Biohazard : Code Nivans II
J’étais dans une pièce sombre, dont les lumières étaient éteintes. Je sentais comme une douleur au niveau de mon torse, comme une plaie béante. Mes deux poignets et mes deux chevilles étaient attachés au mur, j’étais comme crucifié. Sauf que mes jambes étaient écartées, donc j’étais plutôt sur le point d’être démembré. Je pensais que mes yeux s’habitueraient à l’obscurité, espérant voir quelque chose à la longue, mais rien. Comme si les murs avaient été peints en noir.
J’avais aussi un magnifique mal de crâne, et mes pensées étaient floues. Je ne me souvenais pas du tout comment j’étais arrivé ici. Même mon dernier souvenir était flou. Je me souvenais… être allé au travail… Comme tous les matins, j’avais embrassé Piers et ma sœur avant de partir, et puis… Rah, je n’arrive pas à m’en souvenir. Est-ce que j’étais même arrivé au travail ? Je n’en étais pas sûr. Je finis par me chopper un torticolis à force de regarder dans tous les sens, alors j’arrêtai de bouger la tête. Qui que soit mon bourreau, il finirait sans doute par se montrer. Car si c’était ma mort qu’il ou elle voulait, je ne serais sans doute plus là pour y penser.
Je me surpris à compter les moutons, et lorsque j’arrivai à sept cents quarante-et-un, quelqu’un entra dans la salle. Aucune lumière ne vint de la porte ouverte – car il me paraissait évident qu’il ou elle n’était pas entré en traversant le mur – ce qui me fit penser que, même en dehors de cette pièce, l’obscurité régnait. Et même si mes yeux étaient ouverts, je ne vis personne.
-Hello Chris, dit une voix grave
-Qui est là ? dis-je d’une voix que j’entendis moi-même comme fatiguée
-Je serais tenté de dire “votre pire cauchemar“, mais vous l’avez déjà exécuté vous-même il y a plus de quatre ans, maintenant, ricana la voix
-Vous semblez en savoir un rayon sur moi.
-Vous vous sous-estimez, capitaine Redfield. Il n’y a pas tant de gens que ça qui ignorent votre héroïsme pendant l’incident de Kijuju. Et votre combat avec Albert Wesker.
Je grimaçai, et cela m’occasionna de nouvelles douleurs. Qu’est-ce que ce malade mental m’avait infligé, bon sang ?
-Qu’est-ce que vous me voulez ? demandai-je
-Vous le saurez bien assez tôt, dit la voix, qui semblait se rapprocher. A chacune de mes visites, je vous donnerai un indice. Êtes-vous prêt pour le premier ?
-Est-ce que j’ai le choix ? soupirai-je
-Non, ricana la voix. Alors, voici le premier indice : quelle est la plus précieuse à vos yeux ?
-Je croyais que vous étiez là pour me donner des indices, pas me poser des devinettes…
-J’ai dit que je vous donnais des indices. Pas sous quelle forme je vous les donnerais. L’important est que vous appreniez quelque chose, en réfléchissant. Alors réfléchissez-y, je reviendrai dans une heure.
L’inconnu posa sa main sur ma joue, et je ne sus pourquoi, j’eus une grosse impression de déjà-vu.
-A bientôt Chris.
La voix s’éloigna de nouveaux, assortie à des bruits de pas, et un bruit de porte. Là encore, je ne vis aucun mouvement de lumière. Cela me fit sincèrement penser que mon ou mes kidnappeurs avaient fait en sorte que je ne puisse pas retrouver mes repères. Étonnamment, j’avais les pensées plus claires, maintenant, alors je me mis à penser, n’ayant rien de mieux à faire.
La personne la plus précieuse à mes yeux ? Bien entendu, je pensais tout de suite à Piers, à qui j’avais enfin réussi à dire ce que je ressentais et avec qui j’entretenais une relation improbable mais absolument merveilleuse. Mes tortionnaires essayaient-ils de me faire comprendre quelque chose par rapport à Piers ? Quelque chose que je devrais peut-être savoir, et qui fait que je me retrouve dans cette situation ? Non, je refusais d’y croire. Même si Piers me cachait encore quelque chose, ça ne pouvait pas être quelque chose d’aussi grave.
Et si ce n’était pas Piers, tout simplement ? Ça pourrait aussi être Claire, le seul membre de ma famille encore en vie. Mais la encore, je n’avais aucune idée de ce qu’elle pourrait me cacher. On avait grandi ensemble quand même. Et c’était pareil pour Jill, on ne se cache rien. Enfin presque. Je devais lui parler de ma relation avec Piers. Oui, je le ferai. Si je sors d’ici vivant.
Tout me ramenait à Piers. C’était insensé. Je ne pouvais m’empêcher de penser à lui. Encore plus depuis que mon fantôme m’avait posé cette question. Est-ce que Piers me cachait réellement quelque chose de condamnable ? Je ne voulais pas y croire, mais c’était tout à fait possible. Il avait réussi à me cacher ses sentiments pendant plus de trois ans, alors pourquoi pas un secret plus énorme encore ?
J’entendis la porte se rouvrir. Quoi, ça faisait déjà une heure ?
-Alors capitaine ? Comment ça se goupille ? dit la voix d’un ton amusé
-Vous avez un lien avec Piers, c’est ça ?
-Bravo ! dit-il en applaudissant. Comme quoi les grands musclés savent aussi réfléchir.
Je grimaçai, ne relevant qu’à moitié son sarcasme. C’était surtout la révélation qui me pesait, là.
