Aesragen
Apparences trompeuses
– Mon seigneur, voici les informations que vous m’avez demandées, déclara Illian, écartant le rabat du pavillon aux couleurs de la famille royale.
Morose, Koz tendit machinalement la main, marmonnant dans sa barbe contre le retard prit par son officier. Par les saints, pourvu qu’Illian ne se trouvait pas occupé à forniquer dans tous les coins avec l’un des hommes de sa garde rapprochée ! Enfin, de son contingent. De son groupe armé ? Bah, quel intérêt à se creuser la tête, même officiellement, les soldats l’accompagnant ne se trouvaient guère plus considérés qu’un peloton de recherches. Et encore. Pourquoi donc, avec une telle réputation traînée dès sa formation, plus d’une dizaine d’hommes vinrent se ranger sous sa bannière ?
Et à présent, il en avait trois de plus sous ses ordres, soupira-t-il en feuilletant les pages données par Illian. Caddar Ewin, Dolg Hellu et Mynnyd Repal.
Encore que, il ne se plaignait pas d’avoir davantage de forces armées sous ses ordres, ce n’était jamais assez face aux Radikors soutenus par Lokar, ainsi que le comprit rapidement Koz. Ce ne fut pas non plus l’inquiétude de devoir à présent nourrir trois bouches supplémentaires, en tant que prince, il disposait de crédits à peu près illimités, une partie ayant été fournis par sa sœur en même temps que son arrivée. Et au pire, sa cassette personnelle, arrogée par les droits du sang, suffirait à nourrir une armée entière pendant au moins un an. Son royaume ne figurait pas parmi les plus riche de l’Univers, néanmoins il n’avait pas à se plaindre d’une quelconque précarité.
Non, le véritable problème, et la raison de la nervosité croissante du campement, résidait en huit visages, aka l’escorte personnelle de Teeny. Restés un instant en arrière – sur ordre de leur maîtresse, comme il l’apprit plus tard, afin qu’elle puisse lui parler de son… petit problème –, les gaillards avait rapidement surgit du couvert des bois, s’appropriant la majorité des espaces de base réservés aux soldats de Koz. Par chance, une bonne moitié des gêneurs restait en permanence autour de la tente logeant la princesse, néanmoins le reste continuait de faire allègrement des siennes, abordant le contingent du prince que s’ils ne pouvaient faire autrement, et toujours de manière condescendante. Il se doutait bien que son initiative de retourner sur Terre, alors que rien ne l’y obligeait, ne fit pas que des heureux sur Mandraliore ; hélas, le comportement de la garde de Teeny en disait long sur l’état d’esprit des habitants de sa planète… Sans parler des nouvelles recrues, totalement incertaines quant au comportement à adopter, puisque tant que la princesse resterait parmi eux ils ne seraient ni membre à part entière du contingent de Koz, tout en ne faisant plus partie de l’armée de Mandraliore.
Si les choses continuaient à se rythme, Koz craignait qu’une explosion ne finisse par venir, cela se voyait rien qu’en observant les mines renfrognés de son contingent, les soldats rongeant leur frein tout en s’efforçant d’ignorer les intrus. Plus d’une fois, Ézéchiel lui-même était intervenu alors qu’Illian se trouvait occupé ailleurs, apaisant les tensions malvenus d’un murmure avisé ou d’une tape sur l’épaule, s’arrangeant pour que Koz n’ait pas à supporter les querelles en plus de la mauvaise ambiance alourdissant l’air.
Vraiment, il appréciait énormément les efforts de ses deux seconds, cependant cela lui rappelait douloureusement son inexpérience en matière de commandement. Et dire qu’à une époque, il se croyait au minimum suffisamment fort pour battre les Stax, voir les Radikors, à seul contre trois ! D’ailleurs, si Teeny pouvait se dépêcher de retourner sur leur planète natale, cela lui ferait le plus grand bien !
Le jeune prince soupira lourdement, passant une main sur son crâne. Il n’eut jamais une chevelure de l’éclat et de la douceur de sa sœur Diara, et il s’en accommodait fort bien, mais ce soir, il manqua lâcher un juron furieux quand ses doigts se prirent dans un nœud fort malvenu. Évidemment, en plus de tout, un rien l’énervait en ce moment également ; comme si la mauvaise humeur de ses hommes l’affectait.
Devant le mutisme obstiné de son supérieur, Illian hésita un bref instant, croisant les bras pour tenter de maîtriser une étrange tension, dont Koz ne comprit pas l’origine. Ah, si, sûrement le pensait-il furieux d’avoir tardé, vu l’humeur massacrante du jeune homme ces deux derniers jours. Bien évidemment, Teeny s’efforça de s’interroger à voix haute sur ce soudain revirement : avait-il donc quelque chose à cacher, pour se comporter de la sorte ? Décidément, elle était déterminée à lui faire porter la responsabilité de l’enfant…
– Pardonnez-moi, reprit le Capitaine. J’ai dû m’attarder un instant, Killian se disputait avec Ézéchiel devant le feu. J’ai pensé qu’il valait mieux les arrêter avant que cela n’aille plus loin, et…
– Quoi ? Pourquoi diable Ézéchiel chercherait des poux dans la tête à… son collègue ?
Il faillit dire « à un homme deux fois plus grand que lui ». Pas une seule fois le roux à la chevelure flamboyante, depuis son départ de Mandraliore, ne se retrouva impliqué dans quelconque bagarre, ou autre histoire de ce genre, préférant se tenir à l’écart des velléités belliqueuses masculines, choisissant davantage de régler les conflits que de les provoquer. L’un des seul à se tenir chaque fois à carreaux, et semblant croire réellement en Koz, pas seulement en son objectif final, ni être guidé par une croisade vengeresse contre Lokar et ses sbires. Autant dire que cette nouvelle surprenait Koz au-delà des mots.
De plus, dans un face-à-face, la frêle stature du roux ne portait pas le prince à parier sur ses chances de s’en sortir indemne. Particulièrement face à Killian, l’un des plus grands et des plus imposants hommes du contingent.
Décidément, l’art militaire ne correspondait aucunement au jeune garçon. Koz sourit malgré lui quand son regard se posa sur le plateau qu’Ézéchiel plaça avec discrétion sur la petite table pliante, une demi-heure plus tôt. Craignant de déranger son seigneur, il s’était contenté d’un bref salut, patientant quelques secondes en silence derrière l’épaule du prince, le dévisageant avec intérêt jusqu’à ce que celui-ci lui fasse signe de repartir. Une autre étrangeté, ça : si Koz demandait à Noham, ou n’importe qui d’autre de lui apporter son repas, l’intéressé l’oublierait probablement une fois sur deux, ou entrerait accomplir sa tâche accompagné d’un fracas digne du roulement du tonnerre dans le ciel. Pas par défi, simplement parce qu’il ne savait pas s’y prendre de la même façon qu’Ézéchiel, soulevant le battant de la tente à l’aide du dos de sa main, aussi léger qu’un courant d’air, avant de déposer son plateau sans rien déranger autour.
– Eh bien, en réalité, c’est Killian qui, apparemment, aurait déclenché les hostilités.
– Allons bon, qu’avait-il encore, cette fois ?
