Aesragen

Chapitre 17 : Notre faux-pas

7733 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/06/2020 20:41

Notre faux-pas


Par chance, fort désireux de pouvoir enfin se faire soigner, Tekris ne fut guère difficile à convaincre, en dépit d’une réticence première manquant de vexer profondément son chef d’équipe. Quoi, sa chambre possédait toutes les caractéristiques enviables : rangée, propre, parfaitement organisée…

Froide, songea-t-il malgré lui.

Au moins, le colosse ne mentait pas en affirmant être capable de marcher, permettant de s’assurer de la superficialité de la plaie. Ce n’était pas exceptionnel, mais il tenait sur ses pieds, et parvenait à aligner un pied devant l’autre sans trop de peine. Ainsi, Zair put le lâcher un instant, laissant à son frère la charge de leur coéquipier, le temps d’aller ouvrir la porte de la chambre de Zane.

Allongeant le colosse avec une douceur bien peu commune à sa personne, ce dernier envoya sa compagne chercher la trousse à pharmacie, rangée dans le deuxième tiroir à droite de la commode récupérée dans une autre pièce qui, de toute façon, n’en avait plus besoin.

– Ça va durer longtemps ? demanda le colosse alors que Zane désinfectait la plaie.

Une petite moue boudeuse brouillant ses traits encore légèrement ronds, le colosse ressemblait davantage à un garçon fâché de ne pas pouvoir faire ce qu’il voulait, qu’à un combattant capable de manipuler de puissantes attaques kaïru. Intérieurement, Zane le trouva presque… mignon.

– Pourquoi, tu comptes aller quelque part ? railla Zair, tendant les compresses à son frère.

– Hin hin, hilarant. Non, c’est juste que demain matin, il faudrait que je retourne dans mon lit avant le réveil de minipuce. Et puis, il déteste dormir tout seul, ça lui donne encore plus de cauchemars… Aïe !

– Oups, marmonna le vert, j’ai appuyé un peu fort.

Sagement, les deux autres s’abstinrent de tout commentaire. Franchement, Tekris ne pouvait pas cesser de penser deux minutes à ce satané talsi ?! D’autant plus qu’il risquait de faire sa tête de pioche, incapable de se tenir tranquille tant qu’il n’obtiendrait pas ce qu’il veut. Ne venait-il pas de le prouver un peu plus tôt ?

– Je peux peut-être y aller, proposa-t-il sans grande conviction.

Ni réelle envie. Mais cela valait toujours mieux que de se retrouver seul avec Tekris. À moitié dévêtu dans son propre lit… Stop, Zane ! Arrête de dévier, et concentre-toi !

– On veut éviter qu’il ait des cauchemars, pas les lui provoquer, ricana Zair, adossée contre le mur.

– Ah oui? siffla Zane, piqué au vif. Dans ce cas, vas-y, et ne reviens pas avant qu’il ne sorte des bras de Morphée !

Instantanément, l’adolescente cessa de sourire, quittant sur-le-champ son dossier improvisé. Une main plaquée contre la poitrine, elle s’écria, luttant pour ne pas hurler sa désapprobation :

– Jamais de la vie ! Je ne sais pas faire ça, et puis nous ne sommes pas proches !

– Il suffit juste de dormir dans le lit d’à côté, ce n’est pas bien compliqué, susurra Zane, jubilatoire.

– Même ! Les gosses, ce n’est pas mon truc ! Enfin, en-dessous de quinze ans en tout cas !

– Zair, vas-y ou je t’y emmènes de force !

Une petite minute encore, Zair bougonna dans la barbe qu’elle n’avait pas, tournant en rond sous le regard amusé de Tekris, presque totalement soigné. Zane, ravi d’avoir eu le dernier mot, la scruta, attendant le moment où elle se déciderait enfin. Car pour lui, aucun doute, elle ne faisait de la résistance que pour la forme. Finalement, après un dernier grommellement agacé, elle s’enfonça dans les ombres nocturnes en maudissant, dans sa langue natale, les décisions stupides de son chef d’équipe. Voilà, comme ça, la prochaine fois, elle arrêterait de l’enquiquiner !

Sauf que cela le laissait face à un autre problème, réalisa-t-il quand, son observation coupée par la fermeture du battant de sa chambre, il n’eut d’autre choix que de se tourner. Croisant les verres métalliques, derrière lesquels pétillait une lueur amusée, de Tekris.

Il déglutit péniblement. Seul, dans sa chambre, avec Tekris…

Frissonnant lourdement, il se détourna, versant une petite quantité de poudre blanche au fond d’un verre, remplissant ensuite avec de l’eau à ras-bord. Sans un mot, il le tendit au colosse, qui l’avala d’un trait. Sans même une hésitation, songea pensivement Zane. Quelque chose qu’il n’aurait peut-être pas fait lui-même ! Puis, il ramassa les chiffons ensanglantés ayant servis à nettoyer le flanc de l’adolescent. Son torse nu, sa peau laissée à l’air libre… Était-elle recouverte de chair de poule à cause de la température ambiante ?

Jetant brutalement les déchets dans sa corbeille, Zane se raidit machinalement. Rester concentré, voilà la clé ! Mais excepté un pantalon, et un caleçon, Tekris…

Suffit, se morigéna-t-il. Son camarade était blessé, certainement pas d’humeur à crapahuter !

– Est-ce que tout va bien ? résonna la voix du colosse.

– Oui, pourquoi ? Un problème ? Je fais un peu de rangement, voilà tout !

Le jeune homme se mordit la langue. Pas la peine de parler si vite, et si précipitamment !

