Biohazard : Code Nivans II
J’ai fini par m’endormir, en fait, vers sept heures du matin. Parfait, je me lève dans deux heures.
Et quand je me suis réveillé, ce n’était pas Claire à côté de moi. Ou alors, elle s’était blessé son joli visage et s’était rasé les cheveux pendant la nuit. Et ça ne lui allait pas du tout.
-Bonjour trésor, dit mon voisin avec un sourire
-Qu’est-ce que tu fous là, Jake ? bégayai-je en essayant de reculer
Mais si je reculai plus, j’arrivai par terre.
-Un concours de circonstances a fait que j’ai dormi avec toi, finalement, dit Jake d’un ton amusé
-Explique-toi.
-Claire s’est couchée tard, Sherry ne voulait pas que tu dormes tout seul, et il était hors de question que je laisse Sherry dormir avec toi. Alors à choisir… ricana-t-il
-On dirait plutôt que tu cherchais un prétexte pour t’allonger avec moi, m’esclaffai-je
-Ce n’est qu’à moitié faux, pouffa Jake
Je pris cinq teintes de rouge d’un seul coup, et Jake rit un bon coup, avant de reprendre un air sérieux. Je n’étais toujours pas habitué à ses changements d’humeur. Et non, ce n’était pas un truc qui me plaisait chez lui… Non mais franchement, à qu je parle, là ?
-Embrasse-moi, Piers, déclara Jake
-Quoi ? beuglai-je en reprenant du rouge (de manière figurée)
-Il faut que je soie sûr. Fais-le, s’il te plaît.
Je commençai par méditer sur le fait que Jake et moi étions allongés côte à côte dans le même lit. Je visai sa tenue de nuit, consistant en un pantalon léger, remarquant du coup qu’il était torse nu. Pourquoi ? Pourquoi fallait-il qu’il joue avec mes sentiments comme ça ? Alors que Chris était porté disparu, en plus ? Mais si c’était une preuve qu’il voulais, je la lui donnerai.
-Et après, tu me laisserais tranquille ? dis-je, dans le doute
-Promis. On redeviendra de doux ennemis, après ça, dit-il avec un sourire en coin
Je pris une grande inspiration, et me rapprochai de Jake pour lui faire un petit bisou. Avant que je ne m’en rende compte, il m’attira à lui, pour donner une teneur plus sensuelle à notre échange de salive, en mettant sa main autour de ma taille sous ma chemise. Là encore, je ne me débattis pas longtemps.
Je ne savais pas pourquoi je n’arrivais jamais à résister à Jake. Et je me dis, après une courte réflexion, que c’était peut-être simplement parce que j’étais très épris de lui. Bon sang, quel enfoiré. Non seulement il ébranle en permanences mes sentiments pour Chris, mais en plus, il se dit amoureux de Sherry tout en continuant à me faire du rentre-dedans. Ce mec est vraiment compliqué, en fait. Moi qui pensais l’avoir cerné…
Je lui rendis son étreinte, et je me ressaisis au moment où sa main, sur ma taille, commença à glisser vers le bas. Mes émotions étaient assez partagées, sur le coup, mais seule l’une d’entre elles sortit, à ce moment-là.
-SALAUD ! aboyai-je
Et cet insolent s’est mis à rire. Je le poussai violemment, mais à une main, ce n’était pas très efficace. Ça le fit même encore plus rire. Il riait de mes efforts vains pour lui résister. Ma main tremblait sur son torse, et je bouillais encore plus. Il essaya de me reprendre dans ses bras, mais je me débattais encore.
-Du calme ! me dit-il. Ce n’est que moi.
Je fermai les yeux, je ne voulais pas voir sa sale tronche. Je m’attendais presque à ce qu’il me force à le regarder, mais il n’en fit rien, et se remit à ricaner.
-Pourquoi tu joues avec mes émotions comme ça ? dis-je d’un ton énervé, sans ouvrir les yeux. Tu n’as donc aucune idée de ce que je peux ressentir ?
-Bien sûr que si. Vu que je ressens la même chose.
Là, pour le coup, il m’a pris de court. Je rouvris les yeux, il avait repris son air sérieux.
-Tu crois que je me sens tout à fait bien avec toi ? Que je ne suis pas rongé par mon amour pour Sherry ? Parce que je sais que je l’aime de tout mon cœur, mais que je n’arrive tout simplement pas à t’oublier ?
