Les Psychonautes dans la B(o)u(c)lle Temporelle

L’agent Aquato dépassa l’Aquatodôme et sauta sur les légers reliefs menant à l’ancienne mine traversant la carrière, avant de s’arrêter en constant que son père qui l’avait suivi jusqu’ici commençait à traîner un peu la patte. Se retournant vers son paternel, il fronça les sourcils en le voyant marcher le regard bas, comme plongé dans ses pensées. L’enfant soupira, se demandant un bref instant s’ils n’auraient pas mieux valut qu’ils empruntent l’Otto-Route pour arriver plus directement au Mégalobe et expliquer cette histoire de rêves prémonitoire au plus vite, mais abandonna cette idée et se tourna complètement vers son parent qui arrivait tout juste à son niveau :

- Papa ? Ça va ?

Augustus sursauta quelque peu à cette question, comme tiré de ses pensées, mais se gratta bientôt la nuque d’un air hésitant :

- Je ne sais pas, Razputin, toute cette histoire de rêves prémonitoires m’inquiète un peu ; et puis, j’ai l’impression de te déranger dans ton travail avec les psychonautes…

- Non, pas du tout ! le rassura l’agent en secouant vivement la tête. Ils sont là pour ça aussi !

- …Aider à résoudre de vieilles inquiétudes de parents ? fit l’adulte avec un sourire après une légère pause.

- Oui !-Euh enfin non, enfin-Les Psychonautes sont là pour aider les gens avec leurs propres démons, psychiques ou pas psychiques, et si ça en fait partie alors-

- Ne t’en fais pas fils, j’ai compris, rit doucement Augustus devant les bredouillements de son enfant. C’est juste…

Le patriarche des Aquato détourna alors le regard, semblant fixer un point invisible avant de murmurer plus sombrement :

- Quand tu m’as parlé de rêves prémonitoires et des psychiques pouvant voir l’avenir, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à… à notre vieille rivalité avec les Galochio.

Raz écarquilla les yeux, mais se tut et laissa son père continuer :

- Je sais que la malédiction est fausse, évidemment, et que toute cette rivalité est du passé depuis longtemps maintenant, mais je… Je n’arrive pas à me défaire de cette image des voyants. Et savoir que j’ai peut-être moi aussi ce… ce don de prémonition, c’est… difficile.

- Papa, intervint alors doucement Razputin en s’approchant, c’est pas juste le fait d’avoir ces pouvoirs qui fait de quelqu’un une bonne ou une mauvaise personne, c’est-

- Non, fils, laisse-moi finir.

L’enfant se figea au ton bourru de son père, mais se tut, écoutant attentivement tandis que le patriarche fixait à nouveau l’horizon lointain, bras serrés contre lui-même :

- Je n’arrête pas d’y repenser, et… Si jamais j’avais vraiment la capacité de voir le futur, et que je pouvais rien n’y changer ? Que je voyais les malheurs arriver sans pouvoir les éviter ? Et si un jour, je voyais quelque chose arriver à un de mes enfants, et que je pouvais que regarder se produire l’inévitable ?

Raz écarquilla les yeux en comprenant ce qui tourmentait son père, qui baissait un regard sombre vers le sol en crispant encore plus les mains autour de lui :

- Je n’ose déjà pas imaginer qu’il vous arrive quoi que ce soit, alors si jamais un jour je prédisait un malheur et qu…

- Papa…

Augustus s’était arrêté à la voix triste mais chaleureuse de son fils, lequel venait de se rapprocher pour poser sa main sur son épaule ; l’adulte saisit aussitôt la paume de l’enfant par réflexe, la serrant dans la sienne tandis que Razputin regardait son père d’un regard peiné mais rassurant. Les deux Aquato se regardèrent un moment dans le calme silence de la forêt, pas même troublé par des paroles réelles ou mentales ; puis le patriarche lâcha la main de son enfant pour la poser après une hésitation sur sa joue, ses yeux aimants voilés d’une peur non-dite tandis que son fils cadet acceptait le geste en fermant un instant les paupières, ses doigts libres se resserrant gentiment sur la paume caressant son visage. Puis Raz rouvrit ses iris verts attristés mais résolus dans ceux inquiets de son père, et serra brièvement sa main sur son épaule avec détermination :

- On va découvrir ce qui se passe, prémonition ou pas ; et quoi qu’il arrive, je te promets d’être toujours, toujours très prudent quand je fais mes missions ; et même en dehors. Juré.

Augustus le contempla encore un instant, son regard violet semblant teinté d’une incertitude persistante. Puis il ferma les yeux en un soupir, et passa sa main sur la tête casquée de son fils avec un sourire tendre, répondant un peu amusé :

- Je te fais confiance, Razputin ; nous autres acrobates vivons un métier à risques, après tout.

L’enfant lui sourit encore, puis d’un simple hochement de tête l’encouragea à reprendre leur route vers le Mégalobe ; l’adulte passa devant, s’engageant dans le tunnel désaffecté tandis que son garçon restait un instant en arrière, comme réfléchissant à leur conversation.

Du moins, le faisait-il probablement jusqu’à ce qu’une pomme de pin ne s’écrase violemment contre sa tête.

- AOW !