Peut-être devrait-il toucher deux mots au soldat sur son attitude belliqueuse ? Sûrement, mais comment aborder le sujet ? Il ne savait pas encore parler correctement à ses hommes, alors un sujet aussi délicat…
– Rien d’important, s’empressa de répondre Illian. Vous connaissez Killian. Le problème est réglé.
Un peu mieux depuis quelques jours, songea Koz. Depuis qu’il avait surprit le soldat en plein ébat avec Giacomo, dans les sous-bois, il n’eut guère l’occasion de s’entretenir de ses déviances particulières en compagnie d’Illian. Le temps ne manquait pourtant pas, le groupe étant obligé de stationner en attendant la remise en forme de Noham. Néanmoins, le prince ignorait toujours comment engager la conversation, alors qu’il le soupçonnait justement d’entretenir une relation plus qu’amicale avec Ézéchiel.
– Aucun blessé n’est à déplorer, et Killian devra s’occuper du montage des tentes de ses camarades chaque jour pendant une semaine, rajouta prudemment le capitaine.
– Une sage décision, grommela Koz, morose.
Il était censé être à la tête du contingent de soldats, pourtant il éprouvait l’impression qu’Illian endossait ce rôle plus souvent que nécessaire, pendant que son prince s’échinait à retrouver la trace des Radikors. Aucune intention de prendre la direction des opérations, cependant, ne transparaissait dans l’attitude de l’homme, qui se contentait d’effectuer les tâches que son prince oubliait. Et pas une fois, le capitaine ne s’était plaint du travail que cela lui rajoutait, en plus des leçons prodiguées à son protégé. Une situation commençant à agacer fortement le jeune homme, qui réalisait peu à peu à quel point il s’appuyait sur son second.
– Mais la prochaine fois, prévenez-moi.
– Ne vous en faites pas, je peux très bien me charger de ces menus dérangements. Il est hors de question que notre prince ait à supporter de telles querelles alors qu’il se charge d’une tâche d’importance vitale pour sa planète.
– TA planète aussi, Illian ! Et alors quoi, je n’ai même pas le droit de savoir pourquoi mes hommes se disputent ?! s’emporta Koz, tapant du poing contre le rebord de son lit.
Se redressant, il toisa son capitaine en tentant de prendre une pose autoritaire, passant nerveusement sa langue sur ses lèvres. Surpris, celui-ci se tut, écarquillant légèrement les yeux. C’était la première fois que le prince élevait ainsi la voix à son encontre, et l’effet se révélait des plus… saisissant.
– Bien sûr, murmura le quadragénaire. Pardonnez-moi si je vous ai offensé.
– On me cache des choses, Illian, et je veux savoir quoi ! reprit Koz, marchant de long en large dans sa tente.
Se concentrer sur toute autre chose, voilà qui était excellent pour chasser sa sœur, et le bébé qu’elle portait (bon sang, son bébé si tout se déroulait selon les plans de la jeune femme ; quelle idée de tomber enceinte à à peine dix-huit ans !), de ses pensées. Et si l’enfant avait les cheveux blancs, comme sa mère ?
– Alors ? tonna-t-il, crispant les poings.
Bien sûr qu’il allait accepter de prendre le bébé en charge, il le savait dès l’instant ou Teeny lui exposa son idée ! Depuis toute petite, elle n’en faisait qu’à sa tête, peu importe ce que pouvaient lui dire les gouvernantes ou même leurs propre parents. Sans parler que Koz finissait toujours par céder à ses sœurs. Et Diara, favorite de leur père, se révélait pire encore quand il s’agissait de rapporter qu’il n’avait pas voulu aider la jeune blonde, le prince s’attirant immanquablement des réprimandes…
– Réponds, maintenant !
– Je vous en prie, gardez votre calme, les hommes vont se demander ce qu’il se passe, répondit Illian d’un ton posé, que démentait la trop grande raideur de ses articulations. Je ne vois pas comment nous pourrions cacher quoi que ce soit à vous, notre prince. Peut-être êtes-vous fatigué, souhaitez-vous vous étendre avant que nous ne reprenions cette conversation ?
– Et pourquoi ne pas, plutôt, m’avoir demandé pourquoi je crois ça ? À moins que vous ne vouliez pas savoir, justement, et que vous êtes dans le secret !
Impassible, le capitaine avait retrouvé son calme, bras le long du corps, soutenant sans faillir le regard du prince. Impossible pour ce dernier de deviner les pensées du quadragénaire en ce moment précis, et au fond cela ne l’intéressait guère. Qu’Illian prétende donc ce qu’il voulait, et…
Soudain, Koz réalisa quel sens l’homme pouvait donner à ses paroles. Lui-même amoureux d’Ézéchiel, Illian pensait sûrement avoir été découvert, s’inquiétant pour son avenir et celui de son amant. Il se sentit vaguement honteux d’utiliser les sentiments de son capitaine dans le but de se défouler de ses propres problèmes personnels ; mais après tout, n’était-il pas le prince ?! S’il ne voulait pas se frotter à son courroux, alors autant ne pas le provoquer ! Koz avait bien le droit de vie ou de mort sur les hommes de son contingent. Le peu d’inquiétude exprimée par Illian tendant à alimenter sa colère sous-jacente. Un instant, il eut l’idée de le confronter à ses sentiments envers Ézéchiel, juste pour lui prouver que son ignorance se révélait bien moins profonde que les soldats ne pouvaient le croire.
Oui, mais si justement le capitaine n’angoissait pas pour sa situation, n’était-ce pas justement parce qu’il n’avait rien à se reprocher ? Et pouvait-il faire cela au premier homme qui le soutint quand il annonça partir traquer les Radikors, à l’homme qui lui enseigna ses premiers maniements des armes ?
À celui qui prétextait devoir parler de toute urgence avec le petit prince qu’il était quand l’orage tonnait, afin de ne pas le laisser seul quand la foudre se déchaînait ?
– J’ai surpris, l’autre jour, Killian et Giacomo en pleine… déviance, avoua-t-il, préférant garder pour lui ses soupçons vis-à-vis du capitaine.
– En pleine « déviance » ? s’interrogea Illian. Je ne comprends pas bien. Organisaient-ils des paris illégaux ?
– Quoi ? Non, pas du tout. Ils étaient en train de, euh…
Tentant de mimer un baiser, Koz se heurta aux sourcils incrédules d’Illian.
– Ils torturaient un animal en le noyant ? tenta de nouveau le quadragénaire.
– Mais non, enfin ! Ils faisaient, vous savez, ce que font les grandes personnes…
– Ah, ils se soûlaient ? Effectivement, c’est problématique.
– Non, enfin ne me dites pas que vous ne comprenez pas !
– De la drogue ? Des scarifications ? Ou, non, ne me dites pas qu’ils pratiquaient… la zoophilie ?
Éprouvant l’espoir qu’Illian ait comprit quand il entendit son hésitation, Koz poussa un grognement agacé, se laissant choir sur le matelas martelé par de nombreuses nuits plus ou moins crasseuses.
– Je vous parle de déviance, ce devrait être clair pourtant ! ragea-t-il.