Intrigué, Tekris s’appuya sur un coude, prenant garde à ne pas trop solliciter son flanc blessé, l’observant de longues minutes en silence. Caressant son menton, comme s’il cherchait à comprendre quelque chose.

– Jamais, tu m’entends ?! Tu n’aurais dû t’engager dans un combat sans être certain de la gagner ! aboya presque Zane, tentant de retrouver le rôle de l’adolescent colérique.

– La fille est intervenue avant que je n’ai pu désigner Zair comme adversaire. Elle a carrément sauté dans l’arène, en fait. Et tout ce qu’elle voulait, c’était se défouler, à mon avis. Dis, qu’est-ce que tu m’as donné, tout à l’heure ? Je ne sens presque plus rien !

Connaissant l’amour de son chef d’équipe pour le rangement, le colosse pensa à déposer le verre sur la table de chevet improvisée, tirant un mouchoir de sa poche pour protéger le bois. Une petite attention qui ravit intérieurement son vis-à-vis. Avant qu’il ne se reprenne son coéquipier se contentait d’user de son instinct de survie, pas de quoi s’enorgueillir !

– Des racines de drangkar, une plante de chez moi. Elle calme la douleur. Et parfois un peu le corps auquel elle appartient, c’est pour ça qu’elle est aussi efficace.

Et voilà, il venait de gâcher une denrée qu’il ne pouvait pas renouveler pour une simple écorchure au flanc ! Qu’en serait-il si une véritable blessure, à la douleur insupportable, surgissait juste après ?!

Peu importe, il en restait suffisamment pour quelques autres utilisations, se rétorqua-t-il pour lui-même, de parfaite mauvaise foi.

– Ah, c’est pour ça que je me sens un peu bizarre alors… Le résultat ne se fait pas attendre !

– Oui, la plante est particulièrement forte. En trop grandes quantités, c’est la mort assurée.

À croire qu’il en avait également pris, ajouta mentalement Zane. Il ne se sentait pas particulièrement dans son état normal non plus.

– Remarque, c’est l’occasion qui fait le larron… reprit le colosse. Ça fait un moment que je voulais te parler, en fait. Mais jusque-là, je craignais que tu t’énerves, alors que là, j’ai l’excuse de ton truc au cas ça ne te plaît pas, conclut-il malicieusement.

– N’espère pas trop. De quoi ? ne put s’empêcher de demander Zane, le cœur tambourinant contre sa poitrine.

Instinctivement, il se rapprocha du matelas, laissant le reste des objets non-jetables sur la commode. Sans un mot, doucement, il glissa sur les couvertures, s’arrêtant juste à côté du corps de l’adolescent.

– Eh bien, de minipuce… Je voulais te dire que c’est super que ça aille mieux avec lui, et qu’on arrive à quelque chose de pas trop mal en fin de compte, expliqua le colosse, troublé par cette soudaine proximité.

– Je me débrouille, murmura son vis-à-vis.

Depuis quand s’était-il rapproché au point de pouvoir fixer son coéquipier dans les yeux (enfin, autant que possible) ? Non, corrigea-t-il, il n’avait pas bougé ; simplement, son buste s’était penché.

Terrain glissant, réagit une alarme mentale. Il devait reculer, rapidement, repartir se coucher dans un coin de la pièce en attendant de reprendre le contrôle de son corps. Se montrer sec, cassant, afin de couper tout rapprochement… indésiré.

Certes, mais s’il désirait, au contraire, se trouver plus proche ?

– Tu t’en sors bien, enfin je trouve. Je sais que ce n’est pas à moi de dire ça, surtout à toi, mais là c’est super flagrant. Qui sait, il finira par s’endurcir, continua Tekris, la voix rauque.

– Je suppose. Dis-moi, et si nous parlions d’autre chose ? De trucs plus adultes ? rajouta-t-il, toute subtilité jetée aux orties.

Peinant à se concentrer sur son environnement, Zane ne sut pas comment, en l’espace d’une fraction de seconde, il se retrouva à effleurer les lèvres de son vis-à-vis, doucement. Avant de les presser prudemment, guettant une réaction de rejet, de refus, ou une crispation démontrant un manque total de spontanéité, prouvant que Tekris se laissait faire uniquement parce qu’il était son chef d’équipe.

Aucune de ces réactions ne vint troubler cet instant, lourd de sens, de désirs non-avoués, d’incompréhension, de questionnements. Empli de l’autre, sur le matelas, en face de lui. Rien d’autre n’existait pour le jeune homme, excepté la pression de plus en plus gourmandes de ses lèvres contres celles, rugueuses, du colosse.

Rapidement, ce dernier répondit à ce contact imprévu, encore indécis d’abord, puis d’une ferveur redue promptement au centuple par son vis-à-vis. Agrippant les traits dessinés du visage en coupe, Zane le poussa à incliner la tête, approfondissant leur baiser, luttant contre la brûlure pour l’instant circonscrite à son bas-ventre. Par n’importe quoi, il voulait bien se damner pour savourer encore la saveur des lèvres de Tekris !

Glapissant de surprise, il se laissa cependant aller au contact des larges main du colosse, glissées impudiquement sous son propre sweat. Avant de se concentrer uniquement sur conserver une parcelle de lucidité, aussi pénible cela soit-il. Y renonça rapidement, perdant pied à force de cajoleries manuelles, sur ses épaules surplombant pourtant son partenaire, le long de sa colonne vertébrale se courbant à la recherche de plus de contact, sur sa poitrine tout en s’attardant sur ses tétons plus sensibles qu’il ne l’aurait cru, son ventre musclé par des années d’entraînement intensif. Il pensa bien perdre la tête quand, joueur, Tekris s’amusa à jouer avec la ceinture de son pantalon, effleurant son bas-ventre sans aller plus loin.