Je ne pus rien répondre. Je le traitais d’égoïste de tout mon être, mais en fin de compte, il était dans la même situation que moi. Il avait juste une manière différente de la gérer. Un peu déplacée, certes, mais quand même. Je poussai un soupir, et il fronça les sourcils.
-Je suis désolé, Jake, dis-je d’un seul coup
-Pour ?
-T’être irrésistible.
Jake fit une tête plus qu’étonnée, et éclata de rire. Et je ne pus m’empêcher de rire aussi. Je me dis qu’à sa place, je me serais sans doute énervé encore plus, mais j’avais réussir à retourner l’humour pourri de Jake contre lui. Cela sembla lui plaire, et j’en étais content. Finalement, peu importe à quel point il m’énervait, il réussissait toujours à me faire sourire. Et accordons-nous sur le fait que c’était pas mal, comme qualité.
Il posa sa main derrière ma tête, pour attirer mon visage vers le sien, et j’eus une impression de déjà-vu.
-On va le retrouver ton Redfield, Piers, dit-il d’un ton doux. Je te le promets. Et je ne laisserai rien t’arriver. Quiconque te fera du mal connaîtra la plus dégueulasse des morts.
-Merci Jake, dis-je en rougissant un bon coup. Je sais que tu n’aimes pas Chris, alors c’est chic de ta part.
-Ce n’est pas pour lui que je le fais, je te signale. Enfin, si, un peu. Comme l’a dit Sherry, j’ai une dette envers lui. Mais je le fais surtout pour elle, et pour toi, parce qu’il compte pour vous.
Il avait dit “pour toi“ d’un ton presque mielleux, mais je ne relevai pas. Il fallait que j’apprenne à contrôler mes rougissements de groupie, bon sang…
-Chris compte pour Sherry ? dis-je d’un ton plus étonné que nécessaire
-Ben elle l’aime bien, en tous cas. Assez pour courir le sauver sans savoir à quoi s’attendre. Et peut-être qu’elle fait ça pour toi, aussi. Elle t’adore vraiment, tu sais ?
-Je le sais, dis-je avec un petit sourire. Et c’est réciproque.
-Tiens au fait, comment vous vous êtes connus ?
Je fus étonné que Sherry ne lui ait pas raconté ça, mais je ne fit pas la remarque. Je lui expliquai notre rencontre à l’École Militaire Supérieure, les cours que nous avons eus ensemble, avec nos points forts et nos points faibles – il fut d’accord avec moi sur le fait que cette petite blondinette cachait bien son jeu au corps-à-corps. Il me glissa un petit remerciement quand il comprit que c’était grâce à moi qu’elle était assez douée avec un fusil de précision, car, apparemment, cela les avait sauvé la vie quelques fois pendant leur propre expédition.
Je revins, avec une fierté presque pas dissimulée, sur le fait que Sherry et moi étions les meilleurs élèves dans tous nos cours, même ceux qu’on n’avait pas en commun, et Jake m’avait applaudi avec une ironie non dissimulée, elle aussi. Je lui mis un coup de poing joueur dans l’épaule, et il ricana. Finalement, j’en vins à notre séparation à la fin de nos deux ans d’école, et de reparler de ça raviva des vieilles émotions en moi. Cela me rappela également à quel point j’avais été content de revoir Sherry en Edonie, l’année dernière, et dans la base sous-marine, il y a quelques mois. Jake concéda ce fait, car il me dit avoir noté la tête que j’avais fait lorsque Sherry m’avait sauté dessus à ce moment-là. Je lui répondis que, moi aussi, j’avais vu la tête qu’il avait fait, et refit une grimace similaire, ce qui me fit bien rire.
-Au fait, depuis combien de temps sais-tu que tu m’aimes ? lui demandai-je soudain
-Hein ? Je ne sais plus trop. Je crois que j’ai parlé de ça avec Sherry quand on est sortis de la base sous-marine. Parce qu’elle m’avait demandé ce que je pensais de toi.
-Tu lui avais répondu quoi ?