Il ne voulait pas avoir à le dire lui-même ! Pas avec sa sœur dans le même camp que lui, à quelques tentes de là ! Si jamais elle eut l’idée de laisser traîner ses oreilles, qui savait ce qu’elle irait raconter à ses parents ? Ou pire, qui savait quelles rumeurs circuleraient, si au contraire son escorte entendait ce qu’il allait dire ?
– Oh, je vois, fit enfin Illian. Vous devez parler de ce que le peuple de Mandraliore appelle des « mœurs sodomites », n’est-ce pas, mon seigneur ?
– Exactement ! s’écria joyeusement l’intéressé. Vous avez compris !
– Et alors ?
L’euphorie de Koz retomba comme un soufflé. Il s’attendait à pléthore de questions, d’exclamations, voir de reproches sur son imprudence à être allé se promener, seul, en pleine nuit, à la limite. Mais ça…
– Je… Mais… Vous comprenez bien le problème que cela représente ?!
– Pardonnez-moi, mon seigneur, mais non, pas très bien, répondit le capitaine avec un aplomb que Koz lui envia. Tous les adultes consentants vont dans des recoins sombres pour, eh bien, vous voyez ? Je crains de ne pouvoir vous décrire précisément le processus, cela serait inconvenant.
– Mais ce sont deux garçons ! Imaginez ce que diraient mes parents si ils l’apprenaient ? s’ébahit le prince.
– Nul besoin qu’ils ne le sachent alors, déclara Illian sans se départir de sa posture impassible, bien qu’il conservât la tête humblement baissée. Que je sache, cela ne fait de mal à personne. À condition que l’un d’entre eux soit correctement préparé, je suppose.
Koz manqua s’étouffer avec sa propre salive, tant il crut nager en plein délire. Non seulement Illian s’en fichait comme d’une guigne, mais en plus, il se permettait d’en plaisanter ? Au vu de ses propres activités, la bienséance voudrait qu’il se montre un minimum contrit. Certainement pas moqueur !
– Je ne peux pas leur cacher, c’est tellement, eh bien, impensable !
– Et pourquoi donc ? demanda doucement Illian.
Le capitaine posa avec affection sa main sur l’épaule du jeune prince. Ne craignait-il donc pas les conséquences, en se montrant si décontracté ? Cependant, Koz se sentit soulagé de sentir le poids rassurant de la main de l’homme. Comme s’il voulait l’encourager, ou le soutenir.
– Eh bien, ce n’est pas naturel…souffla l’intéressé, conscient de la faiblesse de sa réponse quand elle franchit la barrière de ses lèvres. Je veux dire, pas habituel…
– Tout dépend d’où l’on se trouve, sourit le capitaine.
– Moi je viens de Mandraliore, et je sais que ce n’est pas bien considéré.
Mais déjà, le jeune prince sentait qu’il perdait le contrôle de la conversation. Affalé contre le tissu de la tente, il eut l’impression l’impression que ses muscles s’engourdissaient, subissant le contrecoup de ces dernières semaines éprouvantes à sillonner la jungle cambodgienne.
– Et moi, je sais que l’amour est masculin au singulier, et féminin au pluriel, déclara Illian, sibyllin.
– Aimez-vous Ézéchiel ? demanda brusquement Koz.
Illian ne put masquer son étonnement, cette fois-ci, reculant d’un pas. Aussitôt, le jeune prince regretta cette question impulsive, à laquelle il n’avait pas vraiment réfléchie avant de la poser. Mais il devait savoir, même s’il ne comprenait pas tout à fait pourquoi la réponse lui tenait tellement à coeur.
Le plus âgé retint un instant son souffle, son regard hésitant se promenant sur les quelques affaires constituant le mobilier de la tente. Au-dehors du dôme de toile, des rires moqueurs s’élevèrent, suivis d’une protestation amusée plaidant qu’elle avait bien abattu un jaguar quelques minutes seulement auparavant. Koz reconnut le timbre de Féris, à l’espèce d’accent traînant et sa manie de rajouter des « m » entre deux mots.
– Pas de la manière que vous vous imaginez, finit par souffler le quadragénaire. Je ne me sens plus capable d’éprouver une attirance quelconque pour qui que ce soit de toute façon.
Par le rabat brodé d’or, Koz vit sa sœur jaillir du pavillon médical. Aussitôt, toutes les conversations se turent, tandis que les soldats lui adressaient tous un vague signe du chef pour la saluer. Deux des trois soldats ramenés avec elle se tenaient près de l’entrée, lorgnant d’un œil envieux leur dernier compagnon qui, avant la soudaine apparition de Teeny, avait osé se mêler aux hommes de Koz, chuchotant à l’attention de David et Lohan de mystérieuses phrases que personne, à part le trio, ne pouvaient entendre. La jeune femme réclamant le silence, et l’apport d’une part de tarte dans sa tente, les hommes rassemblés obtempérèrent, murmurant plus bas encore en s’efforçant de rire sous cape. Finalement, ce fut le nouvel arrivé dans le cercle qui dut se lever, afin d’apporter son plat à la princesse. Bientôt, Noham pourrait remarcher, et Koz commencerait à mettre en place un nouveau plan pour capturer les Radikors, et les livrer au monastère. Là, il ne lui resterait plus qu’à trouver une solution pour expliquer le bébé qui apparaîtrait dans à peine six mois.
– Je n’en suis pas amoureux, mais je l’aime. Mon plus jeune fils… Ilyn. (La voix du capitaine s’étrangla dans sa gorge, le forçant à se la racler bruyamment avant de continuer) Il avait les cheveux roux, vous savez ? Comme sa mère Azaria. Et puis quand, au moment de la première offensive de ce monstre qui a capturé vos parents, la maison a brûlée… C’est tout son corps qui est devenu rouge…
Koz déglutit, détournant son regard du feu de camp. Illian, au contraire, le fixait toujours, le regard perdu dans le vide. Son visage, bien loin d’exprimer son habituelle confiance en son prince, était teinté d’une infinie tristesse, si puissante en dépit des années passées depuis ce drame, que le jeune homme manqua d’en avoir le souffle coupé. Indécis, il décida néanmoins de laisser son capitaine continuer, tapotant le matelas à côté de lui. Hésitant à s’asseoir aussi familièrement, sur le lit même de son prince, Illian finit par accepter son offre, reconnaissant.
Koz n’ayant pas l’habitude de tenir ce rôle, il le laissa se reprendre un instant, ne serait-ce que pour se remettre de la faveur si généreusement accordée. Qu’il était bon de savoir que quoi qu’il puisse se passer, un homme au moins resterait sous son commandement ! Non pas qu’il ne croyait pas en sa propre famille, mais ce n’était pas la même chose ; Illian, lui, resterait loyal jusqu’au bout, là où Diara, et même Teeny dans une certaine mesure, s’empresserait de le laisser aller la tête la première contre le danger afin de se protéger.
– Alors quand, durant la deuxième offensive qui vit nos souverains se faire emprisonner pour de bon, sans que personne ne puisse les libérer, j’ai vu ce garçon, Ézéchiel, au beau milieu de la rue dévasté, ses cheveux flamboyant reflétant la moindre parcelle de lumière… Eh bien, je l’ai pris sous mon aile. Il ne m’a jamais dit d’où il venait, et je ne lui demanderai pas. Mais il m’est très précieux, et je ne laisserais personne lui faire le moindre mal, termina Illian, laissant le soin au prince de saisir le sous-entendu.