Cherchant rageusement l’origine de l’attaque dans les arbres alentours en massant sa tête douloureuse, Raz allait appeler l’assaillant quand une voix bien connue retentit dans sa tête :

Ça, c’est pour avoir rendu Papa triste, Pooter.

Ledit "Pooter" s’apprêtait à protester qu’il l’avait pas fait exprès, avant de se retenir et se contenter de jeter un regard noir aux alentours, espérant que sa grande sœur le reçoive et lui fiche la paix avant de se retourner pour rejoindre son père dans la vieille mine.

Il espérait juste que la journée ne soit pas aussi longue ou dangereuse qu’elle semblait aller l’être.

Balançant ses jambes dans le vide depuis sa chaise, Raz contempla distraitement les consoles clignotantes du laboratoire tandis que Sasha notait ses dernières observations sur le calepin, avant de se retourner vers lui :

- Razputin, tu as évoqué un combat, une explosion colorée et une étrange machine, n’est-ce pas ? Peux-tu me donner des précisions ?

- Et bien… c’est assez compliqué, je sais que j’ai vu ça mais… c’était très flou ? Surtout l’explosion en fait, je suis pas 100 % sûr que c’en était vraiment une avec toutes ces couleurs dans tout les sens… hésita le garçon d'un geste indécis.

- Bien… Et la machine ? Peux-tu me la décrire ?

Le garçon se tint le menton une seconde, regard pensif :

- …Je me souviens qu’elle m’avait parue énorme, genre… peut-être jusqu’au plafond ici ! et ça ressemblait à une vieille console d'ordinateur, mais sans vraiment d’écrans et y’avait des cadrans, je crois… Ah ! et ça émettait des étincelles, ou était-ce des particules ?… enfin bref, elle étaient violettes et brillantes !

- …Voyais-tu où se situais la machine ? fit le scientifique après un silence presque tendu.

- Euh… pas trop ? Juste que ça ressemblais à un endroit éclairé, mais je suis pas sûr… Je suis désolé de pas pouvoir donner plus de détails, Agent Nein, s’excusa penaud le garçon en se triturant les mains.

- Non, Razputin, tu es très précis, répondit son collègue avec gentillesse malgré son habituel ton monotone. Les rêves prémonitoires sont rarement clairs ou compréhensibles, et leur nature onirique même les rend d'autant plus difficiles à mémoriser correctement.

Disant cela, l’adulte se dirigea vers une des consoles où il entra quelques commandes, tandis que le jeune agent relevait la tête, intrigué par la dernière phrase de son mentor :

- Ah ! Au fait, est-ce qu’on a pu décrypter le rêve de mon p… de papa ?

Sasha porta momentanément une main à la tempe, avant de retourner à ses ordinateurs en répondant simplement :

- L’Agent Zehoset se charge de l’interroger, mais pour l’instant il est difficile d’en déduire autre chose que ce qu’on en voit littéralement… ce qui, je ne te le cache pas, m’inquiètes assez.

Razputin se renfrogna instinctivement en comprenant de quoi parlait l’agent vétéran alors qu’il lui adressait un regard concerné, mais il se redressa bien vite et assura avec détermination :

- J’ai promis que je serai extrêmement prudent pour qu’il ne m’arrive rien ; et je compte bien faire en sorte que ce qu’a vu papa ne se produise pas !

- Ta résolution est bienvenue, Razputin, mais je préfère te prévenir ; il est déjà arrivé que les évènements que l’on voulait éviter se produisent justement parce que nous avons pris une route spécifique pour ne pas les croiser, l’avertit le scientifique sans rompre leur contact visuel. Bien qu’en tant qu’homme de science, je sois assez peu intéressé par les résultats beaucoup trop aléatoires des prédictions et autres rêves prémonitoires.

L’agent junior grimaça à la première remarque de son mentor, priant intérieurement pour qu’il ait tort juste cette fois, tandis que ce dernier consultait des résultats apparut à l’écran de sa console en fronçant les sourcils. Un peu intrigué par ces derniers, le jeune psychonaute sauta de sa chaise et s’approcha, essayant de comprendre ce qui était affiché ; mais tandis qu’il faisait cela, l’agent Nein se redressa une main à la tempe, puis eut comme un sursaut et tourna rapidement les talons vers la sortie, laissant l’écran s’éteindre et Raz sur place :

- Qu-! Sasha, qu’est-ce qui se passe ?

- Nous avons une activité suspecte dans le secteur de l’Agent Iggrek, je dois immédiatement le rejoindre pour l’épauler ; l’Agent Forsythe va te contacter pour effectuer une patrouille avec un autre agent, répondit pressement l’agent vétéran en ralentissant à peine aux portes de son laboratoire.

Sasha prit néanmoins la peine de s'arrêter pour se tourner vers son protégé, lui adressant malgré ses verres opaques un regard aussi sérieux que concerné :

- Razputin, quoi que tu fasses, soit extrêmement prudent.

L’enfant se figea un instant en se rappelant pourquoi son mentor lui disait une telle chose, mais hocha résolument la tête, et cela suffit apparemment à l’adulte qui eut un imperceptible sourire rassuré en retour avant de quitter les lieux, laissant le jeune agent occupé à se demander ce qui avait pu se passer dans la zone de l’Agent Iggrek, et surtout si l’agent spécialisé en précognition avait pu comprendre les rêves inquiétants de son père.