-Que tu étais un petit con sympathique, s’esclaffa Jake
-C’est ça que tu appelles une déclaration d’amour ? grimaçai-je
-Je te fais marcher, rit-il encore. En fait, je me suis rendu compte que je t’aimais beaucoup quand Sherry m’a dit que tu étais porté disparu. Elle a bien vu ma réaction, et, quand on a appris que tu étais réapparu, elle m’a fait promettre de te dire tout ce que j’avais sur le cœur quand je te reverrai. En fait, quand je t’ai dit que je t’aimais à l’hosto, je n’en étais pas encore sûr. Et quand je t’ai embrassé, tout est devenu clair.
Eh bien voilà. Décidément, ce gosse avait un don pour mélanger les étapes, mais je n’avais pas le courage de le lui dire. Je me contentai d’acquiescer vaguement, conscient de la couleur que devait avoir mon visage en me rappelant du premier baiser torride que j’avais échangé avec Jake.
-Donc, maintenant que nous avons mis les choses au point, nous allons redevenir amis, reprit Jake
-Tu penses sincèrement que c’est possible ? Après tout ce qui s’est passé entre nous ?
-Des gens qui rompent y arrivent parfois, alors pourquoi pas des gens qui ne se sont jamais mis ensemble ?
-Tu marques un point. Maintenant dehors, que je m’habille.
-Tu n’as pas besoin d’un coup de main ? dit Jake en se léchant les babines
-Fous le camp ! dis-je en me marrant, et en le poussant sans succès
Jake rit aussi, mais m’obéit, pour une fois. Il se releva et sortit de la chambre. J’enlevai ma chemise de nuit, et en mis une autre au pif, que je trouvai dans un tiroir. Je vis, vu la taille, qu’elle appartenait à Chris. Je l’enfilai, en essayant de ne pas déprimer d’un seul coup, et cela marcha étonnamment bien. Je nageais dans cette chemise, ça me fit presque complexer. Mais en fin de compte, ça ne me déplaisait pas. Que Chris soit une armoire à glace, et parce que j’aimais les vêtements larges. Par contre, j’évitai de lui piquer un pantalon, je trouvai ça déplacé, et malsain. Enfin, ce qui l’aurait vraiment été, c’est que j’essaie ses sous-vêtements. Je ne pus réprimer un rougissement, et m’empêchai au dernier moment d’ouvrir son tiroir. Punaise, je devenais vraiment craignos quand je m’y mettais…
Je finis de m’habiller, et allait retrouver les filles et Jake à la cuisine. Lui ne s’était pas changé, par contre. Il buvait une boisson quelconque et le leva pour me dire bonjour. Je lui répondis d’un geste de la tête, et Sherry me sauta dessus, évidemment. Je mis mon doigt devant ma bouche, et elle me lâcha d’un air surpris. Je me rapprochai silencieusement de Claire, qui trafiquait quelque chose dans un coin de la cuisine.
-Bonjour Piers, dit-elle d’un ton amusé, alors que je m’apprêtai à lui faire peur
-Bonjour Claire, dis-je l’air de rien, alors qu’elle se retournait
-Tu as bien dormi ? Tu as l’air cassé en deux.
-Non, ça va, mentis-je du mieux que je pouvais. L’autre énergumène a été assez discret.
-Va te faire cuire, Malabar Bigoût, répondit Jake entre deux gorgées de boisson
Je ricanai, alors que Claire et Sherry se marraient bien fort.
-Qu’est-ce que tu as préparé pour ce matin, chef ? demandai-je en me penchant derrière Claire
-C’est une surprise, dit-elle en faisant un clin d’œil. Va t’asseoir, ça arrive bientôt.
Je ne cherchai pas plus loin, sachant à quel point Claire aimait me faire des surprises de ce genre, et je m’assis en face de Jake et Sherry, qui s’échangeaient des gorgées de boisson lactée. D’ici, je pouvais voir, d’après la couleur, que Sherry buvait un café et que Jake buvait un chocolat. Sherry me fit un petit sourire, que je lui rendis.