Inexplicablement soulagé d’avoir affaire à une histoire, certes dramatique, mais bien moins pire que ce qu’il craignait de prime abord, Koz alla jusqu’à presser sa main, ému.
– Je ne comprends pas, s’étonna-t-il néanmoins. Pourquoi l’avoir recommandé chaudement pour cette mission, si vous vouliez le garder à l’abri ? N’est-il pas plus en sécurité au palais, qu’à fouiller les quatre coins de la Terre à la recherche de nos ennemis ?
Le capitaine secoua lentement la tête, son regard dérivant jusqu’à son fils de coeur, posé un peu à l’écart des autres, rêveur. Il l’observa affectueusement, brièvement, le dos voûté.
– Je sais qu’il n’est pas le meilleur aux armes, mais il est rapide.
– Ce n’est pas un combattant, comprit Koz. Ça ne répond pas à ma question.
– Me promettez-vous de ne pas le chasser ? demanda brusquement le capitaine, se redressant de toute sa taille. Ou de ne pas le confier à votre sœur quand elle repartira sur Mandraliore ?
Le jeune prince n’avait plus affaire à son capitaine, il le devina instinctivement. Il se tenait devant un père, prêt à se dresser sur ses ergots s’il en venait à menacer son enfant, peu importe qu’il soit prince ou paysan. Jusque-là, il ignorait la capacité du quadragénaire à oublier qui était la personne en face de lui, pourvu qu’il ait l’assurance de garder sa progéniture en sécurité.
Diara s’en serait outrageusement offusquée, couvrant d’opprobre de sa voix aiguë l’impudent ayant osé s’en prendre à sa royale personne. Koz, lui, avait tellement l’habitude de servir de larbin à la blonde princesse, particulièrement quand elle en venait à sa moue boudeuse, qu’il s’en sentit seulement vaguement vexé.
Est-ce qu’il ressentirait une chose analogue, quand le bébé que portait Teeny serait arbitrairement placé dans ses bras ? Et s’il le détestait ? Fallait-il vraiment s’enchaîner à un être si petit, qu’il n’était pas encore né ?
– Je vous le promets, lâcha-t-il dans le doute.
Le capitaine le remercia du regard, laissant le prince ramener sa main à plat sur ses cuisses.
– Ézéchiel est attiré par les personnes de même sexe que lui. Une seule fois, il a tenté d’entreprendre une relation avec une femme, mais il, comment dire, n’est jamais parvenu à « marcher » avec elle. La jeune dame, une noble dont j’aimerais que vous me pardonnerez de taire le nom, s’est mise à répandre des rumeurs sur son compte, sans véritable matière bien sûr. Mais malheureusement exactes sans qu’elle ne le sache. L’éloigner de la cour est le seul moyen de l’éloigner des ennuis. C’est un garçon doux, vous savez… Il a assez mal vécu cette situation, et a plus de mal encore à s’adapter à sa nouvelle vie de militaire. Mais je l’entraîne d’arrache-pied, vous savez, et il fait de réels progrès ! Il vous considère comme un héros, et jamais il n’osera vous trahir, de quelque manière que ce soit.
– Je vous crois, marmonna le prince.
Il quitta le matelas, tenta de lancer les feuillets sur les nouvelles recrues de manière à ce qu’ils atterrissent sur la petite table pliante. Manquant son but, les liasses de papier s’envolèrent doucement, allant s’étaler sur un cercle de quelques dizaines de centimètres de diamètre.
Illian eût au moins la bonne grâce de s’abstenir de tout commentaire.
– Hum… J’ai besoin d’un peu de temps seul pour examiner tout ça, énonça Koz, gêné, adoptant le ton le plus assuré qu’il le put. Veuillez me laisser, capitaine.
L’intéressé se leva à son tour, s’inclinant devant son seigneur, une lueur de reconnaissance faisant briller son regard sombre. D’un pas assuré, le quadragénaire s’éloigna vers le rabat.
Alors qu’il l’empoignait à deux mains, Illian s’arrêta sur le seuil de la tente. Inspirant profondément, il se tourna à demi, examinant le jeune homme d’un œil décidé.
– Puis-je vous demander une dernière faveur ? s’enquit-il respectueusement.
– Faites donc, au point où nous en sommes, soupira lourdement Koz.
Une bonne chose ressortait malgré tout de cette discussion… instructive. Cela lui faisait trois hommes homosexuels dans ses rangs, au lieu de quatre…
– J’aimerais que vous preniez soin d’Ézéchiel, si jamais quelque chose devait m’arriver, expliqua Illian. Il est tellement prompt à s’attirer des ennuis, qu’il a bien besoin d’un homme tel que vous pour veiller sur lui de loin. La fougue de la jeunesse, vous comprenez ? Je ne vous demande pas d’assumer ce bougre tout seul, oh non ! Juste de faire attention de ne pas le laisser faire des stupidités au nom de je-ne-sais-quel idéal.
Le prince n’aurait guère qualifié le jeune roux de « prompt à s’attirer des ennuis », néanmoins, il choisit de taire sagement ce détail.
– Bien sûr, répondit instantanément Koz. Après tout, il fait partie de mes hommes. Je dois, eh bien, me charger de tout le monde. Mais ne prenez pas ça pour une autorisation de mourir, se dépêcha-t-il d’ajouter.
Illian rejeta la tête en arrière, éclatant d’un rire duquel perçait le soulagement.
– Ne vous en faites pas pour ça, assura-t-il, il m’en faudrait beaucoup !
µµµ
Allongé sur le froid sol de métal de la forteresse, cherchant désespérément à reprendre son souffle, Marc n’aurait pas exactement dit que la situation était devenue idéale ; pour ça, il faudrait déjà ne plus écoper de la corvée de briquer de fond en comble les pièces de la forteresse auxquelles il obtint le droit d’accéder (autant dire que la chambre de Zane n’en faisait pas partie). Néanmoins, depuis son « accrochage » avec le chef des Radikors, une bonne semaine auparavant, les choses parvenaient doucement à un semblant d’équilibre, régi d’une main de fer par l’irascible extraterrestre. Enfin, paradoxalement, disons qu’il lui accordait le bénéfice du doute dans son esprit tout en contrôlant une bonne partie de ses faits et gestes. Cet étrange contraste surprenait le garçon, plus encore quant il s’apercevait qu’au final, l’ambiance s’améliorait notablement. Bon, cela avait peut-être un gros rapport avec l’espèce de marché qu’ils conclurent ensemble.
