lui revenait en mémoire. Des souvenirs encore frais, qu’il pouvait encore sentir en lui. L’exaltation de ses courses folles, tantôt fuyant la police, tantôt s’échappant des jardins suspendus de Babylone lorsqu’ils s’effondraient, la chaleur du sourire de Marie lors de leur première rencontre, la douleur de cette balle de revolver qui l’avait frôlé... Alors qu’il regardait le ciel, il revivait les événements de l’an passé, en se demandant s’il avait pu en être autrement.

« Est-ce que tu as retrouvé ton père ? »

La voix de Marie le tira de ses pensées.

« Non. Enfin, à vrai dire... »

C’est vrai qu’ils s’étaient quittés alors qu’il lui avait déclaré vouloir retrouver son père, et enfin connaître le fin mot de cette histoire incroyable.

« Je crois que je l’ai définitivement perdu. »

Marie se tourna dans sa direction, lui prit la main, et lui sourit, son regard bleu pétillant.

« Mais tu as pu vivre sans lui plusieurs années, et malgré ta recherche infructueuse, tu es revenu nous voir » dit-elle avec enthousiasme.

Elle marqua une pause.

« Tu es revenu me voir, aussi. »

Elle se pencha vers lui, et posa délicatement ses lèvres sur celles du rouquin, qui lui rendit son baiser ; il l’entoura de ses bras et l’enlaça.

Ses pensées s’envolèrent, se tournèrent vers Marie. Elle l’avait attendu pendant un an, elle l’avait accueilli à bras ouverts. Et il savait qu’elle l’aimait toujours, après ces douze mois de séparation, tout comme lui.

Elle se libéra de leur étreinte, s’éloigna un peu de lui. Le ciel au-dessus de leurs têtes avait repris un air nuageux et grisâtre. Bientôt, une pluie fine se mit à tomber.

Marie tremblota. Elle regretta de simplement s’être vêtue d’une robe d’été.

Raphaël ôta son gilet et le lui mit sur les épaules, même s’il savait que cela ne pouvait arranger la situation.

« Raphaël ?

– Oui ?

– Je t’aime.

– Moi aussi je t’aime. »

Il lui sourit, et l’enlaça encore.

Ils restèrent longtemps à cet endroit, enlacés, se partageant un long baiser passionné.


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