-Tu veux un peu de café, Piers ? me proposa-t-elle de son ton souriant habituel
-Non merci, refusai-je poliment. Mais je ne dirais pas non à un peu de chocolat, dis-je d’un ton sarcastique en regardant Jake, qui sirotait encore
Jake ne me répondit pas, se contentant de me faire un doigt d’honneur avec sa main libre. Sherry poussa un soupir, et fit une tête surprise quand elle vit que je ricanai encore. Je lui fis un clin d’œil, et, alors que Jake buvait son chocolat, je me penchai au-dessus de la table pour lui mettre la tasse en pleine poire. Sherry mit sa main devant sa bouche, avant de rire légèrement, et Claire, qui s’était retournée pour voir ce qui se passait, rit aussi. Jake posa consciencieusement sa tasse sur la table, son visage et son torse couverts de chocolat, et se leva sans dire un mot. Sherry et moi le regardâmes en silence, et, alors qu’il passait près de moi, il se pencha pour me prendre et me serrer contre lui, en frottant son visage sur le mien, et en me foutant du chocolat partout, du coup.
-En voilà du chocolat, enfoiré ! s’exclama-t-il d’un ton faussement énervé
Je commençai à pousser des cris, qui auraient pu paraître tendancieux sans leur contexte, en me débattant. Mais plus j’essayai de m’échapper, plus Jake me serrait contre lui, et plus je crus que Sherry allait mourir de rire. Finalement, ce fut Claire qui nous sépara, en nous envoyant nous changer. Enfin, Jake est allée prendre une douche pour se rhabiller, et moi je dus aller me changer. Je pris une autre chemise de Chris, et je revins dans la cuisine. Sherry me regarda d’un air curieux, et j’allai m’asseoir près d’elle, alors que Claire trafiquait encore.
-Tu as envie de me demander quelque chose, toi, non ? demandai-je à tout hasard
-Tes relations avec Jake semblent s’être améliorées. Je suis vraiment contente.
-Ouais. Je m’habitue à son caractère de merde, dis-je d’un ton amusé
-Je suis sûre que ce n’est pas que ça, dit-elle aussi amusée que moi. En tous cas, j’en suis très contente. Je vous aime vraiment beaucoup, tous les deux. J’aurais été très mal si vous vous détestiez.
-Tout comme je suis content que toi et Chris vous entendiez bien…
Là, par contre, ma déprime me revint en pleine poire. Je baissai les yeux, et Sherry mit une main sur ma joue bandée, avant de me refaire un gros câlin. Je la serrai contre moi, moi aussi. Elle aussi avait toujours eu le don de me remonter le moral, en fait. Et ce depuis bien plus longtemps que Jake. Nous restâmes ainsi sans bouger pendant une petite minute. Je m’attendais à ce qu’elle dise quelque chose, mais elle n’en fit rien, se contentant de passer une main dans mes cheveux, et en me serrant contre elle avec l’autre. Nous fûmes interrompus par Claire, qui posa une assiette devant nous.
-Pain perdu avec sauce caramel, annonça-t-elle. Régalez-vous les enfants.
Sherry et moi nous mîmes face à la table, et, au moment où Claire déposait une troisième assiette en face de nous, Jake revint de la salle de bains, en pantalon et avec une serviette sur les épaules – quel crâneur celui-là *rougissement* – et s’assit en face de l’assiette. Comme si elle l’avait appelé.
-Merci, lança-t-il à la cuisinière
-Pas de quoi. Ne traînez pas, on a rendez-vous avec Jill dans une demi-heure.
-Ça roule ma poule, déclara Jake en attaquant
-Jake ! s’exclama Sherry
-Quoi ?
Je ricanai encore, et Claire rit franchement, avant de revenir avec une assiette et de s’asseoir à côté de Jake. Nous mangeâmes en silence, et, une petite dizaine de minutes plus tard, nous allâmes finir de nous préparer pour aller retrouver le capitaine Valentine au QG du BSAA, où je n’avais pas été depuis un éternité.
Depuis cinq mois, le bâtiment n’avait pas du tout changé, en fin de compte. Je me sentais toujours autant chez moi, ignorant royalement les petits regards que certains soldats m’offraient. C’étaient surtout des nouveaux, à bien y regarder. Les anciens, eux, savaient qui j’étais, et me saluaient avec respect. Ils ne manquèrent d’ailleurs pas de remarquer la présence de Jake et Sherry, et répondis à leurs regards inquisiteurs avec un haussements d’épaule.
Jill nous attendait dans la salle de briefing, un air sérieux sur le visage. Qui se détendit un peu, toutefois, en nous voyant arriver. Nous nous installâmes en cercle, sur la grande table faite pour ça, et nous attendîmes les instructions et les informations.