Après tout, suite au stress de ces derniers jours, ce n’était pas mal de s’accorder un peu de décompression ? Et puis, l’attirance purement physique entre adolescents vivant sans cesse ensemble était fréquente…

– Ta blessure, parvint-il néanmoins à souffler contre les lèvres de son vis-à-vis.

En réponse, il n’obtint qu’un grognement vexé, et un plaquage buccal en règle. Oh, qu’il avait envie de rire, de sourire, de le serrer plus fort contre lui !

Il n’opposa aucune résistance quand son sweat passa par-dessus sa tête, reprenant promptement le baiser grossièrement interrompu avec passion, dévorant les lèvres du colosse sans que celui-ci ne paraisse s’en plaindre, encourageant Zane à continuer son traitement.

Trouvant sans doute que les préliminaires prenaient bien trop de temps, Tekris décida de prendre les choses en main. Agrippant les avant-bras de son compagnon, il prit garde à se relever sans trop tirer sur sa plaie, grimaçant suite à un faux-mouvement trop hâtif. Comprenant son désir, Zane appuya à son tour sur sa peau, se dressant sur ses genoux pour l’empêcher de le surplomber, l’obligeant ) pencher plus encore la tête si le colosse voulait garder le contact.

Un instant déstabilisé, Tekris finit par s’engager à son tour dans la « lutte », usant des mêmes techniques que son « adversaire ». Avant de se rappeler qu’imiter Zane ne menait jamais à la victoire. Dégageant sans crier gare ses bras, il en profita pour plaquer ses mains sur les épaules du jeune homme, exerçant une pression afin de le pousser à redescendre d’un cran, toujours à genoux, mais sans aller jusqu’à le brutaliser.

Refusant dans un premier temps de se laisser faire, Zane tenta de reprendre la main, poussant sur ses cuisses. En vain. Plaçant ses mains des deux côtés de son cou, Tekris l’attira contre lui, tout contre lui, usant de sa plus grande taille pour le garder à hauteur désirée.

Son Tekris, suiveur dans le sang, s’imposer de la sorte ?! Bizarrement, Zane ne s’en sentit que plus excité encore, émettant un profond bruit de gorge satisfait.

Pouvait-il, en réalité, se reposer sur les larges épaules du colosse ? Pouvait-il s’accorder le temps de…

Redevenant sauvage, Zane bascula par surprise son compagnon, le laissant retomber contre les coussins. Il pensait, encore, trop, et de ce qu’il ne voulait pas. Une attirance physique, se força-t-il à se répéter, rien de plus. Rien de plus normal à leurs âges ; sinon, comment expliquer que Tekris acceptait si facilement ses caresses ?

Visiblement plus expérimenté, le vert retira à la hâte les gants recouvrant ses mains, les passant d’abord sur la poitrine, obligé de détacher ses lèvres de celles de Tekris. Avant que l’autre n’ait pu protester, il se pencha, parsemant la peau agréablement tiède de baiser, s’arrêtant un instant sur les zones qu’il devinait érogène. Sentir le corps tendu sous ses cuisses, vibrant à chacune de ses tendresses spécifiques, n’aurait pas été aussi jouissif, s’il n’avait observé brièvement le visage su colosse. Tentant de le garder neutre, trahi par ses lourds soupirs et sa respiration ne cessant de s’accélérer…

Tekris qui parvenait, même pour peu de temps, à lui résister ? Zane en aurait feulé d’appréciation ! Mais il voulait tellement plus… Avoir affaire à un homme capable de le dominer, lui, son corps, ses doutes, un homme auquel il pouvait s’abandonner sans méfiance, qui pourra résister à son tempérament brûlant, voilà ce qui le faisait vibrer ! Les quelques conquêtes passées entre ses bras au gré de rencontres nocturnes furent soit trop facile à céder, ne lui apportant qu’un fugace plaisir soulageant seulement son corps, soit trop décidées à tout contrôler, le frustrant au point de tomber dans une partie de sexe trop malsaine pour convenir à son caractère déjà trop conquérant pour son bien.

Il voulait tellement que quelqu’un se donne la peine, jusqu’au bout, de le posséder sans le contraindre, sans lui céder… alors que paradoxalement, l’idée d’avoir la possibilité d’inverser les rôles selon son bon-vouloir faisait partie intégrante de son désir.

Perdu dans ses pensées, il se laissa surprendre par le brutal coup de rein du colosse, inversant leur position. Une petite grimace déforma ses traits, avant qu’il ne passe la main sur le bandage ceignant son flanc. Par chance, aucun fluide carmin ne vint tâcher ses doigts. Haussant les épaules, puisqu’il jugeait que cela ne valait pas la peine qu’il s’arrête, Tekris glissa ses doigts le long des cuisses de son partenaire, déboutonnant son pantalon, l’emmenant avec le reste des vêtements du vert tandis qu’il caressait sa jambe, de plus en plus bas. Soupirant de plaisir, Zane fit une chose jusque-là inconnue pour lui.

Il cessa de réfléchir, se laissant uniquement guidé par ses sensations, ses désirs.

Ôtant à son tour les derniers oripeaux de Tekris, il se cala plus confortablement sous son corps massif, redressant ses jambes contre celles de son presque amant.

L’adolescent s’enfonça d’une simple poussée brusque dans le corps de son partenaire.

Grognant de mécontentement, Zane mordit sans douceur la lèvre inférieure pressée contre les siennes.

– Espèce d’impatient ! Tu aurais pu être plus délicat.

– Toi, tu veux de la tendresse et de la douceur ? railla Tekris, essoufflé, les mèches de sa chevelure brune et violette collant à tempes.