Zair et Tekris avaient rapidement compris que leur compagnon entraînait le gamin, et en toute honnêteté, ils se retrouvèrent soulagés de ne pas avoir à intervenir à ce propos. Dire que Marc était lamentable en combat au corps-à-corps (et même tout court) fut encore bien en-dessous de la vérité. Premièrement, il lui fallut se forcer à cesser de reproduire les mêmes gestes que Zane. Non seulement ce dernier anticipait sans problème ses attaques, mais il lui faisait mordre de plus en plus brutalement la poussière chaque fois qu’il répétait à la lettre le mouvement effectué juste avant. Une manière expéditive de lui faire comprendre qu’il était dans son intérêt de trouver d’autres feintes… Néanmoins, plus le temps passait, et plus la peur qui envahissait son esprit dès qu’il s’agissait de Zane laissait place à une certaine forme… comment dire… eh bien d’énervement. Pour sa défense, en sortant de ces quelques heures d’entraînement par jour, Marc ressemblait davantage à un sac de patates malmené par un marchand fort peu soigneux, qu’à un garçon de presque quatorze ans. Le lendemain du premier « combat », Tekris avait failli sauter sur sa chaise en contemplant le charmant bleu ornant la mâchoire gauche du gamin. Quant à Zair, si elle fut intriguée les premières minutes de son apparition, elle se retrouva bientôt concentrée pour essayer de ne pas rire devant le dandinement digne des plus tordus des canards, seul moyen pour lui de marcher sans gémir de douleur à chaque pas. Il lui restait encore à déterminer si l’approche un chouïa musclée lui convenait, ou le démoralisait…
Non, se morigéna-t-il. Hors de question de penser ainsi. Zane en personne ayant été intrigué, puis franchement surpris, de le voir revenir sans cesse auprès de lui pour sa leçon quotidienne, avant de s’enhardir à carrément aller le chercher quand il dépassait l’horaire fixée pour leur rendez-vous, Marc s’était promis de ne pas céder, pas une fois. Même si par moments, se relever lui semblait être la chose la plus difficile qu’il ait eu à faire de toute sa vie… Il aimait moins quand l’irascible extraterrestre s’amusait à lui faire peur en arrêtant ses gestes les plus brutaux au tout dernier moment (jusque là, Marc n’avait réussi à conserver une expression neutre, terrifié à l’idée de ne plus se relever), bien qu’à force de finir plié en deux à cause des courbatures, il commençait à moins craindre la douleur. Tout comme il détestait les piques, bien souvent mesquines, que l’autre lui envoyait dans le but de l’empêcher de pleurer à chaque parole méchante.
Et de manière tout aussi profitable, la méfiance enserrant Marc comme dans un étau se relâcha, très légèrement, mais progressivement. Rapidement, un accord tacite s’instaura : l’endurcissement du garçon était confié à Zane, et uniquement à lui, ses deux congénères ne venant jamais se mêler de leur sessions. Bien que cela ne les empêchât pas, d’abord en catimini, puis carrément vautré dans un coin de la pièce, de suivre avec intérêt les échanges de coups (si l’on pouvait vraiment les appeler ainsi) se déroulant sous leurs yeux. Puis, rapidement lassés de ne rien faire d’autre, Zair et Tekris commencèrent à discuter, tout aussi promptement repris par un Zane agacé de les voir traîner sans rien faire d’utile. Ne désirant pas non plus s’en aller pour si peu, les deux compères s’échangèrent quelques passes kaïru déjà connues de Marc. Puis, ayant fait le tour en deux ou trois rounds, les attaques se parèrent de nouveaux noms, tels que « choc briseur » (fétiche de Zair, un rayon d’un vert éclatant jaillissait de sa main, rebondissant ou non sur les surfaces selon ses souhaits, et frappant son ennemi en formant trois cercles ébréchés se brisant), ou « pinces dévastatrices » de Tekris (bien plus offensives, deux pinces d’un rouge écarlate à trois doigts d’ivoire, rappelant au jeune garçon des foreuses miniatures, cognaient suffisamment fort pour que leur victime laisse une trace circulaire dans le mur qu’elle venait de heurter, entraînée par leur force). Durant ses rares pauses, Marc observait avec plaisir ces combats, bien qu’ils fissent trembler bien souvent la forteresse, sous l’oeil méfiant d’un Zane qui laissa tomber l’idée d’envoyer ses camarades ailleurs. En même temps, c’était ça, ou supporter indéfiniment leurs excuses absolument bidons.
Si l’ex-collégien n’en savait toujours pas plus sur le Redakaï, ou la raison de la traque des Radikors, il en apprenait un peu plus sur le kaïru. Par exemple, les attaques entourées d’un halo verdâtre étaient sans conteste les plus rapides, celles dotées d’une aura rouge se distinguaient par leur force de frappe, mais dépensaient davantage d’énergie. Quant aux bleues, plus ou moins foncées, elles avaient très souvent un effet plus spécifique, considérées comme des attaques mentales. Frissonnant, il n’avait pas demandé plus de détails après avoir vu Tekris – son Tekris ! – tomber à genoux suite à une « explosion nerveuse », qui mit d’ailleurs fin au combat amical. Amical si l’on exceptait les gentillesses échangées par les Radikors. Néanmoins ses ressentis personnels différaient, selon l’attaque employée. Alors qu’il pensait attribuer la sensation de malaise l’envahissant quand les Radikors utilisaient la plupart de leurs « X-Drives » à son inexpérience, il se rendit compte que d’autres, plus rarement utilisées, ne lui procurait qu’une grande sensation de calme. Un mystère dont il ne parla à personne, par peur de passer, une fois encore, pour un faible.
Puisqu’il passait moins de temps avec Tekris, chacun occupé à vaquer à ses occupations, Marc profitait plus encore de ses nuits, sa chambre étant commune avec celle du colosse. Une seule fois, désireux de montrer à Zane sa bonne volonté de se faire pardonner son incartade, il accepta de passer une nuit sans personne, dans une pièce qui lui fut allouée comme chambre à coucher, puisque que le vert insistât lourdement à ce sujet. S’il réussit à tenir jusqu’au crépuscule sans courir se cacher sous les draps, contre Tekris, entendre le garçon hurler de terreur quand, agacé de son retard au petit déjeuner, Zane vint le secouer vigoureusement, convainquit celui-ci qu’il était peut-être un peu trop immature pour passer le cap. Une constatation l’ayant plus encore remonté contre le garçon, sans que Marc ne comprenne pourquoi… Il avait fallut que Tekris vienne en personne lui demander de maîtriser ses nerfs (enfin, pas en ces termes évidemment), allant jusqu’à saisir le poignet ganté en le caressant doucement du pouce, pour que Zane cesse de déverser sa mauvaise humeur sur le garçon. Hélas, l’extraterrestre semblait né avec deux pieds gauches, un sourire franc étant aussi rare qu’une aurore boréale au Pôle Sud. Mais heureusement, quelques mots bien placés de Zair, au sens véritable visiblement connu d’elle seule, suffirent à apaiser convenablement la crise de son frère. Il devait y avoir un piège quelque part, sinon Marc ne voyait pas en quoi faire remarquer que Tekris n’avait jamais ce geste de tendresse pour le collégien pouvait bien calmer Zane. Étrangement, ce fut le cas, l’intéressé foudroyant du regard la gêneuse, tout en oubliant les arguments qu’il voulait opposer à la requête du colosse.