Les quelques agents déjà présents à l’Atrium en cette redondante matinée haussèrent un sourcil au son d'une sorte de brimbalement dans des conduits, mais n’y prêtèrent pas plus attention au vu des énièmes choses étranges que comportait déjà leur quotidien.

Enfin, jusqu’à ce qu’un début de cri lointain ne se rapproche, avant que la trappe de l’Otto-Route ne s’ouvre brutalement et que deux silhouettes indiscernables n’en jaillissent à toute vitesse en même temps que le cri s’arrêtant net. La première et plus grande des deux gesticula à peine un instant avant de se rétablir en l’air et d’atterrir avec grâce, puis se redressa subitement en regardant partout comme cherchant quelque chose jusqu’à ce qu’un nouveau cri ne se fasse entendre au plafond :

- Woah, woah, WOAAAH-AH-AAAAh !

La deuxième silhouette (beaucoup plus petite mais très similaire à l’autre) qui avait été envoyée haut dans les airs s’agita quant à elle complètement en panique lorsque la gravité revint faire effet sur lui, et aurait continué à gesticuler ainsi en inélégance parfaite si son camarade ne l’avait rappelé à lui d’un "Razputin ! Le retourné !" en se positionnant juste en dessous, mains dressées vers lui ; comme retrouvant soudain sa maîtrise de mouvements, la mini-figure cessa ses pitreries et se rétablit d’un double salto, pile à temps pour se réceptionner main à main sur les bras tendus de son père en un magnifique poirier.

Les deux acrobates restèrent un instant ainsi, comme pour laisser les gens profiter du spectacle (ou peut-être bien s’assurer qu’ils n’allaient pas se casser la figure deux secondes après), avant qu’Augustus ne donne une légère impulsion à Razputin qui sauta de son perchoir et se rétablit au sol en un parfait saut périlleux arrière juste aux pieds de son père, bras tendus pour clôturer le numéro.

Un silence interloqué (et peut-être un peu gêné) répondit à cette impromptue performance des deux Aquato qui restaient immobiles dans leur posture de spectacle, avant qu’un unique et solitaire tapotement ne brise le mutisme persistant de l’Atrium ; Raz abandonna enfin sa position un peu raidie pour se tourner vers Lizzie près de l’exposition historique, un sourire sincèrement admiratif sur son visage alors qu’elle continuait d’applaudir en dépit du manque d’enthousiasme alentour. L’agent Aquato sentir son père derrière lui faire la révérence comme après chaque numéro et adressa un geste et sourire de remerciement gêné à la cryokinésiste junior, souhaitant au fond de lui que personne ne le réprimanderai pour cette démonstration acrobatique improvisée :

- Merci, mesdames et messieurs ! Si vous souhaitez en voir davantage, venez au cirque Aquato ! clama à la ronde Augustus avec un grand sourire, ignorant les regards perplexes. Acrobaties, sauts périlleux et de tout nouveaux numéros aquatiques vous y attendent !

Raz ne put s’empêcher de grimacer autant devant le fait qu’ils étaient arrivés en quasi-catastrophe en plein milieu du quartier général des Psychonautes que devant l’enthousiasme de son père à faire la réclame de leur cirque familial, et le tira un peu prestement vers le couloir des agents tandis que son parent poursuivait sa déclaration :

- Rendez-vous au parking de la Zone Aberrante pour plus de frissons à l’Aquatodôme ! fit-il en saluant les agents qui semblaient l’ignorer.

- OK papa, faut y aller !

- Oh, fils, ne sois pas embarrassé, tu étais parfait ! Même si un peu désynchronisé, mais ça se comprend avec ce petit incident dans ces "hôte-aux-routes" ; d’ailleurs, rappelle-moi de te demander comment ça fonctionne avant que je manque de t’écraser la prochaine fois…

- Ça s’appelle l’Otto-Route papa, et on était censés la prendre l’un après l’autre, pas en même temps, et puis on est pas venu pour présenter notre spectacle !

- Oh, Razputin, tu sais que nous recherchons toujours de nouveaux publics ! D’autant plus que notre cirque mérite à nouveau son nom !

- Oui et c’est super, mais on doit aller voir les agents pour essayer de comprendre ces rêves qu’on a fait !

Razputin sentit alors la main de son père se serrer un peu brutalement et ce dernier ralentir, et il tourna la tête pour le voir fixant le vide d’un air sombre ; sentant qu’il avait fait une gaffe, l’enfant s’arrêta, laissant l’adulte prendre le pas lui-même en silence.

- …Je sais que nous sommes là pour ça, mais j’essayai de ne pas trop y penser.

Son fils savait déjà ce qu'il voulait, et serra juste sa main en réconfort.

Alors qu’ils allaient entrer dans le couloir des agents, une voix monotone familière s’éleva derrière eux, en provenance de l’accès au Nerf Central :

- Ah, Razputin, je te cherchais justement.