Mutin, Zane fit mine de réfléchir. Voulait-il être traité comme une petite chose fragile ?

Malgré lui, il ricana. Bien sûr que non !

Cependant, le colosse lui laissa le temps de s’habituer à sa présence, caressant et embrassant chaque parcelle de peau à sa portée. Jugeant avoir assez attendu, Zane arqua les reins, poussant son compagnon à entamer le si désirable va-et-vient qu’exigeait son corps en feu, Tekris guettant ses réactions, sourcils froncés sous la concentration, craignant qu’un mouvement trop brusque ne le blesse.

Zane en aurait ri de nouveau, s’il ne se laissait pas plonger dans les affres si ensorcelants, si perturbants du plaisir. Son amant avait beau être plus qu’honorablement bâti, il ne craignait guère la douleur durant les jeux sous la couette !

Ses mouvements de bassin se calèrent sur le rythme des coups de rein de Tekris. Soupirant d’abondance, Zane s’abandonnait aux attentions de son partenaire, serrant les dents pour retenir ses gémissements au fur et à mesure qu’il atteignait l’apogée de son plaisir. Les gestes passionnés et maladroits de son partenaire indiquaient clairement un novice, ou un débutant ; les bribes de sa fierté refusaient catégoriquement de céder avant lui !

Dans un dernier souffle tremblant, Tekris s’assouvit en lui, la force de son dernier mouvement entraînant son amant dans la jouissance.

Se décalant doucement, prenant garde à ne pas retomber sur le jeune homme, le colosse se laissa choir sur le matelas, patientant quelques instants afin de retrouver une respiration normale. Encore perdu dans les limbes du plaisir, Zane se surprit à suivre du regard la ligne de ses traits, le dessiné de son corps, sa respiration saccadée. Rarement, devait-il avouer, avait-il pris son pied de la sorte.

Une simple pulsion destinée à évacuer la pression de ces derniers jours, se répéta-t-il une fois son cerveau capable de formuler quelques phrases. Qui venait de dépasser ses espérances. Alors, si jamais il se sentait de nouveau frustré, ou désirait se changer les idées, qui sait ? Il pouvait bien rendre visite de temps en temps à son coéquipier.

Réalisant être en train de planifier l’avenir, le jeune homme secoua vigoureusement le crâne, grognant d’agacement. Évitant la pente glissante de ses pensées, il décida de revenir à des sujets plus terre-à-terre, caressant distraitement les quelques mèches rebelles de son amant.

– Comment va ta blessure, après tout ce sport ? demanda-t-il, taquin.

– Je me débrouille, marmonna le colosse, prenant garde à se coucher sur son flanc indemne.

– Ce n’est pas une réponse.

Plissant le front, Zane laissa ses pupilles onyx s’assombrir volontairement – et pas de désir, cette fois. Le reflet d’une colère qui, chaque fois, faisait plier son coéquipier.

Et comme toujours, cela fonctionna à merveille, Tekris hésitant face au soudain revirement de son amant.

– Bon, d’accord, ça fait un mal de chien. Mais j’ai juste besoin d’un peu de repos.

– Parfait. Alors, bonne nuit Tekris, trancha Zane. Et ne t’avise pas de courir un peu partout pendant que je dors, j’ai le sommeil léger, je le saurais tout de suite.

– Donc, tu restes dormir avec moi ? s’étonna le colosse, inclinant la tête sur le côté.

Claquant la langue, émettant un tchkkk, tchkkk amusé, son vis-à-vis releva le drap sur son corps alangui, se coulant sous sa chaleur bienvenue.

– C’est tout de même ma chambre, je te signale, rétorqua malicieusement le vert. Maintenant, chut.

Ignorant le sourire en gâteau d’anniversaire lui faisant face, il coupa arbitrairement la lumière de la lampe posée près de sa tête de lit, restée allumée durant leurs ébats.

Mais qu’était-il en train de faire ? ne put-il s’empêcher de s’interroger.

Bah, il remettrait en place ses barrières dès le lendemain matin.


µµµ


– Mon Seigneur, réveillez-vous, il se passe quelque chose !

Marmonnant piteusement à propos de ses draps royaux et confortables l’attendant en vain au sin de sa luxueuse chambre, au palais, Koz lutta péniblement contre la fatigue menaçant de le plonger de nouveau illico dans les limbes du sommeil lourd propre aux âmes tourmentées. Quant il parvint enfin à soulever de quelques centimètres sa paupière gauche (la joue droite, écrasée contre l’oreiller, ne lui permettait guère d’effectuer cette pénible opération), son iris doré croisa un regard gris-vert penché sur lui.

– Tu as de très beaux yeux, Ézéchiel, balbutia le prince dans un demi-sommeil, et même si je ne me lasse pas de les regarder, ce n’est pas non plus une raison pour me réveiller à cette heure…

Pris d’un subit doute, Koz rassembla son énergie, se redressant lentement sur sa couche. Soupira de soulagement en constatant qu’effectivement, l’obscurité recouvrait d’une chape opaque l’entièreté de la jungle hideuse, empêchant le jeune homme d’observer mornement, une fois de plus, la vétusté de ses installations. Il ne manquait plus que l’astre solaire diffuse sa lumière brûlante dans le ciel répugnant et marécageux de ce satané Cambodge, pour que la boucle soit bouclée !

Cependant, alors qu’il redressait la taille afin d’exprimer dans une posture digne de ce nom sa désapprobation d’une telle intrusion, les traits tirés du jeune soldat accroupi l’arrêtèrent. Attribuant d’abord son expression à de trop nombreuses heures de sommeil fort peu reposantes, il remarqua, en observant plus attentivement encore le visage fin, qu’il n’exprimait qu’une inquiétude indécise. Comme si quelque chose l’effrayait, sans qu’il ne comprenne pourquoi, ni ne sache quoi en penser. Enfin, presque, une rougeur surprenante étant venue colorer les joues ocre du soldat.