Le seul point véritablement négatif, pour le moment, résidait ailleurs. Finalement, cédant aux impératifs qu’étaient le manque de nourriture et le besoin de racheter du matériel, les Radikors décidèrent en dépit de l’incident de retourner en ville, afin de gagner suffisamment d’argent pour subvenir à leurs besoins. Mais Marc eut beau demander, récitant des justifications soigneusement préparées des heures à l’avance, Zane refusait toujours catégoriquement de l’emmener avec eux. Il ne lui faisait pas assez confiance pour ne pas leur filer entre les pattes dès qu’il serait hors de portée, finissait-il invariablement par déclarer, appuyé par un Tekris trouvant que les endroits où ils allaient « ne sont pas faits pour un petit garçon ». La seule à aller dans le sens de Marc était Zair, bien entendu, sûrement pensait-elle que le gamin suivrait son conseil pour s’évanouir dans la nature, maintenant qu’il ne parvenait pas à dégoûter assez Zane pour le persuader de l’abandonner. Insuffisant, puisque la majorité des votes militait pour que l’ex-collégien reste à la forteresse.
Aussi devait-il, chaque fois, suivre avec envie les silhouettes s’éloignant dans le lointain, tandis que lui était gardé soit par Zane, ou sa sœur, ladite personne s’assurant qu’il ne fasse pas de bêtises. Tekris, pour sa part, partait sans faillir, revenant parfois accompagné de quelques bleus et bosses dont il ne crut pas bon d’en expliquer l’origine au jeune garçon. Au vu de l’inquiétude que Zane dissimulait fort mal, chaque fois que le duo du jour mettait du temps à revenir (trois fois depuis le début de leurs expéditions), leur façon de gagner de l’argent n’était pas sans risques. Comme en ce moment précis par exemple, où Zair et le colosse étaient partis depuis plusieurs heures, laissant Marc à la garde du dernier Radikors présent.
Enfin, la veille, le vert annonça qu’il ne leur manquait plus grand-chose avant de pouvoir partir de nouveau ; si les Radikors voulaient à la fois acheter de nouvelles tentes, et quitter la forteresse, il leur faudrait bien emmener Marc avec eux pour faire les magasins ! À moins que Zane n’accepte de perdre inutilement du temps en faisant un aller-retour, mais cela ne correspondait pas à son caractère. Restait à savoir ce qu’il ferait, une fois là-bas…
– Encore dans la lune ? soupira la voix du chef des Radikors, à quelques pas du garçon. Pas étonnant que tu te prennes tant de tartes, si tu n’arrives pas à te concentrer quelques minutes sur quelque chose.
Savoir à qui appartenait cette petite remarque sarcastique suffit pour reconnecter Marc à la réalité, et il en aurait été de même même sans la moquerie sous-jacente. Néanmoins, il se sentait bien trop fatigué pour répondre autrement que par un bref hochement de tête.
Contournant le corps avachi en étoile de mer, le jeune homme empoigna une bouteille d’eau déposée dans un coin de la pièce. Prenant tout son temps pour boire, pensif tandis qu’il observait le gamin à la dérobée, il finit par lui lancer la bouteille, après l’avoir préalablement rebouchée. Marc parvint à se redresser suffisamment pour la saisir au vol, s’empressant de jeter sans faire vraiment attention la petite capsule en pastique blanc (inhabituelle chez les Radikors, puisqu’ils avaient l’habitude d’utiliser des gourdes). Buvant goulûment le reste de son contenu, prenant à peine la précaution de respirer, il songea avec ironie que cela faisait longtemps qu’il n’avait pas bu l’eau d’un autre sans vérifier l’absence de laxatifs à l’intérieur. Encore un cadeau de Victoire, en plein cours de natation.
– Ça suffit pour aujourd’hui, déclara Zane. De toute façon, ça m’étonnerait que tu puisses tenter le moindre assaut. À ce propos, utilise davantage tes mains et tes bras pour parer et esquiver, au lieu de fuir sans arrêt.
Marc se contenta de marmonner quelques paroles incompréhensibles, roulant sur le flanc afin d’entamer le délicat processus visant à se remettre debout. À peine légèrement essoufflé, Zane s’étira longuement, invitant silencieusement le gamin à en faire de même. Suite à leur première séance, Marc s’était déclaré trop épuisé pour en plus s’étirer – pas étonnant, à presque quatre heures du matin. L’extraterrestre n’avait rien dit, se contentant de hausser une arcade sourcilière, un fin sourire anticipateur étirant ses lèvres. Le châtain comprit rapidement pourquoi quand les courbatures mirent son corps au supplice, lors de son réveil.
– Parle-moi de ce que tu as « ressenti », quand tu as osé entrer dans ma chambre.
Marc manqua s’étaler par terre, bafouillant sans parvenir à sortir une phrase cohérente. Zane avait le chic pour le déstabiliser au moment où il s’y attendait le moins ! Remarque, il le soupçonnait d’en faire un peu exprès… Inspirant profondément, il rassembla les quelques pensées intelligibles de son esprit.
– Je t’ai déjà dit tout ce que j’ai compris… Au début, j’ignorais d’où ça venait, je me trouvais dans le couloir. J’ai suivi mon instinct, et il m’a semblé que quelque chose était dans ta chambre, et avec Koz, j’ai pensé qu’il aurait pu mettre un piège. C’est pour ça que je suis entré. C’est tout, je te jure !
– Dis-moi, continua son vis-à-vis en ignorant grossièrement sa supplique, comment tu décrirais ta… sensation ? Tu savais avec quelle certitude dans quelle direction elle était ?
– Hum, plus ou moins, c’est compliqué à décrire.
– Intéressant.
Attendant une suite qui ne vint pas, Marc manqua en soupirer de frustration. Puisqu’ils en étaient à évoquer ce moment gênant, pourquoi ne pas en profiter pour poser à son tour une ou deux questions ?
Et finir tranché en fine lamelles, après avoir été pendu à l’aide de ses propres tripes ? Certainement pas !
Gêné par la chape de silence s’étant emparé de l’endroit, il chercha malgré tout quelque chose à dire, qui ne nécessitât pas de numéroter ses abattis en cas de mauvaise pioche. Aussi tenta-t-il de se rappeler les quelques phrases échangées avec Tekris, voir Zair, durant lesquelles Zane avait parut des plus contents, optant pour une question l’intéressant réellement, tout en soulignant les compétences du jeune homme.
Ce dernier adorait qu’on lui parle de ses forces, en omettant soigneusement ses quelques faiblesses.
– Comment tu fais pour être aussi fort ? Quand on est face-à-face, j’ai l’impression que je n’arriverais jamais à te toucher… Et que ça ne sert à rien de m’entraîner, rajouta-t-il plus bas, et bien plus naturellement.
– Sous-entends-tu que tu me fais perdre mon temps ?
Hum, c’était une véritable moquerie, ou tout du moins un trait d’esprit ? Probablement le premier choix…
Son vis-à-vis lui jeta un regard soupçonneux, comme si le petit bout d’homme en désordre près de ses pieds avait le pouvoir, ou même le désir, de le manipuler. Il ne dut rien trouver de concluant, puisqu’il sembla décider de prendre les dernières paroles du gamin en tant que compliments, se rengorgeant tout en faisant mine de paraître détaché. Néanmoins, sa voix fut satisfaite quand il répondit.
– Disons que ça fait longtemps que je m’entraîne, et que j’ai un talent naturel !
Un léger voile passa dans les pupilles onyx, et l’espace d’une fraction de seconde, Marc crut voir une drôle d’expression sur le visage de l’extraterrestre, indéchiffrable. Ce fut si bref, qu’il douta d’avoir imaginé la scène. Après tout, son désir d’apercevoir autre chose que du mépris sur ces traits durs l’influençait peut-être.