Les deux Aquato se tournèrent vers Sasha qui approchait, une de ses sempiternelles cigarettes entre les doigts, et saluèrent l’agent tandis qu’il les rejoignait :

- J’ai pu demander à Forsythe de me libérer pour la matinée, nous pouvons nous occuper de ton urgence en toute tranquillité.

- Euh, j’ai pas appelé pour vous signaler une urgence ? Même si y’a effectivement quelque chose à régler au plus vite, fit perplexe le jeune agent en fronçant un sourcil pensif.

- …Et bien, en effet, mais j’ai eu comme une intuition que tu nécessiterais mon aide impérative, alors me voilà. D’ailleurs, remarqua-t-il en tirant pensivement une bouffée de sa cigarette, il y a comme une recrudescence de pressentiments ces temps-ci, je me demande si quelque chose les provoquent…

Augustus se raidit à la mention de "pressentiment", tandis que Raz notait son inquiétude et se tournait vers son mentor :

- Euh justement, on est là pour une suspicion de rêves prémonitoires, c’est un peu préoccupant…

- Oh. Entendu, je contacte notre spécialiste, fit sans perdre un instant l’agent Nein en posant une main sur sa tempe. Venez avec moi à mon laboratoire ; nous y attendrons l’agent Iggrek, et je vais commencer le décryptage comparatif de ton rêve le temps qu’il arrive, Razputin.

- Euh, vous allez faire un examen de mon cerveau ? demanda Augustus avec tracas.

- Nous pourrions avoir besoin d'utiliser le Tour Mental ou d’autres appareils de sondage de l’esprit, Mr Aquato, mais ce sera seulement si nous ne trouvons rien d’assez concluant après l’entretien préliminaire du rêve ; et uniquement si vous y consentez, bien entendu, répondit sobrement le scientifique avec une pointe de sympathie.

Le patriarche hocha la tête cordialement, visiblement déjà un peu plus rassuré, et l’agent Nein les dépassa pour rejoindre son bureau en leur faisant signe de le suivre. Augustus s’arrêta un instant pour regarder son fils, un voile d’inquiétude dans ses yeux aimants, et Raz le regarda en retour avant de serrer à nouveau sa main en un sourire encourageant.

Sasha va trouver une explication à ce qu’on a vu, t’inquiètes pas ! fit l’enfant en tirant doucement sur le bras de son parent pour l’inciter à rejoindre Sasha Nein.

…Je n’en doute pas un instant, Razputin, répondit l’adulte avec un sourire enfin rassuré.

- …Et donc, ton rêve se terminait par une explosion de Tir Psy, c’est ça ?

- Euh, non, c’était pas clair, objecta Raz en secouant la tête d’un air pensif, je sais que j’ai vu quelque chose exploser, et un combat avec des Tirs Psys, mais pas si les deux étaient liés ? C’est plutôt flou.

L’agent Nein hocha la tête, entrant dans la console les notes de son calepin tenu par télékinésie, avant de reporter son attention vers le jeune agent :

- Il y a-t-il quelque chose qui te semble extrêmement clair, comparé au reste ?

- Hmmm… fit le garçon une main au menton, ah oui ! Il y avait une machine !

- Une machine ?

- Oui, énorme, un peu comme un très vieil ordinateur, avec des cadrans et des boutons… je sais pas trop ce que ça indiquait, par contre, c’était des trucs un peu génériques ; ah oui ! je me souviens qu’elle émettait des éclats violets et brillants, peut-être plutôt des particules en fait, c'était trop rapide pour voir. Je crois qu’elle faisait vraiment beaucoup de bruit, par contre.

Sasha continua d’écrire ce que lui disait son protégé tout en entrant des commandes dans l'appareil, avant de s’arrêter un instant comme réalisant quelque chose et de se tourner à nouveau vers le garçon :

- Razputin… Est-ce que ce ces "particules" violettes pourraient être similaires au gaz émit par du psitanium enterré ?

L’enfant fronça les sourcils et fixa le vide un instant, avant d’ouvrir des yeux abasourdis en s’écriant :

- Oui ! C’était exactement ça, la machine émettait du psitanium !

- Voyais-tu où la machine se situait ? reprit l’agent Nein avec un empressement bien peu habituel.

- Euh… non, répondit penaud le garçon en baissant à nouveau le regard. Je me rappelle juste les émanations de psitanium, et la lumière du soleil qui tombait sur la machine…

Raz prit conscience de ses paroles en même temps que Sasha ne réalise quelque chose de crucial, et alors que l’agent junior finissait de comprendre cette information l’adulte entra quelques mots dans la console, avant de se retourner vers son protégé, un air entre l’horrifié et le stupéfait perceptible derrière ses éternels verres opaques :

- Razputin, je crains que nous n’ayons une très probable brèche de sécurité au laboratoire de l’agent Mentallis.

- Quoi ?

- Nous ne pouvons pas encore tirer de conclusion hâtive, mais ce que tu décris ressemble énormément à une des dernières créations de Mentallis ; et bien que nous ne savons pas quand les évènements de ton rêve prennent place, il vaudrait mieux que nous allions nous assurer que la machine soit en sécurité au plus vite.

L’agent junior hocha vivement la tête et sauta de son siège, laissant son mentor éteindre ses appareils avant de quitter son laboratoire, et le suivit tandis qu’ils quittaient les lieux ; mais Razputin s’arrêta aussi vite, réfléchissant un instant avant de demander :

- Et pour mon père ?