– Qu’est-ce qui se passe ? demanda le prince, chassant d’un revers de main ses couvertures.

Un instant trop tard, il se souvint avoir été, la veille, trop fatigué pour enfiler autre chose qu’un caleçon. Pestant contre son manque de prévoyance, il fit pourtant mine de ne se rendre compte de rien, empoignant ses vêtements reposant, pliés et nettoyés, sur la petite table pliante occupant un des coins de sa tente. Alors que le regard d’Ézéchiel pesant dans son dos lui donnait envie de s’enfoncer tête la première dans ses couvertures en exigeant qu’il sorte, il continua à se vêtir, tentant de dissimuler tant bien que mal ses véritables impressions. Pas question de faire douter le roux sur sa capacité à gérer l’urgence en le voyant se précipiter. Pas question non plus que Koz le regarde.

Être Commandant était bien plus difficile que ce à quoi il s’attendait, enfant… Peut-être parce que son rôle, en tant que Prince héritier, était surtout de rester à l’abri des murs de son palais en donnant ses ordres à ses Ministres, et lesdits chefs de guerre.

– Illian m’a demandé d’aller vous chercher. Quelque chose de bizarre se produit, du côté du temple.

Si Koz se fiait à la moue frissonnante de son soldat, ce devait être particulièrement étrange.

Bouclant prestement son ceinturon d’arme, ne supportant en réalité que son X-Reader bien à l’abri dans sa pochette, il ouvrit le battant en trombe, sortant du relatif confort de sa chambre avec un vague regret. Une autre décision incompréhensible pour ses sœurs, sa volonté – toute nouvelle au départ, il devait bien l’admettre – de respecter le Code d’Honneur. Ce fut le fruit d’une longue réflexion ayant manqué de le laisser avec une migraine atroce, mais le prince avait conclut qu’en dépit de leur manie à enfreindre les règles, les Imperiaz n’avaient pas gagné tant de Défis kaïru que cela. Et puis, il lui fallait convaincre le monastère de sa bonne foi, s’il voulait que ses habitants acceptent de collaborer et lui laisser faire payer leur allégeance aux Radikors. D’ailleurs, où se trouvait Teeny en ce moment ?

Le prince se détourna rapidement de cette préoccupation. Tous ses hommes se trouvaient tirés de leur sommeil, couches laissées à l’abandon tandis que leurs propriétaires n’avaient pris de temps que d’enfiler un pantalon, des chaussettes par moments, voir une chemise pour les plus rapides. Seul Illian, en tête de file, voyait son corps recouvert d’une tenue intégrale – bien qu’il n’arborait guère le plastron de la famille royale, comme à son habitude. Noham lui-même, chassé de sa couverture médicale pour laisser la tente d’Ambrosios à sa princesse, et soutenu par son frère, faisait partie du groupe, bouche bée tout en clignant fréquemment des paupières. Tous regardaient en direction du temple découvert quelques jours plus tôt, y compris l’escorte de Teeny, postée tout autour de la tente médicale.

Et il comprit immédiatement pourquoi.

La première chose l’ayant frappé, en sortant de son abri de toile, fut l’affolement soudain de son X-Reader. Complètement survolté, le petit appareil s’était mis à détecter une quantité colossale d’énergie kaïru… à proximité. Malheureusement, il ne s’agissait pas d’énergie pure, vitale, comme elle était censée exister à travers l’Univers tout entier. Non, ce qu’il détectait était du kaïru obscur, la création de Lokar, fabriquée à partir du côté sombre de l’énergie originelle. Et cela ne pouvait rien signifier de bon.

Jaillissant de ce qu’il devinait être le centre du temple, un rai de lumière aveuglante transperçait le ciel, de sa couleur d’un pourpre-violet, aussi belle que dangereuse, naissant quantité d’éclats soulignant l’inquiétude peinte sur les traits des soldats. La pointe du faisceau, en touchant la voûte nocturne, se séparait en quantité d’autres jets ; si Koz pensa un instant à les comparer aux aurores boréales, il déchanta rapidement. Si les voiles évanescents du Pôle Nord donnait une impression de légèreté, flottant dans les cieux, ceux s’étalant sous ses yeux jaillissaient sous forme d’éclairs désarticulés, agressifs, tranchant leur environnement au lieu de s’en servir pour progresser. Pour l’instant, ces étranges manifestations restaient autour de leur pilier centrale, tournoyant dans une ronde programmée, quelques récalcitrants s’échappant pour fuser un bref instant avant de réintégrer sa place.

Ses hommes, une fois sa présence aperçue, s’écartant naturellement de son chemin, Koz n’eut aucun mal à rejoindre son capitaine, Ézéchiel sur les talons. Du coin de l’œil, il vit l’un des pans de la tente médicale s’ouvrir, laissant apparaître sa sœur, son corps encore fin recouvert d’une chemise de nuit turquoise à manches courtes, épousant parfaitement ses formes. Apparemment, elle n’avait pas pris le temps de revêtir un manteau, le bas de sa tenue frottant le sol poussiéreux, avant qu’elle ne le relève en plissant exagérément le nez. Eh oui, petite sœur, songea Koz, la terre battue et le soie ne faisaient pas bon ménage. Et la poussière tâchant les tissus n’allaient pas aider le liseré finement brodé autour du col du vêtement représentant une file de petites fleurs rouges, glissant en diagonale jusqu’à sa hanche.