– Dis-moi, talsi, savais-tu que j’ai vaincu un Maître ? En duel ?
– Un Maître ? Attends, tu veux dire, un Redakaï ?
L’adolescent plissa le front, ses lèvres se pinçant.
– Tekris t’as donc parlé de ça aussi. Et que t’a-t-il dit d’autre ?
Rougissant furieusement de honte, Marc fouilla visuellement les environs, à la recherche d’une porte de sortie acceptable. Un soupir exaspéré, un étage plus haut, l’avertit que la très maigre réserve de patience de Zane s’égrenait dangereusement.
– Pas grand-chose, capitula-t-il, juste que vous avez des Maîtres réunis en un Conseil, le Redakaï. C’est ça ?
– Disons qu’il existe bien un Conseil, et qu’il s’appelle bien le Redakaï. Mais ses membres ne sont que de vieux hommes décrépis et rétrogrades, tout juste bon à prêcher et débattre sans pouvoir rien faire. Comme tout les adultes, ils « forment » en imposant à leurs élèves des règles dépassées et injustes, tout en envoyant des adolescents au combat tandis qu’ils font quoi ? La sieste, probablement !
Au fur et à mesure de son discours, la poigne de Zane s’affermit sur la bouteille, le craquement menaçant du plastique s’amplifiant à mesure qu’elle se tordait.
– Mais ils n’ont pas le monopole de l’enseignement du kaïru, ricana le presque adulte, desserrant sa prise sur l’objet après lui avoir jeté un regard méprisant. Heureusement, car je ne suis pas sûr que j’aurais accepté de me former sous leurs ordres !
– Et ç’aurait été dommage, approuva sincèrement Marc.
L’autre sursauta comme s’il venait de lui pincer les fesses, le dévisageant une nouvelle fois avec ce mélange de soupçon et d’hésitation, le sondant afin de déterminer s’il pouvait lui en dire plus.
– N’est-ce pas ? Se priver d’un combattant de mon envergure, faut-il être stupide ! Mais je leur prouverai que je suis le meilleur combattant, et que Ky Stax n’est qu’une mouche que j’écrase dans mon poing !
Joignant le geste à la parole, il ferma brutalement sa main libre. Tant de conviction résidait dans ce geste, que Marc en frissonna, luttant contre son réflexe instinctif de baisser le nez et prier pour qu’on oublie son existence. Les yeux perdus dans un lointain qu’il était le seul à connaître, Zane marmonna dans sa langue si rude, dans ce qui ressemblait à de fortes aménités que Marc n’avait pas envie de connaître. Son visage s’était fermé de nouveau, les traits durs, et une expression de haine mêlée de colère les déformaient. Finalement, l’irascible extraterrestre sembla se rappeler n’être pas seul, exhalant un long soupir, forçant ses muscles à se détendre. Bien que cela ne l’empêcha pas de jeter un regard lourd de reproches au gamin, sans explications.
– Au moins, tenta celui-ci, tu as trouvé quelqu’un pour te former.
Lokar, supposait-il de plus en plus clairement au fil des jours.
– Heureusement ! Et je leur prouverai ce que j’avance ! Tout en prenant le contrôle du monde en passant.
– Tu dis ça comme si tu mangeais une cacahuète !
– Quelle drôle de comparaison… Pourquoi es-tu si choqué ? Tu t’attendais à quoi, de la pitié ? C’est pour les faibles, ça, et la Terre n’est pas mon lieu de naissance. Pourquoi aurais-je des scrupules ?
Marc hésitait entre une franche indignation, qu’il n’oserait de toute façon pas formuler, et sa curiosité venant tout juste de se réveiller. Dominer le monde ? Il se doutait que Zane possédait une ambition des plus élevée, mais à ce point… Sauf s’il parlait du monde du kaïru ? Oui, mais pourquoi évoquer alors la Terre ?
– Je ne sais pas, admit-il néanmoins, prudent. Et je ne comprends pas tout. C’est difficile d’avoir le pouvoir. Ça s’accompagne de beaucoup de responsabilités.
– Tu crois que ça m’effraie ? rétorqua l’extraterrestre.
– Toi, avoir peur ? Non ! Mais tu n’es pas un peu jeune pour tout… ce genre de choses ?
– Ton instinct de survie est tellement en berne que tu cherche à m’énerver ? Je pourrais te mettre une correction en trois secondes chrono. Et ne vas pas t’imaginer que ton état pitoyable te sauveras !
De nouveau un silence, plus long que les précédents.
– C’est bizarre, murmura Marc.
– Décidément, tu dois avoir les oreilles bien bouchées !
– Je ne sais pas si je dois te respecter pour tout ce que tu fais dans ton équipe, et du peu que je sais de toi, ou si je dois détester ta manière de voir les choses…
– Ah ! Ce n’est qu’en inspirant la crainte que l’on obtient le respect. C’est le seul moyen fiable de contrôler les gens, et de d’assurer la suprématie.
– Pas forcément, regarde Tekris et Zair, ils ne sont pas avec toi parce qu’ils ont peur de toi, mais parce qu’ils veulent te suivre, non ?
– Ils ont peur de mes réactions, de mes colères, et c’est très bien comme ça. Regarde ce que ça donne quand ils se mettent à discutailler sans cesse, le temps que l’on perd, parce qu’ils prennent confiance !
– Mais dans ce cas, pourquoi les combattants suivent ce que vous appelez le « Code d’honneur kaïru » ? Avoue que ce n’est pas très compatible avec ce que tu me dis.
– Le Code est un ensemble de règles que l’on est obligé de suivre. Ce sont des préceptes auxquels je ne crois pas, et que je m’efforce de suivre parce qu’il n’y a pas d’autres choix. Et parce que Lokar n’apprécie pas que l’on perde trop son honneur.
Le jeune homme ricana, comme s’il venait de lancer une bonne plaisanterie.
– Je ne suis pas d’accord, souffla Marc.
Bon sang, pour moins que ça Zane déciderait de tanner sa peau ! Cependant, ses propres opinions se heurtaient bien trop violemment à celles de l’extraterrestre, pour qu’il n’exprime pas son désaccord à ce propos. Quitte à s’enfuir tant bien que mal, et très vite, juste après…
– C’est important aussi l’honneur. Taper quelqu’un, rien de plus facile, ça fait de toi une petite brute, mais…
– L’honneur n’a jamais rendu quelqu’un plus puissant ! explosa Zane, tournant si vite le nez vers l’impudent que ce dernier craignit que sa nuque se brise. C’est le grand mot que tu sors à toutes occasions, et qui finiras par te tuer, une lame dans le dos, parce que tu auras rencontré un type qui lui n’en a rien à faire ! Cet Univers n’a rien d’honorable, et il ne le sera jamais. Seule une poignée d’imbéciles se voilent encore la face. Pour survivre, et gravir les marches, il faut savoir se salir les mains. Si tu ne le sais pas encore, c’est que tu es un idiot ! Personne…Je n’ai connu aucun individu prêchant l’honneur, qui n’ai survécu longtemps. Le Redakaï ? Bah, c’est facile quand on ne se frotte pas à la réalité de la vie !