Sans un mot, l’agent Nein porta une main à la tempe sans pour autant s’arrêter totalement, et répondit après un court moment de télépathie :

- L’agent Zehoset a un peu avancé dans l’analyse du rêve d’Augustus, mais il y a encore beaucoup de zones d’ombres – ce qui est assez naturel dans les cas de précognition. La possibilité d’un simple cauchemar n’est cependant plus envisageable au vu de vos songes extrêmement similaires, nota le scientifique en marquant une légère pause dans sa marche. Il va garder ton père en entretien le temps d’éclaircir quelques détails.

L’enfant hocha la tête, son estomac se serrant néanmoins en apprenant que ce qu’il avait vu cette nuit risquait fortement de se produire ; quand, on ne le savait pas encore, mais il restait à espérer que ça ne soit pas juste des évènements gravés dans le marbre.

- Razputin, fit alors Sasha en se tournant vers lui d’un ton des plus sérieux, tant que nous ne savons pas avec plus d’exactitude en quoi consistaient ces rêves, reste avec moi et soit extrêmement prudent. Je ne peux pas me permettre de perdre un de mes plus brillants collègues.

Raz écarquilla les yeux à cette phrase, comprenant exactement pour quelle raison l’agent Nein lui confiait soudain cela, et opina sombrement du chef en ravalant la boule qui se formait dans sa gorge. Le psychonaute vétéran accepta cette réponse d’un hochement de tête en retour, et reprit sa marche d’un pas rapide, le jeune agent sur ses talons.

Alors qu’ils prenaient l'Otto-Route du laboratoire pour rejoindre leur destination au plus vite, l’agent Aquato ne put s’empêcher de se demander si la sensation qui nouait encore plus son ventre à cet instant était l’inquiétude générale causée par la situation, ou une autre sensation d’appréhension, psychique et beaucoup plus préoccupante.

Razputin et Sasha arrivèrent en trombe dans l’atelier d’Otto Mentallis depuis la trappe juste à côté de l’Encéphalographe, jetant à l’arrivée des coups d’œil inquiets aux alentours du laboratoire.

Personne.

Je vais fouiller le laboratoire, déclara mentalement l’agent Nein une main à la tempe, agent Aquato, reste près de l’Encéphalographe au cas où quelqu’un essayerait d’entrer.

Bien reçu, agent Nein.

Sautant sur la plateforme menant au panthéon de cerveaux, le psychonaute junior regarda de tout côtés pour s’assurer que personne n’ait déjà pénétré l’enceinte du laboratoire, ses sens psychiques en éveil à la recherche de la moindre alerte. Il ne perçut rien dans le fourmillement de la salle des archives cérébrales, signe qu’aucune présence non désirée ne s’était introduite ici. Se retournant vers le reste du laboratoire, le jeune agent suivit du regard son collègue vétéran avancer lentement vers le bureau et le patio nouvellement construit en posture de combat, prêt à réagir à la moindre menace.

Mais aucun individu ni phénomène ne s’attaqua au scientifique qui atteignit le comptoir et ses inventions. Ce dernier relâcha quelque peu sa posture, restant néanmoins sur ses gardes comme l’en attestait sa main restée à sa tempe et son regard scrutant toujours la pièce. Razputin songea à rester en position de garde à l’Encéphalographe, mais une espèce d’impulsion le poussait à s’avancer vers son camarade au bureau, sans qu’il ne comprenne réellement pourquoi ; intrigué autant par cette impression que par l’absence de toute anomalie en dépit des précédentes découvertes de l’agent Nein, le psychonaute junior hésita à le rejoindre, avant de décider de faire un pas prudent dans sa direction, main levée et l’autre sur sa tempe en envoyant un message rapide au scientifique :

Rien de mon côté, agent Nein ; la voie est dégagé pour vous ?

Il semble, répondit l’adulte d’un ton soupçonneux, mais avance prudemment, j’ai une étrange sensation que quelque chose cloche…

Entendre Nein se fier sur une impression plutôt qu’une perception indiqua à l’enfant que quelque chose n’était clairement pas net, et il s’avança alors très précautionneusement vers son mentor, yeux et sens psychiques scrutant tous les côtés de l’endroit tandis qu’il quittait lentement l’enceinte de l’Encéphalographe…

Et perçut dans le lointain sur sa gauche le caractéristique bruit d’un Tir Psy chargé.

L’enfant darda immédiatement son regard vers le bruit, juste à temps pour voir un éclair écarlate envahir sa vision ; par un réflexe presque miraculeux, Razputin invoqua de justesse un bouclier psy orange vif, se protégeant du tir visant sa tête. Un bref soulagement prit le garçon en sentant le projectile rebondir sur sa protection psychique, avant qu’un cri familier sur sa droite ne le fasse se retourner vers Sasha venant d’être frappé par le ricochet.

- Agent Nein ! cria le jeune psychonaute en révoquant son Bouclier par réflexe.