– Rentre à l’intérieur, ordonna-t-il spontanément. Tu ne dois pas t’exposer dans…

Il ravala de justesse sa langue. « Dans ton état », avait-il faillit dire. Une erreur que ne lui aurait pas pardonné sa sœur, et qu’il peinerait à expliquer à ses hommes.

Il n’empêchait, croyait-elle vraiment qu’un bébé pouvait s’exposer à l’énergie mauvaise issue de Lokar sans conséquences ?! Il devrait le prendre en charge et le prétendre issu de ses reins, qu’elle fasse donc attention !

– Dans la jungle, à cette heure, corrigea-t-il.

Croisant les bras, arrêtée devant le seuil de ses appartements avant son retour sur Mandraliore, Teeny lui dédia un regard assassin. Son escorte, d’ailleurs, approchaient dangereusement la main du holster pendant à leur taille. Réagissant sans en avoir l’air, Giacomo sortit quelques sphères à énergie de sa sacoche, posée à ses pieds, s’en servant comme balles improvisées pour jongler avec une adresse que ne lui connaissait pas Koz. À ses côtés, Ézéchiel fit nonchalamment apparaître un poignard à plasma, jouant « distraitement » sans quitter des yeux le faisceau lumineux. Illian, pour sa part, tapotant le plat de son poignet de la lame de son épée plasma, faussement pensif.

Croisant les mains sur son giron, Teeny gratifia les soldats d’un regard désapprobateur. Koz devinait sans mal ses pensées : toute la force militaire de Mandraliore devait obligatoirement se soumettre à l’autorité de la famille royale. Hors, pour la première fois depuis des décennies, deux enfants royaux s’opposaient directement, là où le jeune prince se pliait normalement aux exigences de ses sœurs. Un conflit de ce genre n’était pas censé exister ; même, c’était tout bonnement impensable. Instinctivement, Koz eut l’impression que quelque chose venait de changer, presque imperceptiblement, sans identifier précisément quoi.

Agacée par ce petit numéro, dont elle ne voyait sûrement qu’une démonstration des hormones stupidement virils des mâles, là où Koz avait appris à reconnaître un établissement des rapports de force, Teeny fit signe à ses gardes du corps de cesser. Ignorant superbement les sourires satisfaits des hommes de son frère.

– Tu n’as pas à me donner d’ordres, je ne suis pas l’une de tes braves petits soldats prêts à obéir au moindre de tes désirs. À ce propos, la jungle ne semble pas profiter à la discipline que tu es censé instaurer à ton escorte. Tu ferais mieux d’apprendre à les diriger, sinon tu pourrais bien revenir plus tôt que prévu au palais !

– En es-tu vraiment sûre ? lâcha-t-il, glacial. Je suis certain que ça nous serait préjudiciable à tous les deux.

À la grande surprise de Koz, sa sœur, saisissant le sous-entendu, n’insista pas. L’iris de ses yeux noisettes, non dissimulé sous l’épaisse monture aux verres verts qu’elle retirait pour dormir, se fit absolument meurtrier.

Avalant péniblement sa salive, le prince s’empressa de se détourner, s’adressant cette fois à Illian.

– Depuis quand cette… chose est apparue ?

– Quelques minutes seulement. J’ai d’abord pensé que ce ne serait pas la peine de vous déranger pour si peu, mais vous m’avez clairement fait comprendre que vous souhaitiez être plus informé de ce qu’il se passe dans le camp. Aussi ai-je envoyé Ézéchiel vous réveiller.

– Oh ? Eh bien, c’est parfait, déclara Koz, prit au dépourvu.

Devant le hochement de tête approbateur de son capitaine, il se détendit sensiblement. Enfin, une fraction de seconde, avant de se souvenir de la situation. Relevant le poignet, il enclencha le X-Com y étant accroché.

Un long moment s’écoula avant que le grésillement caractéristique ne résonne. Tous les soldats retenaient leur souffle, autant intéressés par les manifestations surnaturelles des cieux, que par les gestes de leur chef.

– Ici Ky, j’écoute.

– Ky ? C’est Koz. Quelque chose de bizarre se passe ici…

– Je sais, coupa le chef des Stax. Maya s’est réveillée en gémissant, nous disant qu’une énorme quantité de kaïru obscur venait d’apparaître. Nous sommes en route pour le Cambodge. Nous serons là dans très peu de temps. Un coup des Radikors ?

– Aucune idée, avoua piteusement le prince. Mais ça m’étonnerait, personne ne les a vus depuis un moment.

Derrière le camp formé par les soldats, un son étrange frappa les oreilles de l’extraterrestre. Croyant d’abord que son imagination lui jouait des tours, il révisa son jugement quand plusieurs de ses compagnons froncèrent les sourcils, se tournant en direction du bruit.

– On dirait des cris, souffla David, frissonnant lourdement.

Furtivement, Eliau, à portée de bras, saisit sa main, la pressant fortement. Si rapidement que Koz, en d’autres circonstances, n’y aurait prêté aucune attention.

– Balthazar, tu es notre meilleur éclaireur, va voir ce qu’il se passe, ordonna le prince.

D’une révérence appuyée, l’intéressé fit volte-face, repartant au pas de course dans la sylve dense. Approbateur, Illian ne put empêcher un sourire de fleurir sur ses lèvres. De la fierté transparaissait dans la posture de l’homme. Perturbé, Koz retourna à sa conversation avec les monastèriens.

Il était toujours perturbant de réaliser qu’un homme, simple soldat plus proche de la mort que de son existence, le soutenait bien plus que son propre père.

– Restez vigilant, reprit Ky. On ne sait jamais, avec Lokar évanoui dans la nature.