Ne sachant que répondre, Marc baissa de nouveau le nez, se recroquevillant sur lui-même au cas où Zane déciderait de passer ses nerfs sur le premier punching-ball vivant passant à sa portée. Au fond de lui, s’il continuait à craindre les réactions de l’extraterrestre et leurs imprévisibilité relative, le gamin entrevoyait enfin la face émergée de l’iceberg. Et il n’était pas certain d’aimer ça. Pourquoi diable Zane possédait-il une opinion si arrêtée, sur une valeur que Marc chérissait profondément intérieurement, en dépit de tout ce qu’avait pu lui faire Victoire et ses sbires ?
– Tout ce que je sais, conclut-il, se ratatinant instinctivement sous le regard furibond de son vis-à-vis, c’est que ce n’est pas la peur qui me donne envie de rester auprès des Radikors.
– Évidemment, sans nous, tu te ferais dévorer vivant par la première bête sauvage de passage, railla Zane.
– C’est pas faux, mais c’est incorrect. J’ai choisi de vous suivre, même si tu me fais peur.
– Pour Tekris, n’est-ce pas ? Alors ne vient pas me faire ton petit numéro larmoyant, je ne suis pas d’humeur.
Gonflant les joues, Marc ressentit, pour la première fois au sujet de Zane, une mince pointe d’agacement. Ce sentiment disparut presque instantanément, laissant le gamin médusé.
Lui, agacé devant le chef des Radikors ?! En même temps, avait-on déjà vu personne plus obtuse !
Vaguement effrayé par l’audace de ses pensées, Marc les chassa sans ménagement. Ce n’était pas le moment d’être distrait, voyons !
– Pas que. Je l’aime beaucoup, mais au début je ne savais pas qu’il m’aiderait…
– Et maintenant ?
– Hein ? Maintenant quoi ?
– Ton intérêt pour lui n’aurait-il pas pris une forme plus, disons, intéressée ?! siffla l’autre, une étincelle brûlante dans le regard.
– Une forme… intéressée ? répéta Marc, sans comprendre. Est-ce que je me sers de lui pour, je ne sais pas, obtenir des informations sur vous ?
– Il a craché ça aussi ?! s’étrangla le jeune homme d’indignation. C’est une plaisanterie ? Bref, bref, passons, pour l’instant ! Non, je ne parle pas de ça, et tu saisis très bien le sous-entendu !
– Un sous-entendu ? Où ça ?
Décidément, Zane venait de se faire toucher par un moustique à la piqûre délirante, ou quoi ? Bien qu’il s’efforça de mettre toute la conviction dont il était pourvu dans ses dénégations, de longues minutes d’interrogatoire furent nécessaire, avant que l’extraterrestre ne commence à accepter qu’il dise peut-être la vérité, le front tellement plissé qu’il s’y formait de légères ridules.
– Attends un peu, marmonna le vert, tu es en train de me dire qu’en fait, tu ne sais pas ce que je veux dire ?!
Plus épuisé que s’il avait couru un marathon, le gamin hocha affirmativement la tête. En ce moment, il comprenait ce que pouvait ressentir un citron pressé jusqu’à la moelle…Et il ne comprenait toujours pas où Zane voulait en venir, à la fin !
– Je ne sais pas si je dois me réjouir, ou en être dépité pour toi. Rassure-moi, tu sais comment on fait les bébés ? finit-il par railler, toisant l’autre d’un sourire goguenard.
– Ben oui, quand même ! Le papa met une graine dans le ventre de la maman !
Si Marc se sentit fier de pouvoir répondre, pour une fois, à l’extraterrestre, il perdit rapidement contenance devant le visage incrédule qu’il lui présenta. Et pas de surprise qu’il connaisse la bonne réponse.
– Oui, mais tu as bien une idée de comment se fait le, heu, transfert ?
Clignant bêtement des paupières, le gamin mit un doigt sur ses lèvres. À dire vrai, il connaissait quelques bases, comme par exemple la maman avait besoin d’un utérus pour porter le bébé, et qu’une grossesse durait neuf mois. Mais sur la conception en elle-même, c’était un sujet plutôt tabou dans la famille, sa mère ayant finit, la seule fois qu’il lui demanda, par lui sortir de grandes phrases alambiquées auxquelles il ne comprit rien. Pareil pour ce que les élèves de son collège murmuraient dans les coins, le « sexe », qui ne devait jamais être évoqué tant cela semblait sale à la femme l’ayant élevé avec sa sœur. Marc n’était pas assez bête pour ne pas comprendre qu’il existât un rapport entre les deux, mais il ne s’était jamais vraiment posé la question non plus. À quatorze ans, d’autres préoccupations envahissaient son esprit.
– Mais ce n’est pas vrai, gémit presque Zane. Tu es vraiment un ignorant en fait ?! Attends un peu… (ses yeux s’écarquillèrent significativement, comme s’il venait de comprendre un détail des plus importants, voir vital) Tu ne sais rien de tout ça, alors tu ne peux pas… Bah, au fond je m’en fiche, c’était juste pour m’assurer que mon équipier n’était pas corrompu, c’est tout ! Ah ah, tu ne peux pas ! termina-t-il de s’exclamer en claquant dans ses mains, faisant sursauter Marc.
Il paraissait presque… euphorique, aussi bizarre cela parut-il au garçon. Plus étrange encore, juste le temps pour lui de le remarquer, un large sourire étira les lèvres du jeune homme. Mais pas un sourire sarcastique, ou mauvais, ou crispé. Un vrai sourire, qui détendit significativement les traits durs de son visage.
Avant que l’ex-collégien ne puisse s’interroger davantage, Zane se reprit, affichant son petit air assuré et supérieur habituel.
– Bref, ce n’est pas important. Zair et Tekris ne devraient pas tarder à rentrer, ce serait une bonne idée de les attendre, non ?
– Oui, mais…
– C’est pas vrai ça ! Bon, qu’est-ce que tu veux, encore ?
Marc se tortilla un instant sur le sol, incertain de savoir comment formuler sa demande sans paraître ridicule.
– Du coup, ça se fait comment exactement les bébés ?
Son visage se décomposant à grande vitesse, Zane tousse bruyamment dans son poing, cherchant à garder contenance, une légère nuance de pourpre colorant ses pommettes. Tout son corps criait qu’il aurait terriblement voulut se trouver ailleurs, et très loin, en ce moment précis.
– Hum, on en reparlera quand note duo de choc sera rentré, compris ?
Il ne s’agissait pas vraiment d’une question. Soupirant théâtralement, une vaine tentative de faire de l’humour non-verbal qui tombe à l’eau, Marc s’empressa de mouvoir ses muscles endoloris, afin de ne pas se faire trop distancer par l’adolescent, dont la silhouette disparaissait déjà dans l’ombre du couloir.
Oui, vraiment, se relever était la chose la plus horrible qu’il ait eu à faire de toute sa vie…
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Bonjour, ou bonsoir !
Comme d’habitude, j’espère que ce chapitre vous aura plu, bien qu’il soit relativement calme ! Le prochain sera beaucoup plus actif, et permettra de progresser dans l’intrigue !
N’hésitez pas à laisser un commentaire pour me faire part de vos impressions, j’y répondrais avec plaisir !
Sur ce, bonne journée/soirée !