Il se serait précipité vers l’adulte trébuchant en arrière une main à la tête si un autre projectile n’avait pas fusé sur lui, l’obligeant à se baisser puis à esquiver pour échapper aux assauts de l’ennemi retranché dans un recoin du laboratoire. Sautant de côté pendant une salve, il aperçut la silhouette de l’attaquant et parvint à lui envoyer un Tir Psy en plein salto ; mais le tir manqua sa cible de quelque peu, et l’individu se retourna vers lui en un violent geste de préhension. Deux mains rouges et psychiques apparurent en réponse, leurs doigts menaçants brandis vers l’enfant pour l’attraper ; le garçon se plaqua au sol pour les éviter, avant de se laisser glisser de l’escalier de l’Encéphalographe pour faire face à l’intrus.

Mais quand il se redressa, une main à la tempe et l’autre tendue devant lui, ce fut pour ne retrouver que du vide à l’endroit où se tenait l’homme. Pris de surprise, l’agent Aquato regarda de tout côtés, ne comprenant pas où il avait pu passer dans le bref laps de temps de sa chute.

À ta gauche !

Réagissant à la soudaine voix mentale de Sasha, le psychonaute junior se tourna d’un bloc dans cette direction, pile à temps pour voir un magnifique poing rougeoyant foncer dans sa figure ; le coup lui rentra en pleine mâchoire et le projeta un peu en arrière, désorienté. Se redressant en massant sa joue douloureuse, le garçon vit un Tir Psy bleuté (cadeau de l’agent Nein) fuser sur l’intrus réapparut qui se baissa pour l’éviter, laissant le tir frapper la base de l’Encéphalographe juste derrière. Juste après, la silhouette de l’intrus s’effaça rapidement, non sans avoir répliqué d’un projectile écarlate en direction du scientifique l’ayant attaqué.

- Il connaît l’Invisibilité ! s’écria le jeune agent en comprenant comment l’individu avait ainsi pu le prendre en traître.

Se relevant d’une traite, l’ancien acrobate abaissa ses précieuses lunettes sur ses yeux ; ce n’était pas parfait, mais les verres étaient traités pour distinguer les éléments émettant de l’énergie psychique, entre autres les cristaux de psitanium, les animaux ou plantes influencés par les quartz psychiques, et dans ce cas de figure les personnes utilisant leurs pouvoirs psy. Regardant de tout les côtés en gardant une main à la tempe, le psychonaute junior chercha l’individu s’étant camouflé dans le décor, attentif au moindre détail indiquant sa présence ou sa possible reprise d’assaut.

Soudain une vague silhouette humaine se déplaçant près de l’escalier en direction du comptoir central se détacha légèrement dans son champ de vision rendu écarlate par les verres spéciaux, et Raz pointa immédiatement vers elle en invoquant une poigne télékinétique :

- Là !

L’intrus évita sa tentative de préhension, ainsi que le tir de l’agent Nein qui suivit juste après, et tandis que sa couverture psychique se dissipait il envoya un poing éthéré droit sur l’adulte. Sasha esquiva de justesse en reculant, mais son pied rencontra quelque chose et il trébucha en arrière, se rattrapant de peu au comptoir ; cependant, il atterrit sur une des inventions de Mentallis qui plia immédiatement sa pince menaçante vers lui tel un poing colérique, et le scientifique se retrouva aux prises avec elle sans pouvoir empêcher la fuite de l’individu vers le patio.

Razputin se précipita sur lui pour l’arrêter, envoyant une paume psychique pour l’attraper par la jambe ; l’homme tomba et se rattrapa sur les mains, avant de se retourner pour lancer un regard noir au garçon et une véritable rafale de tirs rendus carmins par les lunettes de l’agent Aquato. Mais ce n’était pas véritablement des projectiles Psy qui fusèrent sur l’enfant, plutôt un étrange ensemble de lumières et formes étranges, très semblables aux bribes d’imagination des mondes mentaux. Les bribes assaillirent la vision de l’agent telles des mouches inexistantes, et il ne put empêcher sa concentration de se relâcher face à ces multitudes de lucioles faussement écarlates. L’intrus profita de ce moment de confusion pour dégager sa jambe et envoyer un double Tir Psy sur le garçon.

Trop occupé à ignorer de son mieux les formes intangibles envahissant sa vue, l’enfant ne vit pas les projectiles fusant droit sur lui, réalisant leur présence bien trop tard pour faire une esquive d’urgence ; Razputin leva les bras, se préparant à l’impact…

- NE TOUCHEZ PAS À MON FILS !

Quand un autre Tir Psy rencontra soudain le double projectile avant qu’il n’atteigne le garçon, annulant leur course en une légère explosion qui le fit tituber en arrière ; quelque chose le rattrapa avant qu’il ne tombe, et Raz tourna rapidement la tête vers l'arrière et la voix familière pour voir la silhouette de son père juste devant la porte, entouré d'une bonne dizaine d'autres agents et soutenant son fils d'une énergie (et non une main) télékinétique.

Augustus, le regard furieux et une main à la tempe, leva l’autre en direction de l’individu toujours à terre ; et à sa commande, une masse psychique entoura l’inconnu et le fit glisser au sol un peu plus loin, l’énergie autour de lui scintillant avec colère en vacillant d’une teinte instable à une autre sans pouvoir maintenir sa couleur orangée caractéristique. Ignorant un instant l’individu qui s’en était pris à son enfant, l’acrobate sauta par dessus le comptoir et se précipita vers son fils, posant une main dans son dos tandis qu’il semblait chasser des moustiques invisibles lui volant dans la figure.