-Quel lien avez-vous avez lui ? demandai-je, sur la défensive
Comme si je pouvais faire quelque chose, de toute façon…
-Ce sera le sujet de ma deuxième énigme. Quel aspect de la vie de Piers ne connaissez-vous pas ? Vous avez une heure.
La voix ricana encore, et partit, en claquant la porte cette fois. Mes oreilles vrillèrent un bon coup, m’arrachant une autre grimace, et j’essayai de rester concentré, en ne voulant pas savoir ce qui se passerait si je donnais une mauvaise réponse aux énigmes de mon bourreau.
Quelque chose sur quoi Piers avait été évasif ? Oui, il y avait bien un truc. Sa vie de famille.
J’avais entendu parler des exploits du père de Piers, il y a une vingtaine d’années au début de mon cursus militaire, et j’avais aussi entendu dire qu’il faisait tout ça, en plus d’être un père et un mari exemplaire. Malgré les rumeurs qui circulaient sur lui. Quelles étaient ces rumeurs, d’ailleurs ? Ouais, on s’en fout. Concentration.
Donc, le commandant Nivans avait eu pas mal d’enfants, si je me souvenais bien. Combien ? Ouais, ça aussi on s’en fout. Il n’empêche que Piers parlait très peu de son père, et encore moins de sa mère et de ses frères et sœurs. A vrai dire, la seule fois où il avait parlé de son père, dont je me souvenais, c’était quand on s’est rencontrés, la première fois. Il me disait qu’il avait l’armée dans le sang, et que son père était un sniper d’exception. C’est d’ailleurs à ce moment là que je fis le rapport avec son nom de famille. Mais sinon, rien. Ou alors c’était très rapide, et il y a très longtemps. Est-ce qu’il n’était pas fier de sa famille ? Ou bien y avait-il quelque chose d’autre ?
Est-ce que mon lieutenant avait honte de sa famille ? Honte de sa famille de criminels, après la mort de son père ? Non, ça me paraissait un peu gros. Mais ma situation en elle-même était un peu grosse, alors, à ce stade, ça ne m’étonnerait pas tant que ça. J’essayais de me rassurer en me disant que, dans le pire des cas, Piers, lui, avait pris la bonne voie.
-Me revoilà, dit la voix de mon ravisseur (je n’étais même pas sûr si c’était un homme. Ses inflexions changeaient régulièrement. Je ne faisais que supposer à cause du timbre). Alors, vous avancez ?
-La seule chose dont je n’ai pas vraiment parlé avec Piers, c’est sa famille. Il a toujours été très vague sur le sujet, et je ne voulais pas vraiment en savoir plus, alors…
-Donc ? Ça carbure, là-haut ?
-Vous êtes un membre de sa famille ?
Le silence de mon interlocuteur était éloquent.
-Et alors ? repris-je. Qu’est-ce que vous me voulez ? M’utiliser comme appât pour une espèce de vendetta ?
-Y a pas à dire, vous êtes plus malin que vous en avez l’air, dit la voix d’un ton qui me paraissait frustré. Moi qui avais encore envie de vous torturer…
-Quoi ? dis-je d’un ton étonné
-Mauvais réponse égal souffrances. Je suis embêté, sincèrement.
-C’est donc vous qui m’avez entamé ?
-Ouais. J’ai été vous chercher, et tout. Ça m’étonne que personne n’ait réagi en me voyant vous mettre dans mon coffre. Oh, peut-être était-ce parce que personne n’a vu ? s’esclaffa-t-il
Je déglutis. Pourquoi je ne me souvenais pas de tout ça ? Je me demandais comment il ou elle avait pu me maîtriser sans que je ne puisse me défendre. Peut-être que ça me reviendrait, plus tard.
-Comment ça va se passer, concrètement ? demandai-je
-Facile. J’ai laissé des indices un peu partout, pour faciliter l’enquête sur votre disparition. Je suis persuadé que Piers est déjà en route, avec une petite équipe de sauvetage.
-Mais il est blessé… soupirai-je
-Et il vous aime. Vous ne feriez pas pareil à sa place ?
-Bien sûr que si ! dis-je par réflexe
-Vous êtes trop mignon, pouffa la voix
Je me sentis bouillir légèrement. Évidemment, cela faisait un moment que je savais que j’aimais vraiment Piers, mais là, le romantisme de la situation était presque déplacé. J’avais envie qu’il vienne me chercher, mais en même temps, je ne voulais pas qu’il risque sa vie pour moi. Encore. La scène où il s’injectait le virus pour me sauver me revint en tête, comme du poison, plus réaliste que jamais, alors que j’avais mis des mois pour apprendre à vivre avec. Je baissai les yeux, saisi par les émotions, et mon bourreau semblait s’être arrêté de respirer. Je relevai le regard dans la direction où j’avais entendu la voix peu avant – bien entendu, je ne le ou la voyais toujours pas – intrigué par son silence.
-Je suis persuadé que le plan va marcher, désormais, marmonna la voix
-Quoi ?
-Hein ? Non, je n’ai rien dit ! s’agita-t-il (ou elle) d’un seul coup. Je n’ai rien dit !
Je sourcillai, et la personne partit. J’entendis à peine la porte, cette fois, et je repartis dans mes pensées. Pour quelle raison la propre famille de Piers pouvait lui en vouloir ? Peut-être qu’ils se considéraient comme les gentils, et que Piers, qui les avait reniés, était considéré comme un traître ?
Bon sang. Ça me donnait un de ces maux de tête cette histoire.
Je voulais revoir Piers, et vite. Le serrer contre moi, l’embrasser… et lui demander des détails, au fond. Je n’avais plus qu’à prier pour qu’il fasse vite.