– Bien sûr. J’ai certaines informations à vous communiquer, alors si vous pouviez passer au camp après…

Se mordant la lèvre, Koz faillit grogner de rage. Lui, obligé d’attendre le bon-vouloir des Stax !

– C’est à propos du gamin qui accompagnait les Radikors…

– Tu as trouvé qui il était ? s’étonna la voix de Boomer, pilote habituel du X-Scaper.

– Oui, des affiches ont été mises dans la ville de, heu, la grande ville pas loin d’ici, qui parlait de lui. Ça disait qu’il avait été kidnappé, il y a de cela un peu plus d’un mois maintenant.

– Les monstres, souffla Maya, un peu plus loin (rien qu’en entendant son intonation, Koz comprit à quel point l’immense quantité d’énergie l’affectait. Posséder le don de sentir le kaïru était aussi utile, que pénible par moments). Ils sont allés jusqu’à capturer un enfant pour servir les desseins de leur Maître.

– Pourtant, il ne m’a pas paru contraint, objecta Boomer.

Alors qu’il s’apprêtait à répondre, tout s’arrêta brutalement. Comme si quelqu’un avait coupé le courant, le faisceau pourpre disparut, emportant avec lui éclairs, tournoiements et autres manifestations. Un instant, plus personne ne parla, incapable de prononcer le moindre son. Les cris avaient également cessés, soulignant l’anormalité de ce qu’il venait de se passer. Le X-Com de Ky s’était brutalement coupé, sans explications.

Ce fut le retour de Balthazar, une poignée de minutes plus tard, qui ramena un semblant de réveil dans le campement. Le soldat surgit du mur smaragdin compact, chassant distraitement les lianes tentant de l’emprisonner dans leurs anneaux. Son visage habituellement ocre se trouvait paré d’une teinte ivoire, pâle, alors qu’il se dirigeait, hagard, vers son seigneur.

Il ne revint pas seul. Accompagnant le vieil homme, trois silhouettes surgirent à sa suite, à la grande surprise du prince. Personne n’avait entendu le son des pales du X-Scaper, en dépit du lourd silence pesant sur les environs ! Comment pouvaient-ils déjà être arrivés ?!

– Alors comme ça, tu as décidé de t’installer ici ? s’étonna Boomer, surpris de les trouver encore ici.

– Un de mes hommes avait besoin de repos, aussi avons-nous pris un peu de temps pour qu’il se remette.

Le blond hocha la tête, visiblement intrigué. Et il y avait de quoi ; sans les conseils d’Illian, le prince n’aurait certainement pas décidé de mettre tant de temps sa quête entre parenthèses.

– Mais nous pouvons maintenant reprendre la route, enfin, dans très peu de temps, ajouta-t-il, coulant un regard agacé en direction de la tente médicale.

Se tournant vers Balthazar, hésitant entre s’incliner et rendre son repas, le jeune homme lui fit signe de parler d’un geste brusque du poignet.

– Eh bien, raconte ! Le pressa Koz, impatient. Qu’as-tu vu ?

Déglutissant bruyamment, Balthazar inspira profondément, se forçant à relever le menton.

– Des créatures, mon prince. À peine une demi-douzaine, comme des fantômes. Mais en violet, parées de reflets bleus sombres. Elles.. volaient, plus rapides que n’importe quel animal !

– Oui, et alors ?

– Il y avait un village, en contrebas… Pas beaucoup de monde, mais ces créatures, elles n’avaient pas de coeur, pas de pitié… Elles semblaient comme douées de tactique, continua le soldat, plaquant ses bras contre son corps comme s’il avait soudainement froid. J’ai vu l’une d’entre elles enflammer une maison, sans torche, comme si elle venait d’employer une attaque kaïru, et empêcher ses habitants d’en sortir.

Koz crut avoir mal compris. Le regard d’Illian, feu ardent couvant sous la braise, le détrompa.

– Par le Redakaï, souffla Maya, gorge nouée.

– Ces créatures, peux-tu les décrire ? intervint Ky, aussi révulsé que sa compagne.

Interrogeant son prince du regard, Balthazar finit par hocher affirmativement la tête, une fois son approbation obtenue.

– Un peu comme de la brume, mais reprenant consistance solide à sa guise, jusqu’à former des silhouettes humanoïdes. Toujours la même, celle de jeunes hommes au menton carré et aux cheveux courts. L’une a complètement repris consistance, et on aurait dit un être vivant ! Enfin, avant qu’elle ne reparte à l’attaque.

Une vague glacée se répandit à travers les corps des quatre combattants. Illian et Ézéchiel, également, au courant des derniers évènements ayant secoués le Redakaï.

– On dirait presque la description des Hiverax, fit Maya, résumant ce que chacun pensait tout bas.

– Les quoi ? intervint Giacomo.

– Ça suffit, coupa Illian, voyant l’expression de Balthazar virer au verdâtre. Plus tard. Contentez-vous de ce que nous avons, la nuit a été assez éprouvante. Pour le moment notre homme doit se reposer.

Cherchant l’approbation de son prince, ce dernier la lui accorda d’un signe de la main. S’inclinant à son tour, le capitaine releva le soldat, l’enjoignant à rejoindre sa couche. Avant de lancer quelques ordres, brefs, pour disperser la nuée d’hommes serrée pour en entendre le plus possible.

Mieux valait pour l’instant éviter de semer le vent de l’inquiétude, voir de la discorde si jamais les soupçons se confirmaient, parmi ses hommes. Gérer Teeny, et son départ pressant, se révélait assez compliqué pour qu’autre chose ne s’y rajoute.

– Je croyais que Lokar avait détruit les Hiverax ? déclara Ky, une fois le cercle réduit aux quatre combattants.