- Tu vas bien Razputin ?

- Oui, un peu déboussolé…

Enfin débarrassé des bidules qui agaçaient sa vision, Raz put la tourner vers le reste des psychonautes déboulant dans le laboratoire : à leur tête était la seconde en chef Forsythe, suivie de près par Otto Mentallis et le coach, ainsi que Milla qui avec un autre agent était passée derrière le comptoir pour aider Sasha à se sortir de l’encombrante machine et sa pince géante ; derrière les psychonautes vétérans arrivaient en plus d’autres collègues qu’il ne reconnu pas l’agent Zehoset et Norma, à la grande surprise de Raz.

Mais il n’eut pas plus le temps de s’étonner ni de leur présence ni de comment ils étaient venus aussi vite que l’individu se redressa une main à la tempe et envoya une double volée de Tirs Psys sur le groupe avant de littéralement s’effacer. Les deux Aquato roulèrent hors de portée des coups qui ricochèrent sur les meubles derrière, et le psychonaute junior cria aux autres en voyant l’individu disparaître :

- Attention il connaît la Télékinésie, le Poing Psy et l’Invisibilité !

- Ne vous en faites pas, j’ai exactement ce qu'il faut pour ça ! s’écria alors l’agent Mentallis en tirant quelque chose des étagères.

Il brandit ce qui ressemblait à un sèche-cheveux avec un petit écran sur le moteur, et tourna une molette de l’appareil qui commença à émettre des ondes circulaires violettes depuis l’embout du ventilateur tandis qu’il le balayait à travers la pièce :

- Nous allons vite savoir où cet individu se cache avec ce-

Un carton jeté par une main invisible frappa l’étrange détecteur d’Otto et le fit valser de ses mains avant qu'il atterrisse violemment par terre en perdant son écran sous le choc, et finit par émettre une petite explosion en crachotant des particules de psitanium. Un bref silence se fit, avant que l’ingénieur ne marmonne en haussant les épaules :

- De toute façon, je n’avais pas encore procédé aux tests.

Razputin retint sa déception de rater l’une des inventions du Psy-7 en œuvre et se tourna vers le reste du laboratoire tandis que Hollis ordonnait à ses hommes de rester vigilants pour retrouver l’individu ; son camouflage invisible ne durerait pas éternellement, après tout. L’agent Aquato scruta à nouveau tout mouvement suspect à travers ses verres spéciaux, prêt à réagir à une attaque surprise ; soudain une nouvelle silhouette se détacha parmi le décor de l’atelier, et le psychonaute junior pointa vers elle en armant un Tir Psy :

- Là ! Près du ventilateur !

Son père fut le premier à réagir et envoya un projectile mental orangé dans sa direction, apparemment évité de justesse par l’intrus au vu des cartons qui valsèrent sous une présence invisible et du Tir Psy d’Augustus qui explosa sur une étagère en faisant dégringoler son contenu au sol. Tandis que l’agent Mentallis poussait une exclamation légèrement outrée à cette tournure d’évènement à laquelle l’acrobate s’excusait pressement, Raz tira sa propre charge psychique sur l’individu, bien plus précisément que son père grâce à sa vision plus claire ; l’homme s’étala au sol en réapparaissant, touché dans le dos, et aussitôt les psychonautes se précipitèrent pour l’appréhender.

Mais rapide comme l’éclair, l’homme se retourna et plaça ses deux mains sur ses tempes, jetant un regard luisant de rouge à ses poursuivants ; et aussitôt des arabesques et lueurs fluo en tout genre jaillirent autour de lui et fusèrent sur les agents qui immédiatement se débattirent comme aux prises avec un million de moustiques psychiques.

- Une Grenade Confusion ! hurla dépitée Norma en essayant vainement de brûler ce qui lui tournait autour.

- Non, protesta Hollis en essayant d’ignorer les choses la titillant, c’est plutôt-!

À l’écart du groupe d’agents, Razputin et son père étaient restés hors de la zone prise d’assaut par les bribes de l’intrus, et donc libres d’agir ; l’homme les remarqua aussitôt et balança violemment une volée d’objets sur eux, que l’agent Aquato parvint à arrêter en vol. Mais cette diversion permit à l’individu de s’effacer à nouveau, bien que les lunettes du jeune psychonaute lui permirent de le repérer essayant de s’enfuir dans l’autre sens ; sans hésiter il lança une main télékinétique pour l’attraper, mais rata sa cible. L’homme se retourna dans sa direction et réapparut le temps d’envoyer une véritable volée de Tirs Psys sur les Aquato ; réagissant au quart de tour, Razputin érigea un bouclier orange autour de lui et de son père, les protégeant des attaques ; mais celles-ci se mirent à ricocher follement dans tout le laboratoire et sur la machine du patio, rejointes par celles bleutées et magenta des agents Nein et Vodello qui étaient parvenus à se défaire suffisamment de leurs bribes pour aider père et fils dans leur assaut.