– Tout le monde les as vus se faire désintégrer, confirma Maya. À croire que Lokar a réussi à en fabriquer de nouveaux plus… prompts à lui obéir. Dépourvus d’initiative, mais dotés de stratégie.

– Des sortes de Hiverax 2.0 ? proposa Boomer sans grande conviction.

Dans un soupir las, Koz leva les bras en signe d’impuissance. Un village entier, détruit par quelques… créatures ? Créées par Lokar, en plus de tout ? Quel était le rôle des Radikors, et des Hiverax, dans tout ça ? Et les habitants…

Pris d’une brusque nausée, il plaqua une main sur sa bouche, titubant. Une main fine saisit son avant-bras, sa compagne se posant sur son bras, afin de le soutenir. D’un regard, il remercia Ézéchiel, reconnaissant de l’absence de commentaires du jeune homme suite à sa faiblesse.

– Koz, appela soudainement la voix rauque de sa sœur.

– Bon sang, Teeny, je t’avais dit de rester dans ta tente ! Grogna-t-il.

– Teeny est ici ? s’étonna Ky. Je la croyais sur votre planète ?

– T’en fais pas, elle va y retourner très vite, grogna le prince.

Comme si il ne fallait pas gérer suffisamment de problèmes comme ça ! Mais sa sœur ne se démonta pas, franchissant d’une démarche provocante le cercle des hommes entourant le jeune homme, tout en ignorant grossièrement les Stax, tout juste arrivés. Une façon de se déhancher que Koz ne lui connaissait pas, enfin, avant l’annonce de sa grossesse. Elle ferait mieux de ne pas attirer autant l’attention…

– Au lieu d’enrager, tu ferais mieux de consulter ton X-Reader, déclara-t-elle, soulevant le sien à hauteur d’épaule.

Méfiant, Koz la fixa longuement. Soupirant devant ce qu’elle qualifia entre ses dents de « comportement puéril », Teeny lui tendit le petit appareil, une lueur d’avertissement lui interdisant tout coup bas.

Baissant les yeux sur l’écran doré, le prince écarquilla légèrement les yeux.

– En même temps que ce machin est apparut dans le ciel, mon X-Reader a détecté une quantité d’énergie kaïru au moins égale, à l’autre bout du globe. Très brièvement, mais suffisamment pour que je copie les coordonnées, expliqua la jeune femme.

– C’est vrai, nous avons eu le même phénomène avec le X-Scaper, expliqua Boomer.

Devant l’incompréhension de son frère, elle soupira ostensiblement, reportant les données sur la carte du monde contenue dans la mémoire du boîtier.

– La forteresse de Lokar ? comprit Koz. Mais pourquoi un truc semblable aurait été détecté pile à cet endroit ? Le Redakaï a fouillé les lieux peu de temps après la disparition de Lokar !

Soudain, il réalisa le superflu de son interrogation. Qui donc aurait le culot de s’installer à l’endroit même où personne ne penserait qu’ils oseraient ? La meilleure cachette n’était-elle souvent pas la plus visible ?

– Illian, organise le démontage du camp entier. Je veux que dans une heure, tout le monde soit prêt à partir !

– Pardonnez-moi, mon seigneur, mais je vous demande la grâce de m’offrir deux heures de votre temps, afin d’organiser en toute sécurité le retour de la princesse sur sa planète. À moins qu’elle ne souhaite s’exposer davantage ?

Pour un peu, Koz en aurait embrassé son capitaine !

– Ne vous en faites pas, intervint Teeny avant que son frère ne puisse répondre, je ne m’attarderais pas.

– Et les Stax ? demanda Ézéchiel d’une voix feutrée, intimidé de prendre la parole et de s’adresser personnellement à son prince.

– Nous allons enquêter sur cette brutale attaque, déclara Ky. Puis nous vous rejoindrons sur place.

Soupçonneux, il observa le prince à la dérobée. Aucun doute, le chef des Stax craignait qu’il ne se serve de ce que renfermait le temple à son propre profit. Tant mieux, il comptait bien être celui infligeant une défaite mémorable à l’insupportable trio, dernier fidèle à Lokar !

– Très juste, à un détail. Caddar ? l’interpella Koz.

L’intéressé se redressa, raide comme un piquet, une lueur curieuse dans le regard.

– Tu te chargeras d’assister les Stax, et de me rapporter les découvertes ainsi faites, pour ne pas que les Stax alliés ne perdent du temps à expliquer ce qu’il s’est passé. Et comme ça, je verrais bien si je peux te faire confiance.

Le jeune homme n’attendit pas la réponse de son nouveau soldat. S’engouffrant en hâte sous sa tente, refoulant le souvenir de la macabre découverte de Balthazar, il s’empressa de rassembler ses affaires, rapidement rejoint par Féris sur ordre d’Illian, afin de l’aider à préparer le départ.

Enfin, après tout ce temps dans la jungle affreuse et moite, il tenait une piste sérieuse pour retrouver les Radikors ! Et il ne comptait pas la laisser lui filer entre les doigts.

Sans compter les… dispositions qu’il comptait prendre, au sujet du gamin les accompagnant.


----------------------------------------------------------------------------------


Bonjour, ou bonsoir !


Petite précision pour bien comprendre la pensée de Zane, en anglais, « teens » signifie « adolescents ». La suite arrive bientôt, et normalement il y aura de l’action !


Comme d’habitude, j’espère que cela vous aura plu ! Si c’est le cas (ou pas, pourquoi pas ? :D), n’hésitez pas à laisser un commentaire, je suis toujours ravie de les lire et d’y répondre !


Laisser un commentaire ?