Pris entre deux feux, agents autant que intrus invisible se retrouvèrent à essayer d’esquiver les projectiles psychiques ou au moins s’en protéger ; Raz fut forcé de maintenir son Bouclier Psy de crainte d’être touché par un des tirs rebondissant au hasard, sentant à chaque balle mentale s’y cognant la barrière s’affaiblir en plus de recevoir un léger mal de crâne pour la peine. L’inconnu qui avait apparemment évité de se faire toucher jusque là se trouva désarçonné par un tir en fin de course qui le fit réapparaître non loin du patio vitré, juste quand la protection de l’agent Aquato finissait de disparaître, faute de pouvoir être maintenue ; Raz soupira de fatigue en sentant la sueur perler dans sa nuque sous l’effort, mais ne remarqua pas le dernier projectile ricocher au plafond en une trajectoire quasi-verticale ; le tir s’écrasa pile entre lui et son père, le projetant au sol sous l’impact.

Encore sonné par la fatigue et le choc, le garçon se releva difficilement en essayant de reprendre ses esprits, avant que quelque chose ne le soulève brusquement dans les airs par la jambe. Poussant un cri de surprise, il se retrouva tête en bas à fixer son parent et le groupe de psychonautes, tentant maladroitement de se redresser dans la prise télékinétique de l’intrus l’ayant attrapé.

- Très bien tout le monde, fit ce dernier en le brandissant comme une menace, un seul bouge et je zappe le gam-

- NE TOUCHEZ PAS À MON FILS !

La voix grave et furibonde d’Augustus résonna puissamment dans tout le laboratoire, alors que tous se figeaient à cet ordre enragé du père ; Raz croisa son regard, et n’eut pas besoin de plus pour savoir que l’intrus allait regretter de l’avoir attrapé : la colère bouillait dans les iris luisant à l'air furieux de son papa, aussi fort que les rares fois où il l’avait vu réellement dans une colère noire.

Et en un clin d’œil, les yeux améthyste de son papa devinrent entièrement d’un jaune orangé brillant, ses pupilles à peine visibles derrière leur lueur déchaînée, et un puissant projectile d’une teinte à peine plus foncée jaillit de son front, droit sur l’inconnu.

Par automatisme, Razputin tira sur ses abdominaux pour se redresser et eut juste le temps de voir la main écarlate agrippant sa jambe emprisonnée avant qu’elle ne s’évapore au moment où le Tir Psy de son père entra en contact avec sa cible, le laissant retomber au sol. L’enfant atterrit sur le dos sans trop de dommages, pile quand un énorme bruit de verre brisé retentissait dans l’atelier. Se relevant, il constata que l’intrus avait été projeté dans la baie du patio et contre la machine bizarre qui s’agitait bizarrement après les tirs involontaires dessus et le choc du corps de l’homme qui se redressait comme il pouvait, sa main agrippant le tableau de bord et ses commandes pour s’aider.

- Razputin, tu vas bien ? fit Augustus derrière son fils.

Le garçon n’eut pas le temps de répondre que l’individu se retourna vers eux violemment en un grand geste de balayage, envoyant des mains rougeoyantes sur le groupe qui se dispersa pour éviter l’attaque : Raz roula sur le côté pour esquiver, se retrouvant face à la machine et face à l’homme qui se tourna vers lui une main levée, semblant décider de faire de lui sa prochaine cible.

L’Agent Aquato leva lui aussi la main vers lui, prêt à riposter à l’attaque qui suivrait bientôt ; l’énergie psychique et l’adrénaline traversèrent ensemble ses veines comme chacune des fois précédentes ; il sentit la familière sensation saisir ses tempes, ses iris malachite rivés sur sa cible alors que la fumée psitanique se faisaient de plus en plus opaque, les vrombissements surchauffés de plus en plus violents, l’odeur de brûlé de plus en plus intense ; ses muscles se tendirent à l’extrême, et-!

Le temps sembla s’arrêter dans l’esprit de Raz.

Comme dans un rêve, il revit se juxtaposer des images colorés de mêmes scènes les unes sur les autres, telle une superposition de filtres qui s’assembleraient ensemble devant sa vision en dépit de leur teinte du rouge de ses lunettes chéries ; une puissante sensation familière saisit tout le corps du jeune garçon, semblable à la puissante vague psychique qui se concentrait en lui à cet instant précis.

À cet instant précis, il sentit que quelque chose allait se passer ; quelque chose d’important, peut-être de grave. À cet instant précis, il se crut au centre d’une convergence d’énergies si fortes qu’elles résonnaient presque dans son crâne et cerveau de psychique. À cet instant précis, il sut qu’il était à un point décisif, sans savoir en quoi ni quel il était ; mais un point où tout se qui se jouerait ensuite serait déterminé par une seule chose.

Une seule décision, en cet instant précis.

En cet instant précis, Razputin hésita.

L’homme leva un peu plus la main vers lui, son Tir Psy écarlate complètement concentré à présent à sa tempe.

Razputin hésita, puis tendit enfin un peu plus la main, genoux fléchis en posture défensive et invoquant décidé son pouvoir aux teintes de couchant, et-

Une détonation infernale envahit complètement sa vision dans un nuage et vacarme d’enfer.